Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2495/2024

ATA/1383/2024 du 26.11.2024 ( MARPU ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2495/2024-MARPU ATA/1383/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 novembre 2024

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Mathieu SIMONA, avocat

contre

AÉROPORT INTERNATIONAL DE GENÈVE

et

B______

représentée par Me Pascale AEBY et Julie BOZZO-GROS, avocats intimés

 



EN FAIT

A. a. L'Aéroport international de Genève (ci-après : l'aéroport) a pour mission de gérer et d'exploiter l'aéroport de Genève et ses installations. Il exploite notamment 28 parcs de stationnement représentant environ 9'000 places. Ces parcs sont gérés par le système centralisé CEPAGE, lequel gère également 43 caisses automatiques, trois caisses manuelles et 84 bornes d'entrée et de sortie.

b. A______ (ci-après : A______) est une société de droit français ayant son siège à C______ (France).

Selon son extrait d'immatriculation principale au registre du commerce et des sociétés (extrait Kbis), ses activités principales consistent notamment en « toute activité de conception et de développement d'un système logiciel de gestion de parkings hors voirie et des équipements qui y sont liés ». Depuis 2012, année au cours de laquelle elle a réalisé le système CEPAGE via son sous-traitant, elle est chargée de la gestion des parkings de l'aéroport.

c. B______ (ci-après : B______) est une société anonyme à directoire et conseil de surveillance de droit français ayant son siège à D______ (France), fondée en 1971. Elle est cotée sur le marché réglementé Euronext de la bourse de I______ depuis 1994.

Selon son extrait Kbis, ses activités principales sont la « fabrication de matériel électronique et électrique » et elle déploie également une activité de conception de parkings sous sa marque « E______», depuis 2001. Elle réalise l'intégralité de la conception et de la fabrication de ses systèmes de gestion de parkings depuis son unique site, situé à F______ (France).

En 2001, elle a entrepris la conception d'un système de gestion de parkings (« E______»), dont le logiciel a été réédité en 2012 dans le but de disposer d'une solution dite globale, modulaire et évolutive.

Dans le cadre de son activité, elle a notamment rénové (1) le système de gestion des parkings (onze parkings initialement puis 26 parkings, pour 17'936 places) de l'Aéroport de G______, de 2012 à 2023, pour un montant de EUR 4'500'000.-, (2) le système de gestion des dix parkings de H______ à I______, pour un montant global de EUR 2'150'000.-, de janvier 2022 à mars 2023, et (3) le système de gestion des 22 parkings d'un P+R à J______, pour un montant global de EUR 1'100'000.-, de mai 2018 à juillet 2021. Elle a également mis en place le système de gestion des sept parkings (7'900 places) du stade de football « K______ », pour un montant de € 470'000.-, de septembre 2015 à janvier 2016.

B. a. Le 7 février 2024, l'aéroport a publié sur la plateforme www.simap.ch (simap) un appel d'offres en procédure ouverte, soumis aux accords internationaux, portant sur la refonte globale de son système de gestion des parkings et incluant les prestations suivantes :

-          Renouvellement et dépose des équipements existants ;

-          Fourniture d'un nouveau système de gestion des parkings ;

-          Installation électrique des équipements selon les normes en vigueur ;

-          Maintenance du système et matériel informatique ;

-          Maintenance des futurs équipements des parkings (optionnel).

La durée du marché serait de 60 mois depuis la signature du contrat.

b. Selon le dossier d'appel d'offres, les critères d'aptitude étaient les suivants :

-          Le but du soumissionnaire devait être similaire à l'objet de l'appel d'offres, à savoir la fourniture d'équipements et l'édition de solutions de gestion des parkings ;

-          Le soumissionnaire devait justifier au minimum de cinq ans d'expérience dans le domaine couvert par l'appel d'offres ;

-          Il devait fournir une référence de plus de 1'000 places de parking dans un contexte aéroportuaire et ayant fait l'objet d'une migration.

La sous-traitance était autorisée, pour autant que cela ne nuise pas à la saine et efficace concurrence et ne crée pas une position cartellaire.

Les offres seraient évaluées selon les critères d'adjudication suivants, avec leur pondération respective :

-          Montant de l'offre (30% ; item B) ;

-          Qualités fonctionnelles et techniques de l'offre (50% ; item C) ;

-          Planning, méthodologie et organisation (10% ; item D) ;

-          Expérience du soumissionnaire (10% ; item E).

c. Quatre entreprises ont soumis une offre, à savoir B______, A______, L______ et M______, pour des montants définitivement arrêtés (puisque corrigés entretemps par l'aéroport) à respectivement CHF 11'170'661.-, CHF 20'690'224.76, CHF 21'408'315.19 et CHF 22'047'197.10.

d. B______ a fourni l'ensemble des attestations demandées dans l'appel d'offres.

Comme référence de plus de 1'000 places de parking dans un contexte aéroportuaire et ayant fait l'objet d'une migration (annexe A1), elle a cité la rénovation du système de gestion des parkings de l'aéroport de G______ lors de la création du parking silo P3. Selon l'annexe A1 fournie dans ce cadre, cette rénovation avait notamment consisté en la fourniture et la mise en œuvre d'équipements de niveau 1, d'armoires techniques de terrain, de caméras d'un système de vidéosurveillance, d'un système d'interphonie, de la migration complète du système de gestion « multiparcs » et en la prise en compte de l'ensemble des nouvelles fonctionnalités requises par le client, l'entreprise N______. Le nombre de places de parkings s'élevait à 17'936. L'ensemble des parkings, réalisés à partir de 2011, avait fait l'objet d'évolutions régulières, avec notamment la réalisation du P3 en silo en 2021-2022 (1'936 places). Cet ensemble comprenait notamment plus de 26 parkings. Depuis sa mise en service en 2022, il n'y avait eu aucune interruption de service sur le système de gestion des parkings.

e. Compte tenu de la différence de prix entre l'offre de B______ et celle des autres soumissionnaires, l'aéroport a adressé à celle-là une « demande de clarification » par courriel du 22 mai 2024.

Il lui a demandé de confirmer que la solution proposée dans son offre couvrait 100% des items avec la réponse « oui » et que 100% de ces items existaient ou étaient paramétrables ou configurables et ne demandaient ni développements spécifiques ni coûts supplémentaires.

Il l'a également priée de confirmer que le traitement des items pour lesquels elle avait répondu « partiellement » à la question « les cases vides ou remplis d'un « 0 » seront considérées comme des prestations offertes gratuitement par la soumissionnaire » serait totalement à sa charge sans surcoût pour l'aéroport.

f. Dans sa réponse du 23 mai 2024, B______ a notamment confirmé que la solution proposée couvrait, sans développement ou coût additionnel pour l'aéroport, l'ensemble des éléments du fichier O______ pour lesquels le niveau de couverture était indiqué comme étant « oui » ou « 0 ». Elle a également confirmé que les items marqués « 0 » ou « oui » ou « non renseignés » étaient des prestations offertes, à l'exception de l'item EQT-60 pour lequel elle n'avait pas trouvé la spécification correspondante, et que les items marqués « P » ou « partiellement » étaient également des prestations offertes.

g. Par décision du 15 juillet 2024, publiée sur simap le 17 juillet 2024, l'aéroport a adjugé le marché à B______ pour un montant de CHF 10'896'761.-. A______ a été classée au deuxième rang, ce dont elle a été informée par courrier du 15 juillet 2024, auquel était annexé le tableau des résultats.

C. a. Par acte remis à la poste le 26 juillet 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant principalement à son annulation, à ce que B______ soit exclue du marché et à ce que celui-ci lui soit attribué. Elle a requis l'octroi de l'effet suspensif et l'apport du dossier d'appel d'offres, du dossier de soumission de B______ ainsi que de tout document lié aux explications données par celle-ci à la suite de son interpellation en raison du caractère anormalement bas de son offre.

L'offre de l'adjudicataire était inférieure de plus de 30% à la moyenne des offres des autres soumissionnaires. L'adjudicateur était donc dans l'obligation d'interpeller l'adjudicataire et, le cas échéant, de rédiger un procès-verbal. En toute hypothèse, l'adjudicataire était inapte à exécuter le marché et aurait donc dû en être exclue.

Ne disposant pas encore des informations nécessaires pour se déterminer sur l'évaluation des offres, elle se réservait le droit de contester les notes attribuées.

b. La chambre administrative a interdit à l'aéroport de conclure le contrat d'exécution de l'offre jusqu'à droit jugé sur la requête d'octroi de l'effet suspensif.

c. L'aéroport a conclu au rejet du recours et de la requête d'octroi de l'effet suspensif ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité de procédure. Il a produit son dossier, contenant notamment les documents de l'appel d'offres ainsi que les offres de B______ et d'A______.

Il construisait un nouveau parking (P41) qui devait être livré au plus tard en septembre 2025. Il devait être équipé des nouveaux équipements et du nouveau système de gestion des parkings. Un délai incompressible d'au moins dix à douze mois était nécessaire entre le lancement du projet et la livraison du premier parking.

Au vu de la différence de prix entre l'offre de B______ et les autres offres, il avait adressé une demande de clarification à celle-ci afin de s'assurer que l'entier des prestations prévues dans son offre étaient couvertes par le prix proposé et que l'intéressée avait bien compris la teneur des documents d'appel d'offres, ce que B______ avait confirmé. Il pouvait donc considérer ces coûts comme étant offerts par le soumissionnaire.

Il a exposé les motifs l'ayant conduit à retenir que les éléments présentés dans le dossier de B______ ne permettaient pas de remettre en question la capacité de celle-ci à exécuter les prestations au prix proposé. Lesdits motifs seront repris dans la partie en droit du présent arrêt.

d. À la demande de la chambre administrative, l'aéroport a produit un lot de classeurs desquels il a soustrait les pièces considérées comme confidentielles par B______ ou a procédé au caviardage des informations considérées comme telles. Ces documents ont été transmis à A______.

e. B______ a conclu au rejet de la requête en octroi de l'effet suspensif et du recours et s'est opposée à ce que l'accès à son offre soit accordé à A______.

Elle a fourni des explications sur les coûts de chaque prestation composant le marché. Ces explications seront reprises dans la partie en droit du présent arrêt.

f. Dans sa réplique, A______ a conclu à la nomination d'un expert dont la mission serait de rendre un rapport sur l'adéquation entre les prestations attendues et les coûts annoncés dans l'offre de l'adjudicataire.

Les documents transmis par l'aéroport avaient été en grande partie caviardés, si bien qu'elle ne disposait pas de l'essentiel des pièces nécessaires pour se déterminer, ce qui violait son droit d'être entendue. Les prix des différents éléments de chaque parking dans l'offre de B______ étant dissimulés, elle ne pouvait s'assurer de leur crédibilité. Il en allait de même du mémoire technique transmis dont la totalité était caviardée, si bien qu'elle ne pouvait se prononcer sur l'aptitude de l'offre de B______. Toutefois, respectant le secret d'affaires de sa concurrente, elle ne demandait pas la production, sans caviardage, de ces documents.

L'aéroport n'avait pas demandé à B______ de justifier ses prix. Ainsi, faute pour lui d'avoir écarté les soupçons d'irrégularités de l'offre de l'adjudicataire, celle-ci aurait dû être exclue du marché.

Les documents de l'offre de B______ ne permettaient pas d'expliquer comment celle-ci pouvait exécuter le marché au prix proposé. Les développements nécessaires à l'intégration d'une solution à un système aéroportuaire complexe ne pouvaient être apportés au prix et à la charge de travail offerts par B______. Il existait un écart de plus de 1'000 jours avec son offre (1'767 jours). Avec une charge de travail estimée à 118 jours/hommes (item B1), soit moins de quatre mois, B______ n'était pas à même de développer son logiciel au sein de l'aéroport sans brûler les étapes caractéristiques de toute opération d'adaptation d'un nouveau système à un nouvel environnement aussi complexe. Un grand nombre de systèmes externes de « E______» devait être intégré au logiciel maison de B______, et non seulement certains développements complémentaires.

En outre, une internalisation de la chaîne de production des équipements ne pouvait expliquer un coût pour le poste « fourniture de tous les équipements » (item B3) inférieur à 50% des offres des trois autres soumissionnaires. Selon la structure souhaitée par l'aéroport, 188 switchs étaient nécessaires. Or, B______ en proposait 104, si bien que son offre ne répondait pas aux critères de l'appel d'offres.

g. Sur ce, la cause a été gardée à juger sur effet suspensif et au fond, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 15 al. 1bis let. e et al. 2 de l’accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 - AIMP - L 6 05 ; art. 3 al. 1 de la loi autorisant le Conseil d’État à adhérer à l’accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 - L-AIMP - L 6 05.0 ; art. 55 let. e et 56 al. 1 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 - RMP - L 6 05.01).

La qualité pour recourir de la recourante n'est à juste titre pas contestée. En effet, le contrat n'a pas encore été conclu et l'intéressée a été classée en deuxième position, si bien qu'elle conserve des chances réelles de se voir attribuer le marché en cas d'admission de son recours (ATA/496/2024 du 16 avril 2024 consid. 2.2 et les références citées sur la question de la qualité pour recourir dans le domaine des marché publics).

2.             Le litige porte sur la conformité au droit de la décision d'adjudication du marché.

3.             La recourante demande l'apport du dossier d'appel d'offres, du dossier de soumission de l'adjudicataire ainsi que de tout document lié aux explications données par celle-ci à la suite de son interpellation en raison du caractère anormalement bas de son offre. Elle sollicite également la mise en œuvre d'une expertise. Enfin, sans y conclure formellement, elle propose l'audition des parties.

3.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d’avoir accès au dossier lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 135 I 279 consid. 2.3). Il comprend également le droit d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 138 III 374 consid. 4.3.2). En outre, le droit d'être entendu n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

3.2 Une expertise judiciaire représente un moyen de preuve (art. 38 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10) ordonné lorsque l’établissement ou l’appréciation de faits pertinents requièrent des connaissances et compétences spécialisées – par exemple techniques, médicales, scientifiques, comptables – que l’administration ou le juge ne possèdent pas (ATA/738/2024 du 18 juin 2024 et l'arrêt cité).

3.3 La procédure relative à la passation des marchés publics obéit à une exigence de célérité (ATA/1197/2024 du 15 octobre 2024 consid. 7.5 et les arrêts cités).

3.4 En l'espèce, le pouvoir adjudicateur a produit le dossier d'appel d'offres ainsi que le dossier de soumission de l'adjudicataire comprenant notamment les échanges relatifs aux demandes de clarification intervenus entre le pouvoir adjudicateur et l'adjudicataire. Ces documents, certains caviardés par le pouvoir adjudicateur, ont été transmis à la recourante. Il a donc été fait droit aux demandes de l'intéressée, étant précisé qu'elle a expressément renoncé à demander la production, sans caviardage, des documents caviardés.

3.4.1 Il n'apparaît pas nécessaire d'entendre les parties. En effet, la recourante n’explique pas quels éléments supplémentaires utiles à la solution du litige que les parties n’auraient pu alléguer et établir par pièces leur comparution personnelle permettrait d’apporter. Par ailleurs, les parties se sont vu offrir la possibilité de faire valoir leurs arguments par écrit. Elles se sont ainsi exprimées de manière circonstanciée sur l'objet du litige et ont produit les pièces auxquelles elle se sont référées dans leurs écritures.

3.4.2 En ce qui concerne l'expertise sollicitée, la question posée à la chambre de céans, soit celle de savoir si la décision d’adjudication est conforme au droit, ne requiert pas de compétences spécialisées et ne présente pas un degré de complexité si élevé que la chambre de céans ne pourrait ni la comprendre ni en apprécier l’importance. En outre, le pouvoir adjudicateur dispose non seulement de connaissances techniques lui permettant de déterminer si une offre considérée comme anormalement basse paraît plausible, celui-ci étant le plus à même de connaître ses besoins dans le cadre du marché qu'il organise, mais également d'un pouvoir d'appréciation en la matière. Ainsi, outre le fait qu'une expertise n'apparaît pas nécessaire, les conclusions de celle-ci reviendraient à restreindre sans raison pertinente ledit pouvoir. Pour le surplus, la mise en œuvre d'une expertise retarderait considérablement la procédure, ce qui irait à l'encontre des impératifs de célérité auxquels obéissent les marchés publics et, en l'occurrence, de la nécessité de mener rapidement la procédure.

Pour le surplus, la chambre de céans dispose d'un dossier complet qui lui permet de statuer en connaissance de cause. Par conséquent, il ne sera pas procédé aux actes d'instruction sollicités.

4.             La recourante semble se plaindre d'une violation de son droit d'être entendue.

4.1 Aux termes de l'art. 45 LPA, l'autorité peut interdire la consultation du dossier si l'intérêt public ou des intérêts privés prépondérants l'exigent (al. 1) ; le refus d'autoriser la consultation des pièces ne peut s'étendre qu'à celles qu'il y a lieu de garder secrètes et ne peut concerner les propres mémoires des parties, les documents qu'elles ont produits comme moyens de preuves, les décisions qui leur ont été notifiées et les procès-verbaux relatifs aux déclarations qu'elles ont faites (al. 2) ; une pièce dont la consultation est refusée à une partie ne peut être utilisée à son désavantage que si l'autorité lui en a communiqué par écrit le contenu essentiel se rapportant à l'affaire et lui a donné en outre l'occasion de s'exprimer et de proposer les contre-preuves (al. 3).

4.2 Selon l'art. 11 let. g AIMP, le traitement confidentiel des informations doit être respecté lors de la passation de marchés publics. L'art. 22 RMP, intitulé « confidentialité et droits d'auteur », prévoit que les informations mises à disposition par les soumissionnaires, en particulier les secrets d'affaires et de fabrication, sont traitées de façon confidentielle (al. 1). Les travaux et délibérations concernant l'évaluation des offres sont confidentiels (al. 3).

L'art. 22 al. 1 RMP concrétise la règle générale de procédure de passation de marchés qui exige le traitement confidentiel des informations (art. 11 al. 1 let. g AIMP). Elle respecte les droits et devoirs de l'adjudicateur de limiter l'accès au dossier pour garantir l'intérêt de la société adjudicataire de ne pas dévoiler à sa concurrente évincée des secrets d'affaires ou de fabrication (arrêt du Tribunal fédéral 2C_890/2008 du 22 avril 2009 consid. 5.3.3 ; ATA/1164/2023 du 31 octobre 2023 consid. 3.5 et l'arrêt cité).

4.3 Selon la doctrine, en matière de marchés publics, le droit d'accès au dossier est limité en raison de la protection des intérêts commerciaux légitimes des soumissionnaires. Ces derniers ne peuvent avoir accès à des documents couverts par le secret d'affaires. Cette limitation restreint leurs droits mais ne les laisse pas sans protection. Ils peuvent demander à l'adjudicateur les motifs du rejet de leur offre dont l'autorité de recours vérifie la validité en se fondant sur une analyse complète des offres concurrentes (arrêt du Tribunal fédéral 2P. 274/1999 du 2 mars 2000 consid. 2c in SJ 2000 I p. 546 ; Jean-Baptiste ZUFFEREY, Accès au dossier, in DC/BR 2/2011, p. 101). Il ne faut toutefois pas perdre de vue que le droit d'être entendu ne peut être exercé utilement par une partie que si elle a accès aux éléments essentiels du dossier (ATA/1164/2023 du 31 octobre 2023 consid. 3.4 et la référence citée).

4.4 En l'espèce, il convient au préalable de préciser que la position de la recourante est ambivalente. En effet, si elle se plaint du fait que le caviardage de certaines pièces transmises l'empêcherait de disposer de l'essentiel des documents nécessaires à l'élaboration de son recours, elle a toutefois renoncé à la production (sans caviardage) des documents caviardés pour des motifs liés au respect du secret d'affaires de l'adjudicataire. Partant, son grief apparaît sans objet.

En toute hypothèse, la chambre de céans relève ce qui suit.

Le pouvoir adjudicateur a produit un lot de classeurs desquels il a soustrait les pièces considérées comme confidentielles par l'adjudicataire ou a procédé au caviardage des informations considérées comme telles. Ces documents ont été transmis à la recourante, étant précisé que cette limitation du droit d'accès au dossier est justifiée par la protection des intérêts commerciaux de l'adjudicataire, ce que la recourante ne conteste pas.

Celle-ci a ainsi eu accès aux échanges relatifs aux demandes de clarification intervenues entre le pouvoir adjudicateur et l'adjudicataire ainsi qu'à l'annexe B contenant le détail, par poste, du montant de l'offre de l'adjudicataire.

En outre, l'aéroport a donné des explications détaillées sur les motifs l'ayant conduit à considérer que l'adjudicataire était, malgré une offre plus basse que celle des autres soumissionnaires, apte à exécuter le marché. L'adjudicataire a quant à lui justifié, pour chaque poste, les différences relatives aux montants des prestations entre son offre et celle de la recourante.

Il apparaît donc que, malgré la limitation justifiée de son droit d'accès au dossier, l'intéressée a disposé de tous les éléments nécessaires pour faire valoir ses droits en connaissance de cause. Elle n'indique pas en quoi les prix des différents éléments de chaque parking figurant dans l'offre de l'adjudicataire lui seraient nécessaires pour se déterminer sur la crédibilité de l'offre de l'adjudicataire. En toute hypothèse, les documents auxquels elle a eu accès apparaissent suffisants pour ce faire (notamment l'annexe B), ceux-ci indiquant notamment le coût global des parkings (item B3). Enfin, le mémoire technique de l'adjudicataire est couvert par le secret des affaires, ce que la recourante admet, si bien qu'il ne saurait lui être transmis. Du reste, au vu des documents qu'elle a reçus, cette pièce n'apparaît pas nécessaire pour lui permettre de se déterminer sur l'aptitude de l'adjudicataire à exécuter le marché.

Le grief sera donc écarté.

5.             La recourante se plaint de la violation des art. 33 et 41 RMP, au motif de l'absence de clarification du prix anormalement bas de l'offre de l'adjudicataire et dans la mesure où celle-ci aurait ainsi dû être exclue du marché.

5.1 L’AIMP a pour objectif l’ouverture des marchés publics des cantons, des communes et des autres organes assumant des tâches cantonales ou communales. (art. 1 al. 1 AIMP). Il poursuit plusieurs autres objectifs, soit notamment assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires (art. 1 al. 3 let. a AIMP), garantir l’égalité de traitement entre ceux-ci et assurer l’impartialité de l’adjudication (art. 1 al. 3 let. b AIMP), assurer la transparence des procédures de passation des marchés (art. 1 al. 3 let. c AIMP) ainsi que permettre une utilisation parcimonieuse des deniers publics (art. 1 al. 3 let. d AIMP). Ces principes doivent être respectés dans la phase de passation des marchés (art. 11 AIMP, notamment let. a, b et d AIMP).

Selon la jurisprudence, le principe de la transparence est le principe cardinal et incontournable des marchés publics. Il limite le large pouvoir d'appréciation dont dispose le pouvoir adjudicateur. Il permet d'assurer la mise en œuvre du principe de concurrence, lequel permet la comparaison des prestations et de choisir ainsi l'offre garantissant un rapport optimal entre le prix et la prestation ainsi que le contrôle de l'impartialité et de la régularité de la procédure d'adjudication, autre principe qui doit être respecté. Une violation du principe de transparence n’entraîne l’annulation de l’adjudication que pour autant que les vices constatés aient effectivement influé sur le résultat (ATA/1168/2024 du 8 octobre 2024 consid. 6.3 et les références citées).

Le principe de transparence implique notamment que la décision d'adjudication soit documentée, de manière que, ex post, les soumissionnaires concernés et le juge puissent la comprendre et soient en mesure de s'assurer que les règles du marché posées initialement ont été respectées depuis le lancement du marché jusqu'à son adjudication. Encore faut-il pour cela que le pouvoir adjudicateur fournisse une motivation suffisante et que le concurrent évincé, qui chercher à obtenir un tel contrôle, soit en mesure d'exercer son droit d'être entendu et notamment de consulter utilement le dossier (Étienne POLTIER, Droit des marchés publics, 2e éd., 2023, n. 488 p. 239).

5.2 Le droit des marchés publics est formaliste. L'autorité adjudicatrice doit procéder à l'examen de la recevabilité des offres et à leur évaluation dans le respect de ce formalisme, qui permet de protéger notamment le principe d'intangibilité des offres remises et le respect du principe d'égalité de traitement entre soumissionnaires, dans la phase d'examen de la recevabilité des offres et de leur évaluation (ATA/102/2010 du 16 février 2010, confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2010 du 30 avril 2010 consid. 6.4).

5.3 On distingue les critères d'aptitude ou de qualification, qui servent à s'assurer que le soumissionnaire dispose des capacités suffisantes afin de réaliser le marché (art. 13 al. 1 let. d AIMP), des critères d'adjudication ou d'attribution qui se rapportent en principe directement à la prestation requise et indiquent au soumissionnaire comment l'offre économiquement la plus avantageuse sera évaluée et choisie (ATF 145 II 249 consid. 3.3 ; 141 II 353 consid. 7.1 ; 140 I 285 consid. 5 et les références citées).

Les entreprises soumissionnaires qui ne remplissent pas les critères d'aptitude ou de qualification voient leur offre exclue d'emblée (ATF 141 II 353 consid. 7.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_58/2018 du 29 juin 2018 consid. 5.3). Cette conclusion s'impose toutefois uniquement lorsque le vice n'est pas anodin ; le motif d'exclusion doit revêtir une certaine gravité (ATF 143 I 177 consid. 2.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1020/2020 du 12 avril 2022 consid. 4.3.1). Lorsque les manquements du soumissionnaire aux exigences d'aptitude ne sont que légers, il serait en effet disproportionné de l'exclure de la procédure d'adjudication (ATF 145 II 249 consid. 3.3 ; 143 I 177 consid. 2.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_58/2018 du 29 juin 2018 consid. 5.3). Toutefois, lorsqu’un cas d’exclusion est destiné à réaliser un but essentiel du droit des marchés publics, le pouvoir adjudicateur ne jouit que d’un pouvoir limité de renoncer à l’exclusion (ATF 143 II 425 consid. 4.4.3 et 4.6 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] B-2686/2022 du 16 janvier 2023 consid. 3.4 et les références citées).

La question de savoir si un vice est suffisamment grave pour justifier l'exclusion d'une procédure de soumission dépend très largement, sinon exclusivement, des conditions d'espèce ; il s'agit d'appliquer au cas particulier et de mettre en balance les principes de légalité, de proportionnalité, d'interdiction du formalisme excessif, d'égalité ou encore d'intangibilité des offres (arrêt du Tribunal fédéral 2C_678/2015 du 13 janvier 2016 consid. 1.2 et les références citées). L’autorité adjudicatrice dispose d’un certain pouvoir d’appréciation quant au degré de sévérité dont elle désire faire preuve dans le traitement des offres (ATA/349/2023 du 4 avril 2023 consid. 3.2.1).

5.4 En présence d'une offre qui serait anormalement basse, l'autorité adjudicatrice a l'obligation, selon l'art. 41 RMP, de demander des renseignements complémentaires au soumissionnaire concerné (arrêt du Tribunal fédéral 2D_44/2009 du 30 novembre 2009 consid. 4) et cela dans la forme prévue à l'art. 40 al. 2 RMP, à savoir en principe par écrit, et s'ils sont recueillis au cours d'une audition, en établissant un procès-verbal signé par les personnes présentes. C'est seulement si le soumissionnaire n'a pas justifié les prix d'une telle offre, conformément à l'art. 41 RMP, que son offre doit être écartée d'office et qu'elle ne participe pas à la phase d'évaluation des offres (art. 42 al. 1 let. e RMP ; ATA/1298/2023 du 5 décembre 2023 consid. 3.5). Ainsi, en présence d’une offre anormalement basse, il ne suffit pas de demander au soumissionnaire s'il confirme les prix proposés mais il faut également lui enjoindre de les justifier et, à défaut de réponse satisfaisante à de telles questions ou laissant apparaître un risque d’insolvabilité, prononcer une sanction d'exclusion (ATF 141 II 353 consid. 8.3.2 ; 130 I 241 consid. 7.3 et 7.4).

Si le prix proposé apparaît trop bas, en particulier parce qu'il s'écarte de plus de 30% de la moyenne des offres rentrées ou du prix « juste » déterminé à l'avance par le pouvoir adjudicateur, le soumissionnaire doit être formellement interpellé pour s'expliquer et justifier le prix avantageux qu'il offre ; dans l'hypothèse où les renseignements obtenus de sa part ne sont pas convaincants et laissent apparaître un risque d'insolvabilité, son offre sera écartée. L'élément essentiel pour fonder la décision est la capacité du soumissionnaire à exécuter l'offre dans le respect de l'appel d'offres et des exigences légales, et non pas la couverture de ses frais (ATA/871/2023 du 22 août 2023 consid. 3.5 et les références citées).

Conformément à la jurisprudence, les soumissionnaires sont en principe libres de calculer les prix de leurs offres. Une offre comportant un prix anormalement bas, le cas échéant même s'il est inférieur au prix de revient, ne constitue dès lors généralement pas un procédé inadmissible en soi, pour autant que le soumissionnaire remplisse les critères d'aptitude et les conditions légales réglementant l'accès à la procédure, ce que l'autorité adjudicatrice peut vérifier en requérant des précisions en cas de doute à ce sujet (ATF 143 II 425 consid. 5.2 ; 143 II 553 consid. 7.1 ; 141 II 353 consid. 8.3.2). S'il apparaît, sur la base de ces précisions, que l'offre présente des défauts quant à la capacité du soumissionnaire à exécuter le marché public ou remplir les conditions légales fixées, elle est exclue ou moins bien notée en raison de ces défauts, mais non en raison du prix anormalement bas (ATF 143 II 553 consid. 7.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_46/2020 du 8 mars 2021 consid. 3.2.2).

Si une offre anormalement basse ne permet ainsi pas en tant que telle de douter de l'aptitude du soumissionnaire, il n'en demeure pas moins qu'un prix inhabituellement bas peut conduire l'autorité adjudicatrice à envisager d'exclure l'offre d'un soumissionnaire pour ce motif (ATF 143 II 425 consid. 5.2 ; 139 II 489 consid. 3.3). Dans un tel cas, l'autorité a l'obligation d'entendre le soumissionnaire préalablement à sa décision, afin de lui permettre d'expliquer et de justifier le prix avantageux qu'il propose (art. 29 al. 2 Cst. ; ATF 143 II 425 consid. 5.2 ; 141 II 353 consid. 8.3.2). Si les renseignements obtenus de la part du soumissionnaire ne sont pas convaincants ou laissent apparaître un risque d'insolvabilité, l'offre peut être écartée (ATF 130 I 241 consid. 7.3 et les références citées). Ainsi, le seul fait de fournir des explications relatives au prix particulièrement avantageux ne permet pas à lui seul de justifier celui-ci ; encore faut-il que ces explications soient suffisantes, dans le sens de convaincantes, ce que le pouvoir adjudicateur doit apprécier. Dans ce contexte, l'art. 42 al. 1 let. e RMP ne permet pas seulement d'exclure un soumissionnaire lorsque celui-ci ne justifie pas son offre anormalement basse, mais également lorsque les justifications données ne sont pas suffisamment convaincantes (arrêt du Tribunal fédéral 2D_1/2024 du 1er mars 2024 consid. 3.3 et les références citées).

Un prix excessivement bas peut constituer un indice de l'inexpérience du soumissionnaire ou du fait qu'il ne respecte pas les conditions sociales et de travail (Étienne POLTIER, op.cit., n. 609 p. 299).

5.5 En droit fédéral, dont on peut en principe s'inspirer des principes par souci d'harmonisation verticale et dans la mesure où les différentes législations sur les marchés publics visent les mêmes buts et reprennent des principes de base globalement identiques (art. 2 de loi fédérale sur les marchés publics du 16 décembre 1994 [LMP - RS 172.056.1] et 1 AIMP), l’art. 38 al. 3 LMP définit l’offre anormalement basse comme étant l’offre dont le prix total est anormalement bas par rapport aux prix des autres offres. L’on peut également s'inspirer de la définition rapportée par FLAMME et al. selon laquelle « est anormalement basse l'offre dont l'anormalité d'abord simplement suspectée se trouve ensuite confirmée par l'incapacité de l'entreprise intéressée de justifier le ou les prix suspecté(s), soit par une originalité technique, soit par les conditions exceptionnellement favorables dont elle dispose pour exécuter le marché » (Maurice-André FLAMME et al., Commentaire pratique de la réglementation des marchés publics, 6e éd. 1996-1997 Bruxelles, p. 999 ; RDAF 2002 I p. 526, 542). La notion d’offre anormalement basse est une notion juridique indéterminée dont la concrétisation est sujette à un large pouvoir d'appréciation de la part de l'autorité adjudicatrice (Peter GALLI/André MOSER/Elisabeth LANG/Marc STEINER, Praxis des öffentlichen Beschaffungsrechts, 3e éd. 2013, ch. 1117 p. 519 ; arrêts du TAF B‑4117/2023 du 3 avril 2024 consid. 6.2 et les références citées ; B-2686/2022 du 16 janvier 2023 consid. 3.2).

Une autorité de recours qui doit statuer avec un examen libre peut restreindre sa cognition lorsque l'application du droit concerne par exemple des questions techniques auxquelles l'autorité qui a rendu la décision est mieux à même de répondre et de pondérer en raison de ses connaissances spécifiques ou lorsque se posent des questions d'interprétation que l'autorité administrative est mieux à même d'apprécier que l'autorité de recours en raison de sa proximité géographique, matérielle ou personnelle (ATF 142 II 451 consid. 4.5.1 ; 131 II 680 consid. 2.3.2). Dans le cadre de ce que l'on appelle le « pouvoir d'appréciation technique », il est donc permis de laisser à l'autorité qui a rendu la décision une certaine marge d'appréciation lors de l'évaluation de questions techniques, pour autant qu'elle ait examiné les points de vue essentiels pour la décision et qu'elle ait procédé aux clarifications nécessaires de manière soigneuse et complète. Dans de tels cas, l'instance de recours ne s'écarte pas sans nécessité de l'avis de l'instance précédente et, dans le doute, ne substitue pas sa propre appréciation à celle de l'instance précédente, responsable au premier chef de la concrétisation et de l'application cohérentes de la loi (ATF 135 II 384 consid. 2.2.2 ; 135 II 296 consid. 4.4.3).

5.6 Si une offre dont le prix est anormalement bas ne pose en soi aucun problème au regard du droit des marchés publics, sont en revanche illicites les offres déloyales au sens de la loi fédérale contre la concurrence déloyale du 19 décembre 1986 (LCD - RS 241). Une offre est dite déloyale lorsqu’une entreprise couvre la différence par rapport au prix coûtant en recourant à des moyens illégaux, par exemple en enfreignant des conventions collectives de travail ou en utilisant les économies réalisées par soustraction d’impôt (FF 2017 1695, 1798).

Les entreprises qui ne respectent pas les dispositions impératives du code des obligations concernant le contrat de travail, les dispositions normatives contenues dans les conventions collectives et les contrats-types de travail ou, à défaut, les conditions de travail usuelles dans la région et dans la branche – ou qui s'adressent à des sous-traitants qui adoptent un tel comportement – sont susceptibles de jouir d'un avantage concurrentiel illégal sur le marché leur permettant de proposer des offres plus avantageuses que les entreprises qui respectent les standards en question. Il est ainsi admis que la concurrence entre soumissionnaires dans le domaine des marchés publics ne peut fonctionner correctement que si les participants à la procédure se conforment aux prescriptions minimales en matière de protection des travailleurs et s'ils ne pratiquent aucune sous-enchère abusive en matière de conditions de travail propre à entraîner une distorsion de concurrence entre eux. Le droit suisse des marchés publics prévoit en ce sens que les soumissionnaires et leurs sous-traitants doivent respecter les dispositions relatives à la protection des travailleurs et les conditions de travail en vigueur en Suisse, sous menace, notamment, de ne pas pouvoir participer à une procédure de marché public ou de voir la décision d'adjudication dont ils ont bénéficié révoquée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_325/2023 du 24 mai 2024 consid. 6.6 et les références citées).

5.7 La chambre de céans a été amenée à plusieurs reprises à se déterminer sur la question de la justification d'une offre anormalement basse au sens de l'art. 41 RMP.

5.7.1 Dans un arrêt de 2016, elle a exclu toute violation de cette disposition. Le pouvoir adjudicataire avait posé un certain nombre de questions à l'adjudicataire, par écrit, et avait ordonné son audition, au cours de laquelle celle-ci avait exposé le détail de son offre, qui figurait au demeurant déjà dans les documents transmis au pouvoir adjudicateur, démontrant que le prix couvrait les matériaux et la main‑d’œuvre, sans présenter de risques pour l’entreprise. Les mandataires du pouvoir adjudicateur avaient également réalisé des analyses de prix, pour déterminer si la société était en mesure de fournir les prestations demandées tout en respectant les conditions sociales de travail. L'adjudicataire indiquait aussi bénéficier de rabais importants de ses fournisseurs au vu de ses volumes de commandes. Elle précisait ne pas faire de bénéfices sur le marché, sans travailler à perte (ATA/1041/2016 du 13 décembre 2016 consid. 6 confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 2D_6/2017 du 22 août 2017).

5.7.2 Dans un arrêt de 2018, la chambre administrative a constaté une violation de l'art. 41 RMP et a renvoyé le dossier au pouvoir adjudicateur pour nouvelle décision d’adjudication après nouvelle évaluation. Le pouvoir adjudicateur avait demandé à l'adjudicataire de confirmer que pour le prix retenu, elle fournirait l’ensemble des prestations nécessaires à la réalisation du marché, sans que sa viabilité économique soit mise en péril, ce qu’elle s’était limitée à confirmer, sans autre indication. Or, en présence d’une offre moins chère de plus de 30% par rapport à la moyenne des autres offres, le pouvoir adjudicateur était tenu de procéder à des vérifications plus étendues portant sur les prix, en demandant à l'adjudicataire de justifier les prix unitaires rendant son offre largement inférieure à celle des autres. L'adjudicataire devait y répondre de manière circonstanciée, sans se contenter d’acquiescer aux questions posées, ce d’autant plus que les corrections effectuées sur son offre avaient mis en évidence que les prix des autres postes étaient largement inférieurs à ceux pratiqués par ses concurrents. Ces éléments étaient ainsi de nature à susciter des doutes sur sa capacité à exécuter le marché et devaient conduire le pouvoir adjudicateur à écarter d’office l’offre de l'adjudicataire en l’absence de réponse satisfaisante de sa part concernant ses prix (ATA/914/2018 du 11 septembre 2018 consid. 8d).

5.7.3 Enfin, dans un arrêt de 2019, la chambre de céans a considéré que l'art. 41 RMP avait été respecté. Des représentants de l'adjudicataire avaient été entendus par le pouvoir adjudicateur et par des représentants du bureau d'architecte mandaté pour le projet. Ledit bureau avait également adressé à l'adjudicataire un document comprenant treize questions. À teneur dudit document, l'adjudicataire avait notamment confirmé qu'il avait bien compris et pris en compte les spécificités financières liées à l'exécution du marché en Suisse Il avait également confirmé la faisabilité du planning provisionnel et fourni des renseignements concernant des questions techniques. La différence de prix était justifiée par certaines spécificités de l'adjudicataire, à savoir la réalisation par celle-ci, dans ses propres ateliers, de toutes les pièces commandées alors que le soumissionnaire évincé prévoyait de les commander à une entreprise tierce, la part réduite du travail réalisé à Genève environ 1/3 du temps de travail prévu, les 2/3 restant devant avoir lieu en Espagne et les écarts de salaires importants entre la Suisse et l'Espagne (ATA/1389/2019 du 17 septembre 2019 consid. 8).

5.8 Selon Domenico DI CICCO, cité par le pouvoir adjudicateur, l'art. 38 al. 3 LMP ne pose pas une obligation absolue à charge de l'adjudicateur de vérifier les offres anormalement basses auprès des soumissionnaires, c'est-à-dire de requérir dans tous les cas des informations sur ces derniers. Cette interprétation n'est pas incompatible avec la lettre de la loi, l'art. 38 al. 3 LMP disposant que l'adjudicateur doit demander les renseignements utiles, ce qui subordonne le caractère obligatoire de la demande de renseignements à la condition que cette dernière permette d'obtenir des informations susceptibles de prouver le respect des conditions de participation, la capacité du soumissionnaire à exécuter correctement la prestation ou la conformité de l'offre aux exigences du cahier des charges (Domenico DI CICCO, Le prix en droit des marchés publics, 2022, n. 1335). L'adjudicateur peut renoncer à requérir des informations auprès de l'auteur d'une offre anormalement basse, si l'offre comporte déjà des explications permettant de justifier le prix offert, c'est-à-dire de dissiper les soupçons d'irrégularités que le prix anormalement bas fait naître. Si l'offre contient déjà toutes les garanties permettant d'établir avec certitude qu'aucun motif d'exclusion n'est rempli, l'adjudicateur n'est pas tenu d'entreprendre des démarches de vérification complémentaires. Dans ce cas, il convient de considérer que les explications de l'offre justifiant le prix anormalement bas ont été, d'une certaine manière, fournies de manière anticipée par le soumissionnaire (Domenico DI CICCO, op.cit., n. 1’338).

6.             En l'espèce, il n'est pas contesté que l'écart de prix entre l'offre de l'adjudicataire et celle des autres soumissionnaires est supérieur à 30% (plus de 45%). Par conséquent, l'offre de l'adjudicataire doit être considérée comme paraissant anormalement basse au sens de l'art. 41 RMP. Conformément à cette disposition, l'autorité adjudicatrice devait donc demander à l'intéressée de justifier ses prix.

À rigueur de texte, elle n'a toutefois pas rempli cette obligation. En effet, bien qu'elle ait adressé à l'adjudicataire une demande de clarification le 22 mai 2024, elle s'est limitée à poser des questions fermées et n'a requis que des confirmations de sa part, lesquelles ne portaient au demeurant pas sur les prix pratiqués. Elle ne lui a en outre pas demandé de donner des informations supplémentaires permettant de justifier ses prix rendant son offre largement inférieure à celle des autres.

L'autorité adjudicatrice soutient toutefois qu'elle n'était pas tenue de demander à l'adjudicataire une justification de ses prix, dans la mesure où les éléments présentés dans l'offre de celle-ci lui avaient permis d'écarter tout doute sur les capacités de l'intéressée ou sur le respect des conditions et exigences du cahier des charges.

La position de l'autorité adjudicatrice soulève deux questions. La première consiste à déterminer si, comme le soutient également l'auteur cité sous consid. 5.8, l'adjudicateur peut renoncer à requérir des informations auprès de l'auteur d'une offre anormalement basse, lorsque l'offre comporte déjà des explications permettant de justifier le prix offert. En cas de réponse positive à cette question, la seconde consistera à déterminer si, dans les cas d'espèce, les éléments présentés dans l'offre de l'adjudicataire étaient suffisants pour permettre à l'autorité adjudicatrice de considérer que les prix étaient justifiés et que l'adjudicataire était à même d'exécuter le marché dans le respect de l'appel d'offres et des exigences légales.

6.1 L'art. 38 al. 3 LMP n'a pas une teneur similaire à celle de l'art. 41 RMP. En effet, alors que le premier dispose que l'adjudicateur doit demander les renseignements utiles au soumissionnaire, le second prévoit que l'adjudicatrice doit lui demander de justifier ses prix. L'art. 41 RMP a donc un contenu plus précis que l'art. 38 al. 3 LMP et ne laisse pas de marge de manœuvre au pouvoir adjudicateur dans le contenu des renseignements qu'il doit demander. Il ne prévoit en outre aucune exception à l'obligation de demander au soumissionnaire concerné de justifier ses prix et une telle exception ne peut pas être déduite, à l'instar de ce qui pourrait prévaloir pour l'art. 38 al. 3 LMP, des termes « renseignements utiles » puisque ces derniers ne figurent pas à l'art. 41 RMP.

Toutefois, l'art. 38 al. 3 LMP et l'art. 41 RMP poursuivent les mêmes buts, soit écarter un risque d'insolvabilité et s'assurer de la capacité du soumissionnaire à exécuter l'offre dans le respect de l'appel d'offres et des exigences légales. Ainsi, la demande de renseignements fondée sur l'art. 41 RMP doit permettre au pouvoir adjudicateur d'obtenir des informations qu'il ne possède pas et qui sont susceptibles de prouver le respect des conditions de participation, la capacité du soumissionnaire à exécuter correctement la prestation ou la conformité de l'offre aux exigences du cahier des charges. Si ces informations ressortent cependant déjà de façon suffisamment claire de l'offre du soumissionnaire concerné, une interpellation de ce dernier supposerait une application schématique de l'art. 41 RMP et ne constituerait qu'une vaine formalité procédurale, puisque, le cas échéant, les explications de l'offre justifiant le prix anormalement bas devraient être considérées comme ayant été fournies de manière anticipée par le soumissionnaire. Par conséquent, si l'offre contient déjà toutes les garanties permettant d'établir avec certitude qu'aucun motif d'exclusion n'est rempli, une interprétation systématique et téléologique de l'art. 41 RMP ne s'oppose pas à ce que l'adjudicateur renonce valablement à entreprendre des démarches de vérification complémentaires, bien que l'art. 41 RMP ne prévoie pas d'exception à l'obligation de demander au soumissionnaire concerné de justifier ses prix.

6.2 Se fondant sur les éléments mentionnés dans l'offre de l'adjudicataire, le pouvoir adjudicateur a retenu in casu que rien ne permettait de douter de la capacité de celle‑ci d'exécuter le marché, pour les motifs qui suivent. Premièrement, l'adjudicataire maîtrisait l'ensemble de la chaîne de production de ses équipements et les construisait dans sa propre usine. Elle maîtrisait donc les coûts en évitant le recours à la sous-traitance. Deuxièmement, la part allouée à la maintenance par l'intéressée (CHF 650'001.60) correspondait aux besoins en la matière et les coûts de maintenance actuels se trouvaient dans une même fourchette de prix. Troisièmement, l'adjudicataire respectait ses obligations liées au respect des conditions de travail et au droit social ainsi que ses obligations fiscales et s'était engagée auprès de l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail (ci‑après : OCIRT) à respecter les usages genevois. Quatrièmement, elle existait depuis 1971, était cotée en bourse et disposait d'une solidité financière suffisante.

Cinquièmement, elle était active depuis 2001 dans le domaine des systèmes de gestion des parkings et disposait ainsi d'une grande expérience dans ce domaine. Son système de gestion des parkings, novateur, était utilisé depuis des années. Les parkings dont elle avait eu la charge, notamment ceux du site de H______ à I______ et de l'aéroport G______ (17'936 places), comprenaient des structures bien plus importantes que les parkings concernés par l'appel d'offres (9'000 places). Les prix mentionnés pour les références de B______ démontraient que celle-ci avait appliqué une structure de prix similaire à ces autres projets menés à terme. En outre, le système de gestion des parkings de l'aéroport G______ avait fait l'objet d'une rénovation et d'une migration, sans perte de recette ni d'exploitation.

Enfin, elle faisait bénéficier ses clients de l'ensemble des évolutions de son système, ce qui lui permettait de disposer d'une solution à jour, sans surcoûts, et de pouvoir livrer la solution avec moins d'heures de développement et de paramétrage, le système étant prêt à couvrir les besoins de l'aéroport.

6.2.1 Ces éléments ressortent de l'offre de l'adjudicataire, en particulier de la lettre du 30 avril 2024 et du dossier de présentation de l'entreprise (pour la chaîne de production), de l'annexe B (pour les coûts de maintenance), des attestations qu'elle a fournies en lien avec le respect des conditions de travail et au droit social ainsi qu'à ses obligations fiscales, de son extrait Kbis et du mémoire technique (pour sa situation globale et financière et le fonctionnement du système E______et ses particularités) ainsi que des « fiches projets » qu'elle a produites, lesquelles indiquent notamment la description de chaque projet sur lequel elle a travaillé, sa période, son montant global, les appareils installés et gérés ainsi qu'un contact (expériences dans la domaine de la gestion des parkings). En outre, le pouvoir adjudicataire indique avoir pris contact avec la société les N______, mandante de l'adjudicataire pour le projet des parkings de l'aéroport G______, laquelle lui a confirmé la véracité des informations figurant dans l'annexe A1 (référence au projet de l'aéroport G______) de l'adjudicataire, confirmation dont il n'y a pas lieu de douter, dans la mesure où ce sont les intérêts économiques du pouvoir adjudicateur lui‑même qui sont en jeu.

6.2.2 Reste à déterminer si les éléments précités sont suffisants pour retenir que l'adjudicataire est à même d'exécuter le marché aux conditions proposées.

Il convient de rappeler que le pouvoir adjudicataire dispose d'un large pouvoir d'appréciation pour évaluer la pertinence des informations transmises par un soumissionnaire dans le contexte d'une offre considérée comme anormalement basse, celui-ci étant le plus à même de connaître ses besoins dans le cadre du marché qu'il organise et, entre autres, à répondre à des questions techniques, notamment d'ordre financier. Par conséquent, la chambre de céans doit s'imposer une certaine retenue afin de ne pas substituer sa propre appréciation à celle de l'instance précédente.

En l'occurrence, les éléments retenus par l'adjudicateur apparaissent convaincants. En effet, les expériences de l'adjudicataire dans le domaine de la gestion des parkings sont nombreuses. Celle-ci opère depuis plus de 20 ans (2001) dans ce domaine (et remplit ainsi déjà deux des trois critères d'aptitude de l'appel d'offres) et a œuvré dans le cadre de projets importants. Elle a notamment rénové le système de gestion des parkings de l'Aéroport G______, celui des parkings de H______ à I______ et celui des 22 parkings d'un P+R à J______. Elle a également mis en place le système de gestion des sept parkings du stade de football « K______ ». La seule référence à la gestion des parkings de l'Aéroport G______ est déterminante puisqu'il s'agit d'un projet très similaire – voire de plus grande envergure, notamment en termes de taille (26 parkings pour 17'936 places) – à celui du marché organisé par l'autorité intimée (28 parcs de stationnement représentant environ 9'000 places). Ce projet a d'ailleurs fait l'objet d'une migration (troisième critère d'aptitude de l'appel d'offre) et a de surcroît été mené à terme par l'adjudicataire, entre 2012 et 2023. Ces expériences apparaissent ainsi suffisantes pour retenir que l'adjudicataire dispose des connaissances et capacités techniques nécessaires à l'exécution des prestations du marché.

En outre, l'utilisation du système « E______» et le fait que l'adjudicataire maîtrise l'ensemble de la chaîne de production de ses équipements peuvent être considérés comme des facteurs de réduction des coûts. D'une part, il apparaît que ledit système présente une originalité technique. En effet, il ressort des explications du pouvoir adjudicateur et de l'adjudicataire que le système « E______», dont le fonctionnement a été exposé en détails dans l'offre de l'adjudicataire (annexes C et D notamment), peut être amélioré de façon constante en raison de sa mise en service dans divers lieux et qu'il est adaptable à différents projets ; l'adjudicataire fait en outre bénéficier ses clients de l'ensemble des développements technologiques de ses solutions, ce qui permet la mise à jour de la solution sans surcoûts. D'autre part, l'internalisation de la production permet d'éviter le recours à la sous‑traitance et donc nécessairement de limiter les dépenses, ce que la chambre de céans a déjà eu l'occasion de préciser (ATA/1389/2019 du 17 septembre 2019 consid. 8).

Par ailleurs, le fait que l'adjudicataire soit cotée en bourse depuis 1994 et qu'elle dispose d'une capacité financière de EUR 72'588'778.- de fonds propres (selon le rapport 2022/2023 qu'elle a transmis à la chambre de céans) permet de considérer que le risque d'insolvabilité de l'intéressée en cours d'exécution du marché est faible.

Le pouvoir adjudicateur a indiqué que la part allouée à la maintenance par l'adjudicataire (CHF 650'001.60) durant une année était acceptable et correspondait aux besoins en maintenance, dans la mesure notamment où les coûts de maintenance actuels se trouvaient dans une même fourchette de prix. Si le pouvoir adjudicateur ne fournit pas la preuve matérielle de cette allégation, celle-ci n'a pas été contestée par la recourante, qui aurait pu le faire puisqu'elle est titulaire du marché actuel depuis 2012, et l'on voit mal pourquoi le pouvoir adjudicateur aurait fourni des informations erronées. Par conséquent, il n'y a pas lieu de douter de la véracité ni de la pertinence de cette information.

Enfin, l'adjudicataire, dans sa réponse, a fourni des explications détaillées et convaincantes sur les coûts de chaque prestation composant le marché. Elle a justifié la réduction des coûts par des motifs très semblables à ceux que le pouvoir adjudicateur a retenus pour considérer qu'elle pouvait exécuter le marché au prix offert. Ainsi, selon l'adjudicataire, le fait qu'une grande partie des fonctionnalités spécifiées existent déjà dans la solution « E______» lui permet de réduire la charge (en jours/homme) relative au système de supervision et de paramétrage (item B1), ce qui semble plausible dans la mesure où le système qui sera mis en place à l'aéroport existe déjà et peut être facilement modifié. En outre, comme vu précédemment, l'internalisation de la production dont se prévaut l'adjudicataire permet de réaliser des économies et donc de réduire les coûts des équipements à fournir (item B3). Enfin, l'intéressée a allégué sous-traiter la mise en place des installations électriques à une entreprise genevoise dont le devis (CHF 1'140'271.-) est inférieur à ce que propose la recourante (CHF 1'473'271.‑). Elle l'a prouvé en produisant le devis y relatif. La différence de coûts pour le poste concerné (item B4) est donc justifiée. S'il est vrai qu'elle n'a en revanche produit aucun devis relatif à la dépose et la mise au rebut de l'ancien matériel (item B3), prestation qu'elle dit sous-traiter également, et n'a donc pas justifié le prix de cette prestation (CHF 61'423.-), ce seul élément n'est pas suffisant pour admettre qu'elle ne pourrait pas exécuter le marché. En effet, d'une part, il ne s'agit que d'un élément de nature secondaire du marché. D'autre part, le montant de cette prestation constitue pour l'adjudicataire (CHF 61'423.-), mais également pour la recourante (CHF 369'619.65), une part marginale de son offre.

6.3 La recourante a certes remis en cause les coûts de presque chaque poste de l'offre de l'adjudicataire mais elle ne prétend à juste titre pas que celle-ci ne remplirait pas les trois critères d'aptitude de l'appel d'offres (partie en fait, consid. B.b) et ne fait que substituer sa propre appréciation à celle du pouvoir adjudicateur. En particulier, ses explications ne reposent sur aucune documentation et ne prennent en compte ni les spécificités du système « E______» ni les particularités de l'adjudicataire exposées ci-avant, notamment l'internalisation de sa production. En outre, dans la mesure où celle-ci et la recourante ont des modes de fonctionnement notablement différents et où le système de gestion des parkings de l'adjudicataire se démarque de celui de la recourante par son originalité technique, la référence de celle-ci à sa propre offre pour remettre en cause les prix offerts par l'adjudicataire apparaît peu pertinente, en particulier dans le domaine de la formation (item B1) et de la fourniture des équipements (item B3), ce d'autant plus que, par exemple, la recourante ne conteste pas sous-traiter le développement de son logiciel, ce qui entraîne des coûts supplémentaires à sa charge, contrairement à l'adjudicataire qui internalise sa production. Enfin, contrairement à ce que la recourante soutient, il ne ressort pas des documents d'appel d'offres que 188 « switches réseau » seraient nécessaires pour l'exécution du marché. L'adjudicataire en a d'ailleurs proposé 104 sans que le pouvoir adjudicateur, qui connaît ses besoins en la matière, émette la moindre réserve sur ce point. Du reste, dans la mesure où l'offre de l'adjudicataire nécessite moins de switches que celle de la recourante et où le prix unitaire du switch proposé par l'adjudicataire (CHF 67.50) est inférieur à celui proposé par la recourante, la différence de coûts pour le poste concerné (item B3) apparaît justifiée.

6.4 Il convient encore de relever que quand bien même l'adjudicataire travaillerait à perte, ce qu'elle conteste, cela serait sans pertinence dans la mesure où il est établi, au vu de ce qui précède, qu'elle remplit les critères d'aptitude et les conditions légales réglementant l'accès à la procédure.

Par ailleurs, rien ne permet de considérer qu'elle couvrirait la différence par rapport au prix coûtant en recourant à des moyens illégaux ou qu'elle pratiquerait une sous‑enchère abusive, si bien que son offre n'apparaît pas déloyale. En effet, d'une part, elle a fourni une attestation de fourniture des déclarations sociales et paiement des cotisations et contributions sociales et s'est engagée auprès de l'OCIRT à respecter, pour le personnel appelé à travailler sur le territoire genevois, les conditions minimales de travail et de prestations sociales en usage à Genève dans son secteur d'activité. Ces éléments permettent de retenir qu'elle satisfait aux prescriptions minimales en matière de protection des travailleurs. D'autre part, elle a fourni une attestation de régularité fiscale, de sorte que rien ne permet de retenir, à teneur des informations en possession de la chambre de céans, qu'elle aurait commis une soustraction fiscale et en utiliserait les économies dans le but de couvrir la différence par rapport au prix coûtant.

6.5 Au vu de ce qui précède, le pouvoir adjudicateur pouvait, sans violer le principe de transparence, retenir que les éléments contenus dans l'offre de l'adjudicataire étaient suffisants non seulement pour renoncer à lui demander de justifier ses prix mais également pour considérer qu'elle était à même d'exécuter le marché aux conditions prescrites. Il n'a donc pas abusé de son pouvoir d'appréciation en considérant que l'adjudicataire remplissait les critères d'aptitude et les conditions légales réglementant l'accès à la procédure et en renonçant à l'en exclure.

Le grief sera donc écarté.

7.             Dans son mémoire de recours, la recourante s'est plainte d'un potentiel abus du pouvoir d'appréciation du pouvoir adjudicateur dans l'attribution des notes.

7.1 L’acte de recours contient notamment l’exposé des motifs ainsi que l’indication des moyens de preuve (art. 65 al. 2 LPA).

7.2 En l'espèce, la recourante s'est réservée le droit, dans son mémoire de recours, de contester les notes attribuées à elle et à l'adjudicataire une fois qu'elle aurait disposé des informations nécessaires pour ce faire. Or, bien qu'elle ait obtenu lesdites informations, elle n'a pas développé son grief dans son mémoire de réplique. Par conséquent, faute pour la chambre de céans de connaître les arguments de la recourante, celle-là n'entrera pas en matière sur ledit grief, qui est insuffisamment motivé.

Les considérants qui précédent conduisent au rejet du recours.

8.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 2'500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 2'500.- sera allouée à l'adjudicataire, à la charge de la recourante (art. 87 al. 2 LPA). Aucune indemnité ne sera en revanche octroyée au pouvoir adjudicateur, lequel dispose de son propre service juridique par lequel il a du reste procédé (ATA/727/2024 du 18 juin 2024 consid. 4 et l'arrêt cité).

Le prononcé du présent arrêt rend sans objet la requête en octroi de l’effet suspensif.

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 26 juillet 2024 par A______ contre la décision de l'Aéroport international de Genève du 15 juillet 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 2'500.- à la charge d'A______ ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 2'500.- à B______, à la charge d'A______ ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

s’il soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Mathieu SIMONA, avocat de la recourante, à l'Aéroport international de Genève, à Mes Pascale AEBY et Julie BOZZO-GROS, avocats de B______, ainsi qu'à la commission de la concurrence.

Siégeant : Patrick CHENAUX, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

P. CHENAUX

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :