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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3092/2024

ATA/529/2025 du 13.05.2025 ( LIPAD ) , REJETE

Recours TF déposé le 18.06.2025, 1C_343/2025
Descripteurs : ARCHIVES;CONSULTATION DU DOSSIER;JUGE DE PAIX;ACTION EN NULLITÉ(DROIT DES SUCCESSIONS);EXÉCUTEUR TESTAMENTAIRE;NOTAIRE
Normes : LArch.12.al3; LArch.12.al4; LArch.12.al5; RADPJ.2; RADPJ.15.al1.leta; CEDH.8; CEDH.10; Cst.29.al2; Cst; CC.519
Résumé : L’accès aux documents de procédures judiciaires archivées est soumis à un délai de protection général de 25 ans à compter de la clôture du dossier et, en cas de données personnelles sensibles ou des profils de la personnalité, cumulativement à un délai de 100 ans aux conditions de l’art. 12 al. 4 LArch. La consultation peut être autorisée avant l’écoulement des délais de protection au terme d’une pesée des intérêts publics et privés touchés. Refus de la consultation en l’espèce, le délai de 100 ans n’étant pas échu et les recourants n’ayant pas démontré d’intérêt prépondérant à consulter le dossier de la justice de paix, en particulier l’original des dispositions pour cause de mort d’une parente.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3092/2024-LIPAD ATA/529/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 13 mai 2025

 

dans la cause

 

A______ et B______ recourants

contre

COMMISSION DE GESTION DU POUVOIR JUDICIAIRE intimée

_________



EN FAIT

A. a. B______ est l’épouse de A______. C______ (dite C______) , née D______le ______ 1897, était, selon les époux A______ et B______, la petite-cousine de A______.

b. C______ a constitué la E______(ci-après : la fondation), dont elle a été la présidente jusqu’à son décès et Me F______, notaire à Genève, le secrétaire jusqu’en novembre 2008. Les statuts, instrumentés par Me F______, prévoyaient initialement comme but : « sauvegarder la propriété de la Fondation, sise à G______ (Genève), en la mettant à la disposition de chercheurs proposés notamment par le Fonds National Suisse de Recherches Scientifiques [recte : de la recherche scientifique], qui voudraient trouver une ambiance calme et propice à leurs travaux ». Selon les statuts déposés lors de l’inscription au registre de commerce le ______ 1982, le but de la fondation est « de mettre à la disposition de chercheurs proposés notamment par le Fonds National Suisse de Recherches Scientifiques, qui voudraient trouver une ambiance calme et propice à leurs travaux, un centre d’accueil et de travail ». Les mots biffés ou ajoutés par rapport au texte initial ont fait l’objet d’annotations à la marge de la page concernée des statuts.

c. Par testament olographe du 8 octobre 1983, C______ a institué la fondation héritière universelle de ses biens et désigné Me F______, ou à défaut son successeur, exécuteur testamentaire.

d. En février 1992, C______ a acquis une part de copropriété de trois quarts d’un immeuble à la rue H______ à Genève. Selon un extrait d’acte des 15 mai et 1er juin 1992, au cas où elle déciderait de donner ou vendre cette part à la fondation, un droit de préemption était accordé à un tiers et A______, qui possédait le quart restant, renonçait à son droit de préemption. C______ garantissait à A______ un rendement minimum du quart lui appartenant, puis elle le lui a racheté en novembre 1993, en s’engageant à lui verser 10% d’une éventuelle plus-value réalisée en cas de revente dans un délai de dix ans.

e. C______ est décédée à Genève le ______ 1996.

f. Le testament précité et plus d’une dizaine de codicilles olographes ont été déposés auprès de la Justice de paix. Un codicille du 22 octobre 1990, trouvé et déposé à la Justice de paix par A______ le 11 mars 1997, prévoyait plusieurs legs, dont « I______. bague saphir Mme J______ » et un « bracelet turquoise ». Le 18 mars 1997, la Justice de paix a notifié ce codicille à B______, sous toutes réserves, car le legs pour « Mme J______ » n’indiquait pas de prénom.

g. Le 15 mai 1998, la Justice de paix a homologué le certificat d’héritier relatif à la succession de C______.

h. Dans le cadre d’un litige avec les époux A______ et B______ à propos de la succession, le 9 juillet 1998, Me F______ leur a proposé, « à titre gracieux et sans aucun fondement légal basé sur l’existence d’un droit d’héritier », l’argenterie inventoriée par l’huissier judiciaire, en échange de la renonciation sans réserve à tous droits ou prétentions dans la succession, notamment les immeubles en Allemagne. Il ne ressort pas du dossier qu’ils auraient accepté cette proposition.

i. Dès septembre 2002, B______ a demandé à la Justice de paix de confirmer que c’était elle que le codicille du 22 octobre 1990 visait par « Mme J______ ». Dans un courrier du 2 décembre 2002, elle mentionnait comme « éléments du legs destinés à Mme J______ », un terrain d’environ 110 hectares sis à I______, des bijoux (bague saphir, bracelet turquoise) et trois malles d’argenterie conservées à la banque K______. Elle évoquait une éventuelle responsabilité dans le cadre de la surveillance des exécuteurs testamentaires, vu la découverte tardive du codicille, l’absence des bijoux dans les catalogues de vente aux enchères et la non-restitution de l’argenterie à la famille.

j. La Justice de paix a répondu qu’elle n’était pas compétente pour interpréter des dispositions pour cause de mort et que le dossier ne laissait pas apparaître de comportement inapproprié de l’exécuteur testamentaire justifiant une intervention. Elle invitait B______ à prendre conseil pour agir en justice.

B. a. Le 11 décembre 2002, B______ a demandé à la Justice de paix de lui donner connaissance du dossier complet, en vertu de la loi sur l’information du public, l’accès aux documents et la protection des données personnelles du 5 octobre 2001 (LIPAD - A 2 08).

b. Sa demande a été rejetée par courrier du 13 février 2003 puis par une décision formelle du 3 juin 2003, non contestée. B______ n’était pas héritière et la Justice de paix n’était pas compétente au sujet de sa revendication de la qualité de légataire. Le comportement de l’exécuteur testamentaire n’apparaissait pas arbitraire, manifestement inopportun, d’emblée critiquable ou inadmissible et une intervention n’était pas justifiée, l’activité des exécuteurs testamentaires ne concernant d’ailleurs pas la demande LIPAD. Le droit d’accès au dossier se rapportait à des documents aisément identifiables sur la base d’informations précises fournies par le requérant, et non à un ensemble de documents. Il résultait des interventions répétées et très motivées auprès de différentes autorités depuis des années, dont la production de 36 pièces dans le cadre d’une médiation, qu’B______ avait déjà les informations utiles pour défendre ses droits.

C. a. Le 15 décembre 2021, les époux A______ et B______ ont demandé à consulter « tous les codicilles et documents concernant Mr. A______ et son épouse, Mme B______, en rapport avec la succession de Mme C______ dite C______, décédée le ______ 1996. Éventuelle action en nullité des dispositions du défunt qui se prescrit sous 30 ans contre les défenseurs de mauvaise foi au sens de 519 et 521 al. 2 et 3 CC ».

b. En réponse à une demande de complément de la commission de gestion du pouvoir judiciaire de la République et canton de Genève (ci-après : CGPJ), les époux A______ et B______ ont affirmé agir en qualité d’amis et de parents de C______ et de représentants de nombreux membres de la famille J______ à Genève. Ils voulaient consulter les « codicilles et documents originaux manuscrits, et non pas les copies certifiées conformes », notamment « le codicille original de la rue H______ à Genève ». Ces documents pourraient démontrer la bonne ou mauvaise foi du défenseur et faire aboutir une action en nullité, vu les nombreuses irrégularités de certaines procédures, l’ampleur de la fortune, de plus de CHF 25'000'000.-, et le cumul de fonctions de Me F______. 

c. Par décision du 9 décembre 2022, la CGPJ a rejeté la demande. Les délais de protection prévus par la loi n’étant pas échus, la consultation d’informations relatives à des tiers supposait un intérêt prépondérant. Les démarches effectuées en 2002 pour obtenir une copie du dossier de la succession n’avaient pas abouti, et les époux A______ et B______ ne fournissaient aucun élément nouveau permettant d’autoriser la consultation de documents dont l’accès leur avait déjà été refusé, en particulier aucun élément démontrant que l’action en nullité pourrait aboutir.

d. Par courrier du 6 janvier 2023 et recours du 16 janvier 2023, les époux A______ et B______ ont contesté cette décision devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) et repris leur conclusion tendant à la consultation des codicilles et documents originaux manuscrits, « notamment, le codicille manuscrit de la rue H______à Genève, bien immobilier qu’elle nous a acheté en 1993 ». Ils se prévalaient de leur lien familial « en tant que J______ » et plus proches parents de la défunte et des doutes sur la fiabilité des actes de Me F______. Le notaire avait biffé les buts réels de la fondation sans respecter la forme authentique et contre la volonté des fondateurs de sauvegarder la propriété à G______ et d’éviter son morcellement, alors que C______ avait constitué la fondation dans ce but et insisté, dans un acte du 14 mars 1984, que le « comité » ne pouvait pas changer les statuts et ses directives. Elle avait prévu de changer son testament et le notaire avait aussi omis de déposer à la Justice de paix un codicille du 12 septembre 1994 qu’elle lui avait remis.

e. La CGPJ a conclu au rejet du recours. La décision du 3 juin 2003 refusant l’accès au dossier n’avait pas fait l’objet d’un recours. La demande était peu précise, en particulier concernant le codicille original de la rue H______, ce qui ne permettait pas de trouver le document correspondant. La demande s’étendait ainsi aux testaments et avenants originaux contenus dans le dossier de la succession, qui était toujours soumis aux délais de protection prévus par la loi et ne pouvait être consulté par des tiers qu’au terme d’une pesée des intérêts en présence. Les époux A______ et B______ n’étaient pas héritiers et le lien de famille allégué ne donnait pas le droit d’accéder aux dispositions testamentaires. Ils n’apportaient aucun élément nouveau établissant un intérêt prépondérant à la consultation et ne démontraient ni ne rendaient vraisemblable que l’action en annulation des dispositions pour cause de mort pourrait aboutir en raison de leur contenu illicite ou immoral, ou de l’incapacité de leur auteur. Les modifications apportées aux statuts de la fondation, qui apparaissaient conformes à l’art. 1A du règlement d’exécution de la loi sur le notariat du 11 décembre 1989 (RNot - E 6 05.01), n’avaient aucun lien avec le décès de C______, survenu quinze ans après l’établissement des statuts, tout comme les documents de 1982 et 1984 qui démontreraient que les actes du notaire ne seraient pas fiables. B______ avait déjà reçu les informations utiles pour défendre ses droits, dont une copie de l’entier du codicille concerné.

f. Par courriers des 13 et 21 mars 2023, les époux A______ et B______ ont persisté. Ils demandaient en outre des éclaircissements au sujet du décès de l’époux de C______, L______, survenu le ______ 1982 et « toutes les informations que vous pourriez avoir sur notre petit cousin nous concernant », dont les actes, codicilles et documents manuscrits originaux déposés chez le notaire.

g. Le 25 avril 2023, à la demande de la juge déléguée, la CGPJ a précisé son calcul des délais de protection et notamment les dies a quo.

h. Par arrêt du 9 mai 2023 (ATA/481/2023), la chambre administrative a rejeté le recours. La demande était soumise à la loi sur les archives publiques du 1er décembre 2000 (LArch - B 2 15). Le dossier avait été clos le 15 mai 1998, donc le délai de protection de 25 ans courait jusqu’au 15 mai 2023. Vu les données personnelles relevant de la sphère privée des personnes mentionnées dans les testaments olographes, dont les dates de naissance et de décès ne pouvaient être établies aisément (art. 12 al. 4 LArch), le délai de 100 ans à compter de l’ouverture du dossier expirait le ______ 2096. Quant à l’intérêt prépondérant à la consultation, le rejet de la demande d’accès par la Justice de paix n’avait pas fait l’objet de recours et il n’y avait aucun élément nouveau et important justifiant de revenir sur ce refus. Les époux A______ et B______ reconnaissaient avoir déjà des copies conformes de documents, dont ils demandaient simplement à voir les orignaux.

i. Le 18 décembre 2023, le Tribunal fédéral a rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, le recours en matière de droit public formé par les époux A______ et B______.

D. a. Le 6 juin 2023, les époux A______ et B______ ont demandé la consultation de « Tous les codicilles et documents concernant M. A______ et son épouse, Mme B______, en rapport avec la succession de Mme C______, dite C______, décédée le ______ 1996. Délai de 25 ans déchu pour consultation en vue d’une éventuelle action en nullité des dispositions du défunt qui se prescrit sous 30 ans contre les défenseurs de mauvaise foi au sens de 519 et 521 al. 2 et 3 CC ».

b. Le 20 août 2024, la CGPJ a rejeté la demande pour les mêmes motifs que précédemment. Le refus de l’accès au dossier du 9 décembre 2022 avait été confirmé par la chambre administrative et le Tribunal fédéral et, en l’absence d’éléments nouveaux démontrant notamment qu’une action en nullité des dispositions au sens des art. 519 ss CC pourrait aboutir, aucun intérêt prépondérant n’autorisait la transmission d’informations relatives à des tiers.

E. a. Le 19 septembre 2024, B______ et A______ ont interjeté recours auprès de la chambre administrative contre la décision précitée, concluant à son annulation, à l’accès à tous les codicilles et documents originaux manuscrits concernant la famille J______ et à une indemnité de procédure.

Le délai de protection de 25 ans était échu depuis le 15 mai 2023. La date de naissance et de mort de la testatrice étaient connues. Quant au délai de 100 ans, il n’y avait pas besoin de protéger les données personnelles des légataires, car les recourants avaient déjà les codicilles mentionnant leurs noms et les legs reçus, excepté ceux concernant A______ ou ses descendants. B______ était la seule qui n’avait pas reçu son legs, soit des bijoux, de l’argenterie et 110 hectares de terrain à I______, en Allemagne.

Ils avaient un intérêt prépondérant à consulter le testament revu et les codicilles originaux, qui étaient susceptibles d’indiquer qu’ils auraient dû recevoir des biens, dont l’immeuble de la rue H______, que la testatrice avait acheté à un prix de faveur au recourant. La consultation permettrait de vérifier s’il y avait eu captation du legs et d’agir contre le « défenseur de mauvaise foi » selon l’art. 519 CC. Me F______ avait agi à la fois comme notaire de C______, rédacteur des statuts de la fondation, membre secrétaire de celle-ci et exécuteur testamentaire, ce qui faisait douter de la bonne exécution des dernières volontés de la défunte. En 1990, elle avait décidé de revoir son testament, mais Me F______ n’avait pas déposé ce testament revu, qui demeurait introuvable. Il avait tronqué les statuts de la fondation déposés en la forme authentique et certifiés conformes par le registre du commerce, a posteriori, sans droit et contre la volonté des fondateurs, qui n’avaient pas cosigné la radiation du but principal, ce qui remettait en question sa fiabilité voire son honnêteté. Il avait rédigé, lors de l’achat des trois quarts de l’immeuble à la rue H______, un acte lésant C______ et le recourant. C______ avait pris des engagements à l’égard du recourant en rapport avec cet immeuble, qu’elle n’entendait pas forcément léguer à la fondation. Elle n’avait, à l’époque, pas encore décidé à qui elle le léguerait et, l’ayant acquis des années après avoir fait son testament, avait dû faire un codicille précisant ce point. Me F______ l’avait « attribué » à la fondation au registre foncier, alors qu’il en bénéficiait en tant que membre et secrétaire de la fondation, ce qui était contraire à ses devoirs.

b. La CGPJ a conclu au rejet du recours pour les mêmes motifs que ceux exposés le 23 février 2023. Le délai de protection de 25 ans était échu, mais le délai de protection de 100 ans à compter de l’ouverture du dossier courait jusqu’au ______ 2096. L’autorité avait l’obligation d’assurer la protection des données, même si les recourants affirmaient connaître déjà l’identité des personnes concernées.

c. Les recourants ont répliqué que le délai de protection de 25 ans et le délai de dix ans après le décès de la personne concernée étaient échus. La loi ne précisait pas que les délais étaient cumulatifs. La CGPJ n’explicitait pas le délai de 100 ans à compter de l’ouverture du dossier, qui était inapproprié, empêchait les recourants d’invoquer des irrégularités commises pour cause de prescription et était inapplicable, car les dates de naissance et de décès pouvaient être établies aisément par la Justice de paix. Ils connaissaient déjà les données concernées et ne requerraient aucune donnée sensible. La commission ne justifiait d’aucun intérêt public ou privé majeur et manifestement prépondérant qui s’opposerait à la demande. L’absence de qualité d’héritier ne pouvait fonder le refus, car en proposant l’argenterie, Me F______ leur avait octroyé le statut de légataires, ceux‑ci pouvant demander ce qui leur a été légué. Ils doutaient de la bonne exécution des dernières volontés de C______ en raison des multiples casquettes du notaire, qui n’avait pas déposé tous les codicilles et le testament revu et avait modifié les statuts de la fondation sans confirmation par les co-fondateurs, contrairement au règlement sur les notaires et au droit applicable à l’époque, selon lequel une fois la fondation constituée, seule l’autorité de surveillance pouvait effectuer des modifications. Élément nouveau, la CGPJ avait confirmé l’absence de codicille relatif à l’immeuble à la rue H______, ce qui violait l’obligation du notaire de conserver la minute et le répertoire de tous ses actes, en particulier concernant les dernières volontés. La défunte n’était pas disposée à donner ou vendre l’immeuble à la fondation. Elle s’était engagée en faveur du recourant et Me F______ avait violé l’interdiction de rédiger un acte à son bénéfice en enregistrant la fondation comme propriétaire au registre foncier.

L’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) donnait un droit à la consultation. L’art. 8 al. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) permettait une exception au droit au respect de la vie privée en cas de mesure nécessaire à la prévention d’une infraction pénale, soit la captation de legs, et la relation privée et familiale entre les recourants et la de cujus était mise à mal sans protéger les tiers légataires, déjà connus des recourants et qui avaient reçu leur legs. Le refus d’accès était une ingérence non nécessaire au droit d’accès à l’information selon l’art. 10 al. 1 CEDH.

Un accès partiel ou différé devait être préféré à un simple refus et les documents auraient le cas échéant pu être communiqués caviardés.

d. En l’absence d’autres requêtes ou observations dans le délai imparti, la cause a été gardée à juger.


 

 

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Selon l'art. 61 LPA, le pouvoir d'examen de la chambre administrative se limite à la violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (al. 1 let. a) et la constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (al. 1 let. b). Elle ne peut pas revoir l'opportunité de la décision litigieuse (al. 2).

3.             Le litige porte sur la consultation du dossier de la succession de feu C______, en particulier des originaux de ses dispositions pour cause de mort.

4.             Selon les recourants, les délais de protection auxquels la loi soumet l’accès au dossier sont échus, contrairement à ce que retient l’autorité intimée.

4.1 L'accès aux documents de procédures judiciaires archivées est régi par la loi sur les archives publiques du 1er décembre 2000 (LArch - B 2 15, art. 1 al. 1 let. b ch. 2) et le règlement du pouvoir judiciaire sur l'accès aux documents et aux données personnelles du 1er novembre 2021 (RADPJ - E 2 05.52, art. 3 al. 2). Les archives historiques, soit l’ensemble des documents qui ne sont plus utiles pour l’expédition courante des affaires et qui sont conservés en raison de leur valeur archivistique, ne peuvent en principe être consultés qu'à l'expiration des délais de protection prévus à l’art. 12 al. 3 et 4 LArch (art. 12 al. 1 et 5 LArch). Ils demeurent toutefois accessibles pendant cinq ans dès leur archivage lorsque le requérant aurait pu y avoir accès auparavant en vertu de la LIPAD (art. 12 al. 2 LArch). Le délai général de protection est de 25 ans à compter de la clôture du dossier (art. 12 al. 3 LArch). Les documents classés selon des noms de personnes et qui contiennent des données personnelles sensibles ou des profils de la personnalité ne peuvent être consultés que dix ans après le décès de la personne concernée, à moins qu’elle n’ait autorisé la consultation (art. 12 al. 4 1re phrase LArch).

Si la date de la mort est inconnue ou n'est déterminable que moyennant un travail disproportionné, le délai de protection expire 100 ans après la naissance et si ni la date du décès, ni celle de la naissance ne peuvent être déterminées, le délai de protection expire 100 ans à compter de l'ouverture du dossier (art. 12 al. 4 2e et 3phrases LArch). Selon les travaux parlementaires, les délais des al. 3 et al. 4 sont cumulatifs (MGC 2000/XI 10428). S’agissant de documents judiciaires, le délai de l’art. 12 al. 3 LArch court dès que la décision mettant fin à la procédure est définitive (art. 2 al. 4 let. b et al. 6 RADPJ). Les délais de protection des art. 12 al. 3 et al. 4 LArch correspondent à la durée pendant laquelle la consultation des archives est en principe interdite (art. 2 al. 6 RADPJ) soit, pour les procédures judiciaires archivées depuis plus de cinq ans, jusqu'à l'expiration des délais de protection.

4.2 En l’espèce, les parties s’accordent pour dire que le délai général de protection de l’art. 12 al. 3 LArch a expiré le 15 mai 2023, soit 25 ans après l’homologation du certificat d’héritier le 15 mai 1998, qui a clos la procédure. Contrairement à ce que soutiennent les recourants, les délais des al. 3 et 4 de l’art. 12 LArch s’appliquent cumulativement. La demande porte sur tous les codicilles et documents originaux manuscrits, et non les copies, en rapport avec la succession de C______. Son objet est ainsi tout à fait similaire à la demande qui a donné lieu à l’arrêt ATA/481/2023, dans lequel la chambre de céans a retenu qu’il n’y avait pas lieu de remettre en cause le constat de la CGPJ selon lequel ces documents incluaient des testaments olographes comportant les noms de plusieurs personnes, lesquels, relevant de la sphère privée de ces personnes, bénéficiaient de la protection spéciale de l’art. 12 al. 4 LArch.

Il convient de confirmer ce point en l’espèce. Il ne s’agit pas seulement des données personnelles de la défunte, mais de toutes les personnes mentionnées dans les dispositions pour cause de mort au dossier. Les recourants n’allèguent ni ne démontrent qu’elles seraient toutes décédées depuis plus de dix ans ou auraient autorisé la consultation au sens de l’art. 12 al. 4 LArch (1re phr.). Comme l’a jugé la chambre de céans dans l’arrêt précité, les dates de naissance et de décès de toutes les personnes concernées ne peuvent être établies aisément (art. 12 al. 4 LArch, 2e et 3e phr.). Un délai de protection de 100 ans à compter de l'ouverture du dossier court donc jusqu’au ______ 2096. Comme relevé par la CGPJ, l’autorité est tenue de respecter les délais de protection prévus par la loi, même si les recourants connaissent déjà l’identité des personnes concernées et la teneur des dispositions en faveur de celles-ci, ce qui n’est au demeurant pas établi.

5.             Les recourants contestent le refus d’autoriser l’accès au dossier avant l’expiration des délais de protection faute d’un intérêt prépondérant.

5.1 L’autorité compétente peut autoriser la consultation des archives avant l’expiration des délais prévus aux alinéas 3 et 4, si aucun intérêt public ou privé prépondérant digne de protection ne s’y oppose, en particulier si la consultation est faite dans l’intérêt prépondérant de la personne touchée ou de tiers (art. 12 al. 5 let. a LArch et art. 15 al.1 let. a RADPJ).

5.2 Les recourants se prévalent en premier lieu de leur lien de famille et des bonnes relations entretenues avec C______. L’existence et la nature de ce lien ne ressortent pas du dossier et la simple existence d’un lien familial ou affectif avec une personne n’octroie dans tous les cas pas le droit de prendre connaissance des dispositions testamentaires de celle-ci.

5.3 Les recourants ne prétendent pas avoir la qualité d’héritier et une telle qualité ne résulte pas non plus du dossier. Le testament du 8 octobre 1983 institue la fondation comme héritière universelle et aucun élément ne démontre que C______ l’aurait révoqué ou modifié ou que la Justice de paix n’aurait pas tenu compte de toutes les dispositions figurant au dossier. La consultation du dossier de la Justice de paix serait en outre sans intérêt dans l’hypothèse, émise mais non démontrée par les recourants, d’un autre testament qui n’aurait pas été déposé par-devant elle.

5.4 Les recourants se prévalent aussi de leur qualité de légataire.

5.4.1 Il est à titre préalable rappelé que les légataires ont le droit de recevoir uniquement une copie des clauses qui les concernent (art. 558 al. 1 CC). La qualité de légataire ne fonde pas un droit d’information portant sur l’ensemble de la succession et ne saurait en tout état fonder un droit d’accès à l’ensemble des dispositions pour cause de mort, comme demandé par les recourants.

5.4.2 La recourante s’est prévalue de la qualité de légataire devant la Justice de paix en 2002, qui ne l’a pas reconnue dans une décision non contestée. Elle ne prétend pas avoir agi en justice pour réclamer la délivrance du legs en vertu du codicille du 22 octobre 1990, que la Justice de paix lui a notifié en mars 1997. Force est de constater que la précitée a toutes les informations utiles pour défendre ses droits et n’a pas d’intérêt à consulter l’original dudit codicille, dont elle ne conteste pas l’authenticité.

5.4.3 Les recourants n’allèguent pas que les dispositions déposées à la Justice de paix, dont ils déclarent avoir une copie, prévoient un legs en faveur du recourant. Dans la mesure où ils ne prétendent pas que ces codicilles seraient des faux, on ne voit pas quel serait leur intérêt à consulter les originaux. Dans l’hypothèse où il y aurait d’autres codicilles que l’exécuteur testamentaire n’aurait pas déposés, ce que les recourants suggèrent sans le démontrer, ils n’expliquent pas ce qu’apporterait dans ce cas la consultation du dossier original de la Justice de paix. La remise d’argenterie par l’exécuteur testamentaire dans le cadre d’une transaction ne saurait en tout état conférer le statut de légataire au recourant.

5.4.4 Les recourants se prévalent d’un élément nouveau relatif à l’immeuble de la rue H______, à savoir la confirmation par la CGPJ de l’absence de codicille relatif à cet immeuble. Dans sa réponse, l’autorité intimée n’a pas confirmé qu’il manquait un tel codicille, mais indiqué que la demande était peu précise à cet égard, ce qui ne permettait pas de trouver le document correspondant dans le dossier. Elle avait déjà fait cette observation dans le cadre de la procédure qui a abouti à l’arrêt ATA/481/2023 précité, qui n’a donc rien de nouveau.

Selon les recourants, la consultation du « testament revu » et des codicilles serait susceptible de démontrer s’il y a eu captation de l’immeuble sis rue H______. Ils n’apportent toutefois aucun élément démontrant que la défunte aurait effectivement revu son testament ou pris des dispositions spécifiques à propos de cet immeuble, ou encore que la Justice de paix aurait omis de tenir compte de toutes les dispositions pour cause de mort figurant à son dossier. Les recourants supposent, mais ne démontrent pas, que la défunte aurait rédigé un codicille relatif à cet immeuble. L’existence d’un tel codicille ne peut en tout cas pas être déduite du fait qu’elle a acquis l’immeuble après avoir rédigé son testament, alors qu’elle n’avait pas encore décidé à qui elle le léguerait. Vu que la masse successorale se détermine au jour du décès, et non au jour de la rédaction du testament, aucune autre disposition pour cause de mort n’était nécessaire.

En tant qu’héritière universelle, la fondation a acquis de plein droit l’universalité de la succession et a été saisie, dès l’ouverture de la succession, de tous les biens, droits, créances et actions en la possession de la défunte (art. 560 CC) et elle a, de ce fait, pu être inscrite comme propriétaire de l’immeuble au registre foncier. Les recourants n’apportent aucun élément en faveur de l’hypothèse d’une attribution de l’immeuble à l'un d'entre eux. Les différents engagements pris par la défunte en lien avec l’immeuble ne concernaient nullement sa succession et, s’il est possible qu’au moment où elle a acheté les parts de l’immeuble, elle n’avait pas nécessairement décidé de l’attribuer à la fondation, elle ne l’excluait pas non plus, vu que l’acte relatif à l’achat mentionnait cette hypothèse, en prévoyant dans ce cas un droit de préemption en faveur non pas du recourant mais d’un tiers. Dans ces circonstances, l’autorité intimée pouvait retenir qu’il n’y avait pas d’intérêt prépondérant à la consultation des dispositions pour cause de mort originales au dossier de la Justice de paix pour vérifier à qui la défunte avait « réellement attribué » ledit immeuble.

5.5 Les recourants se prévalent de différents actes reprochés à Me F______, dont ils mettent en cause la fiabilité voire l’honnêteté, ce qui permettrait à une action en nullité des dispositions selon les art. 519 et 521 CC d’aboutir.

5.5.1 Les art. 519 ss CC permettent à tout héritier ou légataire intéressé de demander l’annulation des dispositions pour cause de mort lorsqu’elles sont faites par une personne incapable de disposer au moment de l’acte, ne sont pas l’expression d’une volonté libre ou sont illicites ou contraires aux mœurs, soit par elles-mêmes, soit par les conditions dont elles sont grevées.

En l’espèce, les recourants n’allèguent pas que C______ ait rédigé son testament et les codicilles alors qu’elle était incapable de discernement, qu’elle n’exprimait pas une volonté libre, du fait d’une erreur notamment, ou que le contenu des dispositions qu’elle a prises serait illicite ou contraire aux mœurs. Ils se prévalent au contraire de ces dispositions, en particulier du codicille du 22 octobre 1990. Dans ces circonstances, ils ne démontrent pas que l’action en nullité serait susceptible d’aboutir.

5.5.2 Quant aux autres circonstances qui pourraient fonder une action successorale, les recourants reprochent à l’exécuteur testamentaire de ne pas avoir déposé tous les codicilles à la Justice de paix à la suite du décès. Le codicille du 22 octobre 1990 n’a, selon les recourants, été découvert qu’en mars 1997, dans les affaires personnelles de la défunte. Quant au codicille du 12 septembre 1994 remis par C______ à son notaire, le dossier ne permet pas de déterminer pour quelle raison il ne figure pas sur le procès‑verbal des dispositions testamentaires déposées à la Justice de paix par Me F______ le 25 avril 1996, par exemple s’il a été découvert ultérieurement, si elle l’avait récupéré ou révoqué ou s’il s’agissait d’une inadvertance. Ces circonstances ne permettent pas de conclure à la mauvaise foi de l’exécuteur testamentaire, étant rappelé que la Justice de paix, dans une décision qui n’a pas fait l’objet d’un recours, a jugé que le comportement de celui‑ci ne justifiait pas d'intervention.

5.5.3 Il ne ressort pas du dossier que la fondation aurait été inscrite de manière illégitime comme propriétaire de l’immeuble sis rue H______. Elle a été instituée héritière universelle par testament et la Justice de paix a homologué le certificat d’héritier, ce qui a permis à l’exécuteur testamentaire de requérir l’inscription de la fondation comme propriétaire au registre foncier, conformément aux devoirs de sa charge. Les recourants n’apportent aucun élément probant démontrant que C______ aurait pris d’autres dispositions concernant cet immeuble dont la Justice de paix n’aurait pas tenu compte, ou qu’ils auraient eux-mêmes des droits à faire valoir sur l’immeuble.

5.5.4 S’agissant des statuts de la fondation, il y a une divergence entre la formulation du but dans l’acte de fondation du 28 septembre 1981 et la version initiale des statuts d’une part et le but figurant dans les statuts déposés lors de l’inscription de la fondation au registre de commerce en juin 1982 d’autre part. Comme l’a relevé l'intimée, l’exigence de la forme authentique n’exclut pas toute modification de l’acte, à condition de respecter certaines modalités pour indiquer les modifications opérées, notamment en annotant le nombre de mots concernés et les renvois approuvés dans la marge de la page correspondante. De telles annotations ne correspondent pas à des « ratures » contraires à la loi. Il ressort par ailleurs des documents produits que les modifications contestées ne sont pas postérieures à l’inscription de la fondation au registre du commerce en juin 1982, qui lui a conféré la personnalité juridique, puisqu’elles figurent dans les statuts déposés lors de cette inscription. En tout état, et en l’absence d’éléments nouveaux, il convient de répéter ici que les reproches relatifs aux statuts ne sont pas pertinents dans le cadre de la succession de C______, la rédaction des statuts entre 1981 et 1982 n’ayant aucun rapport avec la liquidation de sa succession quinze ans plus tard.

6.             Les recourants se prévalent encore des art. 8 et 10 CEDH et de l'art. 29 al. 2 Cst.

6.1 Selon l’art. 8 CEDH, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance et l’ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit n’est admissible que si elle est prévue par la loi et nécessaire dans une société démocratique.

En l’espèce, les recourants ne démontrent pas en quoi la décision attaquée porterait atteinte à leur vie privée et familiale. Le lien de famille allégué avec C______, non établi et assez éloigné selon les indications des recourants car elle serait leur petite-cousine, n’implique pas le droit de consulter les originaux de l’ensemble de ses dispositions pour cause de mort, ni même celui d’en connaître la teneur.

Les recourants ne démontrent pas davantage que les conditions d’accès au dossier prévues par la LArch conduiraient en l’espèce à un résultat disproportionné, ni que la consultation du dossier serait nécessaire pour un des motifs visés à l’art. 8 al. 2 CEDH et, notamment, comme ils le prétendent, pour prévenir une infraction pénale ; à cet égard, ils parlent d'une éventuelle captation de legs alors qu'il ne s'agit pas en droit suisse d'une infraction réprimée par le droit pénal, étant précisé que d'éventuelles infractions aux art. 251 (faux dans les titres) et 253 (obtention frauduleuse d'une constatation fausse) du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) seraient probablement prescrites vu le délai de prescription de quinze ans (art. 97 al. 1 let. b CP).

6.2 À teneur de l’art. 10 al. 1 CEDH, toute personne a le droit à la liberté d’expression, qui comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Selon la jurisprudence, l’application de cette disposition suppose que la demande d'accès aux informations détenues par un État ait pour but d'exercer la liberté de recevoir et de communiquer des informations nécessaires à l'exercice de la liberté d'expression, lesquelles doivent généralement présenter un intérêt public (ATA/1138/2023 du 17 octobre 2023 consid. 2.1 et les références citées).

Les faits de la présente cause ne correspondent pas à ce cas de figure, la démarche des recourants ne visant pas à ouvrir ou poursuivre un débat public et la décision attaquée n’entravant en rien leur liberté d’expression.

6.3 Le droit de consulter le dossier fait partie du droit d’être entendu consacré à l’art. 29 al. 2 Cst. Ce droit n’est pas absolu et des restrictions fondées sur une base légale, justifiées par un intérêt public ou la protection d’un droit fondamental d’autrui, et proportionnées sont admissibles (art. 29 al. 2 et 36 Cst. ; Martine DANG/Minh Son NGUYEN in Vincent MARTENET/Jacques DUBEY [éd.], Commentaire romand de la Constitution fédérale, 2021, n. 152 et 219 ad art. 29 Cst.). La jurisprudence reconnaît qu’une protection efficace des droits peut justifier que la personne concernée par une procédure ou un tiers prennent connaissance d'un dossier archivé, mais, en cas de consultation en dehors d’une procédure ou s’agissant d’un tiers, il faut rendre vraisemblable un intérêt particulier digne de protection, telle qu’une proximité particulière avec la cause, notamment s'il s'agit de clarifier les chances de succès d'un procès en dommages-intérêts ou en révision (ATF 129 I 249 consid. 3 in RDAF 2004 I 673 ; ATA/1027/2019 du 18 juin 2019 cons. 12a ; Martine DANG/Minh Son NGUYEN, op. cit., n. 155 ad art. 29 Cst.). Il n'appartient pas à l'autorité de juger, à la place de l'intéressé, des voies d'action possibles et des chances de succès, ni de faire dépendre la consultation d'un dossier d'une procédure en cours (ATF 129 I 249 consid. 5.2 et les références citées). Le droit à la consultation trouve sa limite dans l'intérêt public prépondérant de l'État ou l’intérêt fondé d'une tierce personne et suppose, en toute hypothèse, une pesée attentive des intérêts en présence par l'autorité décisionnelle (ATF 129 I 249 consid. 3 p. 253 ss in RDAF 2004 I 673 ; 128 I 63 consid. 3.1 p. 68 s. ; arrêt du TAF A-6356/2016 du 19 avril 2018 consid. 5 et les références citées ; ATA/1027/2019 précité, cons. 12a). Lors de l'évaluation des intérêts en présence, il n’est pas admis d’intérêt général au secret des personnes ayant fourni des renseignements et il faut examiner de façon concrète pour chaque personne ou catégorie de personnes si elles ont des intérêts propres qui s'opposent à la consultation du dossier. Si aucun intérêt public ne s'y oppose et des intérêts privés ne sont pas nettement perceptibles, l'intérêt à consulter le dossier est digne de protection et l'emporte (ATF 129 I 249 consid. 5.4 et 5.5).

En l’espèce, l’autorité intimée a procédé à une pesée des intérêts en présence et celle‑ci ne prête pas le flanc à la critique, pour les motifs déjà exposés au sujet de la LArch. Il est rappelé que les recourants demandent un accès complet à un dossier de succession alors qu’ils reconnaissent qu’ils ne sont pas héritiers. Ils ne démontrent pas être légataires et ne rendent pas vraisemblable que la consultation du dossier, qui inclut les données personnelles de plusieurs personnes mentionnées dans les dispositions pour cause de mort, serait nécessaire et adéquate pour exercer leurs droits. La recourante a reçu, en 1997 déjà, une copie du codicille dont elle se prévaut, mais n’a jamais agi en justice pour faire reconnaître ses droits. Les recourants n’ont pas démontré, ni même rendu vraisemblable, l’existence d’un legs en faveur du recourant, alors qu’ils déclarent posséder une copie des dispositions prises par la défunte, et ils n’expliquent pas quel serait, dans ce contexte, leur intérêt à prendre connaissance des documents originaux.

Dans ces conditions, c’est conformément à la loi et sans abuser de son pouvoir d’appréciation qu’au terme de la pesée des intérêts en présence, la CGPJ est parvenue à la conclusion que les recourants n’ont pas démontré un intérêt prépondérant à la consultation du testament et des codicilles relatifs à la succession de C______ et qu’elle a rejeté la demande.

7.             Dans la mesure où les recourants ont persisté, en dernier lieu, à demander la consultation de « tous » les codicilles et documents en rapport avec la succession de C______, sans identifier de document particulier, et ont insisté à plusieurs reprises sur leur intérêt à voir les originaux manuscrits et non des copies certifiées conformes, l’on ne voit pas en quoi pourrait consister un accès partiel ou la communication de documents caviardés selon l’art. 8 RADPJ mentionné par les recourants.

Le recours sera rejeté.

8.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge solidaire des recourants (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

 

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 septembre 2024 par A______ et B______ contre la décision de la commission de gestion du pouvoir judiciaire du 20 août 2024 ;

 

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge solidaire de A______ et B______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;


 

communique le présent arrêt à A______ et B______ ainsi qu'à la commission de gestion du pouvoir judiciaire.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Claudio MASCOTTO, Michèle PERNET, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F, KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

le greffier :