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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1161/2024

ATA/458/2025 du 29.04.2025 ( LIPAD ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1161/2024-LIPAD ATA/458/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 29 avril 2025

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Manuel Bolivar, avocat

contre

COMMANDANTE DE LA POLICE intimés

et

PRÉPOSÉ CANTONAL À LA PROTECTION DES DONNÉES
ET À LA TRANSPARENCE

 



EN FAIT

A. a. Le 22 décembre 2022, A______ a sollicité du département des institutions et du numérique (ci-après : le département) et plus spécifiquement de la police, la radiation de son dossier de police.

b. Par décision du 8 mars 2023, la Commandante de la police a procédé à la radiation des documents n° 1 à 9 de son dossier de police, qui figuraient à l’inventaire établi le 20 janvier 2023.

c. Le 17 mars 2023, A______ a interpellé la Commandante de la police au sujet de l’absence, dans son dossier de police, d’informations concernant le salon de massage « B______ », dont il était responsable.

d. Le 17 avril 2023, la Commandante de la police a répondu que son dossier de police pénal comportait uniquement les documents relatifs aux procédures pénales qui avaient été ouvertes à son encontre, et non les données relatives à son activité de responsable d’un salon de massage, lesquelles faisaient partie d’un fichier spécifique intitulé « Monde de la nuit (SIRE) – Personnel d’animation ».

e. Le 27 avril 2023, A______ a informé la Commandante de la police qu’il souhaitait consulter les bases de données « Monde de la nuit (SIRE) – Personnel d’animation » et « Travailleurs du sexe ».

f. Le 15 août 2023, A______ a consulté le fichier « Monde de la nuit (SIRE) – Personnel d’animation » dans les locaux du service juridique de la police.

g. Par courriel du 28 août 2023, A______ a sollicité la radiation de toutes les données personnelles le concernant dans les fichiers « Monde de la nuit (SIRE) – Personnel d’animation ». Il n’était plus responsable de salons de massage depuis le 15 mai 2023.

h. Par décision du 15 novembre 2023, la Commandante de la police a informé A______ que ses données personnelles ne seraient que partiellement radiées du fichier « Monde de la nuit (SIRE) – Personnel d’animation ». La majorité de ses données personnelles avaient une grande utilité pour la police, car elles lui permettaient d’avoir une vision globale de son activité dans le milieu de la prostitution et d’établir les liens entre les événements en vue d’éviter la traite d’êtres humains ou l’exploitation de la prostitution. Ces informations permettaient également à la police de rendre des décisions à son égard pour l’ouverture d’un salon de massage ou de rendre des préavis à l’attention du département en charge de la police. La police avait un intérêt public à conserver la majorité de ses données personnelles au sein du fichier « Monde de la nuit (SIRE) – Personnel d’animation », afin notamment d’assurer l’ordre, la sécurité et la tranquillité publics, de prévenir des infractions, de veiller au respect des lois et d’exercer la police judiciaire, ce afin de réaliser les missions qui lui étaient assignées par la loi sur la prostitution du 17 décembre 2009 (LProst - I 2 49) dans le milieu de la prostitution. L’intérêt public à la conservation de ses données personnelles était prépondérant à l’intérêt privé à les voir radiées. La conservation de la majorité de ses données personnelles demeurait proportionnelle et constitutionnelle.

B. a. Le 4 décembre 2023, A______ a sollicité du département et plus spécifiquement de la police, la consultation de tous les fichiers le concernant figurant dans le « Monde de la nuit (SIRE) – Personnel d’animation ».

b. Par décision du 20 février 2024, reçue par l’intéressé le 22 février 2024, la Commandante de la police l’a informé qu’il disposait uniquement d’un accès partiel au « Monde de la nuit (SIRE) – Personnel d’animation », et ce en raison de l’existence d’un intérêt public prépondérant. Afin de ne pas compromettre ledit intérêt, elle n’était pas en mesure de lui transmettre, en l’état, davantage de précisions à cet égard, ni la nature de cet intérêt.

c. La consultation du fichier a eu lieu le 6 mars 2024. Préalablement à celle-ci, la Commandante de la police a retiré les fichiers concernés par l’intérêt public prépondérant. Les fiches soumises à consultation ont été caviardées.

d. Le 12 mars 2024, A______ a indiqué qu’après consultation du fichier, il apparaissait que certains fichiers avaient été modifiés après sa demande de consultation et sans que de nouveaux éléments ne soient intervenus. Il invitait la Commandante de la police à lui indiquer le type de données modifiées, les raisons de ces modifications, l’auteur des modifications, le contenu des fichiers avant modification et, enfin, si des collaborateurs de la Brigade de lutte contre la traite d’humains et la prostitution illicite (ci-après : BTPI) avaient été informés de la consultation du 6 mars 2024.

e. Par courrier du 25 mars 2024, la Commandante de la police a répondu que des collaborateurs de la BTPI avaient été informés de la consultation du 6 mars 2024. Pour le reste, elle n’était pas en mesure de répondre à ses interrogations, et ce en raison de l’existence d’un intérêt public prépondérant, tel que mentionné dans sa décision du 20 février 2024.

Ce courrier a été contesté devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) et le recours a été enregistré sous la cause A/1162/2024.

C. a. Par acte du 8 avril 2024, A______ a formé recours devant la chambre administrative contre la décision de la Commandante de la police du 20 février 2024, concluant à son annulation. Préalablement, il a sollicité la jonction avec la procédure A/1162/2024 et à ce que le préposé cantonal à la protection des données et à la transparence (ci-après : le préposé) soit invité à participer à la procédure. Sur le fond, la Commandante de la police devait lui autoriser la consultation complète de ses données personnelles contenues dans le « Fichier SIRE – Monde de la nuit », et cela sans aucune restriction.

Son droit d’être entendu, sous l’angle d’un défaut de motivation, avait été violé. Aucune précision n’était donnée par l’autorité quant à la nature de l’intérêt prépondérant et des informations dont l’accès n’avait pas été autorisé. Elle n’avait pas non plus donné de description sommaire des données concernées par le refus d’accès.

Le traitement de ses données personnelles par les autorités de police constituait une atteinte à sa sphère privée. Les données personnelles traitées par la police relatives aux responsables de salons de massage concernaient uniquement les responsables de salons et pas les tiers. On voyait ainsi difficilement quel intérêt public s’opposait à la consultation de ses données personnelles dans leur entièreté. Son intérêt privé concret à connaître quelles données personnelles le concernant étaient traitées par la police devait l’emporter sur l’intérêt public abstrait invoqué par l’autorité. Un caviardage des données concernant des tiers ou celles pour lesquelles un intérêt public dûment démontré s’opposait à la communication, serait une mesure plus proportionnée que le refus de consultation de certaines données. La décision entreprise violait le principe de la proportionnalité.

b. Le 14 juin 2024, la Commandante de la police a conclu au rejet du recours, se rapportant à justice quant à l’opportunité de joindre la cause à la procédure A/1162/2024.

Sa décision était motivée, puisqu’elle avait légitimé son refus en invoquant notamment l’art. 3A al. 2 de la loi sur les renseignements et les dossiers de police et la délivrance des certificats de bonne vie et mœurs du 29 septembre 1977 (LCBVM - F 1 25). Elle n’aurait pas pu être motivée davantage au risque de léser l’intérêt public prépondérant devant être protégé.

La tenue du fichier de police concerné reposait sur une base légale (LProst) et poursuivait un intérêt public de prévention et de répression des crimes et des délits dans le cadre du monde de la nuit. Enfin, l’atteinte était proportionnée au but poursuivi. Il y avait lieu de se demander si le recourant ne tentait pas vainement de contester le fondement de la décision du 15 novembre 2023.

c. Par réplique du 9 août 2024, le recourant a indiqué qu’il comprenait de la réponse que l’autorité intimée n’avait pas voulu uniquement dissimuler les informations relatives aux tiers en lui accordant un accès partiel à ses données personnelles, mais avait voulu soustraire de la consultation d’autres informations dont la nature restait inconnue.

d. Le 6 septembre 2024, le préposé a indiqué que la consultation de l’entier du dossier litigieux avait mis en évidence, avec certitude, « un intérêt public supérieur » convaincant, tel que requis par les art. 3A LCBVM et 46 de la loi sur l’information du public, l’accès aux documents et la protection des données personnelles du 5 octobre 2001 (LIPAD ‑ A 2 08), s’opposant à un accès total du recourant au dossier souhaité. Il était d’avis que seul un accès partiel au « Fichier SIRE – Monde de la nuit » était effectivement justifié, vu l’intérêt public supérieur.

e. Le 18 octobre 2024, le recourant s’est étonné que, sur la base d’un « même dossier », le préposé soit parvenu à deux conclusions différentes, soit l’existence d’un « intérêt public supérieur » (A/1161/2024) et l’existence d’un « intérêt prépondérant de tiers » (A/1162/2024). Ces contradictions commandaient d’examiner les éléments qui ressortaient de la procédure avec une grande circonspection. Si la restriction posée sur le droit d’accès à ses données concernait uniquement les données de tiers, l’autorité intimée aurait fait valoir un intérêt privé prépondérant et non un intérêt public prépondérant dans ses décisions des 20 février et 25 mars 2024. Il en résultait que l’intérêt « réellement visé » par la restriction du droit d’accès posée par l’autorité intimée était un intérêt public et non pas un intérêt privé de tiers.

C’était uniquement sur la base de l’art. 9A al. 2 LProst que la police pouvait tenir des données sur des personnes responsables de salons. Or, les données auxquelles l’autorité refusait l’accès en raison d’un intérêt public prépondérant outrepassaient le cadre posé par l’art. 9A al. 2 LProst.

Il faisait l’objet d’une procédure pénale, en cours. Or, la police devait transmettre toutes les pièces relatives à ses investigations au Ministère public selon l’art. 307 al. 3 du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP - RS 312.0). Ainsi, outre le fait que la police ne pouvait conserver des informations sur les personnes responsables de salon qui n’étaient pas prévues par la loi, elle ne pouvait pas non plus conserver des données qui n’étaient pas en mains du Ministère public.

Il appartenait au préposé et à la chambre administrative de se prononcer sur la légalité de la tenue des données dont l’accès lui avait été refusé.

f. Le 17 décembre 2024, la Commandante de la police a rappelé que le recourant avait pu accéder à toutes ses données personnelles figurant dans le « Fichier SIRE – Monde de la nuit », à l’exception des fiches valablement soustraites en vertu d’un intérêt public prépondérant.

g. Le 11 février 2025, répondant aux questions de la chambre de céans, le Procureur en charge de la procédure pénale concernant le recourant (P/1______/2024) a indiqué que la consultation par ce dernier de ses données personnelles pouvait être autorisée. Il était parfaitement au courant de l’existence de la procédure P/1______/2024 et n’était pas concerné par la procédure P/2______/2017. La réponse donnée par le Procureur précédent en janvier 2024 n’était plus d’actualité.

h. Par pli du 17 février 2025, la chambre de céans a transmis cette détermination aux parties et leur a imparti un délai pour se déterminer à ce sujet, ainsi que sur la suite à donner à la procédure.

i. Le 26 février 2025, le recourant a sollicité l’accès à l’intégralité du dossier que la Commandante de la police avait transmis à la chambre de céans, à l’intégralité du dossier transmis au préposé et à tout courrier adressé de manière confidentielle par la chambre de céans au Ministère public. L’accès à ces documents lui permettrait de se déterminer sur la suite à donner à la procédure.

j. Le 3 mars 2025, la Commandante de la police a persisté dans ses conclusions en rejet du recours. Elle prenait bonne note du courrier du Procureur du 11 février 2025. En vertu des art. 61 et 101 CPP, le recourant pouvait solliciter l’accès aux pièces de la procédure pénale P/1______/2024 directement auprès de la direction de la procédure. S’agissant des fiches figurant dans le ficher « Monde de la nuit (SIRE) – Personnel d’animation », dont l’accès avait été refusé au recourant en raison d’un intérêt public prépondérant par décision du 20 février 2024, elles pourraient être consultées au sein de la police, dans la mesure où elles n’étaient jamais annexées aux rapports de police envoyés au Ministère public. Dès réception d’une nouvelle demande du recourant, elle devrait effectuer une analyse desdites fiches et procéder éventuellement à un caviardage de celles-ci, afin que les données de tiers, auxquelles le recourant n’avait pas de droit d’accès, soient supprimées.

Au moment du prononcé de la décision du 20 février 2024, elle ne pouvait valablement autoriser un accès complet au ficher « Monde de la nuit (SIRE) – Personnel d’animation » en raison de l’existence d’un intérêt public prépondérant devant être protégé. À la lumière des documents confidentiels qui avaient été produits le 14 juin 2024, la chambre de céans devait être en mesure d’admettre l’existence dudit intérêt, ce que le préposé avait d’ailleurs confirmé dans sa détermination du 6 septembre 2024. Le fait que, depuis la décision entreprise, l’état de fait ait changé, soit que les parties à la procédure pénale P/1______/2024 aient eu connaissance de l’existence de celle-ci, n’avait pas pour effet d’annuler le fondement de la décision entreprise.

k. Le 4 mars 2025, le préposé a relevé qu’il n’avait pas de raison de remettre en cause ce qui était avancé par le Procureur. Il se devait tout de même de rendre la chambre de céans attentive à d’éventuelles données personnelles de tiers qui pourraient figurer dans le dossier et qu’il conviendrait de caviarder.

l. Le 13 mars 2025, le recourant a invité la chambre de céans à surseoir à statuer et lui accorder un délai pour présenter des observations, notamment un éventuel retrait du recours. Il avait sollicité la consultation des documents le 19 mars 2025. L’accès à ces données lui permettrait de se déterminer sur l’opportunité de maintenir tout ou partie du recours formé le 8 avril 2024.

m. Le 26 mars 2025, le recourant a informé la chambre de céans qu’il n’avait pas été autorisé à consulter ces documents. Il l’invitait à surseoir à statuer jusqu’à ce qu’il puisse consulter les documents litigieux et présenter ses observations.

n. Le 4 avril 2025, la Commandante de la police a conclu à l’irrecevabilité de la demande de suspension, laquelle n’était pas motivée. Par le biais de cette demande, le recourant tentait d’obtenir, de façon détournée, l’accès au fichier dans son intégralité. Or, si cette demande venait à être accordée, cela reviendrait à lui accorder ses conclusions au fond. La question de la légalité de la tenue du ficher « Monde de la nuit (SIRE) – Personnel d’animation » sortait du champ de la procédure.

Le recourant tentait vainement de contester, une nouvelle fois, l’existence des fiches visant la location d’appartements privés à des travailleuses du sexe, alors même que ce point avait d’ores et déjà été tranché, tant par la chambre de céans que par le Tribunal fédéral.

o. Le 11 avril 2025, le recourant a relevé qu’il était incompréhensible que la consultation des données lui soit refusée, alors même que l’intérêt public prépondérant qui avait motivé le refus de consultation n’existait plus, ainsi que l’admettait la direction de la procédure, autorité qui était la mieux à même de juger dudit intérêt. Or, conformément à l’art. 67 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA ‑ E 5 10), l’autorité intimée pouvait modifier sa décision et revenir sur celle-ci. Il persistait donc dans les conclusions de son recours.

p. Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et art. 63 al. 1 let. a LPA ; art. 3C al. 1 LCBVM).

2.             Le recourant sollicite la jonction des causes A/1161/2024 et A/1162/2024.

2.1 Selon l’art. 70 LPA, l’autorité peut, d’office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune (al. 1). La jonction n’est toutefois pas ordonnée si la première procédure est en état d’être jugée alors que la ou les autres viennent d’être introduites (al. 2).

2.2 En l’espèce, les deux causes, toutes deux gardées à juger, concernent les mêmes parties et portent sur un complexe de faits quasiment identique. Les décisions reposent toutefois sur un fondement juridique différent. Alors que dans la procédure A/1161/2024, la décision entreprise porte sur un accès partiel aux données du recourant, certaines pièces ayant été soustraites à la consultation, la procédure A/1162/2024 concerne le caviardage des données soumises à la consultation. Ainsi, par souci de clarté, il ne se justifie pas de joindre les causes.

3.             Le recourant sollicite l’accès à l’intégralité du dossier que la Commandante de la police avait transmis à la chambre de céans, à l’intégralité du dossier transmis au préposé et à tout courrier adressé de manière confidentielle par la chambre de céans au Ministère public.

3.1 Le droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu’une décision ne soit prise, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d’avoir accès au dossier, de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_157/2018 du 28 mai 2018 consid. 3.1 et les références citées).

Les parties et leurs mandataires sont admis à consulter au siège de l’autorité les pièces du dossier destinées à servir de fondement à la décision (art. 44 al. 1 LPA). L’autorité peut interdire la consultation du dossier ou d’une partie de celui-ci si l’intérêt public ou des intérêts privés prépondérants l’exigent, le refus d’autoriser la consultation des pièces ne pouvant s’étendre toutefois qu’aux pièces qu’il y a lieu de garder secrètes (art. 45 al. 1 et 2 LPA). Une pièce dont la consultation est refusée à une partie ne peut être utilisée à son désavantage que si l’autorité lui en a communiqué par écrit le contenu essentiel se rapportant à l’affaire et lui a donné en outre l’occasion de s’exprimer et de proposer les contre-preuves (art. 45 al. 3 LPA).

3.2 En l’occurrence, les pièces de la procédure dont le recourant demande l’accès, à savoir la demande de renseignements de la chambre administrative au Ministère public du 24 janvier 2025 et l’écriture de l’intimée du 14 juin 2024, ont été soustraites à la consultation en raison d’un intérêt public prépondérant. Comme on le verra ci-après, l’instruction menée par la chambre de céans a permis d’établir que cet intérêt n’existait plus. Il y a donc lieu d’autoriser le recourant à consulter ces pièces, étant précisé qu’au vu de l’issue du litige, elles n’ont pas été utilisées à son désavantage. Ces pièces ne contiennent au demeurant aucune donnée personnelle de tiers justifiant un refus – même partiel – d’accès. Ainsi, dans les 30 jours qui suivent la notification du présent arrêt, la chambre de céans mettra à disposition du recourant l’intégralité du dossier de procédure, excepté les pièces – objet du présent litige (soit les données le concernant figurant dans le fichier « Monde de la nuit [SIRE] – Personnel d’animation », y compris l’échange de courriels du 26 janvier 2024 entre le département et le Ministère public) – dont le droit d’accès du recourant sera examiné ci-après.

4.             Le recourant se plaint d’un défaut de motivation de la décision entreprise.

4.1 La jurisprudence déduit du droit d’être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) le droit d’obtenir une décision motivée (ATF 148 III 30 consid. 3.1 ; 142 II 154 consid. 4.2). L’autorité n’est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives, mais doit se prononcer sur celles-ci (ATF 143 III 65 consid. 5.2 ; 142 II 154 consid. 4.2). Il suffit, du point de vue de la motivation de la décision, que les parties puissent se rendre compte de sa portée à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (ATF 148 III 30 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_548/2021 du 24 février 2023 consid. 5.2).

4.2 En l’espèce, la décision attaquée indique que le recourant ne dispose que d’un droit d’accès partiel à ses données figurant dans le ficher « Monde de la nuit (SIRE) », et cela en application de l’art. 3A al. 2 LCBVM. Le recourant était partant en mesure de comprendre que l’accès complet aux données litigieuses était refusé en raison de l’existence d’un intérêt prépondérant public ou privé. À ce stade de la procédure, l’intimée ne pouvait expliciter en détail la nature de cet intérêt pour ne pas le compromettre. Ainsi et contrairement à ce que prétend le recourant, il a pu comprendre, dans les grandes lignes, les raisons ayant justifié l’accès partiel aux données en question. Il a d’ailleurs été en mesure de faire valoir, dans son acte de recours, sa réplique et les écritures ultérieures, son argumentation à cet égard. La motivation de la décision attaquée apparaît ainsi suffisante au regard des circonstances particulières, des exigences requises en la matière et des buts poursuivis par la LIPAD, la LProst et la LCBVM.

Le grief sera en conséquence rejeté.

5.             Le litige porte sur la décision de l’intimée d’accorder au recourant un droit d’accès partiel au fichier « Monde de la nuit (SIRE) », et ce en raison de l’existence d’un intérêt public prépondérant.

5.1 Dans le canton de Genève, la protection des particuliers en matière de dossiers et fichiers de police est assurée par les dispositions de la LCBVM et de la LIPAD.

5.2 Ainsi, à teneur de l’art. 1 al. 1 LCBVM, la police est autorisée à organiser et à gérer des dossiers et fichiers pouvant contenir des renseignements personnels en rapport avec l’exécution de ses tâches, en particulier en matière de répression des infractions ou de prévention des crimes et délits au sens de l’art. 1 de la loi sur la police du 9 septembre 2014 (LPol - F 1 05). Les dossiers et fichiers de police ne peuvent contenir des données personnelles qu’en conformité avec la LIPAD
(art. 1 al. 2 LCBVM).

5.3 La LProst a pour buts de garantir, dans le milieu de la prostitution, que les conditions d'exercice de cette activité sont conformes à la législation, soit notamment qu'il n'est pas porté atteinte à la liberté d'action des personnes qui se prostituent, que celles-ci ne sont pas victimes de la traite d'êtres humains, de menaces, de violences, de pressions ou d'usure ou que l'on ne profite pas de leur détresse ou de leur dépendance pour les déterminer à se livrer à un acte sexuel ou d'ordre sexuel (art. 1 al. 1 let. a LProst).

Selon l’art. 9 al. 1 LProst, toute personne physique qui, en tant que locataire,
sous-locataire, usufruitière, propriétaire ou copropriétaire, exploite un salon et met à disposition de tiers des locaux affectés à l'exercice de la prostitution doit s'annoncer, préalablement et par écrit, aux autorités compétentes en indiquant le nombre et l'identité des personnes qui y exercent la prostitution.

L’art. 9A al. 1 LProst consacre le droit pour la police de tenir un fichier des personnes responsables de salons. L’al. 2 fixe de manière exhaustive le contenu des fichiers.

5.4 Selon l’art. 1A LCBVM, les dossiers de police sont rigoureusement secrets. Aucun renseignement contenu dans les dossiers ou fichiers de police ne peut être communiqué à des tiers, à l’exception des autorités désignées par les art. 2, 4 et 6 LCBVM (art. 320 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 -
CP - RS 311.0).

À l’égard des données personnelles la concernant qui sont contenues dans les dossiers et fichiers de police, toute personne a le droit d’accès et les autres prétentions prévus par la LIPAD (art. 3A al. 1 LCBVM). Les droits et prétentions visés à l’al. 1 peuvent être limités, suspendus ou refusés si un intérêt prépondérant public ou privé l’exige, en particulier l’exécution d’une peine, la prévention efficace des crimes et délits ou la sauvegarde d’intérêts légitimes de tiers (art. 3A
al. 2 LCBVM).

La requête d’accès ou d’exercice des autres prétentions de la personne concernée doit être formulée par le requérant en personne ou par son avocat et être adressée par écrit au commandant de la police (art. 3B al. 1 LCBVM). Il statue sur la requête par voie de décision, qu’il notifie au requérant ou le cas échéant à son avocat (art. 3B al. 3 LCBVM).

5.5 La LIPAD est constituée de deux volets, correspondant aux deux buts énoncés à l’art. 1 al. 2 LIPAD. Elle a pour premier but de favoriser la libre formation de l’opinion et la participation à la vie publique par l’information du public et l’accès aux documents (art. 1 al. 2 let. a LIPAD ; titre II LIPAD) et pour second but de protéger les droits fondamentaux des personnes physiques ou morales de droit privé quant aux données personnelles les concernant (art. 1 al. 2 let. b LIPAD ; titre III LIPAD).

À teneur de l'art. 44 LIPAD, inséré dans le titre III afférent à la « protection des données personnelles », toute personne physique ou morale de droit privé justifiant de son identité peut demander par écrit aux responsables désignés en vertu de l'art. 50 al. 1 LIPAD, si des données personnelles la concernant sont traitées par des organes placés sous leur responsabilité (al. 1). Sous réserve de l'art. 46 LIPAD, le responsable doit lui communiquer : toutes les données la concernant contenues dans un fichier, y compris les informations disponibles sur l'origine des données (let. a) ; sur demande, les informations relatives au fichier considéré contenues dans le catalogue des fichiers (let. b ; al. 2).

L’accès aux données personnelles ne peut être refusé que si un intérêt public ou privé prépondérant le justifie, en particulier lorsqu’il rendrait inopérantes les restrictions au droit d’accès à des dossiers qu’apportent les lois régissant les procédures judiciaires et administratives (art. 46 al. 1 let. a LIPAD).

5.6 En l’espèce, dans la décision entreprise, l’intimée a limité le droit d’accès du recourant en se fondant sur l'art. 3A LCBVM, au motif qu’il existait un intérêt public prépondérant, dont elle n’a pas précisé l’objet pour ne pas le compromettre. L’instruction menée par la chambre de céans a toutefois permis d’établir que l’intérêt public prépondérant qui avait été invoqué à l’appui du refus d’accès à l’intégralité du fichier n’existe plus. Il ressort en effet du courrier du Procureur en charge de la procédure pénale P/1______/2024 daté du 11 février 2025 que la motivation ayant fondé l’accès partiel au fichier –qui trouve son origine dans le courriel d’un Procureur daté du 26 janvier 2024 – n’est « plus d’actualité » et que la consultation par le recourant de ses données personnelles peut être autorisée.

À teneur du dossier, il n’existe aucun autre intérêt prépondérant public ou privé s’opposant à l’accès complet du recourant à ses données personnelles, ce que l’intimée ne soutient d’ailleurs pas.

Il s’ensuit que toutes les données concernant le recourant figurant dans le fichier « Monde de la nuit (SIRE) – Personnel d’animation » doivent être mises à sa disposition pour consultation, y compris l’échange de courriels du 26 janvier 2024 entre le département et le Ministère public, et cela sous réserve de la nécessité de caviarder certaines données personnelles de tiers en application des art. 3A al. 2 LCBVM et 46 al. 2 LIPAD. Ce résultat est d’ailleurs conforme à la détermination du préposé du 4 mars 2025.

Le recours sera partant admis et la décision querellée annulée. Les autres griefs invoqués peuvent souffrir de ne pas être traités.

6.             Au vu de l’issue du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA). Dans la mesure où la décision était fondée au moment de son prononcé, une indemnité de procédure - réduite - de CHF 1'000.- sera allouée au recourant, à la charge de l’intimée.

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 8 avril 2024 par A______ contre la décision de la Commandante de la police du 20 février 2024 ;

au fond :

l’admet ;

annule la décision de la Commandante de la police du 20 février 2024 ;

ordonne à la Commandante de la police de donner accès à A______ à toutes les données le concernant figurant dans le fichier « Monde de la nuit (SIRE) – Personnel d’animation », y compris l’échange de courriels du 26 janvier 2024 entre le département et le Ministère public, caviardé dans le sens des considérants ;

l’y condamne en tant que de besoin ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à A______, à la charge de l’État de Genève (police) ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Manuel BOLIVAR, avocat du recourant, à la Commandante de la police ainsi qu'au préposé cantonal à la protection des données et à la transparence.

Siégeant : Patrick CHENAUX, président, Florence KRAUSKOPF, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Catherine TAPPONNIER, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

P. CHENAUX

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :