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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2413/2024

ATA/429/2025 du 15.04.2025 sur JTAPI/11/2025 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2413/2024-PE ATA/429/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 15 avril 2025

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Mansour CHEEMA, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 janvier 2025 (JTAPI/11/2025)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1973, est ressortissant du Pakistan.

b. Il est arrivé en Suisse le 16 août 1998.

c. Le 27 avril 2000, il a épousé B______, ressortissante suisse née le ______ 1947, et a été mis au bénéfice d'une autorisation de séjour en Suisse. Leur divorce a été prononcé le 5 avril 2001.

d. Le 10 octobre 2001, il a épousé C______, ressortissante suisse née le ______ 1953. Il a ensuite obtenu la naturalisation facilitée le 13 août 2007. Le 18 août 2008, le couple s'est séparé et leur divorce a été prononcé par le Tribunal civil de première instance (ci-après: TPI) le 17 décembre 2009.

e. Par arrêt du 10 avril 2014, le Tribunal administratif fédéral (ci‑après : TAF) a confirmé l'annulation de sa naturalisation facilitée prononcée le 28 février 2012.

f. Depuis cet arrêt, A______ a vécu en Suisse sans autorisation de séjour jusqu'au 2 janvier 2018, date à laquelle il a été mis au bénéfice d'une autorisation d'établissement.

g. Le 21 avril 2021, A______ a adressé à l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une demande de regroupement familial en vue de faire venir sa conjointe, D______, née le ______ 1989 et avec laquelle il s'était marié le 21 mars 2010 au Pakistan, ainsi que leurs enfants, E______, né le ______ 2011, F______, née le ______ 2011, G______, née le ______ 2018, et H______, né le ______ 2020.

h. Par courriers des 25 octobre 2021 et 18 janvier 2022, l'OCPM a sollicité de A______ des informations supplémentaires au sujet de sa demande de regroupement familial.

i. Le 3 mai 2022, A______ a transmis à l'OCPM des documents complémentaires, notamment trois fiches de décompte de versement de l'indemnité‑chômage mentionnant un revenu mensuel de CHF 1'970.-, y compris une déduction d'une part de son revenu à destination de l'office des poursuites.

j. Par courrier du 29 août 2023, l'OCPM a informé A______ de son intention de refuser sa demande de regroupement familial, lui impartissant un délai pour faire valoir ses observations, ce que celui-ci a fait le 20 septembre 2023.

k. Par décision du 11 juin 2024, l'OCPM a rejeté la demande.

Les conditions pour un regroupement familial n'étaient pas remplies. Il disposait de cinq ans à partir du 21 mars 2010 pour déposer une demande d'entrée et d'autorisation de séjour dans le cadre du regroupement familial en faveur de sa conjointe. Or, la demande n'avait été déposée que le 21 avril 2021, soit plus de six ans après les délais légaux. De plus, l'acte de mariage n'avait pas été légalisé.

La demande en faveur de ses enfants E______ et F______ était aussi hors délai car il disposait de cinq ans depuis leur naissance, le ______ 2011, pour déposer une demande d'entrée et d'autorisation de séjour dans le cadre du regroupement familial en leur faveur. La demande n'avait été déposée que le 21 avril 2021, soit quatre ans et quatre mois après les délais légaux.

Concernant la demande en faveur des enfants G______ et H______, même si celle-ci avait été effectuée dans les délais et que leurs actes de naissance avaient été légalisés, cela n'engendrait pas un nouveau délai pour D______ et les deux premiers enfants du couple. Il n'était pas dans l'intérêt des deux enfants les plus jeunes d'être séparés de leur mère et de leurs frère et sœur.

Aucune raison familiale majeure n'avait été invoquée pour justifier un regroupement familial différé.

A______ ne disposait pas d'un logement convenable pour accueillir sa famille. L'OCPM avait réceptionné, le 29 septembre 2023, un contrat de location résidentiel pour un logement de 4 pièces dès le 18 septembre 2023, alors qu'il n'avait pas jusque-là effectué son changement d'adresse avec les documents requis.

Les conditions d'application de l'art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) n'étaient pas remplies.

B. a. Par acte du 15 juillet 2024, A______ a formé recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant à son annulation et à ce qu'il soit fait droit à sa demande.

Son droit d'être entendu avait été violé. L'OCPM n'avait pas tenu compte des observations avancées notamment en lien avec le dies a quo du délai de cinq ans pour demander le regroupement familial et avec sa situation financière, alors même que ces éléments devaient être examinés dans le cadre d'une demande de regroupement familial.

L'OCPM avait pris comme dies a quo du délai du regroupement la date d'établissement du lien familial, soit pour son épouse, la date du mariage célébré le 21 mars 2010, et pour leurs jumeaux, leur date de naissance, soit le 21 décembre 2011. Or, aux termes de la décision querellée, il était au bénéfice d'une autorisation d'établissement depuis le 2 janvier 2018, et la situation antérieure à cette date n'avait pas été prise en compte. Dès lors, le dies a quo pour demander le regroupement familial correspondait au moment où il avait bénéficié de son autorisation d'établissement actuelle, soit le 2 janvier 2018. Suivre la position de l'OCPM reviendrait à vider de sa substance l'art. 47 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20 ; anciennement dénommée loi fédérale sur les étrangers - LEtr).

Sa conjointe et ses enfants vivaient au Pakistan avec son père. Au décès de ce dernier, sa famille avait été contrainte de quitter le domicile qu'elle occupait. Ils avaient dû retourner vivre dans la maison de la famille de D______ et n'y occupaient qu'une pièce. Cette situation était précaire. Ils étaient obligés de vivre dans un logement inadapté, ce qui portait atteinte au bon développement des enfants. Sa famille n'avait aucune possibilité de relogement ailleurs. En effet, le Pakistan était un pays notoirement dangereux pour les femmes isolées et sans soutien masculin. Il existait ainsi à tout le moins des raisons personnelles majeures justifiant le regroupement familial différé.

S'il était certes au chômage au début de l'année 2022, il avait depuis retrouvé un emploi et touchait un salaire mensuel brut de CHF 4'500.-, ce qui lui permettrait d'assumer financièrement sa famille. Son épouse pourrait également trouver un emploi afin de ne pas émarger à l'aide sociale.

Il avait prévu de déménager dans un logement de quatre pièces dès le 1er décembre 2023, mais sans nouvelle de l'OCPM et ne nécessitant pas de logement plus grand pour lui-même, l'emménagement avait été reportée au 1er octobre 2024. Une tel logement de quatre pièces serait largement suffisant pour la famille.

S'agissant des deux plus jeunes enfants, il était dans leur intérêt de le rejoindre à Genève, dès lors qu'ils partageaient une pièce dans le logement de leur famille maternelle et qu'il était à même de s'occuper d'eux.

Enfin, la légalisation des documents officiels n'était pas une condition à l'octroi du regroupement familial, lequel nécessitait uniquement l'établissement de liens de filiation.

b. Ce recours a donné lieu à l’ouverture de la procédure A/2413/2024.

c. Par décision du 15 juillet 2024, annulant et remplaçant celle du 11 juin 2024, l'OCPM a refusé la demande d'entrée et d'octroi et d'autorisation de séjour à titre de regroupement familial pour les membres de la famille de A______.

Les conditions légales pour un regroupement familial n'étaient pas remplies. A______ disposait de cinq ans depuis le 21 mars 2010 pour déposer une demande d'entrée et d'autorisation de séjour dans le cadre du regroupement familial en faveur de sa conjointe. Or, la demande n'avait été déposée que le 21 avril 2021 auprès de l'OCPM, soit plus de six ans après l’expiration du délai légal. Quand bien même il avait été sans autorisation de séjour de 2014 à 2018 à la suite de l'arrêt du TAF du 20 avril 2014 annulant sa naturalisation facilitée, il disposait de plus de quatre ans pour faire la demande de regroupement familial en faveur de sa conjointe entre mars 2010 et avril 2014 et de presque onze mois dès l'obtention de son autorisation d'établissement en janvier 2018, pour respecter les délais.

L'acte de mariage n'avait pas été légalisé. Selon le rapport de la représentation suisse à Islamabad (Pakistan) concernant la légalisation de l'acte de mariage, reçu en juin 2024, il était mentionné que l'acte de naissance de D______ n'était pas valable, dès lors qu'elle était née en 1979 mais que sa naissance avait été enregistrée le 11 mai 2010. Les règles sur les inscriptions tardives n'avaient pas été respectées. D______ devait faire annuler son inscription non valable dans le registre papier et dans le registre électronique par décision d'un tribunal civil. Ensuite, une nouvelle inscription (late registration) devait être faite dans le registre actuel, en respectant les règles relatives aux inscriptions tardives. L'acte de naissance de A______ n'était également pas valable, l'avocat de confiance n'ayant trouvé aucun acte de naissance dans aucun registre. Il convenait de partir du principe qu'il s'agissait d'un faux. A______ devait faire annuler l'inscription non valable dans le registre papier et dans le registre électronique par décision d'un tribunal civil compétent. Ensuite, une nouvelle inscription devait être faite dans le registre actuel, en respectant toutes les règles relatives aux inscriptions tardives. De plus, le certificat de mariage n'était pas valable. D'après la loi au Pakistan, il fallait deux témoins lors du mariage. Or, les noms et détails des témoins du mariage, nécessaires à la validité juridique du « Nikahnama », n'avaient pas été saisis. Le couple devait s'adresser au tribunal compétent afin d'obtenir l'autorisation de saisir ultérieurement les noms des témoins du mariage ainsi que leurs signatures sur les quatre pages du document et de rendre le document juridiquement valable.

La demande en faveur des enfants E______ et F______ était également hors délai car A______ disposait de cinq ans depuis le 21 décembre 2011 pour déposer une demande d'entrée et d'autorisation de séjour dans le cadre du regroupement familial en leur faveur. La demande n'avait été déposée que le 21 avril 2021, soit quatre ans et quatre mois après l’expiration du délai légal. Quand bien même il avait été sans autorisation de séjour de 2014 à 2018 à la suite de l'arrêt du TAF du 20 avril 2014 annulant sa naturalisation facilitée, il avait disposé de plus de deux ans et quatre mois pour faire la demande de regroupement familial entre décembre 2011 et avril 2014 et de deux ans et sept mois dès l'obtention de son autorisation d'établissement en janvier 2018.

Selon le rapport de juin 2024 de la représentation suisse au Pakistan, les enfants E______ et F______ étaient des jumeaux. Il était étrange que la naissance de E______ eut été enregistrée deux semaines après sa naissance et celle de F______ presque six ans plus tard. L'avocat de confiance n'avait pas réussi à déterminer avec certitude qui étaient les parents biologiques des enfants. Dans la même maison habitaient aussi trois frères de A______ avec leurs familles. Au Pakistan, il n'était pas inhabituel d'élever les enfants de ses frères et sœurs comme les siens. Il existait des doutes sur la filiation de ces deux enfants.

Même si la demande en faveur des enfants G______ et H______ avait été formée dans les délais et que leurs actes de naissance avaient été légalisés, cela n'engendrait pas un nouveau délai pour D______ et les deux premiers enfants du couple. Il n'était pas dans l'intérêt des deux enfants plus jeunes de les séparer de leur mère et de leurs frère et sœur.

Aucune raison familiale majeure n'avait été invoquée pour justifier un regroupement familial différé.

A______ ne disposait pas d'un logement convenable pour accueillir sa famille. L'OCPM avait réceptionné, le 29 septembre 2023, un contrat de location résidentiel pour un logement de 4 pièces dès le 18 septembre 2023, alors qu'il n'avait toujours pas effectué son changement d'adresse avec les documents requis.

Les conditions d'application de l'art. 8 CEDH n'étaient pas remplies.

C. a. Par acte du 20 août 2024, A______ a recouru auprès du TAPI contre la décision du 15 juillet 2024, concluant à la jonction avec la procédure A/2413/2024, à l'annulation de la décision litigieuse et à ce qu'il soit fait droit à sa demande, subsidiairement au renvoi de la cause à l'OCPM pour nouvelle décision au sens des considérants.

Il a invoqué les mêmes arguments que ceux développés dans son recours du 15 juillet 2024.

Le TAPI n’a pas ouvert de nouvelle cause pour ce recours.

b. Le 13 septembre 2024, l'OCPM a conclu au rejet du recours.

Le délai de cinq ans pour demander le regroupement familial débutait vis-à-vis de son épouse le jour de la célébration du mariage, soit le 21 mars 2010, et pour les deux enfants E______ et F______, le jour de leur naissance en 2011, lorsque la nationalité suisse ne lui avait pas encore été retirée, conformément à l'art. 47 LEI.

Lui et son épouse n'avaient pas démontré que des motifs impérieux avaient empêché le dépôt d'une demande de regroupement familial dans les délais légaux. Leur vie séparée semblait découler d'un choix personnel.

S'agissant des deux plus jeunes enfants, bien que la demande eût été formulée dans les délais, une division de la famille ne semblait pas être dans leur intérêt.

Quoiqu'il en fût, ni les actes de naissance des recourants, ni le certificat de mariage n'avaient pu être légalisés par la représentation suisse au Pakistan.

c. Le 15 octobre 2024, A______ a renoncé à répliquer.

d. Par jugement du 7 janvier 2025, le TAPI a rejeté le recours.

Il n'y avait pas lieu de procéder à une jonction, dès lors que l’OCPM avait annulé et remplacé sa décision du 11 juin 2024 par la décision litigieuse, alors que le recours avait été introduit, le TAPI ayant simplement continué d'instruire le recours formé le 15 juillet 2024, de sorte qu'aucune nouvelle procédure n'avait été enregistrée suite au recours du 20 août 2024.

Dans sa nouvelle décision du 15 juillet 2024, annulant et remplaçant la décision du 11 juin 2024, l’OCPM avait manifestement pris en compte les éléments invoqués par A______ dans ses observations du 20 septembre 2023.

Conformément aux directives du secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM), pour la détermination du dies a quo du délai de l'art. 47 LEI, s'agissant de sa conjointe, c'était la date du mariage avec cette dernière qui était déterminante, soit le 21 mars 2010. S'agissant de ses enfants, la date déterminante était celle de leur naissance, soit le 21 décembre 2011.

Bien que titulaire d’une autorisation de séjour valable depuis le 2 janvier 2018, A______ avait bénéficié d'une naturalisation facilitée le 13 août 2007, avant d'en être déchu par arrêt du TAF le 10 avril 2014. Aux dates déterminantes précitées, il disposait de la nationalité suisse et, partant, devait solliciter le regroupement familial dans un délai impératif de cinq ans, soit jusqu’au 21 mars 2015 s'agissant de son épouse, et au 21 décembre 2016 pour ses jumeaux. L'acquisition de sa nationalité suisse avait été annulée par arrêt du 10 avril 2014 et dans l'intervalle, il n'avait formulé aucune demande de regroupement familial pour sa conjointe et ses jumeaux. Au bénéfice de son autorisation d'établissement actuelle depuis le 2 janvier 2018, il n'avait formulé sa demande de regroupement familial qu'en date du 25 octobre 2021. Il convenait de calculer le délai pour solliciter le regroupement familial en prenant en considération le fait qu’il pouvait en bénéficier avant l'octroi de son autorisation de séjour.

S'agissant de sa conjointe, il disposait entre mars 2010 et avril 2014 d'un peu plus de quatre ans pour déposer sa demande, et de presque onze mois dès l'obtention de son autorisation d'établissement en janvier 2018, pour respecter les délais. S'agissant des jumeaux, il disposait de plus de deux ans et quatre mois pour faire la demande de regroupement familial entre décembre 2011 et avril 2014 et de deux ans et sept mois dès l'obtention de son autorisation d'établissement en janvier 2018. Effectuée le 25 octobre 2021, sa demande était manifestement tardive s'agissant de sa conjointe et de ses jumeaux.

S'agissant de ses deux enfants les plus jeunes, G______ et H______, nés les ______ 2018 et ______ 2020, la demande de regroupement familial avait été formulée dans le délai de cinq ans prévu par l'art. 47 LEI, ce que l’OCPM ne contestait pas. Cela étant, âgés respectivement de 5 et 4 ans, ces enfants n'avaient connu que la vie au Pakistan auprès de leur mère et leurs frère et sœur. Vu leur jeune âge, ils nécessiteraient une prise en charge totale que A______, qui exerçait une activité lucrative dans le domaine de la restauration, serait difficilement à même de leur offrir seul. Il n’avait de plus jamais fait ménage commun avec ces derniers. Séparer ces enfants de leur mère, de leur sœur et de leur frère, avec lesquels ils vivaient depuis leur naissance pour venir vivre dans un environnement inconnu auprès de leur père constituerait un déracinement pour eux. Un tel regroupement partiel n’apparaissait manifestement pas dans leur intérêt prépondérant.

A______ invoquait la vie difficile de sa conjointe et ses enfants au Pakistan en raison des conséquences du décès de son père le 10 octobre 2022. Ces éléments ne constituaient pas des raisons familiales majeures au sens de l’art. 47 al. 4 LEI. Outre le fait que ces allégations n’étaient pas démontrées, il ne ressortait pas des éléments au dossier ni des explications de A______ que les intéressés ne seraient plus en mesure de continuer à vivre au Pakistan, comme ils l’avaient fait jusqu’alors, étant précisé que la demande de regroupement familial avait été formulée avant le décès du père de A______ le 10 octobre 2022. A______, lorsqu’il avait épousé D______, savait que cette dernière, en l’absence de dépôt d’une demande en vue de vivre ensemble en Suisse, ne pourrait faire ménage commun avec lui après leur union. Ainsi, le fait de vivre dans deux pays différents après la célébration de leur mariage plus de dix ans auparavant découlait d’un choix de vie que les époux avaient fait en toute connaissance de cause et dans lequel ils avaient persisté même après la naissance de leurs enfants. D______ et A______ avaient choisi de vivre séparés, nonobstant les inconvénients qui en découlaient. Ils ne pouvaient se prévaloir de ces inconvénients. Leur désir de voir les membres de leur famille réunis en Suisse ne constituait, conformément à la jurisprudence précitée, pas une raison familiale majeure. Les conditions restrictives posées au regroupement familial différé par l’art. 47 al. 4 LEI en relation avec les art. 73 al. 3 et 75 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201) n’étaient pas remplies.

La décision de refus ne consacrait aucune violation de l’art. 8 CEDH. D______ et ses enfants ne disposaient d’aucun droit à obtenir un titre de séjour sur le sol helvétique. Les conditions posées par les art. 43 ss LEI n'étant pas réalisées, ils ne pouvaient se prévaloir du droit conventionnel pour contourner la législation interne et obtenir un titre de séjour en leur faveur, étant rappelé que le droit au respect de la vie familiale n’était pas absolu et que la mise en œuvre d’une politique restrictive en matière de séjour des étrangers constituait précisément un but légitime susceptible de justifier une ingérence dans ce domaine. La famille pourrait continuer d’entretenir des relations à distance, comme elle l’avait fait jusqu’alors. La décision litigieuse était également conforme au bien des enfants, notamment sous l’angle de la Convention relative aux droits de l'enfant, conclue à New York le 20 novembre 1989 (CDE - RS 0.107), qui n'accordait, au demeurant, aucun droit à une réunification familiale.

D. a. Par acte remis à la poste le 4 février 2025, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation et à ce qu’il soit dit que l’autorisation d’entrée et de séjour pour regroupement familial était accordée à son épouse et à ses enfants. Subsidiairement, la cause devait être renvoyée au TAPI pour nouvelle décision.

Son droit d’être entendu avait été violé. Il avait demandé au TAPI la production de son dossier en mains de son conseil mais le TAPI n’avait jamais transmis la copie de son dossier. Ce vice pouvait être réparé en ordonnant la transmission en ses mains d’une copie complète de son dossier à l’OCPM et en lui impartissant un délai pour compléter son recours.

L’art. 47 LEI avait été violé. L’annulation de sa naturalisation avait eu des effets ex tunc, soit depuis le 13 août 2007. Il n’avait jamais été titulaire de la nationalité suisse ni des droits en découlant, et ne pouvait bénéficier d’un regroupement familial avant l’octroi de son autorisation d’établissement. Le dies a quo était le 2 janvier 2018.

Il pouvait faire valoir des raisons familiales majeures justifiant un regroupement familial différé. Son père était décédé, ce qui avait forcé son épouse et ses enfants à retourner vers la famille de cette dernière. Il était notoire que le Pakistan était un pays patriarcal et que la femme y était vue comme un fardeau. La famille de son épouse estimait qu’il n’était pas son rôle d’héberger sa famille et que celle-ci devait quitter le logement familial. Aucune possibilité de relogement sérieuse et « sécurisante » n’existait au Pakistan pour les femmes seules.

b. Le 5 mars 2025, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

c. Le 26 mars 2025, le recourant a renoncé à répliquer.

d. Le 27 mars 2025, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Dans un grief de nature formelle, qu’il y a lieu d’examiner en premier lieu, le recourant se plaint de la violation de son droit d’être entendu.

2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1).

Selon l’art. 44 LPA, les parties et leurs mandataires sont seuls admis à consulter au siège de l’autorité les pièces du dossier destinées à servir de fondement à la décision. Le droit d’accéder à leurs données personnelles que les tiers peuvent déduire de la loi sur l’information du public, l’accès aux documents et la protection des données personnelles du 5 octobre 2001 (LIPAD ‑ A 2 08) est réservé (al. 1). Dès le dépôt d’un recours, les parties sont admises en tout temps à consulter le dossier soumis à la juridiction saisie (al. 2). L’autorité délivre copie des pièces contre émolument (al. 4) pour autant qu’il n’en résulte pas un surcroît de travail excessif (ATF 131 V 35). Il n’y a cependant pas de droit à la transmission par pli de l’original (en prêt) ou d’une copie du dossier (ATA/267/2024 du 27 février 2024 consid. 2.2 ; ATA/100/2024 du 30 janvier 2024 consid. 2.2 ; Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, p. 146 n. 561).

2.2 En l’espèce, le recourant se plaint de ce que le TAPI ne lui aurait pas transmis la copie de son dossier.

Le recourant a bien demandé dans son recours du 15 juillet 2024 devant le TAPI que l’apport du dossier de l’OCPM soit ordonné et qu’une copie lui en soit remise. L’OCPM a produit son dossier – volumineux et contenu dans un carton – devant le TAPI avec ses observations du 13 septembre 2024. Le 15 octobre 2014, le recourant a renoncé à répliquer devant le TAPI. Le dossier de l’OCPM a suivi le dossier du TAPI, lequel a été produit devant la chambre de céans le 6 février 2025.

Le recourant ne dispose pas d’un droit à se faire envoyer une copie du dossier. Il ne soutient pas qu’il ne lui aurait pas été possible de le consulter auprès du greffe du TAPI ou de la chambre de céans, comme l’art. 44 al. 2 LPA lui en donne le droit en tout temps. Il ne soutient pas que des pièces figurant à la procédure, et qu’il n’aurait pu consulter au greffe, l’auraient empêché de faire valoir ses droits et de préparer efficacement son recours. De fait, il ressort de ses écritures tant devant le TAPI que la chambre de céans que le recourant a bien connaissance des faits et des pièces déterminants et a pu articuler son argumentation et ses griefs contre la décision de l’OCPM puis le jugement du TAPI.

Le grief sera écarté.

3.             Le litige a pour objet la conformité au droit de la décision refusant de délivrer au recourant des autorisations pour regroupement familial en faveur de son épouse et de leurs quatre enfants.

3.1 Le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 LPA). La chambre administrative n'a toutefois pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), à savoir notamment s'il s'agit d'une mesure de contrainte prévue par le droit des étrangers (art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10), hypothèse non réalisée en l'espèce.

3.2 La LEI et ses ordonnances d’exécution, en particulier l’OASA, règlent l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants pakistanais.

3.3 Aux termes de l’art. 43 LEI, le conjoint étranger du titulaire d’une autorisation d’établissement ainsi que ses enfants célibataires étrangers de moins de 18 ans ont droit à l’octroi d’une autorisation de séjour et à la prolongation de la durée de validité aux conditions cumulatives suivantes : ils vivent en ménage commun avec lui (let. a) ; ils disposent d’un logement approprié (let. b) ; ils ne dépendent pas de l’aide sociale (let. c) ; ils sont aptes à communiquer dans la langue nationale parlée au lieu de domicile (let. d) ; la personne à l’origine de la demande de regroupement familial ne perçoit pas de prestations complémentaires annuelles au sens de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30) ni ne pourrait en percevoir grâce au regroupement familial (let. e).

3.4 Le regroupement familial doit être demandé dans les cinq ans. Pour les enfants de plus de 12 ans, le regroupement doit intervenir dans un délai de douze mois (art. 47 al. 1 LEI). Pour les membres de la famille d’étrangers, les délais commencent à courir lors de l’octroi de l’autorisation de séjour ou lors de l’établissement du lien familial (art. 47 al. 3 let. b LEI). Selon le texte clair de l’art. 47 al. 1 LEI, le délai est respecté si la demande de regroupement familial est déposée avant son échéance (ATA/1109/2023 du 10 octobre 2023 consid. 2.2 et les références citées). Les délais fixés par la législation sur les personnes étrangères ne sont pas de simples prescriptions d’ordre, mais des délais impératifs, dont la stricte application ne relève pas d’un formalisme excessif (arrêt du Tribunal fédéral 2C_285/2015 du 23 juillet 2015 consid. 2.3).

3.5 Passé ce délai, le regroupement familial différé n’est autorisé que pour des raisons familiales majeures (art. 47 al. 4 LEI). Les limites d’âge et les délais prévus à l’art. 47 LEI visent à permettre une intégration précoce et à offrir une formation scolaire en Suisse aussi complète que possible (ATF 133 II 6 consid. 5.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1176/2016 du 26 juillet 2017 consid. 4.2.). Les délais prévus à l’art. 47 LEI ont également pour objectif la régulation de l’afflux d’étrangers (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1/2017 du 22 mai 2017 consid. 4.1.2). Ces buts étatiques légitimes sont compatibles avec la CEDH (ATF 142 II 35 consid. 6.1).

3.6 Des raisons familiales majeures peuvent notamment être invoquées lorsque le bien de l'enfant ne peut être garanti que par un regroupement familial en Suisse (art. 75 OASA). La ratio legis de l'art. 47 LEI consiste principalement à éviter que des demandes de regroupement familial différé soient déposées peu avant l'âge auquel une activité lucrative peut être exercée, lorsque celles-ci permettent principalement une admission facilitée au marché du travail plutôt que la formation d'une véritable communauté familiale (arrêt du Tribunal fédéral 2C_677/2018 du 4 décembre 2018 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] F-1056/2022 du 25 novembre 2022 consid. 6.1).

3.7 Le désir – pour compréhensible qu'il soit – de voir les membres de la famille réunis en Suisse, souhait qui est à la base de toute demande de regroupement familial et représente même une condition d'un tel regroupement, ne constitue pas en soi une raison familiale majeure au sens des art. 47 al. 4 LEI et 73 al. 3 OASA. Lorsque la demande de regroupement familial est déposée hors délai et que la famille a vécu séparée volontairement, d'autres raisons sont nécessaires (ATF 146 I 185 consid. 7.1.1 et les références citées).

Dans une constellation dans laquelle les relations familiales sont vécues pendant des années par-delà les frontières, par le biais de visites et des moyens de communication modernes, l'intérêt légitime à la restriction de l'immigration, qui est à la base de la ratio legis de l'art. 47 al. 4 LEI, prévaut normalement, tant que des raisons objectives et convaincantes, qui doivent être spécifiées et justifiées par les personnes concernées, ne permettent pas de retenir la solution contraire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_106/2021 du 25 juin 2021 consid. 3.4 et les arrêts cités).

3.8 Le regroupement familial différé est soumis à de strictes conditions. Il suppose la survenance d'un changement important de circonstances, notamment d'ordre familial, telle une modification des possibilités de prise en charge éducative de l'enfant à l'étranger, à la suite par exemple du décès ou de la maladie de la personne qui s’en occupait. C'est notamment le cas lorsque des enfants se trouveraient livrés à eux-mêmes dans leur pays d'origine (ATF 137 I 284 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_865/2021 du 2 février 2022 consid. 3.4 ; 2C_787/2016 du 18 janvier 2017 consid. 6.2). Sous cet angle, il est nécessaire que le parent qui demande une autorisation de séjour pour son enfant au titre du regroupement familial dispose (seul) de l'autorité parentale ou, en cas d'autorité parentale conjointe, que l'autre parent vivant à l'étranger ait donné son accord exprès (arrêt du TAF F-1056/2022 précité consid. 8.1).

Lorsque le regroupement familial est demandé en raison d'un changement important des circonstances à l'étranger, notamment dans les rapports de l'enfant avec le parent qui en avait la charge (selon les règles du droit civil), il convient d'examiner s'il existe des solutions alternatives de prise en charge permettant à l'enfant de rester où il vit. De telles solutions correspondent en effet en principe mieux au bien-être de l'enfant, parce qu'elles permettent d'éviter que celui-ci ne soit arraché à son milieu et à son réseau de relations de confiance (arrêt du Tribunal fédéral 2C_882/2022 du 7 février 2023 consid. 4.2). Cette exigence est d'autant plus importante pour les enfants entrés dans l'adolescence et qui ont toujours vécu dans leur pays d'origine, car plus un enfant est âgé, plus les difficultés d'intégration auxquelles il est exposé dans un pays dans lequel il n'a jamais vécu et qu'il ne connaît pas apparaissent importantes (ATF 137 I 284 consid. 2.2 ; 133 II 6 consid. 3.1 et 3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_677/2018 du 4 décembre 2018 consid. 5.1 ; 2C_723/2018 du 13 novembre 2018 consid. 5.1 et les références citées). D'une manière générale, plus l'enfant a vécu longtemps à l'étranger et se trouve à un âge proche de la majorité, plus les motifs propres à justifier le déplacement de son centre de vie doivent apparaître sérieux et solidement étayés (arrêt du Tribunal fédéral 2C_787/2016 consid. 6.2).

Il ne serait toutefois pas compatible avec le respect du droit à la vie familiale de n'admettre le regroupement familial différé qu'en l'absence totale de solution alternative. Simplement, une telle alternative doit être d'autant plus sérieusement envisagée et soigneusement examinée que l'âge de l'enfant est avancé et que la relation avec le parent vivant en Suisse n'est pas (encore) trop étroite (arrêts du Tribunal fédéral 2C_281/2023 du 11 octobre 2023 consid. 4.4 ; 2C_723/2018 précité consid. 5.1).

3.9 L’art. 75 OASA précise que des raisons familiales majeures sont données lorsque le bien de l’enfant ne peut être garanti que par un regroupement familial en Suisse. Contrairement au libellé de l’art. 75 OASA, ce n’est pas exclusivement l’intérêt supérieur de l’enfant qui doit être pris en compte, mais plutôt l’ensemble des circonstances pertinentes du cas d’espèce, parmi lesquelles figure l’intérêt de l’enfant à maintenir des contacts réguliers avec ses parents (arrêt du Tribunal fédéral 2C_882/2022 du 7 février 2023 consid. 4.1 et les références citées).

Les raisons familiales majeures pour le regroupement familial hors délai doivent ainsi être interprétées d’une manière conforme au droit fondamental au respect de la vie familiale (ATF 146 I 185 consid. 7.1.1 et les arrêts cités), le fait de refuser un droit de séjour à un étranger dont la famille se trouve en Suisse pouvant porter atteinte à cette garantie (ATF 139 I 330 consid. 2.1). Pour autant, les liens familiaux ne sauraient conférer de manière absolue, en vertu de l’art. 8 CEDH, un droit d’entrée et de séjour, une ingérence dans l’exercice de ce droit étant possible aux conditions de l’art. 8 § 2 CEDH. À cet égard, les règles internes relatives au regroupement familial (art. 42 ss et art. 47 LEI) constituent un compromis entre, d’une part, la garantie de la vie familiale et, d’autre part, les objectifs de limitation de l’immigration (arrêt du Tribunal fédéral 2C_882/2022 précité consid. 4.3 et les références citées).

Il est admis que l'art. 8 CEDH peut conférer un droit de séjourner en Suisse aux enfants étrangers mineurs dont les parents bénéficient d'un droit de présence assuré en Suisse, voire aux enfants majeurs qui se trouveraient dans un état de dépendance particulier par rapport à ces derniers, en raison par exemple d'un handicap ou d'une maladie grave. Dans une telle situation toutefois, contrairement à ce qui prévaut s'agissant des demandes de regroupement familial fondées sur la LEI, le Tribunal fédéral se fonde sur l'âge atteint par l'enfant au moment où il statue pour savoir s'il existe un droit potentiel à une autorisation de séjour déduit de l'art. 8 CEDH (ATF 145 II 127, avec de nombreuses références).

La question de savoir si, dans un cas d’espèce, les autorités compétentes sont tenues d’accorder une autorisation de séjour fondée sur l’art. 8 CEDH doit donc être résolue sur la base d’une pesée de tous les intérêts publics et privés en présence (ATF 137 I 284 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_325/2019 du 3 février 2020 consid. 3.1).

D’une façon générale, il ne doit être fait usage de l’art. 47 al. 4 LEI qu’avec retenue (ATF 146 I 185 consid. 7.1.1).

3.10 En l’espèce, le recourant a formé sa demande d’autorisations de séjour en vue de regroupement familial le 21 avril 2021.

Il fait tout d’abord valoir que l’annulation de sa naturalisation l’avait rétrospectivement privé de la possibilité de demander le regroupement familial pour son épouse dès leur mariage 21 mars 2010 et pour leurs deux premiers enfants dès leur naissance le 21 décembre 2011.

Il soutient que les délais de l’art. 47 LEI n’avaient commencé à courir qu’à partir de la délivrance de son autorisation d’établissement, le 2 janvier 2018, de sorte que sa demande avait été déposée dans les délais.

Il ne soutient pas qu’il aurait effectivement renoncé à demander le regroupement familial dès son mariage ou dès la naissance de ses enfants, ni pour quels motifs il se serait abstenu de le faire, mais circonscrit son grief à un raisonnement juridique, suivant lequel il ne pouvait juridiquement pas demander le regroupement familial avant le 2 janvier 2018.

Ce raisonnement ne convainc pas.

C’est en effet respectivement dès son mariage avec son épouse actuelle, soit le 21 mars 2010, et la naissance de leurs deux premiers enfants, soit le 21 décembre 2011, que le recourant devait faire preuve de la diligence requise et demander le regroupement familial dans le respect des délais prévus à l’art. 47 LEI.

Il possédait alors la nationalité suisse, laquelle ne lui serait retirée que bien plus tard, par décision du 28 février 2012, décision qui ne deviendrait à son tour définitive que le 10 avril 2014.

C’est ainsi de manière conforme au droit que l’OCPM a estimé : que le recourant avait disposé de plus de quatre ans pour faire la demande de regroupement familial en faveur de sa conjointe entre mars 2010 et avril 2014, puis de presque onze mois dès l'obtention de son autorisation d'établissement en janvier 2018, pour respecter les délais ; qu’il avait disposé de plus de deux ans et quatre mois pour faire la demande de regroupement familial en faveur de ses deux premiers enfants entre décembre 2011 et avril 2014 puis de deux ans et sept mois dès l'obtention de son autorisation d'établissement en janvier 2018 ; que ses demandes avaient cependant été déposées bien après l’expiration de ces délais.

Il y a ainsi lieu de retenir que le délai de cinq ans de l’art. 47 al. 1 LEI n’a pas été respecté, si bien que l’OCPM devait rejeter la demande.

Le recourant fait cependant valoir des raisons familiales majeures au sens de l’art. 47 al. 4 LEI.

Selon la jurisprudence suscitée, celles-ci peuvent notamment être réalisées lorsque par exemple le bien de l'enfant ne peut être garanti que par un regroupement familial en Suisse.

Tel n’est toutefois pas le cas en l’occurrence.

En effet, selon le recourant, le décès de son père aurait poussé son épouse à se déplacer avec les enfants pour aller vivre dans sa propre famille, où elle ne bénéficierait que de conditions de logement spartiates. En outre, cette famille estimerait que c’est au recourant qu’il appartient de prendre en charge femme et enfants. Enfin, la situation d’une femme sans présence masculine au Pakistan serait excessivement difficile.

Il n’est toutefois pas allégué que l’épouse du recourant ne pourrait plus prendre en charge les enfants ni que ceux-ci seraient livrés à eux-mêmes au Pakistan. Il ressort au contraire du dossier que les quatre enfants ont toujours vécu depuis leur naissance au Pakistan avec leur mère et dans leur famille paternelle puis maternelle. Le changement des circonstances, s’il peut certes entraîner des désagréments, ne met en danger ni la mère ni les enfants et n’appelle pas le regroupement en Suisse de toute la famille. Le caractère éventuellement moins confortable des conditions de logement n’est pas pertinent, pas plus que ne le seraient les opinions de la famille de l’épouse du recourant sur les responsabilités de la prise en charge de la famille, étant observé que l’épouse et les enfants du recourant ont vécu plus de dix ans auprès du père de celui-ci, sans que cela ait apparemment posé de problème. Rien n’a été documenté ni allégué, enfin, sur la contribution du recourant à l’entretien de sa famille au Pakistan.

C’est ainsi de manière conforme à la loi et sans abus de son pouvoir d’appréciation que l’OCPM a retenu que l’existence de raisons familiales majeures au sens de l’art. 47 al. 4 LEI n’était ni établie ni même rendue vraisemblable en l’espèce, et qu’il a refusé de délivrer des autorisations de séjour au titre du regroupement familial à l’épouse – D______ – et aux deux premiers enfants – E______ et F______, nés le ______ 2011 – du recourant.

En ce qui concerne les deux derniers enfants du couple, pour lesquels les demandes ont été déposées à temps, il y a lieu d’observer que le recourant et son épouse ont choisi dès leur mariage de vivre dans deux pays séparés et qu’ils ont par la suite maintenu ce choix lorsqu’ils ont fondé une famille, à la naissance de chacun de leurs enfants, et convenu que les enfants grandiraient au Pakistan avec leur mère et dans leurs familles parentales.

C’est ainsi à juste titre que l’OCPM a estimé qu’il n’était pas dans l’intérêt de G______, née le ______ 2018, et H______, né le ______ 2020, d’être séparés de leur mère et de leur fratrie, ainsi que du pays et de la culture dans laquelle ils avaient grandi depuis leur naissance, et dont ils maîtrisaient la langue et les codes, pour venir vivre à Genève avec un père seul, qui n’avait jamais fait ménage commun avec eux, qui travaillait à plein temps dans la restauration, et dont il était douteux qu’il constitue le parent le plus adapté pour la prise en charge de jeunes enfants.

L’OCPM a ainsi refusé de manière conforme au droit et sans abus de son large pouvoir d’appréciation de délivrer à ceux-ci des autorisations de séjour en vue du regroupement familial.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

4.             Vu l’issue du recours, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 février 2025 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 janvier 2025 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ un émolument de CHF 400.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Mansour CHEEMA, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean‑Marc VERNIORY, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.