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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1561/2024

ATA/1382/2024 du 26.11.2024 ( FPUBL ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE;RAPPORTS DE SERVICE DE DROIT PUBLIC;CERTIFICAT DE TRAVAIL;GRATIFICATION
Normes : CO.330A; SP-Commune Collex-Bossy.23; SP-Commune Collex-Bossy.13
Résumé : Premier recours d’une employée communale contre le refus de l’ajout dans son certificat de travail qu’elle entretenait d’excellentes ou de très bonnes relations avec sa hiérarchie et ses collègues. Second recours contre le refus de lui verser une gratification. Au vu du dossier, l’absence de toute mention des relations avec ses collègues et sa hiérarchie était lacunaire. Le certificat de travail, portant sur l’attitude du travailleur durant toute la durée des rapports de service, devait être véridique et complet. Celui de l’employée devait donc comporter la mention de bonnes relations avec la hiérarchie et les collègues. Elle ne pouvait par contre pas prétendre au qualificatif d’excellent ou de très bon, ayant rencontré des problèmes de communication avec un collègue et un conseiller administratif. En refusant de lui verser une gratification, la commune n’avait pas abusé de son pouvoir d’appréciation. L’employée avait été en congé maladie durant huit mois et n’avait donc pas pu dépasser les objectifs qui auraient dû lui être fixés, un tel dépassement étant une condition prévue par le statut de la commune pour l’octroi de la gratification. Recours partiellement admis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1561/2024-FPUBL ATA/1382/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 novembre 2024

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Samantha EREMITA, avocate

contre

COMMUNE DE B______ intimée
représentée par Me Daniel UDRY, avocat

 



EN FAIT

A. a. A______ (ci-après : l’employée) a travaillé en qualité d’assistante de bureau pour la commune de B______ (ci-après : la commune) à partir du 1er mai 2015.

En conséquence de l’élargissement de son cahier des charges, son taux d’activité, de 50 % à l’origine, a été relevé progressivement et fixé en définitive à 80 % dès le 1er janvier 2022.

b. Jusqu’en 2021, ses prestations ont répondu aux attentes de la commune, ce dont elle a régulièrement été félicitée.

Aux termes de l’entretien annuel de collaboration du 13 octobre 2016, concernant l’année 2015, sa collaboration avec les collègues était bonne.

Selon un certificat intermédiaire de travail du 5 juin 2018, elle était fiable, digne de confiance, consciencieuse et dynamique. Elle travaillait de manière indépendante, s’était parfaitement intégrée à son environnement et entretenait d’excellentes relations avec ses collègues et sa hiérarchie.

En 2021, elle a assumé une double charge et ses prestations ont été jugées généralement supérieures aux attentes. Lors de l’entretien annuel de collaboration du 17 décembre 2021, sa responsable hiérarchique remarquait être « contente d’avoir A______ comme collaboratrice ». Parmi « les moins » du bilan annuel général était mentionné : « culture : relations avec C______ et D______  ».

c. Jusqu’en 2022, l’employée a atteint les objectifs fixés et reçu une prime en fin d’année, correspondant à une somme déterminée ou un pourcentage du salaire annuel, pour la remercier de son travail, de sa disponibilité et de ses efforts.

d. Un rapport d’audit de gestion des ressources humaines a été rendu le 2 mai 2023 (ci-après : l’audit), relevant des tensions, en particulier une ambiance « en dents de scie » au sein de l’administration, ainsi qu’une méfiance et un manque de considération entre cette dernière et l’exécutif. Cela avait un impact important sur la santé des employés et leur charge de travail. Les trois responsables de bureau, dont faisait partie l’employée, ne parvenaient pas à traiter tous les dossiers dans le cadre de leurs taux d’activité et faisaient régulièrement des heures supplémentaires. Ils travaillaient à un rythme, d’une manière et avec des compétences différents. Leur formation et la planification de leur travail devaient être améliorées.

e. Lors d’un entretien le 27 mars 2023 avec le maire et la secrétaire générale, selon les notes prises par celle-ci, l’employée a expliqué venir travailler « la boule au ventre » et chercher un nouveau travail. Elle souhaitait être aidée dans ce sens, en bénéficiant en particulier du temps nécessaire.

f. L’employée s’est trouvée en incapacité de travail complète dès le 24 avril 2023.

g. Le 20 novembre 2023, la commune a résilié ses rapports de travail avec effet au 29 février 2024, la libérant de son obligation de travailler.

B. a. À la suite de l’entretien du 27 mars 2023 et à la demande de l’employée, un certificat de travail intermédiaire daté du 20 avril 2023 lui a été remis le jour suivant. Il comportait une liste des tâches qu’elle assumait en relation avec l’accueil, la culture et la communication. Il exposait ensuite que les connaissances diverses de l’employée démontraient une polyvalence certaine. Elle était perfectionniste, professionnelle et effectuait ses missions à la satisfaction de la commune et de la population. Flexible dans ses horaires, elle travaillait de manière indépendante et s’était parfaitement intégrée dans son environnement.

b. Les 8 mai et 5 juin 2023, l’employée a communiqué à la commune son désaccord quant au contenu du certificat de travail, qu’elle jugeait faux, incomplet, malveillant et portant atteinte à sa personne. Elle soumettait en conséquence à la commune une proposition de nouveau certificat fondée sur son contrat, ses avenants, son cahier des charges et le précédent certificat délivré.

Cette proposition, en sus de comporter un descriptif des tâches assumées plus complet en relation avec l’accueil, modifiait la partie susmentionnée concernant sa personnalité sur les deux points suivants : « perfectionniste » était remplacé par « consciencieuse » et était ajoutée la phrase « Elle entretient d’excellentes relations avec ses collègues et sa hiérarchie. ».

c. Le 14 juin 2023, la commune a répondu rejeter fermement les critiques concernant la première version du certificat de travail. Elle a accepté d’y intégrer les modifications sollicitées, sauf celle concernant l’ajout de la phrase précitée, dont le contenu était démenti par l’audit.

d. Le 8 septembre 2023, l’employée s’est référée aux difficultés qu’elle rencontrait avec sa hiérarchie. Elle contestait les reproches à son encontre qui résulteraient de l’audit, auquel elle n’avait pas eu accès. Sa hiérarchie portait atteinte à sa personnalité depuis plusieurs mois, ce qui avait pour conséquence de l’isoler professionnellement. Elle ne comprenait pas le contenu du certificat de travail au vu de la durée des rapports de travail et des bonnes évaluations reçues.

La commune lui a transmis l’audit.

e. Les 3 novembre 2023, l’employée a persisté à demander l’ajout de la phrase litigieuse, dont le contenu n’était pas en contradiction avec un quelconque élément de l’audit.

f. Le 17 novembre 2023, la commune a de nouveau refusé cet ajout, au motif qu’il n’était pas conforme à la réalité.

g. Le 27 février 2024, l’employée a reproché à la commune un manque d’explications. Conformément aux règles de la bonne foi, un certificat de travail devait être complet, conforme à la réalité, dépourvu de termes péjoratifs ou ambigus, ainsi que d’allusions dissimulées ou inutilement dépréciatives. Il devait refléter l’ensemble de la relation de travail.

h. Par décision du 28 mars 2024, la commune a rejeté sa demande. Le certificat de travail devait être véridique, complet, et donner à de futurs employeurs une image aussi fidèle que possible des activités, des prestations et du comportement du travailleur. L’employée entretenait des relations professionnelles « plus tendues » avec certains collègues. Affirmer qu’elle entretenait d’excellentes relations avec ses collègues et sa hiérarchie n’était pas conforme à la réalité et ne pouvait pas être ajouté au certificat de travail.

C. a. Le 27 février 2024, l’employée a fait valoir des prétentions pécuniaires à l’encontre de la commune, concernant notamment le paiement de la prime de fin d’année 2023. Une telle prime lui avait été régulièrement versée depuis 2015 et aucun reproche ne lui avait été fait en 2023.

b. Par décision du 28 mars 2024, la commune a refusé le versement d’une gratification pour l’année 2023. Compte tenu du congé maladie de l’employée, elle n’avait pas pu apprécier la qualité du travail ni réaliser l’évaluation annuelle de cette dernière.

D. a. Par un premier acte posté le 7 mai 2024, l’employée a interjeté recours contre la décision de la commune du 28 mars précédent concernant son certificat de travail, concluant à sa modification dans le sens de l’ajout de la phrase litigieuse, subsidiairement de la mention « Elle entretient de très bonnes relations avec ses collègues et sa hiérarchie. ». L’employée a préalablement sollicité l’audition des parties.

L’audit ne mettait nullement en cause son travail et son attitude, ni la satisfaction exprimée tout au long des rapports de travail dans les évaluations et les remerciements reçus en fin d’année. Ses qualités ressortaient également du certificat de travail intermédiaire du 5 juin 2018, mentionnant les excellentes relations avec ses collègues et sa hiérarchie. Lors de l’entretien du 27 mars 2023, elle avait été informée être l’objet de nombreuses critiques dans l’audit, sans explications, précisions ou exemples. Or, celui-ci ne remettait pas en cause son comportement.

La procédure a été ouverte sous le numéro A/1561/2024.

b. Le 14 juin 2024, la commune, sollicitant aussi l’audition des parties, a conclu au rejet du recours et à la confirmation de sa décision.

L’employée entretenait des relations tendues avec certains collègues. Elle faisait parfois preuve d’agressivité verbale à l’égard d’autres membres du personnel. La secrétaire générale avait dû mettre en place une manière de lui signifier que ses propos excédaient ce qui était admissible. Les rapports d’évaluation d’octobre 2016 et de décembre 2021 faisaient déjà état de difficultés relationnelles. Les initiales « C______ » figurant dans les points négatifs du second rapport désignaient l’adjoint au maire et « D______  » le conseiller municipal et président de la commission « cohésion sociale et culture ». Les deux précités avaient formulé des remarques négatives à l’égard de l’employée, qui n’acceptait pas les instructions données au motif qu’elle les tenait pour inadaptées. La mention litigieuse n’était pas conforme à la réalité, raison pour laquelle l’employée ne pouvait se fonder sur aucun exemple concret ni citer de témoin à l’appui de ses conclusions. Le certificat de travail intermédiaire, datant de cinq ans plus tôt, ne suffisait pas à établir l’excellence de ses relations de travail.

c. Par un second acte posté le 7 mai 2024, l’employée a interjeté recours contre la décision du 28 mars 2024 concernant le refus de gratification pour l’année 2023, concluant à l’annulation de la décision de la commune « de ne pas ajouter la mention d’excellentes relations au certificat de travail intermédiaire » et à sa condamnation à lui verser CHF 791.05, avec intérêts à 5% l’an dès le 31 décembre 2023. Elle a sollicité l’audition des parties.

Elle avait reçu une prime chaque année jusqu’en 2022, sans que la commune émette une quelconque réserve. Elle n’avait fait l’objet que de deux entretiens annuels menés en 2016 et 2021. Le versement d’une prime de fin d’année n’était donc pas subordonné à une appréciation annuelle, conformément au statut du personnel de l’administration communale de la Commune de B______ , du 2 septembre 2014 (LC 15 151 - ci-après : le statut). La qualité de son travail n’avait pas été remise en cause jusqu’au mois d’avril 2023. Son certificat de travail attestait au contraire qu’elle réalisait ses tâches à l’entière satisfaction de son employeur et de la population.

La procédure a été ouverte sous le numéro A/1643/2024.

d. Le 14 juin 2024, la commune, sollicitant aussi l’audition préalable des parties, a conclu au rejet du recours.

L’employée n’avait pas conclu à l’annulation de la décision querellée, de sorte que celle-ci ne pouvait être que confirmée. Elle avait en tout état de cause été absente durant huit mois en 2023, de sorte que la commune n’avait pas pu réaliser son évaluation ni fixer ses objectifs pour cette année-là. Il était évident que son absence l’avait empêchée d’atteindre ceux résultant de son cahier des charges. Or, l’octroi d’une éventuelle gratification était subordonnée selon le statut, lequel n’était pas lacunaire, au dépassement des objectifs fixés, ce qui ne s’était pas produit en 2023, contrairement aux années précédentes. Quand bien même les prestations de l’employée auraient été largement suffisantes du 1er janvier au 24 avril 2023, la commune conservait un pouvoir d’appréciation quant à l’octroi d’une gratification. L’employée avait pour le surplus reçu l’entier de son traitement durant son absence maladie, ce qui représentait un dépassement du minimum légal largement supérieur au montant de la gratification à laquelle elle prétendait.

e. Par décision du 24 juin 2024, la chambre de céans a joint les deux causes faisant l’objet des recours du 7 mai 2024, sous numéro A/1561/2024.

f. Le juge délégué a fixé aux parties un délai au 16 août 2024 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

g. Le 16 août 2024, l’employée a persisté dans ses conclusions.

Il ressortait du dossier que ses relations avec ses collègues et sa hiérarchie, aussi bien que son travail, avaient toujours été jugés excellents. Aucun document n’attestait d’un problème avec un collègue ou un supérieur. Le certificat de travail devait refléter toute la durée de son engagement, de sorte qu’elle puisse s’en prévaloir dans le cadre de ses recherches d’emploi. La commune s’efforçait de rabaisser son travail, son implication et son comportement.

h. Le 30 août 2024, la commune a répondu et persisté dans ses conclusions.

À l’exception du certificat de travail intermédiaire établi en 2018, aucun document n’attestait de relations excellentes de l’employée avec ses collègues ou sa hiérarchie. On ne pouvait donc pas lui reprocher d’accorder une importance trop grande aux derniers mois des rapports de service.

EN DROIT

1. Interjetés en temps utile devant la juridiction compétente, les recours sont recevables (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

Contrairement à la position défendue par l’intimée, on comprend des recours qu’ils visent l’annulation des deux décisions du 28 mars 2024, et non seulement celle concernant le certificat de travail, bien que les conclusions en annulation du recours ayant trait à la décision de refus d’une gratification mentionnent, par une erreur facilement reconnaissable, la décision afférente audit certificat. La recourante a de toute manière pris des conclusions chiffrées en versement de la gratification, ce qui suffit à la chambre de céans pour examiner la décision y relative.

2.             Les parties requièrent préalablement leur audition.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas la juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1. ; 140 I 285 consid. 6.3.1). En outre, il n'implique pas le droit à l’audition orale ni à celle de témoins (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

2.2 En l'espèce, les parties ont eu l’occasion de produire toutes les pièces pertinentes et d’exposer en détail leur point de vue sur l’objet du litige. Elles ont par ailleurs été entendues dans la cause connexe portant sur la décision de licenciement (A/67/2024). Elles n’expliquent pas en quoi leur audition serait au surplus nécessaire à l’instruction de la cause.

Il ne sera dès lors pas donné suite à leurs requêtes préalables.

3.             La présente cause a tout d’abord pour objet le refus de l’intimée d’inclure dans le certificat de travail de la recourante la mention « Elle entretient d’excellentes relations avec ses collègues et sa hiérarchie ».

3.1 Dans le cadre d’un rapport de travail de droit public, les règles de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220) relatives au contrat de travail sont applicables à titre subsidiaire, en cas de lacunes dans la réglementation ou si celle-ci le prévoit (ATF 139 I 57 consid. 5.1), ce qui est le cas en l'espèce (art. 3 al. 3 du statut).

3.2 Aux termes de l’art. 330a CO, le travailleur peut demander en tout temps à l’employeur un certificat portant sur la nature et la durée des rapports de travail, ainsi que sur la qualité de son travail et sa conduite.

S’il n'est pas satisfait du certificat de travail reçu, parce que celui-ci est lacunaire, inexact ou qu'il contient des indications trompeuses ou ambiguës, il peut en demander la modification (ATF 129 III 177 consid. 3.3). Il appartient au travailleur de prouver les faits justifiant l'établissement d'un certificat de travail différent de celui qui lui a été remis. L'employeur devra collaborer à l'instruction de la cause, en motivant les faits qui fondent son appréciation négative. S'il refuse de le faire ou ne parvient pas à justifier sa position, le juge pourra considérer que la demande de rectification est fondée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_50/2023 du 5 février 2024 consid. 6.1.2).

Dans le cadre d'une relation de travail de droit public, la délivrance d'un certificat de travail fait partie du devoir de diligence et de protection de l'employeur. Le but du certificat de travail est de favoriser l’avenir économique du travailleur et ses recherches d’emploi. Sauf lorsque le travailleur le demande, le certificat doit être complet, soit contenir la description précise et détaillée de l’activité exercée et des fonctions occupées dans l’entreprise, les dates de début et de fin des rapports de travail, l’appréciation de la qualité du travail effectué, ainsi que celle relative à l’attitude du travailleur dans l’entreprise. Il est notoire que ce document est important pour une personne en recherche d'emploi (ATA/454/2022 du 3 mai 2022 consid. 3b).

Le travailleur n’a toutefois pas de prétention à une formulation particulière, l’employeur ayant le choix des termes utilisés (ATF 144 II 345 consid. 5.2.3). Il appartient en premier lieu aux supérieurs hiérarchiques de qualifier les prestations de l'employé du moment qu'ils peuvent le mieux évaluer le travail quotidien et apprécier le comportement de l'intéressé (ATF 118 Ib 164 consid. 4b). Conformément au principe de la bonne foi, la liberté de rédaction de l’employeur trouve ses limites dans l'interdiction de recourir à des termes péjoratifs, peu clairs ou ambigus, à des allusions dissimulées ou inutilement dépréciatives, voire constitutifs de fautes d'orthographe ou de grammaire (arrêt du Tribunal fédéral 4C.129/2003 du 5 septembre 2003 consid. 6.1).

Le certificat de travail doit répondre aux principes parfois contradictoires de vérité et de complétude, d’une part, et de bienveillance, d’autre part. Le rédacteur du certificat de travail doit non seulement favoriser l’avenir professionnel du travailleur, mais encore donner – du point de vue d’un tiers impartial – une image la plus exacte possible de la réalité de l’activité, des prestations et de la conduite du travailleur. Cette double exigence implique que les aspects positifs de l’activité et du comportement du travailleur doivent être valorisés sans que les éléments négatifs soient pour autant dissimulés, dans la mesure toutefois où ils revêtent de l’importance pour évaluer l'ensemble de la situation. Une appréciation négative de la qualité du travail ou de la conduite du travailleur peut être exprimée, pour autant qu'elle soit pertinente et fondée (arrêt du Tribunal fédéral 4C.129/2003 précité).

De manière générale, les derniers temps du rapport d’emploi ne doivent pas prendre une place exagérément importante par rapport à l’ensemble de la relation. Le rédacteur du certificat devra donc se méfier de la tendance à porter davantage l’accent sur les événements les plus récents, surtout lorsque ceux-ci sont chargés d’émotion (ATA/1043/2022 du 18 octobre 2022 consid. 5c).

3.3 En l’espèce, le statut ne comporte aucune disposition concernant le certificat de travail, de sorte que l’art. 330a CO et la jurisprudence y relative sont applicables à titre subsidiaire.

Il résulte des pièces au dossier que le travail de la recourante a été très apprécié par l’intimée à tout le moins jusqu’en 2022. Il a en effet jusque-là fait l’objet d’observations très positives et donné lieu au versement d’une prime chaque année. En ce qui concerne ses relations avec ses collègues et sa hiérarchie, elles ont été qualifiées d’excellentes dans le certificat de travail intermédiaire du 5 juin 2018. Sa collaboration a été jugée bonne dans le rapport d’évaluation pour l’année 2015 et, aux termes de celui concernant l’année 2021, sa supérieure directe était contente de travailler avec elle, mais elle avait rencontré des difficultés de communication avec l’un de ses collègues et l’un des conseillers administratifs. On comprend de l’audit que sont apparues en 2022 et 2023 des tensions au sein de l’administration et entre celle-ci et l’exécutif. Ce document met, cela étant, surtout en évidence un problème de gestion de la charge de travail par les employés. Il résulte enfin de l’entretien du 27 mars 2023 que la recourante rencontrait des problèmes de stress et souhaitait se réorienter professionnellement.

Il apparaît ainsi que les relations de la recourante avec ses collègues et sa hiérarchie n’ont certes pas toujours été excellentes, en particulier durant les dernières années d’emploi marquées par des tensions dans l’administration, et finalement par le présent litige. Ce point n’a toutefois pas fait l’objet de critiques écrites spécifiques, en outre de manière marginale, qu’à une reprise en 2021. Il ressort de l’audit et de l’entretien subséquent que la gestion par la recourante de sa charge de travail représentait le problème principal auquel elle faisait face et qui constituait sa principale source de stress.

Dans ses écritures, l’intimée n’a évoqué des relations tendues et de l’agressivité verbale que vis-à-vis de certains collègues, et à quelques reprises. Ainsi, même à suivre ses allégations, non étayées, on ne peut en tirer la conclusion que les relations de la recourante avec ses collègues et sa hiérarchie étaient globalement mauvaises.

En supprimant toute mention à ce sujet, le certificat de travail du 20 avril 2023 s’avère donc lacunaire et contraire au dossier. Il suggère que les relations de la recourante avec ses collègues et sa hiérarchie étaient inexistantes ou mauvaises, alors qu’elles apparaissent globalement à tout le moins bonnes. Or, le certificat de travail doit porter sur l’attitude du travailleur durant toute la durée des rapports de service, ainsi qu’être véridique et complet. Son contenu ne doit pas conférer un poids trop important aux derniers temps de l’engagement, lesquels ont en l’espèce été source de tensions entre les parties.

Il sera en conséquence ordonné à l’intimée d’ajouter la mention de bonnes relations de la recourante avec ses collègues et sa hiérarchie dans le certificat de travail. La recourante ne peut par contre pas exiger qu’elles soient qualifiées d’excellentes ou de très bonnes, dès lors qu’il résulte du dossier des problèmes de communication avec un collègue et un conseiller administratif, ainsi que des tensions générales entre les employés et avec l’exécutif en 2022 et 2023.

4.             La présente cause concerne ensuite le refus de l’intimée de verser à la recourante une gratification pour l’année 2023.

4.1 Selon l’art. 61 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (al. 1 let. a) et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (al. 1 let. b). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).

Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire, l’égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3).

L'autorité chargée d'appliquer la loi dispose d'un pouvoir d'appréciation lorsque la loi lui laisse une certaine marge de manœuvre. Cette dernière peut notamment découler de la liberté de choix entre plusieurs solutions, ou encore de la latitude dont l'autorité dispose au moment d'interpréter des notions juridiques indéterminées contenues dans la loi (ATF 140 I 201 consid. 6.1).

4.2 Aux termes de l’art. 23 al. 3 et 4 du statut, l’exécutif de la commune peut verser au collaborateur une gratification et une augmentation pour récompenser des prestations supérieures aux objectifs fixés conformément à l’art. 24 du statut.

Selon cette disposition, le secrétaire général, avec la collaboration de l’exécutif, procède, au mois de juin, à une appréciation annuelle de chaque collaborateur, notamment sur : a) le niveau d’atteinte des objectifs fixés l’année précédente ; b) les capacités du collaborateur et la qualité du travail effectué durant l’année de l’évaluation ; c) le maintien et le développement des compétences du collaborateur ; d) les objectifs à atteindre et les dispositions à prendre pour l’année suivante (al. 1). L’appréciation annuelle peut être effectuée sur la base d’un ou plusieurs entretiens individuels entre le collaborateur et l’exécutif ou la personne déléguée à cet effet (al. 2).

4.3 En l’espèce, l’art. 23 du statut confère à l’intimée un pouvoir d’appréciation pour décider du versement d’une gratification. Celle-ci est en effet subordonnée à la question de savoir si l’employé a surpassé les objectifs qui lui ont été fixés, ce qui relève avant tout de l’appréciation de l’exécutif, conformément à l’art. 24 du statut. L’art. 23 du statut prévoit en outre pour la commune la possibilité, et non l’obligation, de verser une gratification si la condition précitée est remplie.

La recourante n’a travaillé en 2023 que durant un peu moins de quatre mois, s’étant trouvée pour le reste en congé maladie. Il ne peut donc pas être reproché à l’intimée de considérer que dans de telles conditions, elle n’a pas été en mesure de surpasser les objectifs qui auraient dû lui être fixés conformément à l’art. 24 du statut. En refusant le versement de la prime durant cette année-là, l’intimée s’est ainsi fondée sur les conditions auxquelles la gratification est subordonnée selon l’art. 23 du statut, et non sur des motifs étrangers à la réglementation communale ou son but.

Le refus de l’intimée n’apparaît pas non plus illicite pour un autre motif, ni incompatible avec les principes de la bonne foi ou de l’égalité de traitement. Quand bien même la recourante a reçu une prime à l'issue de toutes les précédentes années de son engagement, cela a toujours été justifié par la qualité de son travail et l’intimée ne s’est pas engagée, même implicitement, à verser la gratification sans condition à l’avenir. Peu importe à cet égard qu’une évaluation formelle du travail de la recourante n’ait été réalisée qu’en 2016 et 2021. Cette dernière n’argue pas non plus que d’autres employés auraient bénéficié d’une gratification malgré une absence de longue durée.

L’intimée n’a en conclusion pas abusé de son pouvoir d’appréciation en refusant de verser à la recourante une gratification pour l’année 2023. Mal fondé, le recours y relatif sera rejeté.

Le recours concernant le certificat de travail du 20 avril 2023 sera en revanche partiellement admis.

5.             Vu l’issue du litige, un émolument réduit, d'un montant de CHF 500.-, sera mis à la charge de la recourante, qui succombe au moins pour moitié, et il lui sera alloué une indemnité de procédure, réduite elle aussi, de CHF 500.- (art. 87 al. 1 et 2 LPA), à la charge de la commune.

Le présent litige, concernant à la fois une gratification de CHF 791.05 et la formulation d’un certificat de travail, est une contestation pécuniaire (ATF 147 III 78 consid. 6.8), dont il n’est pas manifeste qu’elle atteint la valeur litigieuse de CHF 15'000.- (art. 112 al. 1 let. d de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110  ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_151/2010 du 31 août 2010 consid. 2.5 à 2.7).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevables les recours interjetés le 7 mai 2024 par A______ contre les décisions de la commune de B______ du 28 mars 2024 ;

au fond :

rejette le recours dirigé contre la décision de la commune de B______ concernant le versement d’une gratification pour l’année 2023 ;

admet partiellement le recours dirigé contre la décision de la commune de B______ concernant le certificat de travail du 20 avril 2023 ;

ordonne à la commune de B______ d’inclure dans le certificat de travail du 20 avril 2023 la mention selon laquelle A______ entretient de bonnes relations avec ses collègues et sa hiérarchie ;

met à la charge de A______ un émolument de CHF 500.- ;

alloue à A______ une indemnité de procédure de CHF 500.-, à la charge de la commune de B______ ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Samantha EREMITA, avocate de la recourante, ainsi qu'à Me Daniel UDRY, avocat de la commune de B______ .

Siégeant : Patrick CHENAUX, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Philippe KNUPFER, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

P. CHENAUX

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :