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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1889/2024

ATA/1117/2024 du 24.09.2024 ( TAXIS ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1889/2024-TAXIS ATA/1117/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 24 septembre 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Robert ANGELOZZI, avocat

contre

DIRECTION DE LA POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR intimée



EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1990, est titulaire d’un permis de transport professionnel de personnes depuis le 16 décembre 2022.

b. Il n’a pas de formation professionnelle et a bénéficié pendant plusieurs années de prestations financières de l’hospice général.

c. Par jugement du Tribunal de police du 22 août 2022, il a été déclaré coupable d’infractions à l’art. 19 al. 1 let. a (détenir, cultiver, fabriquer ou produire des supéfiants) et d (posséder, détenir, acquérir ou se procurer des stupéfiants) de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) et de pornographie (art. 197 al. 5 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0). Il a été acquitté d’infractions à l’art. 19 al. 1 let. c LStup (trafic) et de contravention à l’art. 19a LStup. Il a été condamné à une peine pécuniaire de 150 jours-amende, sous déduction de deux jours-amende, correspondant à deux jours de détention avant jugement. Le montant du jour‑amende a été fixé à CHF 30.‑. Il a été mis au bénéfice du sursis, dont la durée d’épreuve a été fixée à trois ans.

Les faits datent de janvier 2019 au 15 janvier 2020 pour la LStup et de cette dernière date pour la détention dans son téléphone portable d’une vidéo pornographique à caractère zoophile.

d. Il a passé avec succès les examens de chauffeur professionnel de taxi, obtenant des notes de 5 aux examens théoriques en octobre 2023 et 6 à l’examen pratique en décembre 2023.

e. Il a été engagé le 27 novembre 2023 par l’entreprise B______ en qualité de chauffeur de taxi et voiture de transport avec chauffeur (ci-après : VTC). À teneur de son contrat de travail, son activité débuterait dès l’obtention de la carte professionnelle de chauffeur de taxi VTC.

Il a signé le 19 juin 2024 un « contrat de travail pour travailleurs occasionnels avec horaires irréguliers (travail sur appel improprement dit) » avec C______ SA Genève.

f. Il a obtenu un certificat de bonne vie et mœurs (ci-après : CBVM) le 4 avril 2024, délivré par le commissaire de police.

g. Sa situation familiale n’est pas documentée, notamment son statut de « père de famille », A______ mentionnant la prochaine naissance de son enfant.

B. a. Le 19 décembre 2023, il a déposé auprès du service de la police du commerce de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) devenu depuis la direction du PCTN (ci-après : la direction) une requête en délivrance d’une carte professionnelle de chauffeur de taxi.

b. Le 11 mars 2024, la direction a fait part à A______ de son intention de refuser sa requête.

c. Par décision du 2 mai 2024, après avoir reçu des observations de l’intéressé, la direction a rejeté la requête.

Le jugement du 22 août 2022 mentionnait explicitement la peine à laquelle le co‑prévenu de A______ avait été condamné pour les mêmes faits. Il pouvait dès lors être déduit du dispositif que les 120 jours-amende auxquels A______ avait été condamné se référaient aux infractions à la LStup, et 30 jours-amende à l’infraction de pornographie, faisant passer cette dernière au second plan.

Sur le plan des infractions à la LStup, bien que le Tribunal pénal l’eût acquitté du trafic de stupéfiants, il avait été condamné pour avoir cultivé, fabriqué ou produit de toute autre manière des stupéfiants et avoir, sans droit, possédé, détenu ou acquis des stupéfiants ou s’en être procuré de tout autre manière. Selon l’acte d’accusation, la quantité de plants de marijuana n’était pas négligeable, indépendamment du poids.

Le bien juridique protégé par la LStup, soit la santé publique, était important et devait prévaloir sur l’intérêt privé de l’intéressé à obtenir une carte professionnelle afin d’exercer la profession de chauffeur de taxi.

Il convenait de tenir compte de la jurisprudence en matière de droit des étrangers, dès lors qu’aucun motif ne justifiait d’être plus clément pour l’examen du droit de demeurer en Suisse pour y exercer une activité lucrative que dans l’examen de l’opportunité de pouvoir exercer la profession de chauffeur de taxi en particulier.

Le CBVM était sans pertinence, les infractions ayant donné lieu à un jugement prononcé dans les trois années précédant le dépôt de la requête et figurant dans l’extrait du casier judiciaire. L’appréciation du commissaire de police quant à l’honorabilité du requérant ne liait pas la direction s’agissant de l’examen des conditions de délivrance de la carte professionnelle de chauffeur de taxi.

La direction était liée par la procédure pénale. Il ne pouvait pas tenir compte des circonstances en lien avec la pandémie du Covid-19, selon lesquelles le jugement du 22 août 2022 aurait probablement été rendu plus tôt sans ladite épidémie, ce qui aurait permis à l’intéressé de se prévaloir d’un extrait de casier judiciaire vierge les trois années précédant le dépôt de sa requête.

Enfin, la peine de 150 jours-amende infligée dans le jugement étant proche du maximum légal prévu, elle ne permettait pas de minimiser l’importance des infractions commises.

Les conditions d’octroi de la carte professionnelle de chauffeur n’étaient pas remplies. Cette restriction à l’exercice de l’activité de chauffeur de taxi à titre professionnel était proportionnée et justifiée au regard de la sécurité du public, plus précisément des dimensions liées à la sécurité routière, la protection des usagers et la réputation de la profession.

Une nouvelle requête en délivrance de la carte professionnelle pourrait être déposée à la fin du délai de trois ans suivant le jugement du 22 août 2022.

C. a. Par acte du 31 mai 2024, A______ a interjeté recours contre cette décision devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Il a conclu à son annulation et à l’admission de sa requête. Subsidiairement, la cause devait être renvoyée à la direction pour nouvelle décision.

Il s’était lancé dans la cultivation de CBD. Les teneurs en THC de certaines plantes, non établies dans le cadre de la procédure pénale, étaient trop élevées. Il n’avait pas été condamné pour des actes de vente de cannabis mais uniquement pour en avoir cultivé et détenu. Il ne consommait plus de cannabis, de quelque type que ce soit (THC ou CBD) depuis son arrestation en janvier 2020.

Les art. 7 de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 13 octobre 2016 (LTVTC - H 1 31) et 6 du règlement d’exécution de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 21 juin 2017 (RTVTC - H 1 31 01) avaient été violés. La disposition légale impliquait des actes réitérés. Tel n’avait pas été son cas puisqu’il avait été condamné pour un seul complexe de faits, du 15 janvier 2020, soit plus de quatre ans auparavant. Sans la pandémie, il aurait été jugé bien plus tôt.

S’agissant du risque de récidive, la direction se basait sur une jurisprudence applicable en matière de droit des étrangers. L’état de fait n’était pas comparable. De surcroît, la jurisprudence précisait que la seule existence d’antécédents pénaux ne permettait pas de conclure automatiquement que l’étranger constituait une menace suffisamment grave pour l’ordre et la sécurité publique. Il fallait procéder à une appréciation spécifique du cas. Or, la direction n’avait procédé à aucun examen concret. Il n’avait jamais fait l’objet d’une condamnation pénale, pour quelque motif que ce soit, depuis son arrestation du 15 janvier 2020. Il avait par ailleurs produit des tests médicaux qui démontraient qu’il ne consommait plus de cannabis. Cet élément n’avait pas été analysé. Elle aurait dû écarter le risque de récidive ou à tout le moins considérer qu’il n’atteignait pas le seuil pour pouvoir lui refuser la délivrance de la carte professionnelle.

Enfin, la condamnation du 22 août 2022 avait été prononcée dans un cadre autre que celui de la présente procédure. Il était, entre-temps, devenu père de famille et souhaitait s’orienter vers une profession qui puisse lui permettre de subvenir aux besoins des siens. Il avait obtenu d’excellents résultats aux examens utiles pour entrer dans la profession.

Dans un second grief, il se plaignait d’un abus du pouvoir d’appréciation de la direction s’agissant de la gravité de l’infraction qu’il avait commise. Il avait été condamné en application de l’al. 1 et non de l’al. 2 de l’art. 19 LStup. À peine 150 jours-amende avaient été infligés pour le concours de deux infractions. Si elles avaient été considérées comme graves, le Tribunal de police aurait eu la possibilité de prononcer une peine privative de liberté. Tel n’avait pas été le cas.

b. La direction s’en est rapportée à justice quant à la recevabilité du recours et a conclu à son rejet. Elle a indiqué avoir été interpellée par la police du commerce du canton de Vaud, par un courrier du 3 juin 2024, dans le cadre d’une reconnaissance extracantonale. Il souhaitait savoir si A______ était toujours au bénéfice d’une autorisation de chauffeur pratiquant le transport de personnes à titre professionnel ou si celle-ci lui avait été retirée. Or, le canton de Genève ne lui avait pas délivré d’autorisation.

c. Dans sa réplique du 26 juillet 2024, le recourant a indiqué avoir initié des démarches auprès des autorités vaudoises pour obtenir une autorisation cantonale de chauffeur pratiquant le transport professionnel de personnes. Il n’avait caché aucun élément à cet effet. Il joignait copie de sa demande.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le recourant se plaint d’une violation des art. 7 LTVTC et 6 RTVTC.

2.1 La LTVTC a pour objet de réglementer et de promouvoir un service de transport professionnel de personnes efficace, économique et de qualité (art. 1 al. 1 LTVTC). Elle vise à garantir la sécurité publique, l’ordre public, le respect de l’environnement et des règles relatives à l’utilisation du domaine public, la loyauté dans les transactions commerciales, la transparence des prix, ainsi que le respect des prescriptions en matière de conditions de travail, de normes sociales et de lutte contre le travail au noir, tout en préservant la liberté économique (at. 1 al. 2 LTVTC).

2.2 L’activité de chauffeur de taxi est soumise à autorisation préalable (art. 6 al. 1 LTVTC). Les autorisations et immatriculations sont délivrées sur requête, moyennant le respect des conditions d’octroi (art. 6 al. 3 LTVTC).

La carte professionnelle de chauffeur vaut autorisation d’exercer, en qualité d’employé ou d’indépendant, la profession pour laquelle le diplôme visé à
l’art. 8 LVTC a été obtenu. La carte professionnelle de chauffeur de taxi permet en outre d’exercer la profession de chauffeur de taxi et de chauffeur de VTC (art. 7
al. 1 LTVTC).

La carte professionnelle est délivrée au chauffeur à plusieurs conditions décrites à l’art. 7 al. 3 LTVTC dont n’avoir pas fait l’objet, dans les trois ans précédant le dépôt de la requête, de décisions administratives ou de condamnations incompatibles avec l’exercice de la profession, telles que définies par le Conseil d’État (let. e).

Le requérant qui veut obtenir le diplôme de chauffeur de taxi ou de chauffeur de VTC doit réussir les examens attestant les connaissances et l’expérience nécessaires à l’exercice de ces professions (art. 8 al. 1 LTVTC).

2.3 L’art. 6 al. 2 RTVTC prévoit que sont considérées comme incompatibles avec l’exercice de la profession de chauffeur de taxi ou de VTC, au sens de l’art. 7 al. 3 let. e LTVTC, les condamnations pénales et décisions administratives prononcées pour infractions : a) au droit pénal suisse ou étranger, en particulier les condamnations prononcées pour infractions contre la vie, l’intégrité corporelle, l’intégrité sexuelle ou le patrimoine ; b) aux règles de la circulation routière ayant mené au retrait du permis de conduire en application des art. 15d, 16b, 16c, 16c bis ou 16d de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01) ; c) aux prescriptions du droit fédéral ou cantonal régissant l’activité des chauffeurs professionnels ainsi qu’aux exigences liées aux véhicules ; d) aux prescriptions de la loi et du RTVTC ayant mené à un retrait de la carte professionnelle de chauffeur.

La direction tient compte de la gravité des faits, de leur réitération, du temps écoulé depuis le prononcé de la sanction ainsi que du risque de récidive (art. 6 al. 3 RTVTC).

2.4 La LTVTC a fait l’objet d’une « refonte » entrée en vigueur le 1er novembre 2022. En ce qui concerne le nouvel art. 7 al. 3 let. 2 LTVTC relatif aux décisions et condamnations incompatibles avec l’exercice de l’activité, le projet de loi du 26 février 2020 (PL 12649) proposait de réduire la période durant laquelle ces décisions devaient être prises en compte à trois ans au lieu de cinq, pour ne pas restreindre de manière excessive l’accès à la profession ; en pratique, il s’était en effet révélé délicat de refuser la délivrance de la carte professionnelle pour des condamnations prononcées cinq ans auparavant et concernant des infractions plus anciennes encore ; il était précisé que les infractions aux règles de la circulation ayant mené à un retrait de permis de conduire, ainsi que les infractions au droit pénal commun, en particulier celles contre la vie, l’intégrité corporelle, l’intégrité sexuelle ou le patrimoine, constituaient des décisions et condamnations incompatibles avec l’exercice de l’activité (PL 12649 p. 30).  

2.5 Dans sa jurisprudence relative à l’art. 11 al. 2 let. b aLTVTC, la chambre administrative avait :

- partiellement admis le recours d’un chauffeur de taxi contre un refus de délivrer une autorisation d’usage accru du domaine public (AUADP) au motif d’une condamnation, datant de mars 2015, à 360 jours-amende pour infractions aux art. 163, 164 et 166 CP (titre 2 relatif aux infractions contre le patrimoine, et appartenant aux crimes ou délits dans la faillite et la poursuite pour dettes). Les faits objets de cette condamnation n’avaient pas été accomplis dans l’exercice de sa profession de chauffeur. En refusant d’octroyer au recourant une AUADP au motif de cette seule condamnation, et sans examiner si celle-ci était effectivement incompatible avec l’exercice de sa profession de chauffeur, le PCTN avait commis un excès de son pouvoir d’appréciation, si bien que sa décision devait être annulée. Au vu de l’existence d’une procédure pénale en cours pour viol contre le recourant, mentionnée par le PCTN dans sa réplique, il convenait de lui retourner le dossier pour qu’il décide s’il fallait suspendre l’examen de la requête jusqu’à droit connu dans cette procédure, conformément à l’art. 6 al. 3 de l’aRTVTC (ATA/327/2018 du 10 avril 2018) ;

- admis le recours contre un refus de délivrance d’une autorisation d’usage accru du domaine public à un chauffeur de taxi en raison de trois condamnations pénales pour détournement de valeurs patrimoniales mises sous mains de justice. Les faits ayant conduit aux trois condamnations étaient survenus hors du cadre de son activité professionnelle de chauffeur de taxi et n’étaient pas des infractions dirigées contre une personne particulière. Le législateur avait pensé à des condamnations liées à des infractions routières graves et/ou répétées et à des condamnations liées à des actes portant atteinte à l’intégrité physique ou sexuelle d’autrui. Les infractions contre le patrimoine n’étaient pas mentionnées dans l’exposé des motifs joint au projet de loi. Par ailleurs, l’infraction dont il était question lésait la sécurité du public dans une faible mesure. L’autorité avait commis un abus de son pouvoir d’appréciation et a par là même privé le recourant d’accéder à une activité économique sans que cela soit justifié par l’intérêt public premier visé par la LTVTC, à savoir la sécurité du public (ATA/359/2018 du 17 avril 2018).

2.6 Dans un arrêt du 20 août 2024 (ATA/980/2024 du 20 août 2024 consid. 3), sur renvoi du Tribunal fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 2C_580/2023 du 17 avril 2024), la chambre de céans a relevé, dans le cadre d’une révocation de cartes professionnelles de chauffeur de taxi VTC, qu’en ce qui concernait la proportionnalité au sens étroit, le PCTN n’avait pas procédé à une pesée des intérêts en présence. Il n’avait, en particulier, pas tenu compte de la durée durant laquelle le recourant ne pourrait plus travailler en tant que chauffeur professionnel. Il ne précisait pas non plus quelle date devait être prise en compte en lien avec le délai de trois ans de l’art. 7 al. 3 let. e LTVTC, qui soumettait l’octroi d’une carte de chauffeur à l’absence de condamnations incompatibles avec l’exercice de la profession « dans les 3 ans précédant le dépôt de la requête » (la date de la décision, celle de son entrée en force, de son exécution, etc.).

La décision querellée ne mentionnait pas non plus la situation personnelle du recourant et les conséquences que cette révocation aurait sur sa situation économique, à savoir que le recourant était chauffeur professionnel depuis quinze ans, que la révocation de ses cartes professionnelles l’empêcherait de travailler en tant que chauffeur et le priverait de son revenu pendant de très nombreux mois, voire années et que le recourant avait trois enfants à charge. Au surplus, le PCTN n’avait pas appliqué l’art. 6 al. 3 RTVTC qui lui octroyait un pouvoir d’appréciation, dans le cadre d’une décision de révocation, en lien avec, outre la gravité des faits, leur réitération, le temps écoulé depuis le prononcé de la sanction ainsi que le risque de récidive.

Par conséquent, la décision querellée était annulée et le dossier renvoyé au PCTN pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

2.7 La chambre de céans a par ailleurs récemment admis partiellement plusieurs recours, renvoyant le dossier à la direction pour instruction complémentaire et nouvelle décision : la direction avait prononcé la révocation de cartes de chauffeur de manière automatique en présence d’une infraction mentionnée à l’art. 6 al. 2 let. b RTVTC, estimant être privée de pouvoir d’appréciation dans ce cas. Cette pratique était contraire à la loi, relevant d’un excès négatif du pouvoir d’appréciation. La direction ne pouvait se fonder sur la condamnation de l’office cantonal des véhicules pour révoquer son autorisation d’exercer sans examiner si celle-ci était effectivement incompatible avec l’exercice de la profession de chauffeur dans les circonstances d’espèce (ATA/78/2024 du 23 janvier 2024, arrêt de principe suivi notamment des ATA/100/2024 du 30 janvier 2024 ; ATA/174/2024 du 6 février 2024 ; ATA/267/2024 du 27 février 2024).

2.8 En l’espèce, le litige porte sur le refus de délivrance d’une carte de chauffeur en application de l’art. 7 al. 3 let. e LTVTC.

Le jugement sur lequel se fonde la direction fait état d’une infraction de pornographie, et à la LStup. La direction a relevé que la première était « au second plan » par rapport à la seconde, sans évoquer davantage l’infraction de pornographie. Aucune indication n’est donnée sur la façon dont l’autorité l’apprécie en termes de gravité des faits, de réitération, de temps écoulé depuis le prononcé de la sanction et du risque de récidive.

S’agissant des infractions à la LStup, la direction ne se détermine pas non plus sur sur les quatre éléments précités, prévus par l’art. 6 al. 3 RTVTC. Elle ne prend notamment pas position sur la production du test médical attestant de l’absence de consommation de marijuana.

De même, l’autorité intimée n’examine nullement la situation personnelle de l’intéressé, notamment son absence de formation, son jeune âge ou sa situation familiale.

Les différents intérêts doivent en conséquence être définis précisément, détaillés et pesés dans une décision motivée par l’autorité intimée. La chambre de céans ne se prononcera en conséquence pas en l’état sur les quelques éléments évoqués par la direction (refus de prise en compte du CBVM ; primauté de la « santé » publique sur les intérêts privés du recourant ; pertinence de la jurisprudence en matière de police des étrangers notamment), en l’absence d’une analyse détaillée, respectant l’art. 6 al. 3 RTVTC et permettant l’examen du respect du sous-principe de la proportionnalité au sens étroit.

Compte tenu des considérants qui précèdent, le recours sera partiellement admis.

3.             Vu cette issue, aucun émolument ne sera perçu. Une indemnité de procédure de CHF 800.- sera allouée au recourant, qui y a conclu (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 31 mai 2024 par A______ contre la décision de la direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 2 mai 2024 ;

au fond :

l’admet partiellement et annule la décision précitée ;

renvoie la cause à la direction du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir pour nouvelle décision au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 800.- à A______ à la charge de l’État de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Robert ANGELOZZI, avocat du recourant, ainsi qu’à la direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Patrick CHENAUX, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

J. PASTEUR

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :