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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3685/2024

ATA/1459/2024 du 11.12.2024 sur JTAPI/1147/2024 ( MC ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3685/2024-MC ATA/1459/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 décembre 2024

en section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Dina BAZARBACHI, avocate

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 novembre 2024 (JTAPI/1147/2024)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______1981, aussi connu sous d'autres identités, notamment celle de B______, est ressortissant de la Sierra Leone. Il est dépourvu de document d'identité.

b. Il a déposé deux demandes d'asile en Suisse, en 1999 et en 2011, qui ont fait l'objet de décisions de non-entrée en matière et de renvoi du secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM). Dans le cadre de ces procédures, il a été attribué au canton de Berne. Il a par ailleurs fait l'objet d'une interdiction d'entrée en Suisse, notifiée le 24 novembre 2016 et valable jusqu'au 22 septembre 2019.

c. À teneur de son extrait du casier judiciaire suisse, A______ a été condamné à six reprises entre le 17 septembre 2014 et le 12 mai 2022, pour entrées et séjours illégaux, exercice d'une activité lucrative sans autorisation (art. 115 al. 1 let. a, b et c de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20), opposition aux actes de l'autorité (art. 286 al. 1 du code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - 311.0), délit et crime contre la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) et rupture de ban (art. 291 al. 1 CP). Le Tribunal de police de Genève a ordonné, le 25 janvier 2019, son expulsion du territoire suisse pour une durée de dix ans (art. 66a CP), mesure d'expulsion que l'autorité administrative compétente a décidé de ne pas reporter par décision du 9 mars 2020.

d. La mesure d'expulsion prononcée à l'encontre de A______ a été mise en œuvre le 9 mars 2020, date à laquelle il a été remis aux autorités portugaises dans le cadre de la procédure d'extradition dont il faisait l'objet.

e. Dès 2019, une demande de soutien à l'exécution de son renvoi avait été initiée auprès du SEM. En décembre 2019, il a été présenté à une délégation de Guinée, laquelle ne l'a pas reconnu comme étant l’un de ses ressortissants. En février 2020, il n'a pas non plus été reconnu par la délégation de la Sierra Leone. Par ailleurs, sa remise aux autorités portugaises – qui avaient requis son extradition – avait été effectuée avant la date fixée pour les auditions centralisées menées par une délégation du Mali.

f. Le SEM avait prévu de poursuivre le processus visant à son identification en le présentant aux délégations de la Sierra Leone, du Mali et de Guinée.

g. Le 15 février 2024, A______ a à nouveau été arrêté par les forces de l'ordre genevoises. Entendu par les enquêteurs, il a indiqué n'avoir aucun lieu de résidence fixe en Suisse, aucun lien particulier avec ce pays ni aucune source légale de revenu. Il a par ailleurs déclaré : « Je sais que je n'ai pas le droit d'être en Suisse. Cela fait longtemps que je suis là du coup je ne veux pas partir ».

h. Par jugement du 28 mai 2024, le Tribunal de police a condamné A______ pour rupture de ban (art. 291 al. 1 CP) et empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 al. 1 CP) à une peine pécuniaire de 180 jours-amende sous déduction de 104 jours de détention avant jugement et a ordonné sa libération immédiate.

i. Il a été remis le même jour entre les mains des services de police en vue de son refoulement.

j. Le 28 mai 2024 à 17h30, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à son encontre pour une durée d'un mois. Il ressortait des informations transmises par le SEM le 28 mai 2024 que les auditions centralisées menées par une délégation de la Sierra Leone auraient lieu les 17 et 18 juin 2024 et que sa convocation lui serait envoyée à la fin de la semaine en cours.

Au commissaire de police, A______ a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi en Sierra Leone.

k. Le commissaire de police a soumis l’ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) le même jour.

l. Entendu le 30 mai 2024 par le TAPI, A______ a répété qu'il s’opposait à son renvoi en Sierra Leone. Il a confirmé être originaire de ce pays. Il n’avait pas de document d’identité. Il avait bien compris qu'il n’était pas autorisé à demeurer en Suisse. Il n’avait jamais été au bénéfice de papiers d’identité et n’avait jamais eu de nationalité officielle. Il n'était jamais allé au Mali et n'avait aucun lien dans ce pays. Il avait appris le français à Genève. S'il était libéré, il quitterait la Suisse pour se rendre au Portugal.

La représentante du commissaire de police a confirmé qu’il avait déjà été entendu par une délégation de Guinée en 2019, laquelle ne l'avait pas reconnu comme un ressortissant. En février 2020, il n'avait pas non plus été reconnu par la délégation de la Sierra Leone. Compte tenu de ses affirmations, le SEM avait considéré utile de le représenter à une délégation de la Sierra Leone. Il devait être auditionné entre le 17 et le 18 juin 2024. Le commissaire de police demeurait dans l’attente d’une convocation officielle en fin de semaine. Si l’audition devant les autorités de la Sierra Leone ne permettait pas d’affirmer qu’il était ressortissant de ce pays, une audition auprès d’une délégation du Mali, voire de Guinée serait également envisagée.

m. Par jugement du 31 mai 2024, le TAPI a confirmé la détention administrative de A______, pour une durée de deux (sic) mois, soit jusqu'au 28 juillet 2024.

n. Le 24 juin 2024, le SEM a informé le commissaire de police que A______ avait participé aux auditions centralisées du 17 juin 2024, mais que selon la délégation sierra-léonaise, son dossier devait être considéré comme un cas à vérifier. Le SEM était dans l'attente de la communication des autorités sierra‑léonaises qui confirmerait ou non la nationalité sierra-léonaise de l'intéressé.

o. Par requête du 15 juillet 2024, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a sollicité la prolongation de la détention administrative de A______ pour une durée de quatre mois.

p. Lors de l'audience du 23 juillet 2024 devant le TAPI, A______ a déclaré qu'il était ressortissant de la Sierra Leone. Il y avait vécu lorsqu'il était enfant. Cela faisait longtemps qu'il avait quitté le Sierra Leone, mais il ne savait plus quand. Il avait quitté son pays seul pour le Mali, la Guinée, la Lybie et l’Italie. Depuis l’Italie, il était venu directement en Suisse. Il était arrivé en Suisse en 1999 et était ensuite parti au Portugal, avant de revenir en Suisse, en 2011. Jusqu’à son extradition au Portugal, il était toujours resté en Suisse. Il n’avait pas d’autre nationalité que celle de la Sierra Leone. Il n’avait jamais eu de passeport de la Sierra Leone. Il n'était pas d’accord de faire des démarches personnelles pour en obtenir un, « jamais ». Il n'était pas d’accord de retourner au Sierra Leone, pays qu’il ne connaissait pas. Par contre, il était d’accord de quitter la Suisse pour un autre pays en Europe, malgré le fait qu’il ne possédait aucun titre de séjour dans un pays européen.

La représentante de l'OCPM a indiqué que les autorités suisses n’avaient toujours pas reçu de retour de la part des autorités de la Sierra Leone. Elles n’excluaient pas de soumettre A______ à la délégation malienne, voire guinéenne et d’investiguer de ce côté-là. Elles attendaient toutefois une réponse de la part des autorités de la Sierra Leone pour entamer ces démarches.

Le conseil de l'intéressé a conclu à la levée immédiate de la détention de son client, subsidiairement, à son assignation dans un centre d’hébergement d’urgence avec obligation de se présenter au poste de police le plus proche, encore plus subsidiairement, à ce que la prolongation de sa détention ne soit pas ordonnée pour plus de trente jours.

q. Par jugement du 23 juillet 2024, le TAPI a prolongé la détention administrative de A______ pour une durée de quatre mois, soit jusqu'au 28 novembre 2024 inclus.

r. Par requête du 6 novembre 2024, A______ a sollicité sa mise en liberté. La durée de sa détention était disproportionnée et injuste. Dès sa requête admise, il s'engageait à quitter le territoire suisse.

s. Lors de l’audience devant le TAPI le 12 novembre 2024, l'OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative de A______ pour une durée de quatre mois, soit jusqu’au 28 mars 2025, et a déposé une requête motivée.

À l’appui de sa demande, l’OCPM a notamment indiqué que le SEM l'avait informé que A______ n’avait pas été reconnu par la délégation malienne et que celle-ci avait suggéré de le présenter à des représentants de la Guinée Conakry. L’intéressé était prévu pour une prochaine audition centralisée avec les autorités guinéennes, qui aurait lieu au cours du premier semestre 2025.

t. Vu la prolongation de la détention administrative sollicitée par l'OCPM, les parties ont sollicité du TAPI la jonction des causes. Après s'être entretenu avec son conseil, A______ a déclaré qu'il acceptait que sa demande de mise en liberté soit examinée, non pas le jour-même, le 12 novembre 2024, mais la semaine suivante, du 18 novembre 2024, en même temps que la demande de prolongation de la détention administrative.

u. Le 12 novembre 2024, le TAPI a informé les parties que la demande de prolongation, enregistrée sous le n° de cause A/3756/2024, serait examinée conjointement avec la demande de mise en liberté enregistrée sous le n° de cause A/3685/2024.

v. Lors de sa comparution le 19 novembre 2024 devant le TAPI, A______ a confirmé qu'il avait accepté, lors de l'audience du 12 novembre 2024, que la demande de mise en liberté qu'il avait formée soit traitée le 19 novembre 2024, en même temps que la demande de prolongation de la détention administrative dont il faisait l'objet.

Il maintenait sa demande de mise en liberté. Il voulait quitter la Suisse pour aller au Portugal. Sur question du TAPI, il a répondu qu'il n'avait pas de titre de séjour dans cet État. Il avait été extradé au Portugal car, selon les autorités portugaises, il avait présenté un faux document d'identité.

Sur question du TAPI, il a confirmé être Sierra-Léonais. Il s'opposait à son renvoi dans son pays d'origine, car il n'y avait aucune attache. C'était un pays en guerre. Il comprenait néanmoins que son renvoi ne pouvait pas être exécuté s'il n'était pas reconnu par son État d'origine. Il n'était pas ressortissant du Mali. Il n'y avait aucun intérêt à ce qu'il fût présenté une nouvelle fois aux autorités guinéennes dans la mesure où la Guinée ne l'avait pas reconnu. Il avait collaboré en se présentant aux autorités sierra-léonaises en juin 2024. Depuis cette audition, les autorités sierra‑léonaises n'avaient donné aucune nouvelle. Il n'allait pas attendre 2026, date de la prochaine audition possible selon le SEM, pour être identifié. Il devait être libéré.

Interrogé sur la raison qui l'empêchait de prendre contact avec la mission permanente de la Sierra Leone à Genève en vue d'obtenir un laissez-passer, il a répondu que les autorités sierra-léonaises ne l'avaient pas reconnu. Après lui avoir fait remarquer que sa réponse était inexacte puisqu'il savait son cas être en cours de vérification, il a répondu que les autorités sierra-léonaises n'avaient aucune preuve. Il n'avait ni passeport ni permis.

Il a confirmé n'avoir aucune attache en Suisse. Il voulait se rendre au Portugal où il n'avait ni famille ni amis. Il y chercherait du travail. Sur question du TAPI, il a déclaré que sa maman et sa petite-sœur vivaient en Sierra Leone. Il n'avait pas eu de leurs nouvelles depuis longtemps.

Sur question du TAPI, qui lui a demandé s'il avait donné ces informations concernant sa mère et sa petite-sœur aux autorités sierra-léonaises, il a répondu qu'il avait donné toutes les informations utiles aux autorités sierra-léonaises lors de son audition. Ces dernières refusaient pourtant de répondre. Sur ce point, le TAPI lui a fait remarquer que ni l'autorité judiciaire ni l'OCPM n'avaient eu accès au procès-verbal de son audition centralisée.

La représentante de l’OCPM a indiqué que le cas de l'intéressé était en cours de vérification et que l'OCPM n'avait pas eu de nouvelles. Sur question du TAPI, qui lui a demandé si un courrier ou un courriel de relance avait été adressé aux autorités sierra-léonaises, elle a répondu que le SEM était tributaire de l'autorité étrangère. Si un courrier ou un courriel avait été envoyé, il aurait certainement été versé au dossier. Cela étant, de nombreux contacts avec les autorités étrangères avaient lieu par téléphone et par la voie diplomatique. A______ avait certes collaboré en juin 2024. Il était cependant relevé qu'à cette date il se trouvait en détention administrative. Il lui était bien évidemment loisible de prendre contact avec la mission sierra-léonaise à Genève afin de solliciter un laissez-passer dans le cadre d'un départ volontaire.

w. Par jugement du 22 novembre 2024, le TAPI a joint les causes A/3685/2024 et A/3756/2024, rejeté la demande de mise en liberté et prolongé la détention administrative pour une durée de quatre mois jusqu’au 28 mars 2025.

Les conditions de la détention étaient remplies, comme constaté dans les jugements des 31 mai et 23 juillet 2024. La détention administrative reposait sur une base légale. A______ ne respectait pas la mesure d'expulsion pénale prononcée à son encontre et refusait de collaborer à son renvoi. Le risque de fuite demeurait réel et concret et l'assurance de son départ effectif de Suisse continuait de répondre à un intérêt public certain, notamment au vu de ses multiples condamnations, ce qui n'était pas remis en cause.

Le fait qu’aucune des délégations susmentionnées, pas même celle de la Sierra Leone, n’avait pu l’identifier jusque-là ne pouvait être imputé aux autorités suisses, qui avaient fait preuve de diligence et de célérité. L'absence de réponse des autorités sierra-léonaises depuis l’audition du 17 juin 2024 était longue, mais pas inhabituelle. La détention restait proportionnée.

Le renvoi n’était pas impossible. A______ n’avait pas collaboré à son identification, et donc à son renvoi.

La durée admissible de la détention administrative n’était pas encore atteinte. Le cas de A______ était en cours de vérification par les autorités sierra‑léonaises et rien ne permettait d’affirmer qu’il devrait être à nouveau entendu en 2026.

B. a. Par acte remis au greffe le 5 décembre 2024, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation et à sa mise en liberté immédiate.

Il était originaire de la Sierra Leone. En Suisse, il avait toujours été atteignable et n’avait jamais disparu. Il avait toujours fait preuve d’une coopération exemplaire, se tenant à disposition et participant aux auditions centralisées. Aucun pays ne l’avait reconnu, sans sa faute. La détention l’avait brisé. Depuis 20 ans, les autorités suisses n’étaient pas parvenues à obtenir un laissez-passer.

Sa détention contrevenait aux principes de proportionnalité, de célérité et de diligence. Se contenter d’attendre une réponse de la Sierra Leone depuis six mois malgré le silence manifeste de ce pays ou le présenter aux autorités maliennes alors qu’il n’était visiblement pas ressortissant du Mali dénotait un manque de proactivité. Le présenter à nouveau aux autorités guinéennes qui ne l’avaient pas reconnu apparaissait vain. Dans ces circonstances, le retard ne pouvait être imputé aux autorités étrangères, ni à lui-même d’ailleurs. Il avait toujours affirmé qu’il était originaire de la Sierra Leone, tout en refusant d’y retourner en raison des risques graves qu’il y courait. L’impasse de auditions devait être constatée et cette situation imposait d’ordonner immédiatement sa mise en liberté.

b. Le 9 décembre 2024, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

Les autorités de la Sierra Leone avaient annoncé qu’elles procéderaient à des vérifications sur leur territoire. On ne pouvait soutenir qu’elles avaient refusé de le reconnaître.

c. Le 11 décembre 2024, le recourant a persisté dans ses conclusions.

Il n’était pas fondé de prétendre qu’il était responsable de l’« inertie » de son renvoi ou d’un manque de coopération. Sa non reconnaissance par les autorités de la Sierra Leone, de Guinée ou du Mali ne pouvait lui être reprochée. Il était choquant de justifier sa détention en invoquant le fait que les autorités suisses étaient tributaires de leurs homologues étrangères, un fait dont il n’était absolument pas responsable mais dont il subissait les conséquences.

d. Le 11 décembre 2024, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 10 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Selon l’art. 10 al. 2 1ère phr. LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 5 décembre 2024 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

3.             Le recourant conclut à sa mise en liberté.

3.1 La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH ‑ RS 0.101; ATF 135 II 105 consid. 2.2.1) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale et respecte le principe de la proportionnalité.

3.2 L'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, renvoyant à l'art. 75 al. 1 lettre h LEI, permet d'ordonner la détention administrative d'un ressortissant étranger afin d'assurer l'exécution d'une décision de renvoi ou d'expulsion notifiée à celui-ci, lorsque la personne concernée a été condamnée pour crime, par quoi il faut entendre une infraction passible d’une peine privative de liberté de plus de trois ans (art. 10 al. 2 CP).

3.3 Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L'exécution n'est pas possible lorsque la personne concernée ne peut quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyée dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI). Elle n'est pas licite lorsqu'elle serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). Elle n'est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger la personne étrangère, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

3.4 La détention doit être levée notamment si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles (art. 80 al. 6 let. a LEI). Dans ce cas, la détention dans l'attente de l'expulsion ne peut en effet plus être justifiée par une procédure d'éloignement en cours ; elle est, de plus, contraire à l'art. 5 par. 1 let. f CEDH (ATF 130 II 56 consid. 4.1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_955/2020 du 10 décembre 2020 consid. 5.1). Les raisons juridiques ou matérielles empêchant l'exécution du renvoi ou l'expulsion doivent être importantes (« triftige Gründe »).

3.5 La détention en phase préparatoire et la détention en vue du renvoi ou de l’expulsion visées aux art. 75 à 77 LEI ainsi que la détention pour insoumission visée à l’art. 78 LEI ne peuvent excéder six mois au total (art. 79 al. 1 LEI) ; la durée maximale de la détention peut, avec l’accord de l’autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l’autorité compétente et que l’obtention des documents nécessaires au départ auprès d’un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 LEI).

3.6 Conformément à l'art. 5 par. 1 let. f CEDH, toute personne a droit à la liberté et à la sûreté, et nul ne peut être privé de sa liberté, sauf s'il s'agit de l'arrestation ou de la détention régulière d'une personne pour l'empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d'expulsion ou d'extradition est en cours.

Selon la Cour européenne des droits de l'homme (ci-après : CourEDH), seul le déroulement de la procédure d'expulsion justifie la privation de liberté ; or, si la procédure n'est pas menée avec la diligence requise, la détention cesse d'être justifiée au regard de cette disposition (arrêts CourEDH Khlaifia et autres c. Italie [GC] du 15 décembre 2016, § 90 ; Suso Musa c. Malte du 23 juillet 2013, § 91).

Selon l'art. 76 al. 4 LEI, les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder (« principe de célérité ou de diligence »). Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder (art. 76 al. 4 LEI).

Le principe de célérité est considéré comme violé lorsque, pendant plus de deux mois, aucune mesure en vue du renvoi ou de l'expulsion n'a été effectuée par les autorités compétentes de droit des étrangers (cantonales ou fédérales), sauf si le retard est imputable en premier lieu au comportement des autorités étrangères ou de l'étranger concerné (ATF 139 I 206 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_387/2023 du 7 août 2023 consid. 7.1, les deux avec les arrêts cités). Les autorités ne peuvent toutefois se prévaloir du manque de collaboration de l'étranger que pour autant qu'elles-mêmes ne soient pas restées inactives (ATF 139 I 206 consid. 2.3). En d'autres termes, le manque de collaboration de l'étranger ne justifie pas l'inactivité des autorités, qui doivent mener la procédure de renvoi avec sérieux et insistance (ATF 139 I 206 consid. 2.3). À cet égard, les autorités ne sont pas tenues de procéder schématiquement à certains actes mais doivent prendre des dispositions ciblées conçues pour faire avancer l'exécution du renvoi (ATF 139 I 206 consid. 2.1). Elles doivent en particulier tenter d'établir l'identité de l'étranger et d'obtenir rapidement les documents nécessaires à son renvoi, même sans la collaboration de l'intéressé (ATF 139 I 206 consid. 2.3 et la référence citée). Elles doivent aussi relancer les autorités étrangères et non pas se contenter d'attendre passivement que celles-ci se manifestent (arrêt du Tribunal fédéral 2C_428/2023 du 11 octobre 2023 consid. 5.2 et les références citées).

Un constat de violation du principe de célérité conduit en principe à la libération du détenu (ATF 139 I 206 consid. 2.4).

3.7 En l’espèce, le recourant a fait l’objet le 25 janvier 2019 d’une expulsion du territoire suisse pour une durée de dix ans et a par ailleurs été condamné pour crime contre la LStup. Il ne conteste pas que les conditions de sa détention administrative sont réalisées.

Le recourant ne conteste pas non plus que sa détention, telle que prolongée, demeure conforme aux maxima prévus par la loi.

Il fait valoir qu’elle contreviendrait aux principes de proportionnalité, de célérité et de diligence, en raison du temps excessivement long mis par les autorités suisses pour obtenir son identification par les autorités étrangères.

Il ne peut être suivi. Le SEM n’a pas désemparé dans ses démarches et la multiplication des tentatives d’identification n’est pas critiquable. En effet, le recourant a, certes, affirmé le 23 juillet 2024 devant le TAPI qu’il était originaire de la Sierra Leone, mais il a aussi soutenu qu’il n’avait jamais eu de passeport de ce pays. Il a ajouté qu’il ne ferait jamais de démarches personnelles pour en obtenir un et qu’il n'était pas d’accord de retourner à la Sierra Leone, pays qu’il ne connaissait pas. Il a ensuite répété devant le TAPI le 19 novembre 2024 puis dans son recours devant la chambre de céans qu’il était Sierra-Léonais. Il n’est donc guère surprenant que le SEM ait à nouveau soumis son dossier au Sierra Leone en vue d’une identification, alors même que la délégation de ce pays ne l’avait pas reconnu en février 2020. Il est pareillement logique que le SEM ait soumis le dossier du recourant à d’autres pays, dans l’hypothèse où le recourant n’aurait pas déclaré sa vraie nationalité ou omis de déclarer une autre nationalité.

La durée des démarches d’identification est due aux délais nécessaires aux autorités étrangères pour ses déterminer, étant observé qu’une nouvelle détermination de la Sierra Leone est toujours attendue, et qu’il n’est pas inhabituel, comme l’a relevé le TAPI, que les réponses des autorités étrangères se fassent attendre des mois durant, en raison par exemple de la nécessité de procéder à des vérifications dans le pays.

Cela étant, le recourant, qui se déclare sierra-léonais, aurait en tout temps la possibilité de faire établir rapidement par les autorités sierra-léonaises un passeport ou un laissez-passer qui lui permettrait de voyager, rendrait possible l’exécution de son renvoi vers le Sierra Leone et mettrait fin à sa détention administrative. Il a toutefois constamment réaffirmé son refus de procéder à ces démarches, et il ne peut être suivi lorsqu’il soutient qu’il a pleinement collaboré.

C’est ainsi de manière conforme à la loi que le TAPI a conclu que l’exécution du renvoi du recourant était toujours possible et proportionnée et que ce dernier devait se laisser opposer son absence de collaboration, et qu’il a rejeté sa demande de mise en liberté.

Pour le surplus, l’assurance du départ effectif du recourant répond à un intérêt public prépondérant et aucune autre mesure moins incisive ne paraît à même de s’assurer de sa présence aux présentations en vue d’identification puis lors de l’exécution de son renvoi.

La durée totale de la détention est à ce jour de moins de sept mois, et elle est conforme aux maxima prévus par la loi.

La durée de la prolongation de la détention, de quatre mois, sera toutefois réduite et ramenée à deux mois, délai qui devrait permettre à l’OCPM de progresser dans l’identification du recourant alternativement de déterminer la suite de la procédure dans le respect du principe de célérité pour le cas où aucune réponse de la Sierra Leone ne devrait pouvoir être attendue ni aucune nouvelle présentation envisagée.

Le recours sera partiellement admis et la durée de la prolongation de la détention administrative ramenée à deux mois soit jusqu’au 28 janvier 2025.

4.             La procédure étant gratuite, aucun émolument ne sera perçu. Le recourant n’obtenant que partiellement gain de cause, une indemnité de procédure réduite de CHF 500.- lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 5 décembre 2024 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 novembre 2024 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule le jugement précité en tant qu’il a confirmé l’ordre de mise en détention administrative pour une durée de quatre mois ;

confirme l’ordre de mise en détention administrative pris le 28 mai 2024 par le commissaire de police à l’encontre de A______ pour une durée réduite de deux mois, soit jusqu’au 28 février 2025 inclus ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue à A______ une indemnité de procédure de CHF 500.-, à la charge de l’État de Genève (OCPM) ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Dina BAZARBACHI, avocate du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, au secrétariat d'État aux migrations, ainsi qu'au centre Frambois LMC, pour information.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Francine PAYOT ZEN RUFFINEN, Patrick CHENAUX, juges.

 

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

B. SPECKER

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :