Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/1458/2024 du 11.12.2024 sur JTAPI/1143/2024 ( MC ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/3718/2024-MC ATA/1458/2024 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 11 décembre 2024 en section |
| ||
dans la cause
A______ recourant
représenté par Me Dina BAZARBACHI, avocate
contre
OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé
_________
Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 novembre 2024 (JTAPI/1143/2024)
A. a. A______, né en 1994, est selon ses dires originaire du Libéria.
b. Arrivé en Suisse en juin 2012, il y a déposé une demande d’asile qui a été rejetée par décision du 17 décembre 2014. Son renvoi a été prononcé par décision du même jour, aujourd’hui entrée en force.
L’organisation et l’exécution du renvoi ont été confiées au canton de Genève, dont les autorités, dès le mois de mars 2015, ont requis l’assistance du secrétariat d’état aux migrations (ci-après : SEM). Ce dernier a organisé la présentation de l’intéressé à diverses délégations d’états d’Afrique de l’Ouest dans le cadre d’auditions centralisées, afin qu’il puisse être identifié comme ressortissant de l’un de ces états, préalable indispensable à la délivrance d’un laissez-passer.
Selon le dossier, A______ a ainsi été présenté le 3 décembre 2015 à une délégation du Libéria, le 9 février 2016 à une délégation de Sierra Leone, le 1er juin 2016 à une délégation de Gambie et le 4 décembre 2018 à une délégation de Guinée. La réponse des délégations libérienne et guinéenne a été négative ; celle des autorités sierra-léonaise et gambienne n’est pas documentée.
c. Depuis son arrivée en Suisse et jusqu’en janvier 2024, A______ a été condamné à seize reprises (ordonnances pénales et jugements) à des peines pécuniaires et des peines privatives de liberté, avec et sans sursis à l’exécution, pour diverses infractions à la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), contraventions et délits contre la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) et rupture de ban au sens de l’art. 291 al. 1 du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0). Son expulsion pénale pour une durée de cinq ans a été prononcée par jugement du Tribunal de police du 9 août 2018, sans que cette mesure soit reportée par l’autorité administrative compétente.
B. a. Le 8 juin 2024, le commissaire de police a ordonné la mise en détention administrative d’A______ pour une durée de quatre mois.
La détention administrative était fondée sur l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, en relation avec l’art. 75 al. 1 let. b LEI, ainsi que sur l’art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI. Cette mesure était adéquate et nécessaire pour assurer la bonne exécution du renvoi de l’intéressé, qui ne disposait d’aucune ressource financière légale et ne respectait pas les ordres des autorités.
Les démarches entreprises en vue de l’identification de l’intéressé, engagées en 2015, devaient se poursuivre avec sa présentation, fixée au 17 juin 2024, à une délégation de Sierra Leone. En cas d’identification positive, il faudrait ensuite obtenir un laissez-passer et réserver un vol, ce qu’une durée de détention inférieure à quatre mois ne permettrait pas de faire.
b. Par jugement du 11 juin 2024, le TAPI a confirmé l’ordre de mise en détention du 8 juin 2024 jusqu’au 7 octobre 2024 inclus.
c. Le 17 juin 2024, A______ a été auditionné par les autorités de Sierra Leone.
d. Statuant par arrêt du 2 juillet 2024 sur le recours formé par A______ contre le jugement du TAPI du 11 juin 2024, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) l'a partiellement admis, réduisant à deux mois, soit jusqu'au 7 août 2024 inclus, la durée de la détention autorisée.
L’assurance du départ effectif du recourant de Suisse répondait à un intérêt public certain, notamment au vu de ses multiples condamnations, en particulier pour infractions à la LStup.
C’était à tort que l’intéressé reprochait aux autorités de ne pas avoir fait preuve de diligence ou de célérité dans le traitement de la procédure de renvoi. Dès 2015, année de l’entrée en force de la décision de renvoi, les autorités genevoises avaient sollicité le soutien du SEM. Des présentations avaient été mises sur pied dans le cadre de plusieurs auditions centralisées organisées avec des délégations d’états d’Afrique occidentale, soit le Libéria – dont le recourant était selon ses dires originaire – la Sierra Leone, la Guinée et la Gambie. Le fait qu’aucune de ces délégations, pas même celle du Libéria, n’ait pu identifier le recourant ne pouvait être imputé aux autorités suisses. Au vu des explications données par ces dernières sur la difficulté à organiser de telles auditions centralisées, il ne pouvait davantage leur être reproché d’avoir manqué de diligence dans leurs efforts en vue d’exécuter le renvoi.
L’ordre de mise en détention contesté avait été prononcé le 8 juin 2024 en vue de la présentation du recourant, neuf jours plus tard, aux autorités de Sierra Leone et dans la perspective, dans l’hypothèse d’une identification, de pouvoir exécuter son renvoi dans la durée de la détention ordonnée. L’autorité n’avait en conséquence pas manqué à son devoir de diligence et de célérité.
Sous l’angle de l’examen de la proportionnalité de la détention, la situation était toutefois différente après que le recourant avait été auditionné (une seconde fois) par les autorités de Sierra Leone sans – selon ses allégations à ce stade non contestées – pouvoir être identifié. Le résultat apparemment négatif de cette présentation avait en effet pour conséquence qu’aucun laissez-passer ne pouvait être délivré par les autorités de Sierra Leone et que le renvoi ne pouvait donc, selon toute probabilité, être exécuté avant le 7 octobre 2024.
Une détention d’une durée de quatre mois ne se justifiait donc plus. Elle était réduite à deux mois, soit jusqu’au 7 août 2024, afin de permettre aux autorités chargées de l’exécution du renvoi de déterminer la suite de la procédure, dans le respect des exigences de diligence et de célérité qui leur incombaient. Il leur appartiendrait d’examiner quelles démarches pouvaient être entreprises dans des délais raisonnables afin d’obtenir les documents nécessaires au renvoi, en particulier si, comme l’avait suggéré la représentante du commissaire de police lors de son audition par le TAPI, une nouvelle présentation à une délégation du Libéria pouvait être mise sur pied dans un délai respectant le principe de la proportionnalité.
e. Le 21 juin 2024, le SEM a communiqué à l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) les résultats des auditions centralisées du 17 juin 2024. Selon la délégation sierra-léonaise, le dossier d’A______ était considéré comme « un cas de vérification ».
f. Le 15 juillet 2024, le SEM a informé l’OCPM que le dossier de l’intéressé était en cours de vérification auprès de la Sierra Leonean Immigration Department (ci‑après : SLID).
C. a. Par jugement du 30 juillet 2024, le TAPI a prolongé la détention administrative d’A______ pour une durée d’un mois, soit jusqu’au 7 septembre 2024 inclus.
b. Saisie d'un recours contre ce jugement, la chambre administrative l'a rejeté par arrêt du 22 août 2024 (ATA/1002/2024).
Il ressortait des éléments récents, que les autorités sierra-léonaises avaient souhaité procéder à des vérifications complémentaires, qui étaient en cours. Ainsi, le SEM avait confirmé le 25 juillet 2024 s’être entretenu le jour même avec le chef du Border Management du SLID. Dans ces conditions, le délai fixé au 7 septembre 2024 par le TAPI respectait le principe de la proportionnalité. Le terme intervenait en effet près de trois mois après l’audition du 17 juin 2024 par les autorités de Sierra Leone, à l’issue de laquelle des vérifications s'étaient avérées nécessaires. Il devrait permettre d’obtenir les résultats desdites investigations, ou à tout le moins d’en vérifier l’avancée.
Le SEM avait par ailleurs confirmé avoir inscrit A______ à la prochaine audition des autorités libériennes. En l’état, la date de celle-ci n’était pas connue. Dans ces conditions, la position nuancée du TAPI, qui n’avait prolongé la détention administrative que d’un mois afin de pouvoir continuer à contrôler à court terme la détention, dans la même perspective que celle qu’avait retenue la chambre administrative, était conforme à la loi.
D. a. Par jugement du 3 septembre 2024, le TAPI a prolongé la détention administrative d’A______ pour une durée d’un mois, soit jusqu’au 7 octobre 2024 inclus.
b. Saisie d'un recours contre ce jugement, la chambre administrative l'a rejeté par arrêt du 19 septembre 2024 (ATA/1103/2024).
Le manque d'avancées dans le dossier du recourant était essentiellement imputable aux autorités étrangères, et dans une certaine mesure également à lui‑même, dès lors qu'il n'avait pas mentionné avoir entrepris de démarches pour accélérer sa reconnaissance par les autorités libériennes. Sa position à cet égard était même contradictoire, puisqu'il persistait à se déclarer libérien, tout en plaidant que la réponse négative des autorités libériennes de 2018 devrait être considérée comme définitive. L'affirmation selon laquelle l'absence de violation du principe de célérité par les autorisé suisses devait être constatée lorsque l'inactivité était due à des autorités étrangères n'était nullement arbitraire mais découlait directement de la jurisprudence du Tribunal fédéral.
Dans ces conditions, la position du TAPI qui n’avait prolongé la détention administrative que d’un mois afin de pouvoir continuer à contrôler à court terme la détention du recourant, dans la même perspective que celle qu’avait retenue la chambre administrative, était conforme à la loi. Il conviendrait cependant que l'intimé puisse disposer le plus rapidement possible d'indications plus précises quant à la date des auditions centralisées par les autorités libériennes.
La durée de la détention était encore largement inférieure au maximum légal et ne posait pas de problème de proportionnalité.
E. a. Le 23 septembre 2024, l'OCPM a déposé une demande de prolongation de la détention administrative d’A______ pour une durée de deux mois.
Il était toujours dans l'attente des informations du SEM relatives à une réponse des autorités de Sierra Leone ainsi que d'une communication du SEM concernant la prochaine audition centralisée avec le Libéria.
b. Entendu le 1er octobre 2024 par le TAPI, A______ a déclaré refuser de téléphoner à l'ambassade du Libéria à Paris pour obtenir un laissez-passer et de retourner au Libéria car sa vie y était selon lui en danger. Il avait quitté ce pays à la suite de problèmes personnels. Son amie était enceinte et avait subi un avortement. Elle avait perdu connaissance durant l'intervention en 2012 et était décédée. La famille de cette dernière le menaçait de mort depuis lors. Il avait quitté le Libéria pour la Suisse trois ou quatre mois après le décès de sa compagne. S'il était libéré, sa seule option était de quitter la Suisse et de se rendre en Espagne où vivaient des amis. Il était célibataire, sans enfant et n'avait pas de problème de santé.
Le représentant de l'OCPM a indiqué s'être entretenu le matin même avec le SEM. Celui-ci restait dans l'attente d'une réponse des autorités sierra-léonaises. Lorsqu'il s'agissait d'un cas de vérification, comme en l'espèce, une réponse était attendue dans les trois à six mois après la présentation devant la délégation. L'audition centralisée s'était tenue à la mi-juin 2024. S'agissant des auditions centralisées pour le Libéria, le SEM était toujours en négociation avec l'ambassade du Libéria à Paris pour une présentation de l'intéressé, sans date fixée toutefois. Compte tenu des négociations en cours, le SEM estimait que la présentation pourrait avoir lieu lors du premier trimestre 2025, aux alentours de février ou mars 2025. Selon le SEM, A______ pouvait téléphoner à l'ambassade du Libéria à Paris et demander l'octroi d'un laissez-passer. L'identification se faisait par téléphone pour les personnes volontaires souhaitant obtenir un tel document. Une procédure identique pouvait être initiée avec les autorités de Sierra Leone.
c. Par jugement du 2 octobre 2024, le TAPI a prolongé la détention administrative d’A______ pour une durée de deux mois, soit jusqu’au 7 décembre 2024 inclus.
d. Saisie d'un recours contre ce jugement, la chambre administrative l'a rejeté par arrêt du 31 octobre 2024 2024 (ATA/1278/2024).
Les autorités suisses, qui avaient entrepris des démarches en vue de l'identification du recourant dès 2015, les avaient dûment reprises en 2024. Elles s'étaient ensuite montrées actives, de façon continue, auprès des autorités sierra-léonaises et libériennes, qu'elles avaient régulièrement relancées. La longue durée de la procédure d'identification ne leur était en conséquence pas imputable, mais relevait en premier lieu du comportement des autorités étrangères, notamment en lien avec le délai pour obtenir une détermination sur le cas de l’intéressé de la part de la représentation sierra-léonaise ainsi que pour déterminer une date pour l’audition par les autorités libériennes. De surcroît, et contrairement à ce qu’affirmait le recourant, il pouvait être tenu compte de son comportement. Devait notamment être pris en considération, à ce titre, son refus réitéré de contacter la représentation du Libéria et d'entreprendre une quelconque démarche pour accélérer sa reconnaissance par les autorités de ce pays. Comme l’avait déjà relevé la chambre de céans, sa position à cet égard était même contradictoire, puisqu'il persistait à se déclarer libérien tout en plaidant que la réponse négative des autorités libériennes de 2018 devrait être considérée comme définitive. Enfin, il ne pouvait être suivi lorsqu’il soutenait que la responsabilité des démarches de renvoi reposait exclusivement sur les autorités, notamment suisses. À teneur de la jurisprudence précitée, il pouvait en effet être tenu compte de l’absence de collaboration de l’étranger.
e. A______ a recouru contre cet arrêt auprès du Tribunal fédéral (cause 2C_602/2024), la procédure étant toujours en cours.
F. a. Le 8 novembre 2024, A______ a formé auprès du TAPI une demande de mise en liberté, invoquant être sans nouvelles des démarches en cours.
b. Entendu le 19 novembre 2024 par le TAPI, il a pour l'essentiel confirmé ses précédentes déclarations, réitérant en particulier qu'il n'entendait pas prendre contact avec les autorités du Libéria, pays dont il prétendait pourtant être ressortissant, car il ne voulait pas y retourner, craignant pour sa vie.
La représentante de l'OCPM s'est opposée à la demande de mise en liberté, expliquant, que le SEM avait tenté d'accélérer la procédure en prenant directement contact, lors d'une semaine de consultations s'étant tenue dans la deuxième moitié du mois d'octobre à Munich, avec la délégation sierra-léonaise ; selon un courriel reçu le 18 novembre 2024 du SEM, les autorités sierra-léonaises avaient cependant indiqué par la suite qu'A______ devrait être présenté une nouvelle fois à la prochaine mission d'identification sierra-léonaise en Suisse, prévue en l'état pour le deuxième trimestre 2026. Dans l'intervalle, il serait présenté à une délégation d'identification libérienne au cours du premier semestre 2025. En cas de rejet de la demande de mise en liberté, l'OCPM envisagerait soit de demander la prolongation de la détention administrative soir un changement du régime de détention.
c. Par jugement du 20 novembre 2024, le TAPI a rejeté la demande de mise en liberté d'A______.
Les autorités suisses s'étaient montrées actives, notamment en saisissant l'occasion d'une semaine de consultations multiples en Allemagne pour soumettre le cas d'A______ à une délégation sierra-léonaise. Le fait que ce dernier n'avait en l'état pu être identifié par aucune délégation, de même que les dates parfois lointaines de passage en Suisse de délégations des États étrangers concernés ne pouvaient leur être imputés. La durée de la détention, qui avait débuté le 8 juin 2024, demeurait proportionnée. La possibilité de procéder au refoulement d'A______ n'était ni inexistante ni hautement improbable ou purement théorique, étant rappelé que celui-ci refusait d'accomplir les actes pouvant être attendus de sa part afin de favoriser son identification, en prenant contact avec l'ambassade du Libéria à Paris.
G. a. Le 2 décembre 2024, A______ a formé recours contre ce jugement auprès de la chambre administrative, concluant à son annulation et à sa mise en liberté immédiate.
Les art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) et 76 al. 4 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) avaient été violés. Devant la situation d'impasse administrative à laquelle il était confronté, les autorités ne pouvaient se contenter d'attendre de la part des autorités sierra-léonaises ou libériennes des réponses hypothétiques ou de planifier de nouvelles auditions. Il convenait à cet égard de tenir compte de sa situation de précarité extrême et de grande vulnérabilité, aggravée par les souffrances psychologiques et physiques liées à sa détention. Il avait toujours coopéré avec les autorités suisses, notamment en acceptant de se soumettre à des auditions par les délégations de pays étrangers. Il ne pouvait lui être reproché d'avoir refusé de prendre contact téléphoniquement avec les autorités libériennes, dans la mesure où il avait toujours affirmé encourir des risques graves en cas de retour dans ce pays.
b. Dans ses observations du 4 décembre 2024, l'OCPM a exposé que le recours était manifestement mal fondé, tant la détention elle-même que sa durée étant dues à l'attitude d'obstruction de l'intéressé, en particulier à son refus de se plier à l'expulsion prononcée à son encontre.
Cela étant, et au regard du calendrier des prochaines dates d'auditions centralisées par des délégations libériennes ou sierra-léonaises, l'OCPM avait décidé le 22 novembre 2024 de renoncer à requérir la prolongation de la détention administrative, ordonnée et confirmée jusqu'au 7 décembre 2024. Les conditions légales de la détention demeuraient pleinement réunies jusqu'à cette date, en particulier afin de préparer l'assignation du recourant à un lieu de résidence au sens de l'art. 74 LEI. Infondé, le recours était ainsi dénué d'objet, avec pour conséquence que la cause devait être rayée du rôle.
c. Répliquant le 4 décembre 2024, A______, soutenant que sa détention devait être qualifiée d'illicite à compter du 22 novembre 2024, date de la décision de l'OCPM de ne pas solliciter la prolongation de la détention, a demandé à être libéré avec effet immédiat ainsi qu'une indemnisation de CHF 250.- par jour de détention illicite.
d. Le 5 décembre 2024, l'OCPM et le recourant ont été informés que la cause était gardée à juger.
H. A______ a été remis en liberté le 7 décembre 2024.
1.
1.1 Interjeté en temps utile et devant la juridiction compétente, le recours est, dans cette mesure, recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 10 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).
1.2 La qualité pour recourir suppose un intérêt actuel et pratique à obtenir l'annulation de la décision attaquée (art. 60 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10). Cet intérêt doit exister tant au moment du dépôt du recours qu'à celui où l'arrêt est rendu. Si l'intérêt actuel disparaît en cours de procédure, le recours devient sans objet alors qu'il est irrecevable si l'intérêt actuel faisait déjà défaut au moment du dépôt du recours (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1). A priori, un intérêt actuel et pratique au recours n'existe plus lorsque la personne sollicitant sa libération a été libérée avant que son recours ne soit tranché (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1). Il convient toutefois, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_428/2023 du 11 octobre 2023 consid. 1.2) d'entrer en matière sur le recours, même s'il n'existe plus d'intérêt actuel et pratique, lorsque la partie recourante invoque de manière défendable un grief fondé sur la CEDH.
1.3 En l'occurrence, le recourant a été placé en détention administrative le 8 juin 2024 et celle-ci a été régulièrement prolongée jusqu'au 7 décembre 2024. Il a formé le 8 novembre 2024 une demande de mise en liberté, qui a été rejetée par le jugement du 20 novembre 2024 faisant l'objet du présent recours, déposé le 2 décembre 2024. Dans la mesure où, postérieurement à cette date, il a été mis en liberté en raison de l'expiration de la durée de la détention administrative fixée, il ne dispose en principe plus d'un intérêt actuel et pratique à ce que son recours soit tranché, ce qui devrait rendre ce dernier sans objet. Il invoque toutefois, de manière défendable, la violation de l'art. 5 CEDH en relation avec le principe de célérité. Dans ces conditions, et en l'absence de retrait formel du recours, il doit être entré en matière sur celui-ci (arrêt du Tribunal fédéral 2C_384/2017 du 3 août 2017 consid. 1.3).
2. Selon l’art. 10 al. 2 LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 3 décembre 2024 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.
À teneur dudit art. 10 LaLEtr, elle est compétente pour apprécier l’opportunité des décisions portées devant elle en cette matière (al. 2 2e phr.) ; elle peut confirmer, réformer ou annuler la décision attaquée ; le cas échéant, elle ordonne la mise en liberté de l’étranger (al. 3 1re phr.).
3. Est litigieuse la conformité au droit du rejet par le TAPI de la demande de mise en liberté formée le 8 novembre 2024 par le recourant.
4. Le recourant ne conteste pas, à juste titre, que la détention administrative repose sur une base légale, soit l’art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI comme l’a développé la chambre de céans dans son arrêt du 2 juillet 2024, l’intéressé se soustrayant à son renvoi et refusant de collaborer et d’obtempérer aux ordres de l’autorité depuis plusieurs années.
L’intérêt public au renvoi du recourant, compte tenu notamment de ses multiples condamnations, en particulier pour infractions à la LStup, a été rappelé dans l’arrêt précité concernant le recourant et n’est pas remis en cause.
5. Le recourant dénonce une violation des principes de célérité et de proportionnalité.
5.1 Conformément à l'art. 5 par. 1 let. f CEDH, toute personne a droit à la liberté et à la sûreté, et nul ne peut être privé de sa liberté, sauf s'il s'agit de l'arrestation ou de la détention régulière d'une personne pour l'empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d'expulsion ou d'extradition est en cours.
Selon la Cour européenne des droits de l'homme (ci-après: CourEDH), seul le déroulement de la procédure d'expulsion justifie la privation de liberté ; or, si la procédure n'est pas menée avec la diligence requise, la détention cesse d'être justifiée au regard de cette disposition (arrêts CourEDH Khlaifia et autres c. Italie [GC] du 15 décembre 2016, § 90; Suso Musa c. Malte du 23 juillet 2013, § 91).
5.2 Selon l'art. 76 al. 4 LEI, les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder (« principe de célérité ou de diligence »). Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder (art. 76 al. 4 LEI).
5.3 Le principe de célérité est considéré comme violé lorsque, pendant plus de deux mois, aucune mesure en vue du renvoi ou de l'expulsion n'a été effectuée par les autorités compétentes de droit des étrangers (cantonales ou fédérales), sauf si le retard est imputable en premier lieu au comportement des autorités étrangères ou de l'étranger concerné (ATF 139 I 206 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_387/2023 du 7 août 2023 consid. 7.1, les deux avec les arrêts cités). Les autorités ne peuvent toutefois se prévaloir du manque de collaboration de l'étranger que pour autant qu'elles-mêmes ne soient pas restées inactives (ATF 139 I 206 consid. 2.3). En d'autres termes, le manque de collaboration de l'étranger ne justifie pas l'inactivité des autorités, qui doivent mener la procédure de renvoi avec sérieux et insistance (ATF 139 I 206 consid. 2.3). À cet égard, les autorités ne sont pas tenues de procéder schématiquement à certains actes mais doivent prendre des dispositions ciblées conçues pour faire avancer l'exécution du renvoi (ATF 139 I 206 consid. 2.1). Elles doivent en particulier tenter d'établir l'identité de l'étranger et d'obtenir rapidement les documents nécessaires à son renvoi, même sans la collaboration de l'intéressé (ATF 139 I 206 consid. 2.3 et la référence citée). Elles doivent aussi relancer les autorités étrangères et non pas se contenter d'attendre passivement que celles-ci se manifestent (arrêt du Tribunal fédéral 2C_428/2023 du 11 octobre 2023 consid. 5.2 et les références citées).
Un constat de violation du principe de célérité conduit en principe à la libération du détenu (ATF 139 I 206 consid. 2.4).
5.4 Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l'accord de l'autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l'autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l'obtention des documents nécessaires au départ auprès d'un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).
5.5 Dans l'arrêt qu'elle a rendu le 31 octobre 2024 (cf. let. E.e ci-dessus), confirmant la prolongation au 7 décembre 2024 de la détention administrative, la chambre de céans a exposé de manière détaillée les démarches effectuées par les autorités suisses, cantonales et fédérales, aux fins de faire identifier le recourant par son État d'origine de manière à pouvoir ensuite obtenir un laissez-passer nécessaire à son refoulement. Elle a en particulier souligné que, saisissant l'occasion d'une semaine de consultations s'étant tenue dans la deuxième moitié du mois d'octobre en Allemagne, des représentants du SEM étaient intervenus directement auprès de la délégation sierra-léonaise afin d'obtenir des autorités de cet État une réponse rapide. Elle a également relevé que les autorités suisses étaient en contact avec l'ambassade du Libéria à Paris afin de mettre sur pied le plus rapidement possible une audition du recourant. Selon les considérants de cet arrêt, auxquels il sera renvoyé, il ne pouvait donc être considéré que les autorités suisses auraient manqué de célérité et de diligence.
Il résulte du dossier que le seul élément significatif intervenu depuis lors consiste dans la déclaration des autorités sierra-léonaises selon laquelle le recourant ne pouvait en l'état être identifié comme un ressortissant de ce pays, avec pour conséquence qu'il devrait être une nouvelle fois auditionné lors du prochain passage en Suisse d'une délégation d'identification, vraisemblablement en 2026. Le SEM est pour le surplus demeuré en contact avec les autorités libériennes en vue d'une audition du recourant au cours du premier semestre 2025.
Il faut ainsi retenir, comme la chambre de céans l'a fait dans l'arrêt précité, que les retards intervenant dans l'exécution du refoulement sont dus non pas à un manque de diligence ou de célérité des autorités suisses, lesquelles tentent de manière continue d'accélérer la procédure d'identification, mais – outre au comportement du recourant lui-même – à celui des autorités étrangères.
Tout en fustigeant tantôt l'inaction tantôt l'activité à son sens purement formelle et vaine des autorités chargées du renvoi, le recourant n'expose pas à quelles démarches celles-ci auraient dû se livrer pour obtenir des autorités étrangères des réponses plus rapides. Se bornant à dénoncer une prétendue « impasse administrative », il paraît oublier que la situation actuelle est essentiellement due à son refus de prendre contact avec les autorités du Libéria, État dont il affirme pourtant être le ressortissant et de la part duquel, selon les indications du SEM, il pourrait obtenir rapidement des documents de voyage lui permettant d'y retourner. Contrairement à ce qu'il soutient, les craintes pour son intégrité corporelle qu'il affirme ressentir en cas de retour au Libéria ne sauraient justifier ce manque de collaboration ; l'examen de la possibilité juridique et matérielle d'exécuter le renvoi revient en effet aux autorités suisses d'exécution ainsi que, sur recours, aux autorités judiciaires, et non à l'étranger concerné.
Pour le surplus, la durée de la détention administrative du recourant – soit six mois au total – , confirmée par la chambre de céans par arrêt du 31 octobre 2024 jusqu’au 7 décembre 2024, est demeurée proportionnée à l'intérêt public à l'exécution effective de son renvoi, compte tenu en particulier des nombreuses infractions pénales dont il s'est rendu coupable depuis son arrivée en Suisse.
Il n'y a enfin pas lieu d'entrer en matière sur les prétentions en indemnisation pour détention illicite formulées tardivement dans ses écritures en réplique par le recourant, lesquelles ne relèvent au demeurant pas de la compétence de la chambre administrative (art. 10 al. 3 LaLEtr ; art. 1, 2 et 7 de la loi sur la responsabilité de l'État et des communes du 24 février 1989 [LREC - A 2 40]).
Le recours doit ainsi être rejeté.
6. La procédure étant gratuite, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA). Vu l’issue du litige, il n’est pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 2 décembre 2024 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 novembre 2024 ;
au fond :
le rejette ;
dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;
dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à Me Dina Bazarbachi, avocate du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.
Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, juges.
Au nom de la chambre administrative :
la greffière :
B. SPECKER
|
| le président siégeant :
C. MASCOTTO |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
|
| la greffière :
|