Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/116/2025 du 28.01.2025 ( AIDSO ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/2851/2024-AIDSO ATA/116/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 28 janvier 2025 2ème section |
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dans la cause
A______ recourant
contre
HOSPICE GÉNÉRAL intimé
A. a. A______, né le ______ 1973, a bénéficié de l’aide financière de l’Hospice général (ci-après : l’hospice) depuis le 1er août 2018.
b. Il est divorcé et a une fille, B______, née le ______ 2006.
c. Du 1er août 2018 au 30 septembre 2019, les prestations d’aide financière de l’hospice ont été calculées pour une personne majeure seule. Du 1er octobre 2019 au 31 décembre 2023, elles ont pris en compte sa fille B______, et le groupe familial était composé d’une personne majeure avec un enfant à charge. Dès le 1er janvier 2024, les prestations en faveur d’A______ ont à nouveau été calculées pour une personne majeure seule.
d. À plusieurs reprises entre août 2018 et septembre 2022, A______ a pris note que les prestations d’aide financière de l’hospice étaient subsidiaires à toute autre ressource et s’est engagé par écrit à informer l’hospice de tout changement dans sa situation personnelle, familiale et économique susceptible de modifier les prestations d’aide financière et à rembourser l’hospice de toute prestations perçue indûment.
e. Entre août 2018 et septembre 2022, A______ a toujours déclaré à l’hospice avoir pour seul compte le compte Postfinance à son nom CH1______. Il n’a déclaré aucun compte au nom de sa fille.
f. Le 20 octobre 2022, le service des bourses et prêts d’études (ci-après : SBPE) a octroyé à B______ une bourse de CHF 12'000.- pour la période de septembre 2022 à août 2023. L’hospice a reçu copie de la décision. Un premier virement de CHF 2'000.- correspondant aux mois de septembre et octobre 2022 devait être versé directement à l’hospice. Les montants suivants seraient versés sur le compte Postfinance au nom de A______ CH2______.
g. Le 1er novembre 2022, A______ a adressé au SBPE un ordre le priant de verser sur le compte de l’hospice auprès de la banque cantonale de Genève tous les paiements rétroactifs qui seraient alloués pour sa fille. Dès que la bourse serait versée sous forme de mensualités, elle le serait directement auprès du bénéficiaire. Il s’est engagé auprès de l’hospice à le rembourser pour le cas où il percevrait directement les paiements rétroactifs.
h. Le 16 février 2023, l’hospice a reçu du SBPE CHF 3'000.- en remboursement des avances consenties à A______ pour les mois de septembre à novembre 2022.
i. Le 18 décembre 2023, le SBPE a octroyé à B______ une bourse d’études de CHF 12'500.- pour la période de septembre 2023 à août 2024. CHF 4'182.-, correspondant aux mois de septembre à décembre 2023, seraient versés directement à l’hospice. Dès janvier 2024, le solde serait versé chaque mois, à hauteur de CHF 1'046.-, sur le compte Postfinance au nom de A______ CH2______.
j. Le 5 janvier 2024, le centre d’action sociale (ci-après : CAS) a informé A______ que les mensualités de la bourse d’étude de décembre 2022 à septembre 2023 versés directement sur son compte CH2______ n’avaient pas été comptabilisés dans le calcul de ses prestations d’aide financière et que la part mensualisée du forfait de formation pour les mois de septembre à novembre 2022 (CHF 166.65 par mois) ne lui avait pas été remboursée.
k. Par décision du 9 janvier 2024, le CAS a demandé à A______ le remboursement de CHF 8'333.50 correspondant aux aides financières perçues de l’hospice du 1er décembre 2022 au 30 septembre 2023.
l. Le 12 janvier 2024, A______ a formé opposition contre cette décision, expliquant que sa fille avait reçu les mensualités sur son compte, qu’elle les avait utilisées pour ses études et que la bourse lui était destinée. L’hospice connaissait l’octroi de la bourse, pour avoir reçu en copie la décision du SBPE. Il avait appris avec surprise qu’il y avait une confusion à son égard, puisqu’il avait les qualités de débiteur et de créancier à son égard.
m. Le 15 janvier 2024, l’hospice a remboursé à A______ 3 x CHF 166’65, soit CHF 499.95, correspondant aux frais de formation compris dans la bourse pour les mois de septembre à novembre 2022.
n. Par décision du 6 août 2024, l’hospice a rejeté l’opposition.
Dès le mois de décembre 2022, son droit aux prestations avait continué d’être calculé sans tenir compte des mensualités de la bourse de CHF 1'000.- versées sur son compte Postfinance CH2______, lequel n’avait pas été déclaré.
Sa fille faisait partie de son groupe familial jusqu’en décembre 2023 et avait bénéficié de prestations d’aide dans le cadre de son dossier social. Il en était parfaitement informé. Le fait que les mensualités de la bourse avaient été versées directement sur le compte de sa fille n’y changeait rien. Le montant réclamé devait être réduit à CHF 7'500.15, dans le mesure où le rétroactif versé par le SBPE était de CHF 3'000.- et non de CHF 2'000.-.
B. a. Par acte remis à la poste le 4 septembre 2024, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation.
L’hospice avait reçu copie de la décision d’octroi de la bourse, ce qui rendait « non plausibles » les motivations de la décision de remboursement selon laquelle il avait omis d’informer l’hospice de l’octroi de la bourse. Cette dernière avait été utilisée uniquement pour financier les frais liés à la scolarité de sa fille.
b. Le 4 octobre 2024, l’hospice a conclu au rejet du recours.
c. Le 25 octobre 2024, A______ a persisté dans ses conclusions. Il n’avait à aucun moment violé son obligation de renseigner étant donné que l’hospice avait été mis au courant au même moment que lui de l’octroi de la bourse. C’était ce dernier qui avait commis une erreur administrative en continuant de verser des prestations qui n’étaient pas dues.
d. Le 28 octobre 2024, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).
2. Le litige porte sur la demande de restitution du montant de CHF 7'500.15 tel que réduit sur opposition. Le recourant conteste devoir rembourser ce montant.
2.1 Aux termes de l’art. 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), quiconque est dans une situation de détresse et n’est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d’être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine.
2.2 La loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04), dans sa version en vigueur jusqu’au 31 décembre 2024 applicable à la présente espèce – devenue depuis le 1er janvier 2025 la loi sur l’aide sociale et la lutte contre la précarité (LASLP – J 4 04) – a pour but de prévenir l’exclusion sociale et d’aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1 LIASI). Elle vise à garantir à ceux qui se trouvent dans la détresse matérielle et morale des conditions d’existence conformes à la dignité humaine (art. 1 al. 2 2e phr. LIASI).
2.3 Selon l’art. 8 LIASI, la personne majeure qui n’est pas en mesure de subvenir à son entretien ou à celui des membres de la famille dont il a la charge a droit à des prestations d’aide financière (al. 1). Ces prestations ne sont pas remboursables, sous réserve des art. 12 al. 2 et 36 à 41 LIASI (al. 2).
2.4 Conformément à l’art. 9 al. 1 LIASI, les prestations d’aide financière versées en vertu de la LIASI sont subsidiaires à toute autre source de revenu, aux prestations découlant du droit de la famille ou de la loi fédérale sur le partenariat enregistré entre personnes du même sexe du 18 juin 2004, ainsi qu’à toute autre prestation à laquelle le bénéficiaire et les membres du groupe familial ont droit, en particulier aux prestations d’assurances sociales fédérales et cantonales, et aux prestations communales, à l’exception des prestations occasionnelles.
2.5 Les prestations d’aide financière sont accordées aux personnes dont le revenu mensuel déterminant n’atteint pas le montant destiné à la couverture des besoins de base et dont la fortune ne dépasse pas les limites fixées par règlement du Conseil d’État (art. 21 al. 1 LIASI).
2.6 Selon l’art. 22 LIASI, sont pris en compte les revenus et les déductions sur le revenu prévus aux art. 4 et 5 de la loi sur le revenu déterminant unifié du 19 mai 2005 (LRDU - J 4 06), sous réserve des exceptions figurant aux al. 2 et 3 (al. 1).
2.7 À teneur de l’art. 4 LRDU, le socle du revenu déterminant unifié comprend l’ensemble des revenus, notamment : les prestations provenant de la prévoyance au sens de l’art. 25 de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), à l’exclusion de l’allocation pour impotent et de la contribution d’assistance au sens des dispositions de la loi fédérale sur l’assurance‑vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10), et de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - 831.20 ; let. f), les autres revenus acquis au sens de l’art. 26 LIPP (let. g), les autres prestations sociales non comprises dans l’art. 13 de la LRDU (let. h).
2.8 L’art. 13 LRDU précise que les prestations catégorielles et de comblement doivent être demandées dans l’ordre suivant : a) les prestations catégorielles : 1) les subsides de l’assurance-maladie, 2) l’avance des pensions alimentaires, 3) les allocations de logement, 4) les subventions personnalisées habitations mixtes (HM) ; b) les prestations de comblement : 1) les prestations transitoires pour les chômeurs âgés, 2) les prestations complémentaires fédérales à l’AVS, 3) les prestations complémentaires fédérales à l’AI, 4) les prestations complémentaires cantonales à l’AVS, 5) les prestations complémentaires cantonales à l’AI, 6) les bourses d’études, 7) les prestations complémentaires familiales, 8) l’aide sociale, 9) l’aide sociale aux rentiers AVS/AI.
2.9 Selon l’art. 22 al. 2 LIASI, ne font pas partie du revenu pris en compte : a) les allocations de naissance ; b) les prestations pour impotence ainsi que les contributions d’assistance au sens de la loi sur l’assurance-vieillesse et survivants, assurance-invalidité, assurance-accidents ou assurance militaire ; c) les prestations ponctuelles provenant de personnes, d’institutions publiques ou d’institutions privées ayant manifestement le caractère d’aide occasionnelle ; d) les versements pour tort moral dans les limites fixées par règlement du Conseil d’État ; e) le 50% du produit de l’exercice d’une activité lucrative du mineur, membre du groupe familial ; f) une franchise sur le revenu provenant d’une activité lucrative, variant en fonction du taux d’activité lucrative, définie par règlement du Conseil d’État, à titre de prestation à caractère incitatif.
2.10 Pour la fixation des prestations sont déterminantes les ressources du mois en cours (art. 27 al. 1 let. a LIASI).
2.11 L'art. 35 al. 1 LIASI décrit six cas dans lesquels les prestations d'aide financière peuvent être réduites, suspendues, refusées ou supprimées. Tel est notamment le cas lorsque la personne bénéficiaire ne répond pas ou cesse de répondre aux conditions de la loi (let. a).
2.12 Selon l’art. 36 LIASI, est considérée comme étant perçue indûment toute prestation a été touchée sans droit (al. 1). Par décision écrite, l’hospice réclame au bénéficiaire, à sa succession ou à ses héritiers qui l’ont acceptée, le remboursement de toute prestation d’aide financière perçue indûment par la suite de la négligence ou de la faute du bénéficiaire (al. 2). Le remboursement de prestations indûment touchées peut être réclamé sur le bénéficiaire, sans avoir commis de faute ou de négligence, n’est pas de bonne foi (al. 3).
2.13 Selon l’art. 37 al. 1 LIASI, si les prestations d’aide financière ont été accordées à titre d’avances, dans l’attente de prestations sociales ou d’assurances sociales, les prestations d’aide financière sont remboursables, à concurrence du montant versé par l’hospice durant la période d’attente, dès l’octroi desdites prestations sociales ou d’assurances sociales.
2.14 En l’espèce, le recourant se prévaut de l’oubli de l’hospice, qui avait pourtant été informé de l’octroi de la bourse d’études, et du fait que la bourse d’études n’a profité qu’à sa fille.
Le recourant a indiqué dans ses demandes d’aide financière du 7 février et du 27 juillet 2020, 16 juillet 2021 et 1er septembre 2022 que sa fille mineure B______ vivait avec lui et était à sa charge. Il ne peut soutenir qu’il ignorait qu’elle faisait partie du groupe familial.
Les prestations financières d’aide sociale sont passées de CHF 2'013.- depuis août 2018, pour une personne aidée, à CHF 3'377.10 depuis octobre 2019 pour deux personnes aidées, soit le recourant et sa fille B______. Le recourant ne pouvait ignorer que l’aide financière allouée était calculée pour tout le groupe familial, comprenant sa fille.
Le recourant ne conteste pas ne pas avoir indiqué dans ses demandes d’aide l’existence du compte Postfinance CH2______, alors qu’il s’était engagé à déclarer tous les éléments de revenu et de fortune du groupe familial – peu importe à cet égard que ce compte fût à son nom ou à celui de sa fille.
La décision d’octroi de la bourse d’études du 20 octobre 2022 mentionnait le versement du premier montant de CHF 2'000.- à l’hospice et le recourant avait signé le 1er novembre 2022 un ordre de paiement en faveur de l’hospice à l’attention du SBPE, lequel mentionnait : « Dans le cas où je percevrais directement ces paiements rétroactifs, je m’engage à les rembourser à l’Hospice général à hauteur du montant des prestations qu’il m’a consenties. Je prends acte que l’Hospice général affectera les prestations reçues au remboursement des prestations qu’il a avancées, des éventuelles prestations indûment versées et des autres dettes que je pourrais avoir à son égard ». Il ne peut donc soutenir qu’il ignorait que les prestations d’aide financière étaient subsidiaires à la bourse d’études ou encore que la bourse d’études était comptée dans le calcul des conditions de l’octroi de l’aide financière et que les prestations d’aide de l’hospice de septembre à novembre 2022 constituaient des avances à hauteur des mensualités de la bourse d’études, lesquelles avaient été remboursées.
L’hospice a certes omis de prendre en compte la bourse d’études et de réduire du même montant l’aide financière pour le groupe familial dès décembre 2022. Cependant le recourant ne peut se prévaloir de cette erreur dans la mesure où il savait que l’aide financière qu’il percevait était par erreur trop élevée, et était partant de mauvaise foi.
C’est ainsi de manière conforme au droit que l’hospice lui a réclamé le remboursement de CHF 7'500.15.
Mal fondé, son recours sera rejeté.
3. Vu la nature du litige, il n’y a pas lieu à la perception d’un émolument (art. 87 al. 1 cum 11 RFPA). Vu son issue, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 4 septembre 2024 par A______ contre la décision de l’Hospice général du 6 août 2024 ;
au fond :
le rejette ;
dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;
dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'à l'Hospice général.
Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Eleanor McGREGOR, juges.
Au nom de la chambre administrative :
le greffier-juriste :
M. MAZZA |
| le président siégeant :
C. MASCOTTO |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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