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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2657/2023

ATA/112/2025 du 28.01.2025 sur JTAPI/921/2024 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2657/2023-PE ATA/112/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 janvier 2025

2ème section

 

dans la cause

 

A______, agissant pour elle-même et
pour le compte de sa fille mineure B______ recourantes
représentées par Me Fernando Henrique FERNANDES DE OLIVEIRA, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 septembre 2024 (JTAPI/921/2024)


EN FAIT

A. a. A______, née le ______ 1979, et sa fille B______, née le ______ 2014, sont ressortissantes du Brésil.

b. Le 24 août 2022, A______ a été interpellée par le Corps des gardes-frontière et prévenue d’infraction à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

Lors de son audition, elle a déclaré séjourner illégalement en Suisse depuis le 27 juillet 2018. Sa fille était venue la rejoindre en novembre 2019, sans autorisation.

c. Par ordonnance pénale du 30 novembre 2022, le Ministère public a condamné A______ pour séjour illégal.

d. Par décision du 16 août 2023, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a prononcé à l’encontre de la précitée et de sa fille une décision de renvoi de Suisse et du territoire des États membres de l’Union européenne et des États associés à Schengen (Liechtenstein, Islande, Norvège), avec un délai au 29 octobre 2023 pour quitter ces territoires.

L’intéressée séjournait en Suisse depuis le 27 juillet 2018, sans les autorisations nécessaires ni les moyens financiers suffisants. Sa fille était arrivée en Suisse en 2019 et, bien que scolarisée, elle n’était pas entrée dans l’adolescence, de sorte que son intégration en Suisse n’était pas encore déterminante.

B. a. Par acte du 23 août 2023 (cause A/2657/2023), A______, agissant en son nom et celui de sa fille, a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) concluant à ce que l’OCPM se prononce favorablement sur sa demande de permis de séjour. Préalablement, elle a conclu à la restitution de l’effet suspensif et à l’octroi d’un délai de 20 jours pour compléter son recours.

Elles venaient de déposer une demande de permis afin de régulariser leurs conditions de séjour et vivaient depuis plusieurs années sur le territoire suisse. A______ souhaitait épouser son compagnon, C______, ressortissant portugais titulaire d’une autorisation d’établissement, avec lequel elle vivait en concubinage depuis le 1er février 2022. Ce dernier était séparé de son épouse et une procédure de divorce était en cours.

Elle a produit une copie de ses demandes d’autorisations de séjour (formulaires M) du 21 août 2023 déposées auprès de l’OCPM.

b. L’OCPM a indiqué qu’afin de pouvoir se déterminer sur la reconnaissance d'un éventuel cas de rigueur au sens de l'art. 31 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), subsidiairement sur la reconnaissance d'une autorisation de séjour fondée sur l'art 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), il sollicitait, dans les plus brefs délais, la production de toute pièce utile justifiant la réalisation des conditions présidant une autorisation de séjour au sens des dispositions précitées.

À réception des pièces complémentaires, il examinerait la situation des intéressées. Il sollicitait ainsi la suspension de la présente procédure jusqu'à droit connu sur leur situation administrative.

c. Par décision du 1er septembre 2023, le TAPI a admis la demande de mesures provisionnelles tendant à la restitution de l’effet suspensif au recours.

d. Le 20 octobre 2023, le TAPI a suspendu l’instruction du recours.

C. a. Par courrier du 25 février 2024, A______ a partiellement répondu à un courrier de l’OCPM, expliquant notamment que son emploi consistait à effectuer des travaux ménagers chez D______, qu’elle ne faisait l’objet d’aucun acte de défaut de biens et qu’elle allait régler la dernière poursuite de CHF 239.70 encore ouverte à son encontre. Son compagnon travaillait au service d’E______ et ne faisait l’objet d’aucune poursuite. Il s’était en outre engagé à la prendre en charge financièrement, de même que sa fille.

Elle a produit plusieurs pièces dont un jugement du Tribunal civil de première instance, du 30 mars 2021 statuant sur mesures protectrices, autorisant C______ et son épouse à vivre séparés ; une attestation du 14 novembre 2023 de non dépendance à l’Hospice général ; ses bulletins de salaires établis par Chèque service faisant état d’un revenu mensuel net de CHF 1'170.- en octobre 2023 et de CHF 1’040.- en novembre 2023 ; une attestation de l’office des poursuites du 8 novembre 2023 ; une attestation de l’office des poursuites (vierge) de son concubin du 8 novembre 2023 ; plusieurs documents concernant C______ (deux bulletins de salaire pour le mois d’octobre 2023 mentionnant des revenus bruts s’élevant CHF 5'050.- et CHF 1'210.-, une attestation de prise en charge [formulaire O] en faveur des intéressées jusqu’à concurrence de CHF 3'550.- signée par le compagnon le 14 novembre 2023 ; une copie de son bail à loyer portant sur un appartement de trois pièces, sis rue F______, 1202 Genève au loyer mensuel de CHF 1'690.- et une attestation d’hébergement de sa compagne et de la fille de celle-ci à cette adresse à partir du 1er février 2022) ; une attestation de parcours scolaire de B______ dans l’enseignement scolaire genevois, de 2019 à 2023 ; une attestation de scolarité pour l’année 2023-24 en filière cycle moyen, classe 5P/03 ; une autorisation de voyage à l’étranger pour mineur brésilien(ne) (rédigée en portugais) signée par le père de B______, G______.

b. Par courrier du 4 mars 2024, l’OCPM a informé A______ de son intention de ne pas donner une suite favorable à sa requête. Un délai lui a été imparti pour exercer par écrit son droit d’être entendu.

Aucune suite n’a été donnée à ce courrier.

c. Par décision du 30 avril 2024, l’OCPM a refusé de délivrer une autorisation de séjour à A______ et à sa fille.

L’intéressée ne pouvait pas se prévaloir des conditions légales relatives au regroupement familial en vertu de l'art. 3 par. 1 annexe I accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681). En particulier, elle ne pouvait se voir délivrer une attestation en vue de mariage avec C______ compte tenu du fait que ce dernier était toujours marié et que la procédure de divorce le concernant était en cours.

L’intensité de la relation de concubinage n’avait pas été démontrée à satisfaction de droit et le divorce du concubin n'était pas imminent. La durée de leur relation n'avait pas atteint le seuil de quatre ans permettant de retenir une relation de concubinage dite durable et stable s'apparentant à une vie de couple marié depuis un certain temps. Il appartenait à A______ d'attendre l'issue de la procédure de divorce de son compagnon à l'étranger et de déposer ultérieurement une demande d’autorisation en vue de mariage par le biais de l'Ambassade de Suisse au Brésil, si une telle volonté devait subsister.

Conformément à l'art. 3 al. 1 de la Convention relative aux droits de l'enfant, conclue à New York le 20 novembre 1989, ratifiée par la Suisse le 24 février 1997 (CDE - RS 0.107), il convenait de retenir que l’intégration de B______, âgée de 9 ans, n'était pas encore déterminante.

La réintégration d’A______ et sa fille au Brésil ne devrait pas poser des problèmes insurmontables. Dans la mesure où toutes deux faisaient déjà l'objet d’une décision de renvoi prononcée le 16 août 2023, il n’y avait pas lieu de prononcer un nouveau renvoi. Pour le surplus, il maintenait cette décision de renvoi, devenue exécutoire.

Enfin, le dossier ne faisait pas apparaître que l'exécution dudit renvoi ne serait pas possible, pas licite ou ne pourrait pas être raisonnablement exigée. Un nouveau délai au 30 juillet 2024 leur était imparti pour quitter le territoire Suisse. Ce renvoi de Suisse impliquait également un départ du territoire des Etats-membres de l'UE et des Etats associés à Schengen (Liechtenstein, Islande, Norvège).

D. a. Par acte du 31 mai 2024 (cause A/1915/2024), A______, agissant en son nom et celui de sa fille, a recouru contre cette décision, concluant à son annulation et à ce qu’il soit ordonné à l’OCPM de statuer favorablement sur la demande de permis de séjour déposée en sa faveur et celle de sa fille. Préalablement, elle a conclu à la jonction de la procédure avec la cause A/2657/2023.

C______ et son épouse avaient signé une convention de divorce à l’amiable, de sorte que leur divorce pourrait être prononcé prochainement. Elle pourrait ainsi l’épouser et en déduire un droit à une autorisation de séjour fondé sur l’art. 8 CEDH et l’ALCP.

Sa situation et celle de sa fille étaient constitutives d’un cas de rigueur. Tous leurs amis proches se trouvaient en Suisse et elles n’avaient plus de liens effectifs avec leur pays d’origine. Elles participaient activement à la vie locale, notamment par le partage de leur culture d’origine. La reconnaissance du cas de rigueur s’entrecoupait avec le principe constitutionnel de non refoulement, soit la garantie de ne pas être personnellement confrontée à une mise en péril de sa vie ou de son intégrité tant physique que psychique. Il convenait de prendre en compte l’intérêt de B______, en application des art. 3 CDE et 14 CEDH (interdiction de discrimination « sans distinction entre regroupement familial partiel et complet »).

b. L’OCPM a conclu au rejet du recours.

Compte tenu de la durée relativement courte de la vie commune des concubins, leur relation n'avait pas atteint le degré de stabilité et d'intensité requis pour pouvoir être assimilée à une union conjugale. La concrétisation de leur projet de mariage ne pouvait pas être considérée comme imminente, aucune indication n’ayant été fournie quant à l'état d'avancement de la procédure de divorce du concubin.

Les intéressées ne s’étaient pas créés avec la Suisse des attaches à ce point profondes et durables qu'elles ne pourraient plus raisonnablement envisager un retour dans leur pays d'origine, étant relevé que B______ n'était pas entrée dans l'adolescence.

c. Le TAPI a joint les deux causes sous la cause A/2657/2023.

d. Malgré le délai, prolongé à la demande des intéressées par le TAPI, celles-ci n’ont pas déposé de réplique.

e. Par jugement du 16 septembre 2024, le TAPI a rejeté les recours.

La durée de la relation de concubinage n’était pas encore suffisamment longue pour justifier l’octroi d’une autorisation de séjour. A______ et sa fille ne remplissaient par ailleurs pas les conditions permettant d’admettre l’existence d’un cas de rigueur. L’intégration socio-professionnelle de la mère n’était pas particulièrement remarquable au sens de la jurisprudence et sa réintégration au Brésil ne paraissait nullement compromise. Sa fille, encore suffisamment jeune, ne devrait pas rencontrer des difficultés d’intégration en cas de renvoi au Brésil.

E. a. Par acte expédié le 17 novembre 2024 à la chambre administrative de la Cour de justice, A______, agissant pour elle et sa fille, a recouru contre ce jugement, dont elle a demandé l’annulation. Préalablement, elle a sollicité un délai pour compléter son recours. Principalement, elle a conclu au renouvellement (sic) des autorisations de séjour et préavis favorables.

Le jugement violait l’art. 8 CEDH ainsi que l’art. 30 al. 1 let. b LEI. Son avocat avait dû s’absenter du 16 octobre au 14 novembre 2024. Elle demandait ainsi un délai de 30 jours pour compléter son recours.

b. La chambre administrative a informé la recourante qu’il lui serait loisible de compléter son recours et produire toute pièce utile avec sa réplique.

c. L’OCPM a conclu au rejet du recours, relevant que la recourante n’avançait aucun élément nouveau.

d. La recourante ne s’est pas manifestée dans le délai pour répliquer.

e. Le 20 décembre 2024, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Est litigieux le bien-fondé du refus d'octroyer une autorisation de séjour à la recourante et sa fille et leur renvoi de Suisse.

2.1 L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

2.2 L'art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.12).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c ; directives LEI, ch. 5.6).

2.3 La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

2.4 Aux termes de l'art. 8 CEDH, toute personne a notamment droit au respect de sa vie privée et familiale. Un étranger peut se prévaloir de l'art. 8 CEDH pour s'opposer à l'éventuelle séparation de sa famille. Pour qu'il puisse invoquer la protection de la vie familiale découlant de cette disposition, l'étranger doit entretenir une relation étroite et effective avec une personne de sa famille ayant le droit de résider durablement en Suisse (ATF 139 I 330 consid. 2.1 ; 137 I 284 consid. 1.3). Les relations familiales protégées par l'art. 8 § 1 CEDH sont avant tout les rapports entre époux ainsi qu'entre parents et enfants mineurs vivant ensemble (ATF 135 I 143 consid. 1.3.2).

La Cour européenne des droits de l'homme (ci-après : CourEDH), considérant que la notion de « famille » ne se limite pas aux seules relations fondées sur le mariage, mais peut englober d'autres liens « familiaux » lorsque les parties cohabitent en dehors du mariage, retient que, pour déterminer si une relation peut être assimilée à une « vie familiale », il y a lieu de tenir compte d'un certain nombre d'éléments, comme le fait de savoir si le couple vit ensemble, depuis combien de temps et s'il y a des enfants communs (ACEDH Serife Yigit c. Turquie du 2 novembre 2010, req. n° 3976/05, p. 22 § 94 et 96 ; ACEDH Isabelle Chantal Emonet et autres c. Suisse du 13 décembre 2007, req. n° 39051/03, p. 8 § 34 et 36). De manière générale, la CourEDH n'a accordé une protection conventionnelle à des couples de concubins qu'en lien avec des relations bien établies dans la durée. De plus, il y avait au centre de toutes ces affaires la présence d'enfants que les concubins avaient eus ensemble ou, du moins, élevé ensemble (ACEDH Kroon et autres c. Pays-Bas du 27 octobre 1994, req. n° 18535/91, p. 11 § 30).

2.5 Selon le Tribunal fédéral, par concubinage stable, il faut entendre une communauté de vie d'une certaine durée, voire durable, entre deux personnes de sexe opposé, à caractère en principe exclusif, qui présente une composante tant spirituelle que corporelle et économique, et qui est parfois également désignée comme une communauté de toit, de table et de lit ; le juge doit procéder à une appréciation de tous les facteurs déterminants, étant précisé que la qualité d'une communauté de vie s'évalue au regard de l'ensemble des circonstances de la vie commune (ATF 138 III 157 consid. 2.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_321/2008 du 7 juillet 2008 consid. 3.1).

Sous réserve de circonstances particulières, les fiancés ou les concubins ne sont en principe pas habilités à invoquer l'art. 8 CEDH (arrêts du Tribunal fédéral 2C_389/2017 du 10 janvier 2018 consid. 5.1 ; 2C_1035/2012 du 21 décembre 2012 consid. 5.). Ainsi, le Tribunal fédéral a précisé que l'étranger qui vit en union libre avec un ressortissant suisse ou une personne ayant le droit de s'établir en Suisse ne peut prétendre à une autorisation de séjour que s'il entretient depuis longtemps des relations étroites et effectivement vécues avec son concubin ou s'il existe des indices concrets d'un mariage sérieusement voulu et imminent (arrêts du Tribunal fédéral 2C_225/2010 du 4 octobre 2010 consid. 2.2 ; 2C_206/2010 du 23 août 2010 consid. 2.1).

D'une manière générale, il faut que les relations entre les concubins puissent, par leur nature et leur stabilité, être assimilées à une véritable union conjugale pour bénéficier de la protection de l'art. 8 § 1 CEDH (arrêt du Tribunal fédéral 2C_389/2017 du 10 janvier 2018 consid. 5.1 ; Peter UEBERSAX, Die EMRK und das Migrationsrecht aus der Sicht der Schweiz, in Bernhard EHRENZELLER/ Stephan BREITENMOSER [éd.], La CEDH et la Suisse, 2010, p. 203 ss et p. 219 ss).

La durée de la cohabitation joue un rôle de premier plan pour déterminer si des concubins peuvent se prévaloir de l'art.  8 CEDH. Il s'agit d'une donnée objective qui permet d'attester que la relation jouit d'une intensité et d'une stabilité suffisantes pour pouvoir être assimilée à une vie familiale (arrêt du Tribunal fédéral 2C_97/2010 du 4 novembre 2010 consid. 3.2).

Une cohabitation d'un an et demi n'est, en principe, pas propre à fonder un tel droit (arrêts du Tribunal fédéral 2C_97/2010 du 4 novembre 2010 consid. 3.1 ; 2C_225/2010 du 4 octobre 2010 consid. 2.2 ; 2C_300/2008 du 17 juin 2008 consid. 4.2). Dans l'un des arrêts précités (2C_97/2010), le Tribunal fédéral a souligné qu'en l'absence de projet de mariage et d'enfant commun, la seule durée de la vie commune du recourant et de son amie, de trois ans au moment déterminant, ne permettait pas de considérer que leur relation avait atteint le degré de stabilité et d'intensité requis pour pouvoir être assimilée à une union conjugale (consid. 3.3).

3.             En l’espèce, il n’est pas contesté que la recourante vit en concubinage avec son ami depuis février 2022. Il n’y a pas de raison de douter que la relation amoureuse entretenue entre la recourante et son compagnon est profonde et sincère. La durée de ce concubinage ne peut cependant pas encore être considérée comme suffisamment longue en vue d’en déduire un droit au regroupement familial. Par ailleurs et comme l’a relevé le TAPI, le concubin de la recourante n’est toujours pas divorcé, de sorte que son éventuel mariage avec cette dernière ne saurait être qualifié d’imminent.

La recourante est arrivée en Suisse en juillet 2018, soit désormais depuis plus de six ans. Elle n'a jamais émargé à l'assistance sociale et indique – sans l’établir – avoir soldé la poursuite dont elle faisait l’objet. Elle ne fournit aucune indication relative à ses connaissances de la langue française, de sorte qu’il ne peut être retenu qu’elle aurait acquis des compétences dans ce domaine. Elle n’a pas non plus fait état de relations d’amitié particulièrement intense qu’elle aurait nouées à Genève, hormis avec son compagnon. Elle n’allègue pas non plus s’être investie dans le tissu social, culturel ou sportif à Genève. Par ailleurs, elle a été condamnée pour séjour illégal. Son intégration sociale ne peut donc être qualifiée de particulièrement marquée.

Elle effectue des travaux ménagers chez un particulier, dont elle ne retire que de faibles revenus. Son parcours professionnel ne permet ainsi pas non plus de retenir que son intégration professionnelle serait remarquable au sens de la jurisprudence, ni qu’elle aurait acquis des compétences professionnelles en Suisse qu’elle ne pourrait utiliser dans son pays d’origine.

La fille de la recourante a commencé à Genève sa scolarité. Arrivée à l’âge de 5 ans et désormais âgé de 10 ans, elle a ainsi passé la moitié de sa vie en Suisse. Elle s’y est nécessairement constitué un cercle d’amis. Cela étant, vu son jeune âge, elle devrait, en cas de retour dans son pays d’origine, pouvoir se réintégrer sans se heurter à des difficultés insurmontables, étant précisé qu’elle sera accompagnée de sa mère, avec qui elle reste encore fortement liée.

Il convient encore de relever que la recourante et son compagnon se sont engagés dans une relation sentimentale alors qu’ils connaissaient la situation administrative de la recourante. Ils ne peuvent, compte tenu de la faible durée de leur relation, singulièrement de leur concubinage, se prévaloir de leur relation au même titre que s’ils étaient mariés.

Dans ces circonstances, la relation sentimentale entretenue par la recourante ne permet pas de faire abstraction de la relative courte durée de son séjour en Suisse et de l’intégration socio-professionnelle de la recourante, qui demeure modeste. Arrivée en Suisse à l’âge 39 ans, désormais âgée de 45 ans et en bonne santé, la recourante ne devrait pas rencontrer de difficultés insurmontables à se réintégrer tant socialement que professionnellement dans son pays d’origine dans lequel elle a vécu jusqu’à l’âge de 39 ans, en connaissant donc les us et coutumes, la mentalité et en parlant la langue. Sa fille et elle pourront continuer à entretenir des relations avec son compagnon au travers des moyens de télécommunications modernes et lors de séjours touristiques de l’un et de l’autre. Enfin, rien n’empêche la recourante d’attendre l’issue de la procédure de divorce de son compagnon à l’étranger et de former ensuite, si tel est son souhait, une demande d’autorisation de séjour en vue du mariage avec celui-ci.

Au vu de ce qui précède, la décision de l’OCPM refusant d’octroyer aux recourantes une autorisation de séjour ne viole pas la loi, ni la CEDH et ne consacre pas d’abus du pouvoir d’appréciation de celui-ci.

4.             Il convient encore d’examiner si le renvoi prononcé par l’OCPM est fondé.

4.1 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation. Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

4.2 En l'espèce, dès lors qu'il a, à juste titre, refusé l’octroi d’une autorisation de séjour aux recourantes, l'intimé devait prononcer leur renvoi. Aucun élément ne permet de retenir que leur renvoi ne serait pas possible, licite ou ne pourrait raisonnablement être exigé ; de tels éléments ne ressortent pas non plus du dossier.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

5.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante et aucune une indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

 

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 octobre 2024 par A______ agissant pour elle-même et sa fille mineure B______, contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 septembre 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge d’A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Fernando Henrique FERNANDES DE OLIVEIRA, avocat des recourantes, à office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

M. MAZZA

 

le président siégeant :

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.