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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1271/2024

ATA/1345/2024 du 13.11.2024 ( PRISON ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1271/2024-PRISON ATA/1345/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 13 novembre 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

PRISON B______ intimée

_________



EN FAIT

A. a. A______ est détenu à l'établissement de C______(ci-après : C______) depuis le 13 février 2024.

b. Avant son transfert à C______, il a été détenu à la prison B______ (ci‑après : la prison) du 6 décembre 2023 au 13 février 2024.

B. a. Le 5 janvier 2024, le gardien-chef adjoint INF (ci-après : le GCA) de la prison a infligé à A______ une sanction de deux jours de cellule forte, pour refus d'obtempérer, trouble à l'ordre de l'établissement et attitude incorrecte envers le personnel.

Le GCA a entendu l'intéressé le 5 janvier 2024 à 14h15 et lui a remis la décision en mains propres à 14h20. A______ a refusé de signer le formulaire, lequel contenait la voie et le délai de recours. La sanction a été exécutée du 5 janvier 2024 à 10h55 au 7 janvier 2024 à 10h55.

C. a. Par acte daté du 8 avril 2024 adressé au greffe de C______, A______ a interjeté recours contre la décision de sanction précitée.

Il venait d'être reçu par le directeur adjoint de C______, qui lui avait fait signer son plan d'exécution de peine. Il avait relevé qu'y était notée une sanction de deux jours de « cachot », laquelle lui avait été infligée injustement.

Cette sanction était injuste et inadmissible. Les motifs n'en étaient que mensonges et inventions, car il n'avait jamais adopté le comportement qui lui était reproché. Il avait uniquement refusé de cohabiter avec un détenu qui venait d'arriver de l'hôpital psychiatrique et qui pouvait se révéler un danger pour sa sécurité.

b. Le 16 avril 2024, le service de l'application des peines et mesures (ci-après : SAPEM) a adressé le courrier susmentionné, pour raison de compétence, à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative).

c. Le 17 avril 2024, le juge délégué a imparti au recourant un délai au 3 mai 2024 pour se déterminer au sujet de la date apparemment tardive de l'envoi de son recours, le délai de recours étant de 30 jours et la sanction lui ayant été notifiée le 5 janvier 2024.

d. Le recourant s'est déterminé par courriers des 22 et 25 avril 2024.

C'était lors de sa visite chez le directeur adjoint de C______qu'il s'était décidé à faire valoir ses droits. Lors du prononcé de la sanction, il s'était dit que cela n'était pas important, mais il n'avait pas apprécié la mention de cette sanction disciplinaire dans le plan d'exécution de sa peine.

De plus, aux environs du 8 janvier 2024, soit juste après l'exécution de la sanction disciplinaire contestée, il avait envoyé un pli fermé à la direction la prison afin d'obtenir une entrevue avec le directeur, mais c'était un gardien-chef qui était venu le voir, si bien qu'il n'avait pas pu exposer ses doléances à la direction.

e. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. La chambre de céans examine d’office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATA/925/2024 du 6 août 2024 consid. 1 ; ATA/602/2024 du 14 mai 2024 consid. 1).

2.             Se pose la question du respect du délai de recours.

2.1 Selon l’art. 62 al. 1 let. a et b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), le délai de recours contre une décision finale est de 30 jours. Il court dès le lendemain de la notification de la décision
(art. 62 al. 3 1re phr. LPA).

Lorsque le dernier jour du délai tombe un samedi, un dimanche ou sur un jour légalement férié, le délai expire le premier jour utile (art. 17 al. 3 LPA).

2.2 La notification d’un acte soumis à réception, comme une décision ou une communication de procédure, est réputée faite au moment où l'envoi entre dans la sphère de pouvoir de son destinataire (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. II, 3e éd., 2011, p. 302 s n. 2.2.8.3). Il suffit que celui-ci puisse en prendre connaissance (ATF 137 III 308 consid. 3.1.2 ; 118 II 42 consid. 3b ; 115 Ia 12 consid. 3b ; arrêts du Tribunal fédéral 2P.259/2006 du 18 avril 2007 consid. 3.1 ; 2A.54/2000 du 23 juin 2000 consid. 2a et les références citées).

2.3 Les délais de recours fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public. Ils ne sont, en principe, pas susceptibles d’être prolongés (art. 16 al. 1 1re phr. LPA), restitués ou suspendus, si ce n’est par le législateur lui-même. Celui qui n’agit pas dans le délai prescrit est forclos et la décision en cause acquiert force obligatoire (SJ 2000 I 22 ; ATA/436/2024 du 26 mars 2024 et les arrêts cités).

2.4 L'art. 29a Cst. prévoit que toute personne a droit à ce que sa cause soit jugée par une autorité judiciaire. Le droit au contrôle judiciaire garanti par cette disposition n'existe que dans le cadre des règles de procédure en vigueur, de sorte qu'il n'interdit pas de faire dépendre la question de l'entrée en matière sur un recours ou sur une action du respect des conditions habituelles de recevabilité. Ce n'est que lorsque ces conditions entravent excessivement l'accès effectif au juge que l'art. 29a Cst. s'avère être violé (cf. notamment ATF 143 I 344 consid. 8.3; arrêt 8D_5/2023 du 22 mars 2024 consid. 4.3.1 et les références).

Selon la jurisprudence, il y a formalisme excessif, constitutif d'un déni de justice formel prohibé par l'art. 29 al. 1 Cst., lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi et complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux. En tant que l'interdiction du formalisme excessif sanctionne un comportement répréhensible de l'autorité dans ses relations avec le justiciable, elle poursuit le même but que le principe de la bonne foi. Toutefois, l'application stricte des règles sur les délais de recours ne relève pas d'un formalisme excessif, mais se justifie dans l'intérêt d'un bon fonctionnement de la justice et de la sécurité du droit, ainsi que pour des motifs d'égalité de traitement (ATF 149 IV 97 consid. 2.1; arrêt 9C_304/2023 du 21 février 2024 consid. 6.2.2).

2.5 Les cas de force majeure sont réservés, conformément à l’art. 16 al. 1 2phr. LPA. Tombent sous cette notion les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d’activité de l’intéressé et qui s’imposent à lui de façon irrésistible (SJ 1999 I 119 ; ATA/871/2019 du 7 mai 2019 et les références citées).

2.6 En l’espèce, le recourant ne conteste pas avoir reçu la décision attaquée en mains propres le 5 janvier 2024, qui constitue ainsi le jour à partir duquel commence à courir le délai légal de recours de 30 jours. Dès lors, le délai de recours est arrivé à échéance le dimanche 4 février 2024, ce qui l'a ainsi reporté au lundi 5 février 2024. Le recours, expédié au plus tôt le 8 avril 2024, est ainsi tardif.

Le recourant n’invoque pas de cas de force majeure au sens de l’art. 16 LPA qui l’aurait empêché de déposer son acte de recours en temps voulu. Les circonstances qu'il invoque pour expliquer le temps mis à faire valoir ses droits, qu'il s'agisse du constat de la présence de cette sanction disciplinaire dans son plan d'exécution de peine ou de la demande de rendez-vous avortée avec le directeur de la prison, ne sauraient constituer de tels cas de force majeure.

Le recours sera ainsi déclaré irrecevable.

3.             Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA et art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu son issue, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 8 avril 2024 par A______ contre la décision de la prison B______ du 5 janvier 2024 ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'à la prison B______.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

S. CROCI TORTI

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :