Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/1501/2024 du 23.12.2024 sur JTAPI/1160/2024 ( MC ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/3742/2024-MC ATA/1501/2024 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 23 décembre 2024 2ème section |
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dans la cause
A______ recourante
représentée par Me Roxane SHEYBANI, avocate
contre
COMMISSAIRE DE POLICE intimé
_________
Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 25 novembre 2024 (JTAPI/1160/2024)
A. a. A______, née le ______ 1996, est originaire de Roumanie.
b. Le 1er novembre 2024, elle a été interpellée par la police à Genève. Il lui était reproché d’avoir, avec sa sœur, B______, le 18 ou le 19 octobre 2024, soutiré de l’argent à C______, un homme âgé de 81 ans, sous de faux prétextes, et de lui avoir volé les sommes de EUR 3'370.- et CHF 2'400.-.
c. Lors de son audition, l'intéressée a nié les faits tout en reconnaissant connaître le lésé. Elle a expliqué que l’argent trouvé sur elle, soit la somme de CHF 1'500.-, provenait de la mendicité et des économies familiales. Elle n’avait aucun moyen de subsistance et se trouvait en Suisse depuis un mois. Elle était arrivée en Suisse pour la première fois il y avait trois ans. Ses parents et son enfant vivaient en Roumanie. Elle n'avait aucune attache sur le territoire helvétique où elle séjournait avec sa sœur et son mari. Elle dormait dans la rue ou à l’hébergement Richemond. Elle avait l’intention de rentrer en Roumanie pour les fêtes de Noël.
d. Mise à disposition du Ministère public, elle a été condamnée par ce dernier, par ordonnance pénale du 1er novembre 2024, pour vol (art. 139 ch. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 ; CP - RS 311.0), ordonnance à laquelle elle a fait opposition.
e. Le 2 novembre 2024 à 12h15, en application de l'art. 74 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), le commissaire de police a prononcé à l'encontre de A______ une mesure d'interdiction de pénétrer dans le canton de Genève pour une durée de douze mois.
f. Lors de l'audience, qui s’est tenue le 25 novembre 2024 devant le Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI), A______ a indiqué qu’elle avait reçu une proposition de travail, dans le nettoyage, avant son arrestation. Elle ne se souvenait plus de la date, mais c'était un samedi. Cette proposition lui avait été faite par « un Monsieur » qu’elle avait rencontré à la Migros. Elle ne connaissait pas son nom. Il lui avait donné son numéro de téléphone, mais elle n’y avait plus accès, car son téléphone avait été saisi lors de son arrestation. Cet homme leur avait promis, à elle et sa sœur, de les faire travailler à l'avenir. Elle ne se souvenait plus de la date de son premier jour de travail. Elles auraient dû travailler à son domicile. Son adresse était sur un bout de papier qui avait également été saisi par la police lors de son arrestation. Il leur avait donné son numéro de téléphone à sa sœur et elle, mais elle était la seule à avoir son adresse sur un bout de papier. Elle a précisé que, ne sachant pas lire, elle n’aurait pas été en mesure de déchiffrer ce qu'il y avait sur le bout de papier en question. Elle souhaitait pouvoir rester à Genève, afin de trouver un emploi. Elle avait essayé à plusieurs reprises de trouver du travail, mais sans résultat. Lorsqu’elle mendiait, parfois des personnes s'arrêtaient et lui proposaient un emploi. Il ne s'agissait toutefois que d'emplois de courte durée, alors que sa sœur et elle recherchaient un emploi régulier et légal. Elle ne se souvenait plus depuis quand elle était à Genève. Elle y logeait dans un abri. Depuis qu’elle faisait l'objet de l'interdiction de pénétrer, elle logeait à Nyon. Avec sa sœur, elles se débrouillaient en recourant aux cantines sociales et en mendiant. Auparavant, son mari, sa sœur et elle disposaient d'un montant de CHF 1'500.- qu’ils avaient réuni en mendiant. Réunir ce montant leur avait pris une « longue durée ». Ils l'avaient fait afin de pouvoir payer les contraventions prononcées à leur encontre. Durant cette « longue période » à Genève, elle n’avait pas exercé d'activité professionnelle mais avait uniquement mendié. Elle avait un enfant de 10 ans qui vivait en Roumanie avec ses parents. Elle avait des contacts vidéos réguliers avec ce dernier. Elle l’avait revu en Roumanie environ quatre à sept semaines auparavant. Elle était venue en Suisse pour travailler. Le plaignant dans la procédure pénale susmentionnée leur avait promis, à sa sœur et elle, du travail. Il s'agissait du Monsieur dont elle avait parlé en début d’audience. Elle vivait à Nyon depuis le 2 novembre 2024 et y cherchait également du travail. Depuis qu’elle était là-bas, elle mendiait. Elle n’avait à ce jour pas reçu de proposition de travail dans ce cadre.
Son conseil a versé à la procédure l'opposition formée à l'ordonnance pénale. Elle a conclu à l'annulation de la mesure d'interdiction de périmètre, laquelle était infondée et disproportionnée, sa cliente disposant de moyens financiers suffisants pour le séjour en cours et envisagé en Suisse, s'agissant d'une ressortissante de l’Union européenne. À titre subsidiaire, elle a conclu au prononcé d'un avertissement, cette mesure apparaissant plus adéquate et proportionnée au vu des circonstances.
La représentante du commissaire de police a confirmé que si l’opposante devait trouver un emploi autorisé, il serait disposé à lui délivrer un sauf-conduit afin qu'elle puisse se rendre à son travail. Il faudrait toutefois qu’il ait une preuve écrite de cette activité. Elle a conclu à la confirmation de la mesure.
g. Par jugement du 25 novembre 2024, le TAPI a confirmé la mesure querellée.
L’opposante n’indiquait pas avoir de nécessité de se rendre à Genève où elle n’avait ni attaches, ni lieu de vie, ni moyens de subsistance. La somme de CHF 1'500.- trouvée sur elle n’était pas suffisante pour le séjour d’un groupe de trois personnes auxquelles elle appartiendrait, étant relevé que cette somme devait servir à payer leurs contraventions. L’intéressée disposait d’un domicile en Roumanie où vivaient son enfant et ses parents. Elle y séjournait manifestement il y a quelques semaines et entendait y retourner pour les fêtes de Noël. Elle ne fournissait aucun élément de preuve démontrant qu’elle cherchait un emploi en Suisse. L'intérêt public à ne pas devoir tolérer la présence de A______ sur le territoire, l'emportait sur l'intérêt de cette dernière à pouvoir y séjourner. Enfin, si elle venait à trouver du travail à Genève, la délivrance d'un sauf-conduit pourrait être envisagée afin qu'elle puisse s'y rendre.
La durée de la mesure était conforme à la jurisprudence et apparaissait proportionnée au regard des circonstances et des intérêts en présence.
B. a. Par acte déposé le 16 décembre 2024 au greffe universel du Pouvoir judiciaire, A______ a recouru contre ce jugement, dont elle a demandé l’annulation, concluant à la levée de l’interdiction de pénétrer dans le territoire et, subsidiairement, au prononcé d’un avertissement.
C______ l’avait attirée chez lui en lui promettant du travail et en ayant eu des relations sexuelles avec elle qu’elle ne souhaitait pas. Le jugement violait l’art. 5 de l’Annexe I de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681). L’art. 74 LEI ne pouvait la priver des droits que lui conférait l’ALCP. Le jugement n’examinait pas si elle constituait une menace d’une certaine gravité pour l’ordre et la sécurité publics justifiant la restriction qui lui avait été imposée.
Le jugement ne respectait pas non plus la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique du 11 mai 20211, entrée en vigueur en Suisse le 1er avril 2018 (Convention d’Istanbul - RS 0.311.35), en tant qu’il discriminait les femmes et ne tenait pas compte de la nécessité de les protéger de violences liées à leur genre. Si une plainte pénale constituait une forme de représailles à caractère sexiste, les autorités devaient prendre toute disposition pour éviter une victimisation secondaire. C______ l’avait attirée chez lui en lui promettant du travail et avait ensuite eu des relations sexuelles avec elle qu’elle ne souhaitait pas.
Enfin, l’infraction qui lui était reprochée devait être appréciée à l’aune de l’ensemble des circonstances. Son âge, son absence d’antécédents pénaux et l’infraction reprochée ne justifiaient pas la mesure querellée ; celle-ci violait le principe de la proportionnalité. Un avertissement était plus adéquat.
b. Le commissaire de police a conclu au rejet du recours.
c. Dans sa réplique, la recourante a fait valoir qu’en tant que le commissaire de police expliquait que l’ALCP ne trouvait pas application, il corroborait son grief selon lequel l’art. 74 LEI n’avait pas été appliqué conformément à l’ALCP.
d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 10 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).
2. Selon l'art. 10 al. 2 LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 16 décembre 2024 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.
3. La recourante conteste que les conditions permettant le prononcé d’une mesure d’interdiction territoriale soient remplies.
3.1 Aux termes de l’art. 2 al. 2, la LEI n'est applicable aux ressortissants des États membres de la Communauté européenne, aux membres de leur famille et aux travailleurs détachés par un employeur ayant son siège ou son domicile dans un de ces États que dans la mesure où l'ALCP n'en dispose pas autrement ou lorsque ladite loi contient des dispositions plus favorables. L'ALCP ne réglemente pas en tant que telle l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée. C'est donc l'art. 74 LEI qui est applicable. Toutefois, cette disposition doit être interprétée en tenant compte des exigences spécifiques de l'ALCP. Ainsi, l'art. 74 LEI ne saurait aboutir à priver les étrangers au bénéfice de l'ALCP des droits que leur confère ce traité (ATF 139 II 121 consid. 5.1 applicable par analogie ; ATA/709/2023 du 29 juin 2023 consid. 2.1).
3.2 Examinant une mesure d'interdiction d'entrer en Suisse prononcée à l’égard d’un ressortissant d’un État membre de l’ALPC, le Tribunal fédéral a relevé qu’une telle restriction à la libre circulation des personnes, devait, contrairement à ce qui vaut pour les ressortissants d'États non-parties à l'ALCP, aussi se conformer à l'exigence de l'art. 5 par. 1 annexe I ALCP, selon laquelle le droit de demeurer en Suisse pour y exercer une activité lucrative ne peut être limité que par des mesures d'ordre ou de sécurité publics (ATF 139 II 121 consid. 5.3).
3.3 S’agissant d’une interdiction de pénétrer dans un certain territoire concernant en particulier un ressortissant d'un État partie à l'ALCP, il faut que la personne concernée représente une menace d'une certaine gravité pour l'ordre et la sécurité publics de nature à la priver de son droit de demeurer en Suisse au sens de l'art. 5 Annexe I de l’ALCP (ATF 139 II 121 5.4 et les références citées). Ainsi, le recours par une autorité nationale à la notion d'« ordre public » pour restreindre cette liberté suppose, en dehors du trouble de l'ordre social que constitue toute infraction à la loi, l'existence d'une menace réelle et d'une certaine gravité affectant un intérêt fondamental de la société. La seule existence d'antécédents pénaux ne permet donc pas de conclure (automatiquement) que l'étranger constitue une menace suffisamment grave pour l'ordre et la sécurité publics. Il faut procéder à une appréciation spécifique du cas, portée sous l'angle des intérêts inhérents à la sauvegarde de l'ordre public, qui ne coïncide pas obligatoirement avec les appréciations à l'origine des condamnations pénales. Autrement dit, ces dernières ne sont déterminantes que si les circonstances les entourant laissent apparaître l'existence d'une menace actuelle et réelle et d'une certaine gravité pour l'ordre public (ATF 139 II 121 consid. 5.3 ; 136 II 5 consid. 4.2 ; 134 II 10 consid. 4.3).
3.4 Aux termes de l'art. 74 al. 1 let. a LEI, l'autorité cantonale compétente peut enjoindre à un étranger de ne pas pénétrer dans une région déterminée notamment lorsque l’étranger n’est pas titulaire d’une autorisation de courte durée, d’une autorisation de séjour ou d’une autorisation d’établissement et trouble ou menace la sécurité et l’ordre publics.
3.5 L'art. 6 al. 3 LaLEtr prévoit que l'étranger peut être contraint à ne pas pénétrer dans une région déterminée, aux conditions prévues à l'art. 74 LEI, notamment à la suite d’une condamnation pour vol, brigandage, lésions corporelles intentionnelles, dommages à la propriété ou pour une infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121).
3.6 Aux termes de l’art. 24 al. 1 Annexe I de l’ALCP, une personne ressortissante d’une partie contractante n’exerçant pas d’activité économique dans l’État de résidence et qui ne bénéficie pas d’un droit de séjour en vertu d’autres dispositions du présent accord reçoit un titre de séjour d’une durée de cinq ans au moins, à condition qu’elle prouve aux autorités nationales compétentes qu’elle dispose pour elle-même et les membres de sa famille : a) de moyens financiers suffisants pour ne devoir faire appel à l’aide sociale pendant leur séjour ; b) d’une assurance-maladie couvrant l’ensemble des risques.
3.7 L'interdiction de pénétrer dans une région déterminée ne constitue pas une mesure équivalant à une privation de liberté au sens de l'art. 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) et n'a donc pas à satisfaire aux conditions du premier alinéa de cette disposition (Tarkan GÖKSU, in Martina CARONI/Thomas GÄCHTER/Daniela TURNHERR [éd.], Bundesgesetz über die Ausländerinnen und Ausländer, 2010 ; Andreas ZÜND in Marc SPESCHA/Hanspeter THÜR/Peter BOLZLI, Migrationsrecht, 2ème éd., 2013, ad art. 74, p. 204 n. 1).
Selon le message du Conseil fédéral du 22 décembre 1993 (FF 1994 I 325), les étrangers dépourvus d’un titre de séjour n'ont pas le droit à une liberté totale de mouvement ; s'agissant d'une atteinte relativement légère à la liberté personnelle de l'étranger concerné, « le seuil, pour l'ordonner, n'a pas été placé très haut » ; il suffit de se fonder sur la notion très générale de la protection des biens par la police pour définir le trouble ou la menace de la sécurité et de l'ordre publics.
3.8 La mesure doit en outre respecter le principe de la proportionnalité. Tel que garanti par les art. 5 al. 2 et 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), il exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2 ; 135 I 169 consid. 5.6).
Il convient de vérifier, dans chaque cas d’espèce, que l’objectif visé par l’autorité justifie véritablement l’interdiction de périmètre prononcée, c’est-à-dire qu’il existe un rapport raisonnable entre cet objectif et les moyens mis en œuvre pour l’atteindre (ATF 142 II 1 consid. 2.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_884/2020 du 5 août 2021 consid.3.4.2 ; 2C_796/2018 du 4 février 2019 consid. 4.2). L'interdiction de pénétrer peut s'appliquer à l'entier du territoire d'un canton (arrêts du Tribunal fédéral 2C_231/2007 du 13 novembre 2007 ; 2A.253/2006 du 12 mai 2006), même si la doctrine relève que le prononcé d'une telle mesure peut paraître problématique au regard du but assigné à celle-ci (Tarkan GÖKSU, op. cit., p. 725 n. 7). La portée de l'art. 6 al. 3 LaLEtr, qui se réfère à cette disposition et en reprend les termes, ne peut être interprétée de manière plus restrictive. C'est en réalité lors de l'examen du respect par la mesure du principe de la proportionnalité que la question de l'étendue de la zone géographique à laquelle elle s'applique doit être examinée (ATA/709/2023 du 29 juin 2023 consid. 2.8).
Le périmètre d'interdiction doit être déterminé de manière à ce que les contacts sociaux et l'accomplissement d'affaires urgentes puissent rester possibles (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1044/2012 du 5 novembre 2012 consid. 3.3 ; 2A.514/2006 du 23 janvier 2007 consid. 3.3.1 ; ATA/304/2020 du 20 mars 2020 consid. 4b).
3.9 Selon l’art. 96 al. 1 et 2 LEI, les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d’appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son intégration. Lorsqu’une mesure serait justifiée, mais qu’elle n’est pas adéquate, l’autorité compétente peut donner un simple avertissement à la personne concernée.
3.10 En l'espèce, il convient, en premier lieu, de relever que la recourante n'est au bénéfice d'aucune autorisation de courte durée (art. 32 LEI), de séjour (art. 33 LEI) ou d'établissement en Suisse (art. 34 LEI). En outre, la recourante, qui a indiqué à la police être sans emploi et ne pas disposer de moyens de subsistance, ne remplirait manifestement pas les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour selon l’art. 24 al. 1 Annexe I ALCP.
La recourante ne rend pas vraisemblable avoir effectué des recherches d’emploi à Genève ni y être venue pour trouver un emploi. Elle a déclaré au TAPI qu’un emploi lui aurait été proposé avant son arrestation, mais qu’elle ne se souvenait plus de la date à laquelle cette proposition lui avait été faite ni du nom du potentiel employeur. Ses affirmations relatives à une recherche active d’emploi dans le canton de Genève ne sont donc pas crédibles.
La recourante a indiqué, lors de son audition par la police, qu’elle ne savait pas qui était C______ ; elle ne faisait que mendier. Interrogée quant à l’identité du titulaire du numéro de téléphone (dont le précité est détenteur), qui s’affichait sur son propre téléphone, elle a indiqué qu’elle l’avait appelé une fois et qu’il lui avait demandé « de coucher » avec elle, ce qu’elle avait refusé. Elle a ensuite déclaré qu’elle s’était rendue chez lui parce qu’elle pensait qu’il lui proposerait du travail. Elle avait bu le café chez lui, refusé ses avances et était partie. L’argent trouvé sur elle provenait de la mendicité.
En tant que la recourante soutient désormais qu’elle aurait eu des relations sexuelles non consenties avec le précité, ses propos sont dépourvus de crédibilité. En effet, les premières déclarations, faites alors qu’il lui était reproché d’avoir volé au vieil homme la somme susmentionnée trouvée sur elle, ne font nullement état de relations sexuelles, l’intéressé ayant au contraire indiqué qu’elle avait refusé les avances et était partie. Par ailleurs, ses nouvelles déclarations à cet égard sont peu précises ; elle ne fournit en particulier aucune indication relative au déroulement des prétendues relations non consenties et, notamment, comment le vieillard aurait été en mesure de la contraindre. Les arguments qu’elle tire de la violation de la Convention d’Istanbul n’ont ainsi pas à être examinés plus avant.
Par ordonnance pénale du 2 novembre 2024, la recourante a été condamnée pour vol au sens de l’art. 139 CP pour avoir, notamment, dérobé, conjointement avec sa sœur, à C______ la somme de CHF 1'400.-. La prise en compte de cette condamnation non définitive ne heurte pas la présomption d'innocence, qui ne s'applique qu'aux accusations en matière pénale au sens de l'art. 6 § 1 CEDH, un tel comportement constituant indéniablement un trouble à l'ordre public et étant prévu expressément par l'art. 6 al. 3 LaLEtr. L’infraction de vol constitue un crime au sens de l’art. 10 al. 2 CP, soit la catégorie d’infractions le plus sévèrement punie par le CP. Ces éléments sont d’une certaine gravité. La recourante s’en est pris à une personne vulnérable, soit une personne âgée. Ainsi, bien qu’elle n’ait pas d’antécédents pénaux et que les infractions reprochées n’aient pas impliqué la mise en danger de la vie ou de la santé d’autrui, le type d’infraction commise et le choix de la victime permettent de retenir que la recourante constitue une menace réelle, d'une certaine gravité, pour l’ordre et la sécurité publics. Le prononcé d’une mesure d’interdiction de pénétrer dans un territoire délimité est ainsi justifié.
Cette mesure respecte également le principe de la proportionnalité. En effet, la recourante est dépourvue de tout lien ou attaches dans le canton de Genève. Comme exposé ci-avant, elle ne rend pas vraisemblable qu’elle serait à la recherche d’un emploi à Genève. Elle ne dispose d’aucun moyen de subsistance, ayant déclaré vivre de la mendicité, loger dans des hébergements d’urgence et se rendre aux cantines sociales. Au vu de l’ensemble de ces circonstances, le commissaire n’a pas abusé du large pouvoir d’appréciation en considérant qu’une durée de douze mois était nécessaire pour préserver la sécurité et l'ordre publics, apte à atteindre ledit but et proportionnée au sens étroit, même s'il s'agit d'une première mesure. L’interdiction de périmètre ne comporte qu’une atteinte à la liberté personnelle relativement légère. Il n’y a dès lors pas lieu de la réduire en l’espèce, sous peine de la priver de son effet dissuasif.
Il résulte de ce qui précède que le recours, entièrement infondé, sera rejeté.
4. La procédure étant gratuite, aucun émolument de procédure ne sera prélevé. Vu l'issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 16 décembre 2024 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 25 novembre 2024 ;
au fond :
le rejette ;
dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;
dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;
communique le présent arrêt à Me Roxane SHEYBANI, avocate de la recourante, au commissaire de police, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.
Siégeant : Patrick CHENAUX, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.
Au nom de la chambre administrative :
la greffière :
B. SPECKER
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| le président siégeant :
P. CHENAUX |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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