Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/700/2023

ATA/1169/2024 du 08.10.2024 sur JTAPI/1130/2023 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit

république et

canton de genève

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/700/2023-PE ATA/1169/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 8 octobre 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Gazmend Elmazi, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 17 octobre 2023 (JTAPI/1130/2023)


EN FAIT

A. a. A______ (ci-après : le requérant), né le ______ 1971, est ressortissant du Kosovo.

b. Il a fait l’objet de deux interdictions d’entrée les 4 novembre 2004 et 20 février 2015.

c. Par ordonnance pénale du Ministère public de l’arrondissement de Lausanne du 13 août 2014, il a été condamné à 120 jours-amende, avec sursis pendant deux ans, pour infractions à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) (entrée illégale, séjour illégal et exercice d’une activité lucrative sans autorisation).

d. Le 27 octobre 2021, l’office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) a transmis au Ministère public de Genève (ci-après : MP) une dénonciation pénale relative à A______ au motif que l’authenticité de certains des documents versés par l’intéressé était douteuse. 

Il a été entendu par la police le 10 août 2022. Par ordonnance du 22 juillet 2024, le MP a classé la procédure. Il a constaté que, faute d’intention, les infractions de faux dans les certificats et de tentative de comportement frauduleux à l’égard des autorités n’étaient pas réalisées.

e. Selon une attestation de l’Hospice général du 31 mai 2019, il n’était pas aidé financièrement. Au 31 mai 2019, il ne faisait l’objet d’aucune poursuite ni acte de défaut de biens.

f. Il a déposé des demandes de visa pour « raisons familiales » les 2 août, 28 novembre et 6 décembre 2019, 24 juin et 23 décembre 2021, 15 juin et 5 juillet 2022.

g. Le 27 janvier 2023, il a rempli une carte d’annonce de sortie avec une date de départ prévue le 27 mars 2023.

B. a. Le 11 juillet 2019, il a déposé auprès de l’OCPM, une demande de reconnaissance d'un cas individuel d'une extrême gravité en sa faveur, dans le cadre de l' «opération Papyrus ».

Il a notamment joint les pièces suivantes :

-          une attestation établie par les Transports publics genevois (TPG) le 13 novembre 2018, indiquant qu’il avait bénéficié d’abonnements mensuels de mai 2011 à décembre 2012 ; de fin avril 2013 à janvier 2014 ; de février 2014 à fin juin 2016 et de fin avril à fin novembre 2018 ;

-          un relevé AVS comprenant les années 2011, 2013, 2014, 2015, 2017 et 2018.

b. Par courrier du 21 octobre 2022, l’OCPM lui a fait part de son intention de refuser de préaviser favorablement son dossier auprès du secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) en vue de l’octroi d’une autorisation de séjour en sa faveur et de prononcer son renvoi de Suisse.

Les autorités suisses avaient prononcé deux interdictions d'entrée à son encontre, les 4 novembre 2004 et 20 février 2015. Or, celles-ci n'avaient pas été respectées. Il avait été condamné par le Ministère public du canton de Vaud pour entrée, séjour et activité illicites. Il avait reçu deux visas de retour au Kosovo, octroyés les 19 décembre 2019 et 17 juillet 2021. Entendu par la police le 10 août 2022, il avait déclaré avoir fourni de fausses attestations de travail de B______ et C______ dans le cadre de sa demande d'autorisation car il lui manquait les preuves de séjour pour les années 2009 et 2017. Compte tenu de son comportement, il ne répondait pas aux critères de l'« opération Papyrus ».

Il n’avait pas fait preuve d’une intégration socio-culturelle particulièrement remarquable. Son intégration correspondait au comportement ordinaire qui pouvait être attendu de tout étranger souhaitant obtenir la régularisation de ses conditions de séjour. Il n’avait pas démontré qu'une réintégration dans son pays d'origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle indépendamment des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires ou scolaires) affectant l'ensemble de la population restée sur place.

Un délai de 30 jours lui était accordé pour exercer son droit d’être entendu par écrit.

c. Par envoi du 13 janvier 2023, l'intéressé a indiqué qu'il résidait en Suisse depuis 2003 de manière ininterrompue à l'exception d'un retour au Kosovo d'un an, durant les années 2009 et 2010, à la suite du décès de son neveu. Le D______
(ci-après : D______) avait adressé par erreur les attestations de travail litigieuses alors qu'il n'avait nullement l'intention de produire ces documents. Dès lors, il y avait lieu de faire preuve de clémence et de ne pas tenir compte de sa condamnation du 10 août 2022. Dès son arrivée en Suisse, il avait participé à la vie économique du canton de Genève. Il s'était parfaitement intégré, avait noué de solides amitiés et relations de travail et était au bénéfice d'un niveau A2 en français. Ses liens avec son pays d'origine étaient quasiment inexistants. Il avait quitté son pays 20 ans auparavant et un retour dans celui-ci le placerait dans une situation précaire car ses conditions de subsistance seraient menacées. Enfin, il jouissait d'une indépendance financière, n'avait jamais fait l'objet de poursuites ni émargé à l'aide sociale.

d. Par décision du 27 janvier 2023, l’OCPM a refusé, notamment pour les motifs qui ressortaient de sa lettre d’intention du 13 janvier 2023, de préaviser favorablement le dossier du requérant auprès du SEM, en vue de l’octroi d’une autorisation de séjour, et a prononcé son renvoi, lui impartissant un délai au 27 mars 2023 pour quitter la Suisse, ajoutant que le dossier ne faisait pas apparaître que l’exécution de cette mesure ne serait pas possible, serait illicite ou qu’elle ne pourrait pas être raisonnablement exigée.

C. a. Par acte du 27 février 2023, le requérant a recouru contre la décision précitée, devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

Il s'était rendu au E______ (ci-après : E______) avec les documents utiles à sa demande de régularisation. Le E______ l'avait invité à ne pas produire les documents problématiques. Il avait ensuite fait appel au D______ avec qui il avait convenu de ne pas produire lesdits documents. Il avait toutefois constaté lors de son audition par la police que le D______ les avait tout de même transmis à l'OCPM, sans doute par erreur. Pour ces motifs, il avait contesté l'ordonnance pénale rendue à son encontre. De nombreux membres de sa famille proche vivaient en Suisse.

b. Dans sa détermination du 26 avril 2023, l'OCPM a persisté dans les conclusions de la décision entreprise. La durée du séjour du recourant n'avait été prouvée qu'à partir de 2011. Cette durée ne pouvait, à elle seule, constituer un cas de rigueur. Dans la mesure où il avait fourni de faux documents, son comportement dénotait un manque de respect de l'ordre juridique suisse.

Il a produit son dossier dont :

-          un procès-verbal d'audition du 27 juillet 2014 de la gendarmerie vaudoise duquel il ressort que l'intéressé a déclaré avoir quitté la Suisse pour le Kosovo durant dix mois, entre octobre 2009 et juillet 2010 et qu'il avait effectué sa scolarité obligatoire et quatre ans de gymnase, soit douze ans d'études, au Kosovo où vivaient ses cinq sœurs et trois frères ;

-          un procès-verbal d'audition par-devant la police genevoise du 10 août 2022 d'où il ressort que l'intéressé a déclaré qu'il avait reçu de l'aide d'un intermédiaire sur un chantier, lequel lui avait fourni les fausses attestations de travail car il lui manquait les preuves de séjour pour les années 2009 et 2017. Le E______ l'avait averti que ces pièces n'étaient pas bonnes et qu'il pourrait se retrouver en prison s'il les produisait. Il s'était alors rendu au D______ qui avait envoyé son dossier avec les faux documents à l'OCPM ;

-          plusieurs attestations de travail prouvant qu'il avait oeuvré comme ouvrier, dans le secteur de l'agriculture et du bâtiment.

c. Par jugement du 17 octobre 2023, le TAPI a rejeté le recours.

Sous l’angle des critères de l’« opération Papyrus », le requérant n’avait pas résidé de manière continue à Genève pendant dix ans, en limitant la période d'examen jusqu'à fin décembre 2018 conformément à la jurisprudence, puisqu'il admettait avoir résidé au Kosovo durant un an entre 2009 et 2010, sans avoir démontré, ni même allégué, avoir fourni une assistance nécessaire à sa famille durant cette période. En tout état, la période passée hors de Genève était bien trop étendue pour permettre une éventuelle dérogation au critère du séjour continu.

Il ne réunissait pas non plus les conditions restrictives du cas de rigueur. Il ne pouvait pas se prévaloir d’une intégration socio-professionnelle exceptionnelle. L’emploi qu’il exerçait dans le domaine du bâtiment et de l'agriculture ne témoignait pas d’une ascension professionnelle remarquable et il n’avait pas acquis des qualifications spécifiques susceptibles de justifier l'admission d'un cas de rigueur. Il ne pouvait pas non plus se prévaloir d’un comportement irréprochable. Il avait non seulement séjourné et travaillé illégalement en Suisse, alors qu'il se trouvait sous le coup de deux interdictions d'entrée, durant plusieurs années, mais il avait également produit de faux documents lors de sa demande de régularisation, étant précisé qu’il savait pertinemment que les attestations de travail étaient falsifiées. Ne sachant pas comment prouver un séjour à Genève en 2009 alors qu'il se trouvait au Kosovo, il avait sollicité l'aide d'un intermédiaire sur un chantier qui lui avait transmis des attestations de travail d'employeurs chez qui il n’avait pas pu travailler ne se trouvant pas en Suisse. La version du recourant qui aurait demandé expressément au D______ de ne pas transmettre les attestations litigieuses et que c’était uniquement par erreur que celles-ci se seraient retrouvées en mains de l'OCPM, n'emportait pas la conviction et paraissait peu probable. Enfin, le revirement de l'intéressé qui contestait la fausseté des certificats produits dans sa réplique du 13 juin 2023, apparaissait dictée par des motifs procéduraux.

Sur le plan social, il avait certes appris le français mais il ne ressortait pas du dossier qu’il aurait noué des liens forts avec la Suisse. De plus, il était né au Kosovo, où il avait passé son enfance et son adolescence, soit les périodes cruciales pour l’intégration socio-culturelle. Il y avait d'ailleurs conservé des attaches familiales, comme en attestaient les deux longs séjours effectués en 2019 et 2021.

D. a. Par acte du 17 novembre 2023, le requérant a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation et à l’octroi d’une autorisation de séjour en sa faveur.

Il était démontré qu’il séjournait en Suisse depuis 2003, et de manière continue, depuis juillet 2010. Il était retourné au Kosovo environ un an durant le années 2009 et 2010 à la suite du décès de son neveu. Cela constituait un très long séjour. Depuis son arrivée en Suisse, il avait toujours travaillé, ce qui démontrait une intégration professionnelle remarquable. Sa réintégration personnelle, professionnelle et familiale au Kosovo était fortement compromise. Il avait pris racine en Suisse après autant d’années et y avait maintenu toutes ses attaches. Il avait toujours été indépendant financièrement, n’avait aucune dette et n’avait jamais fait appel à l’aide sociale. Son revenu lui permettait largement de subvenir à ses besoins. Il maîtrisait le français et avait créé des liens particuliers avec des membres de sa famille vivant en Suisse, ainsi que ses amis, collègues, employeurs et connaissances. S’agissant des documents falsifiés, il avait expressément donné l’ordre à son précédent mandataire de ne pas les transmettre. Il avait été mal conseillé au moment de l’obtention de ces documents. Il avait contesté sa condamnation pénale. Célibataire et sans enfants, il n’avait aucune attache avec son pays d’origine.

b. Par réponse du 8 décembre 2023, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

c. Le 7 mars 2024, le requérant a produit l’avis de prochaine clôture de l’instruction du MP, qui entendait rendre une ordonnance de classement.

d. Le 2 avril 2024, le recourant a répliqué.

Sa condamnation pénale ne constituait plus un obstacle à son autorisation de séjour, toutes les infractions ayant été classées par le MP. L’authenticité des attestations de F______, selon lesquelles il avait été engagé dans son entreprise du 2 novembre 2009 à fin décembre 2009 et 1er octobre 2010 au 31 décembre 2010, avait été retenue. Il était ainsi parvenu à démontrer sa bonne foi. S’agissant de l’interruption de son séjour, il s’agissait d’une période difficile de sa vie, étant précisé qu’il en souffrait encore à ce jour. Au vu du choc émotionnel, il n’en avait même pas parlé avec son conseil. En 2009, alors qu’il résidait à Genève, il avait accueilli son neveu, qui souffrait d’une grave maladie. Il s’en était occupé durant plusieurs mois. Le 4 octobre 2009, son neveu était décédé aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), alors qu’il n’était âgé que de 16 ans. Il s’était occupé de toutes les démarches, notamment du transport du corps au Kosovo. Après environ un mois de séjour au Kosovo, il était revenu en Suisse afin de reprendre un emploi. Il convenait ainsi de retenir l’existence d’éléments impérieux au vu des circonstances exceptionnelles et l’absence d’interruption du séjour, qui avait duré moins d’un mois. Au début de l’année 2010, il s’était à nouveau rendu au Kosovo pour soutenir son frère et l’épouse de celui-ci durant sept à huit semaines.

Il sollicitait l’audition de G______, conseiller municipal de la commune de H______ et proche de son neveu, ainsi que celle de ses anciens employeurs, F______ et I______.

e. Le 4 avril 2024, il a produit une attestation de I______, confirmant que le recourant avait travaillé dans son entreprise de mai à septembre 2009.

f. Sur ce la cause a été gardée, ce dont les parties ont été informées.

g. Le 20 septembre 2024, la chambre de céans a reçu copie de l’ordonnance de classement du 22 juillet 2024.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le recourant sollicite l’audition de trois témoins.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas la juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1. ; 140 I 285 consid. 6.3.1). En outre, il n'implique pas le droit à l’audition orale ni à celle de témoins (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

2.2 En l'espèce, le dossier contient des attestations des trois témoins, dont le recourant sollicite l’audition. Leur témoignage ne ferait ainsi que confirmer oralement leurs déclarations écrites. Le recourant n’explique pas en quoi ces auditions seraient de nature à apporter des éléments utiles à l’issue du litige qui n’auraient pas déjà été mentionnés dans les attestations versées à la procédure. Pour le reste, le recourant a versé des pièces au dossier et fourni des explications détaillées tant devant l’OCPM que devant le TAPI et la chambre de céans. La chambre administrative dispose ainsi d’un dossier complet lui permettant de trancher le litige en toute connaissance de cause. Il ne sera par conséquent pas donné suite aux demandes d'actes d'instruction.

3.             Le litige porte sur le bien-fondé du refus de transmettre le dossier du recourant au SEM avec un préavis favorable et de la décision de renvoi de Suisse.

3.1 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, après le 1er janvier 2019 sont régies par le nouveau droit.

3.2 L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

L'art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (secrétariat d'État aux migrations, Domaine des étrangers [ci-après : directives LEI], état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.12).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c).

La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

3.3 La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée (Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, LEtr, vol. 2, 2017, p. 269 et les références citées). Par durée assez longue, la jurisprudence entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] C-7330/2010 du 19 mars 2012 consid. 5.3 ; Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 269). Après un séjour régulier et légal de dix ans, il faut en principe présumer que les relations sociales entretenues en Suisse par la personne concernée sont devenues si étroites que des raisons particulières sont nécessaires pour mettre fin à son séjour dans ce pays (ATF 144 I 266 consid. 3.8). Les années passées en Suisse dans l’illégalité ou au bénéfice d’une simple tolérance ne sont pas déterminantes (ATF 137 II 1 consid. 4.3 ; 134 II 10 consid. 4.3).

Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

3.4 Aux termes de l'art. 96 al. 1 LEI, les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d'appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger ainsi que de son intégration.

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

3.5 L'« opération Papyrus » développée par le canton de Genève a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes de l’UE/AELE bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir, selon le livret intitulé « Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus » (disponible sous https://www.ge.ch/
regulariser-mon-statut-sejour-cadre-papyrus/criteres-respecter), avoir un emploi ; être indépendant financièrement ; ne pas avoir de dettes ; avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; faire preuve d'une intégration réussie ; absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal).

L’« opération Papyrus » a pris fin le 31 décembre 2018.

3.6 En l’espèce, la demande de régularisation du recourant a été formée le 11 juillet 2019, alors que l’« opération Papyrus » a pris fin le 31 décembre 2018. Il suit de là que sa situation ne peut être examinée que sous l’angle du cas de rigueur, ce qu’il ne conteste d’ailleurs pas.

Le recourant peut certes se prévaloir d’un séjour de très longue durée. Les pièces au dossier, en particulier son extrait de compte individuel AVS et ses abonnements TPG, attestent d’une présence effective et continue depuis 2010, soit depuis quatorze ans. Devant la chambre de céans, le recourant fait valoir qu’il séjourne en Suisse depuis 2003. Cette version trouve un certain appui dans son dossier de police, soit en particulier son arrestation par la police le 6 octobre 2003, la déclaration devant la police d’un ancien employeur le 2 janvier 2004 et ses déclarations devant la police des 12 septembre 2004, 11 janvier 2005 et 9 juillet 2008. Le recourant a par ailleurs rendu vraisemblable, notamment sur la base du certificat des HUG du 6 octobre 2009 et des attestations d’anciens employeurs, que son séjour en Suisse n’avait été entrecoupé que par de brefs déplacements au Kosovo en 2009 et en 2010, suite au décès de son neveu. Quoi qu’il en soit, même à retenir un séjour effectif depuis 2003, force est de rappeler que, selon la jurisprudence applicable en la matière, le simple fait pour un étranger de séjourner en Suisse pendant de longues années ne permet pas d’admettre un cas personnel d’une extrême gravité. En outre, la durée d’un séjour illégal ou d’un séjour précaire (tel que celui accompli à la faveur d'une simple tolérance ou de l'effet suspensif attaché à une procédure de recours) doit être relativisée. Il y a donc lieu d’examiner si des critères d’évaluation autres que la seule durée du séjour en Suisse seraient de nature à faire admettre qu’un départ de ce pays placerait l’intéressé dans une situation excessivement rigoureuse.

En l’occurrence, s’agissant de son intégration professionnelle en Suisse, elle ne saurait être qualifiée d’exceptionnelle au sens de la jurisprudence précitée. Si le recourant est indépendant financièrement, n’a pas recouru à l’aide sociale et n’a pas de dettes, de tels éléments ne suffisent pas pour retenir l’existence d’une intégration socio-professionnelle particulièrement réussie. On ne saurait en effet considérer qu’il se soit créé avec la Suisse des attaches professionnelles à ce point profondes et durables qu’il ne puisse plus raisonnablement envisager un retour dans son pays d’origine. Par ses emplois dans le domaine du bâtiment et de l’agriculture, l’intéressé n’a en effet pas acquis de connaissances ou de qualifications spécifiques telles qu’il ne pourrait pas les mettre en pratique dans sa patrie ou qu’il faille considérer qu’il a fait preuve d’une ascension professionnelle remarquable en Suisse justifiant l’admission d’un cas de rigueur au sens de l’art. 30 al. 1 let. b LEI. Certes, le fait que le recourant n’est pas au bénéfice d’une autorisation de séjour a rendu son intégration professionnelle en Suisse plus difficile. La situation de l’intéressé ne se distingue cependant pas de celle de nombreux étrangers qui sont confrontés à des difficultés accrues sur le marché du travail helvétique en raison de leur statut précaire.

Quant à son intégration sociale, elle ne saurait être qualifiée de remarquable. À cet égard, il sied de rappeler qu'il est parfaitement normal qu'une personne ayant effectué un séjour prolongé dans un pays tiers s'y soit créé des attaches, se soit familiarisée avec le mode de vie de ce pays et maîtrise au moins l'une des langues nationales. Le recourant ne prétend du reste pas qu'il se serait particulièrement investi dans la vie associative et culturelle de son canton ou de sa commune de résidence, en participant activement à des sociétés locales, par exemple. Enfin, le recourant ne peut se prévaloir d’un comportement irréprochable, puisqu’il a séjourné et travaillé en Suisse alors qu’il se trouvait sous le coup de deux interdictions d’entrée. Le recourant a, par ailleurs, reconnu, lors de son audition par la police, que certains documents transmis à l’OCPM étaient des faux. Le fait que ceux-ci aient été transmis « par inadvertance » à l’OCPM – ce qui a entrainé le classement de la procédure par le Ministère public – ne change rien au fait qu’il a admis avoir eu recours à un tiers pour se procurer des preuves de séjour.

Pour le reste, arrivé en Suisse à l’âge de 31 ans (dans l’hypothèse d’un séjour en Suisse depuis 2003), il a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte dans son pays d’origine. Or, ces années apparaissent comme essentielles, puisque c'est précisément pendant cette période que se forge la personnalité, en fonction notamment de l'environnement culturel. À cet égard, il sied de noter que depuis sa demande d’autorisation de séjour en 2019, il a requis sept visas de retour pour se rendre au Kosovo pour « raisons familiales ». Il n'est ainsi pas concevable que son pays d'origine, où vivent sa mère, ses trois frères et ses cinq sœurs, lui soit devenu à ce point étranger qu'il ne serait plus en mesure d'y retrouver ses repères. Enfin, âgé de 53 ans et en bonne santé, le recourant pourra mettre à profit son expérience professionnelle et les connaissances linguistiques acquises en Suisse. Certes, après la longue durée d’absence de son pays, le recourant traversera une nécessaire période de réadaptation. Il ne devrait toutefois pas rencontrer de difficultés insurmontables de réintégration.

C’est partant à juste titre que tant l’autorité intimée, qui n’a pas abusé de son pouvoir d’appréciation, que le TAPI, ont retenu que les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour n’étaient pas remplies.

4.             La décision querellée prononce le renvoi du recourant.

4.1 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation.

4.2 Le recourant ne fait pas valoir que son renvoi serait impossible, illicite ou ne pourrait être exigé. Il ne ressort par ailleurs pas de la procédure que tel serait le cas, de sorte que le prononcé du renvoi apparaît conforme au droit.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

5.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 novembre 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 17 octobre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Gazmend Elmazi, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Eleanor McGREGOR, présidente, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

E. McGREGOR

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.