Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1706/2022

ATA/1072/2024 du 10.09.2024 sur JTAPI/1238/2023 ( LCI ) , ADMIS

Descripteurs : AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS;CONFORMITÉ À LA ZONE;AUTORISATION DÉROGATOIRE(ART. 24 LAT);PROTECTION DE LA SITUATION ACQUISE
Normes : LAT.24; LAT.37a; OAT.43
Résumé : Recours d’une société exploitant une culture de champignons contre le refus d’effectuer des travaux complémentaires dans un bâtiment sis sur une parcelle en zone agricole, servant à une telle culture, construit au plus tard à la fin des années 1980, partiellement détruit en 2012, et en reconstruction depuis lors. Le bâtiment, servant à une culture hors sol non accessoire, n’était pas conforme à l’affectation de la zone. Il avait cependant été construit légalement, sur la base d’une autorisation délivrée avant l’affectation de la parcelle à la zone agricole en 1986. Il bénéficiait dès lors de la protection de la situation acquise, sur la base de art. 37a LAT et 43 OAT, lex specialis par rapport aux art. 24c LAT et 42 OAT pour les constructions répondant à la définition d’installation commerciale. Les conditions des articles précités ainsi que de l’art. 43a OAT étant remplies, l’autorisation de construire aurait dû être délivrée. Recours admis.
En fait
En droit

république et

canton de genève

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1706/2022-LCI ATA/1072/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 septembre 2024

3ème section

 

dans la cause

 

A______ Sàrl recourante
représentée par Me Christophe GAL, avocat

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 8 novembre 2023 (JTAPI/1238/2023)


EN FAIT

A. a. A______, devenue depuis le 2 juin 2022 A______ Sàrl (ci-après : la société), inscrite au registre du commerce le 25 octobre 2011, a pour but l’exploitation rurale d’une culture de champignons ainsi que toutes activités d’horticulture, paysagiste et pépiniériste.

b. Elle est propriétaire de la parcelle n° 2'020 (ci-après : la parcelle) de la commune de B______ (ci-après : la commune), d’une superficie de 28'132 m2, sise à 95.3% en zone agricole (les 4.7% en zone de bois et forêts étant sans pertinence), depuis le 4 juin 1987. La parcelle était précédemment affectée à la cinquième zone au sens de l’art. 13 al. 11 bis de l’ancienne loi du 27 avril 1940 sur les constructions et les installations diverses, de catégories A et B, réservées aux exploitations rurales, aux grands domaines de plaisance et aux villas, respectivement aux habitations et exploitations rurales ainsi qu’aux grands domaines.

La parcelle a une forme de rectangle d’environ 380 m de long et 68 m de largeur. Elle est longée au sud, dans sa longueur, par le chemin de C______, qui se termine en impasse à l’est de la parcelle.

Quatre immeubles y sont érigés, à l’adresse chemin de C______ 44, soit, de l’ouest à l’est, cadastrés sous nos 1______ de 34 m2, 2______ de 253 m2, 3______ de 939 m2 et 4______ de 1'469 m2.

c. Le bâtiment n° 4______ a été partiellement détruit lors d’un incendie aux alentours de 2012.

Sa reconstruction est l’objet du présent litige.

d. Plusieurs autorisations de construire ont été délivrées en lien avec la parcelle :

- DD 5______ délivrée le 14 juillet 1967 portant sur des « bâtiments de culture de champignons » ; les plans du 7 juin 1966, visés ne varietur le 3 juillet 1967, évoquent la construction, en trois étapes distinctes, d’un bâtiment de plus de 175 m de long, d’une largeur d’environ 20 m, auquel est accolé un bâtiment d’environ 80 m de long et 31 m de large comprenant dix « chambres » et trois tunnels d’incubation ; la construction projetée occupait l’espace sur lesquels seraient érigés les bâtiments nos 1______, 2______ et 3______, construits entre 1971 et 1980 selon le site du système d’information du territoire à Genève (ci-après : SITG) ;

- DD 6______ portant sur la création du bâtiment n° 4______ pour la culture de champignons avec six tunnels de production, des vestiaires, bureaux, logements de service, délivrée le 30 juillet 1980 à la suite de la demande déposée le 2 juin 1980 ; il ressort des plans que le bâtiment mesure environ 53 m de longueur et 26 m de largeur ;

il a été construit entre 1986 et 1990 selon le SITG ;

- DD 6______/2 délivrée le 18 août 1981 portant sur une citerne à mazout de 10'000 litres ;

- DD 6______/3 délivrée le 16 mars 1982 portant sur un studio de service dans le bâtiment n° 2______ ;

- M 7______ délivrée le 7 décembre 2012 autorisant la démolition du bâtiment n° 4______ à la suite de l’incendie ;

- DD 8______ délivrée le 7 décembre 2012 portant sur la reconstruction de la champignonnière avec six tunnels de production, bureaux, administration et chambres, installation de panneaux solaires en toiture et de sondes géothermiques ; selon le rapport d’entrée du 10 octobre 2012, le projet ne présentait aucun agrandissement par rapport au bâtiment prévu par la DD 6______ ; les plans du bâtiment n° 4______, visés ne varietur le 7 décembre 2012, mentionnaient en jaune les anciens tunnels, à démolir, et en rouge les nouvelles constructions ; la surface du bâtiment à construire était légèrement plus longue, mais moins large, que celle du bâtiment ayant brûlé ;

- DD 8______/2 délivrée le 26 septembre 2013 portant sur la remise en service des tunnels de production ; selon la description faite dans la demande déposée le 26 avril 2013, il s’agissait de renoncer à l’exécution de la halle modifiée, de rénover, réhabiliter et reconstruire partiellement la halle d’origine et de remettre en service les tunnels de production ; le bâtiment sinistré ne serait plus totalement démoli ; 1'469 m² seraient conservés ; les plans visés ne varietur le 27 septembre 2013 mentionnent, sans légende, en jaune l’emplacement de tunnels, en rouge six tunnels de production avec la mention « remise en service des tunnels de production dito existant avant sinistre », et en noir les aménagements conservés (soit à l’angle sud-est du bâtiment, au rez‑de‑chaussée : chaufferie, frigo, vestiaires et bureau ainsi qu’au premier étage : un appartement, un dépôt et un studio).

e. Le 6 novembre 2015, l’architecte de la société a informé le département de l’aménagement, du logement et de l’énergie, devenu le département du territoire (ci‑après : le département), que les travaux étaient en cours. Compte tenu des moyens financiers de sa mandante, deux tunnels de production de champignons avaient été réalisés sur les six prévus.

B. a. Le 11 juillet 2019, la société a déposé une demande complémentaire d’autorisation de construire auprès du département. Elle a été enregistrée sous la référence DD 8______/3.

La requête tendait à la « refermeture d’un couvert agricole existant, recréation d’une dalle intermédiaire ». Selon la correspondance de l’architecte du même jour, le projet déposé visait à retrouver le volume original du bâtiment avant sinistre, soit un bâtiment clos avec l’usage de la dalle intermédiaire, qui se trouvait à l’époque sur quatre tunnels à champignons. Cette fermeture de la halle permettrait de sécuriser les locaux et machines lorsque les bâtiments n’étaient pas occupés, les soirs, nuits et week-end, le bâtiment étant isolé de tout habitat ou autre activité.

Selon les plans, dans leur version du 2 juillet 2019, au rez-de-chaussée, quatre tunnels sont dessinés en jaune avec pour légende « à démolir/non réalisé ». Sont dessinés en rouge soit, selon la légende, « à construire », trois murs (dont deux d’environ 6 m de long) entourant une « plate-forme élévatrice » de 350 cm × 350 cm et un escalier ainsi que deux murs d’une longueur d’approximativement 20 m chacun pour les façades sud-est (comprenant quatre portes « EI 30 » avec sortie de secours) et nord-est pour fermer l’espace où se trouveraient les six tunnels de production. Les plans font encore état, en noir sous la rubrique « existant », de deux tunnels de production, une halle de manutention ainsi que divers locaux (chaufferie, frigo, un bureau et des vestiaires). À l’étage, il n’est pas fait mention d’éléments à démolir ou qui ne serait « pas réalisés ». Devraient être construits, en rouge, un mur, au sud du bâtiment, étant précisé que le bâtiment a un toit en pente de deux côtés, ainsi qu’un autre, à quelque 5 m à l’intérieur, afin de créer deux « vides ». L’espace créé par la pose de la dalle intermédiaire est défini par la mention « dépôt machine agricole conditionnement, d’une surface d’environ 580 m² ». Les murs encadrant la plate-forme élévatrice et l’escalier, à l’étage, sont aussi mentionnés en rouge. L’appartement de quatre pièces et le studio sont en noir. Il ressort des plans de coupe la construction d’une dalle aux fins de couvrir les tunnels de production et de faire de l’espace entre la dalle et la toiture, d’une hauteur d’environ 4 m à son point le plus haut et 1.99 m au plus bas, un dépôt « matériel champignon (sic) ».

b. Par courriel du 19 août 2019, la maire de la commune a notamment relevé que le couvert agricole était occupé par des véhicules divers, y compris un voilier, que la parcelle était à vendre, que la requête mentionnait que l’exploitant était agriculteur mais que le numéro d’exploitation était manquant, et qu’il était précisé que celui-ci cultiverait 250 m² de champignons, de sorte que la construction d’une dalle intermédiaire et la fermeture du hangar apparaissait disproportionnée.

En se référant à ce courriel, la commune a rendu un préavis négatif le 27 août 2019.

c. Une seconde version du projet a été proposée le 14 décembre 2020. Le courrier de l’architecte rappelait la volonté de remettre en service les quatre tunnels qui avaient été détruits par l’incendie et de réaliser un accès sécurisé sur la dalle de ces tunnels pour le stockage du matériel lié à la production des champignons.

Les plans modifiés au 7 décembre 2020 ne font plus mention de tunnels de production en jaune. La surface supplémentaire du 1er étage créée par l’installation de la dalle intermédiaire, dès lors que celle-ci couvre aussi les deux tunnels existants, est d’environ 776 m2.

d. Les préavis concernant la seconde version du projet de la direction des autorisations de construire (ci‑après : DAC) du 15 décembre 2020, de la police du feu du 21 décembre 2020, de la commission consultative de la diversité biologique (ci-après : CCDB) du 15 janvier 2021, de l’office cantonal de l’eau (ci-après : OCEau) du 28 janvier 2021, de l’office cantonal de l’énergie (ci-après : OCEn) du 2 février 2021 étaient favorables, en partie sous conditions ou sans observations.

Un nouveau préavis n’a pas été requis du service de l’air, du bruit et des rayonnements non ionisants (ci-après : SABRA) et du service de géologie, sols et déchets (ci-après : GESDEC), lesquels avaient émis des préavis favorables les 12 et 20 août 2019.

e. Les préavis de l’office cantonal de l’agriculture et de la nature (ci-après : OCAN) du 15 février 2021, de l’office de l’urbanisme (ci-après : OU) du 22 février 2021 et de la commune du 27 janvier 2021 étaient défavorables.

ea. Pour l’OCAN, les travaux ne concernaient pas un projet agricole et sa viabilité économique n’était pas démontrée. Le requérant, D______, n’était plus associé ni gérant de la société selon le registre du commerce.

eb. Selon l’OU, le projet n’était pas conforme à l’affectation de la zone et l’augmentation de la surface de stockage excédait les 100 m2. L’autorisation ne pouvait dès lors être délivrée que si l’agrandissement était indispensable au maintien de l’entreprise, ce qui n’avait pas été démontré.

ec. Pour la commune, le contenu du dossier portait à confusion dans la mesure où il présentait deux types de plans. Le formulaire principal était caduc, le nouveau propriétaire étant représenté par E______, et non D______, et la signature pour le propriétaire était celle de l’architecte, qui ne semblait pas avoir de procuration. La case « Agriculteur » était cochée sous propriétaire, ce qui ne paraissait pas justifié. Enfin, plusieurs autorisations avaient été déposées sur cet ouvrage depuis 2007, sans qu’un réel projet de champignonnière soit développé. Au contraire, des abus avaient régulièrement été constatés sur l’utilisation des locaux.

La commune évoquait différentes autorisations : une DD 9______ en 2007 relative à un changement d’affectation en logements qui avait été refusé ; une DD 103'378 en 2010 pour l’aménagement d’un appartement de fonction qui avait été acceptée mais pour laquelle aucun chantier n’avait été ouvert ; une DD 8______/1 en 2012 pour la construction d’une champignonnière, encore en chantier sur SAD Consult, ce qui laissait présumer qu’il n’y avait pas eu de permis d’occuper ; une DD 10______ en 2013 pour l’installation de panneaux photovoltaïques qui avait été acceptée mais pour laquelle aucun chantier n’avait été ouvert ; une DD 8______/2 en 2013 pour la remise en service des tunnels mais pour lequel aucun chantier n’avait été annoncé ouvert selon SAD Consult ; une DD 11______/1 en 2019 pour la transformation de la champignonnière avec un agrandissement de laitages à l’intérieur du volume, laquelle avait été refusée ; et une DD 8______/3 en juillet 2019 avec suppression de quatre tunnels de production, aménagement d’un dépôt agricole et la régularisation de l’infraction I/12______. La commune regrettait qu’aucune véritable production de champignons n’ait pu se faire.

f. Le 4 mars 2021, l’architecte, en réponse aux préavis négatifs, a relevé que la DD 8______/2 était toujours en force et que la société continuait la réalisation des travaux tels qu’autorisés. La description de l’objet de la DD 8______/3 était toutefois fausse : il ne s’agissait pas de supprimer quatre tunnels de production et d’aménager un dépôt agricole, ni d’aménager une surface de stockage, mais d’adapter l’autorisation de construire qui visait à remettre les quatre tunnels de production manquants, autorisés, et de pouvoir accéder par escalier et monte‑charge à la dalle au-dessus de ces tunnels, qui existaient avant l’incendie. Il n’y avait pas d’aménagement supplémentaire d’un dépôt agricole et d’une surface de stockage dans la mesure où celle-ci existait avant l’incendie. L’autorisation DD 8______/2 en faisait déjà mention.

g. Le 9 mars 2021, la DAC a préavisé favorablement.

h. Par décision du 7 avril 2022, le département a refusé la DD 8______/3.

L’exploitation envisagée n’était pas tributaire du sol, la production des champignons devant se faire en tunnel. La requérante n’avait pas indiqué vouloir s’adonner à une autre forme de culture maraichère ou horticole. Elle ne démontrait pas que l’un ou l’autre de ses associés gérants serait au bénéfice du statut d’agriculteur ou d’horticulteur. Sur cette base, elle ne pouvait pas se prévaloir de sa volonté de réaliser des constructions ou installations qui seraient destinées au développement interne de son exploitation puisque sa parcelle n’était pas dévolue principalement à une exploitation tributaire du sol, étant rappelé que la production indépendante devait demeurer accessoire. Les aménagements proposés n’étaient ainsi pas conformes à l’affectation de la zone agricole.

L’art. 24 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700) n’apparaissait pas applicable dès lors qu’il n’avait pas été démontré que les tunnels de production de champignons et le nouvel espace de stockage s’imposeraient par leur destination. Ces installations n’avaient pas leur place en zone agricole et pourraient être édifiées en zone à bâtir.

La société ne pouvait pas se prévaloir de la mise en œuvre de l’art. 24a LAT, dès lors que les travaux de transformations prévus n’apparaissaient pas compatibles avec l’éventuel changement d’affectation auquel cette disposition faisait référence.

Le bâtiment ayant été érigé après le 1er juillet 1972, la société ne pouvait pas se prévaloir de la situation acquise, garantie à l’art. 24c LAT.

Enfin, les art. 37a LAT ainsi que 43 et 43a de l’ordonnance sur l’aménagement du territoire du 28 juin 2000 (OAT - RS 700.1) n’apparaissaient pas pouvoir être mis en œuvre, le bâtiment ayant été édifié postérieurement au 1er janvier 1980 et tant l’OCAN que l’OU s’étant opposés à l’application de ces dispositions.

i. Par décision du même jour, le département a notamment ordonné à la société de rendre la typologie et les affectations de base au bâtiment n° 4______ conforme à la DD 8______/1.

Cette décision a été attaquée devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI). La procédure (A/1728/2022) est actuellement suspendue.

C. a. Par acte du 23 mai 2022, la société a interjeté recours contre la décision du 7 avril 2022 auprès du TAPI, concluant à son annulation et à la délivrance de la DD 8______/3. Elle a préalablement requis l’audition des parties et un transport sur place.

b. Par jugement du 8 novembre 2023, le TAPI a rejeté le recours.

Le litige portait sur la décision de refus de la demande d’autorisation de construire déposée en juillet 2019, dont l’objet était la réalisation de quatre tunnels de production de champignons, d’une surface de stockage à l’étage, d’une plateforme élévatrice et d’un escalier d’accès ainsi que de murs. Le fait que les quatre tunnels de production de champignon avaient déjà été autorisés par des décisions qui étaient en force selon le département et la recourante n’impliquait nullement que l’objet de la demande devait être réduit et l’analyse du TAPI ainsi cantonnée aux éléments restants. Par conséquent, il se prononcerait sur tous les points résultant de la décision entreprise. La question de savoir pourquoi la recourante avait sollicité une autorisation de construire sur quatre tunnels de production de champignons alors que ceux-ci étaient déjà autorisés ne serait pas investiguée. En particulier, il ne serait pas examiné si les DD 8______/1 et DD 8______/2 seraient devenues caduques s’agissant de ces quatre tunnels ou si la recourante considérait y avoir renoncé, de sorte qu’elle les aurait à nouveau requises. Les questions annexes de savoir si un requérant pouvait renoncer à exécuter entièrement une autorisation de construction délivrée une fois le chantier débuté et si un tel chantier pouvait demeurer ouvert pendant une dizaine d’années seraient aussi laissées ouvertes.

L’exploitation envisagée n’était pas tributaire du sol dans la mesure où la production des champignons se faisait exclusivement en tunnels. Les constructions/installations sollicitées dans la demande de juillet 2019 ne pouvaient pas être considérées comme conformes à la zone agricole. Le département pouvait, à juste titre, rejeter cette demande, sous réserve de l’octroi d’une dérogation ou de la reconnaissance de la situation acquise.

Les quatre tunnels de production de champignons, une surface de stockage à l’étage, une plateforme élévatrice et un escalier d’accès ainsi que des murs ne remplissaient pas les conditions requises par les art. 24 LAT et 27 LaLAT. En effet, leur implantation n’était à l’évidence pas imposée, par leur destination, hors de la zone à bâtir. Ils n’étaient dictés par aucune nécessité technique, économique ou inhérente à la nature du sol propre à justifier une dérogation générale au sens de l’art. 24 LAT. La recourante ne pouvait pas non plus se prévaloir de l’art. 24a LAT puisque des travaux de transformation au sens de l’art. 22 al. 1 LAT avaient été sollicités. On ne se trouvait donc pas dans un cas de changement d’affectation sans incidence sur le territoire. La dérogation de l’art. 24c LAT, précisée à l’art. 42 OAT, requérait, en tant que condition préalable, que les constructions et installations en cause existent déjà physiquement. Or, tel n’était le cas en l’espèce ni des quatre tunnels de production de champignons, ni de la nouvelle surface de stockage à l’étage, ni de la plateforme élévatrice, ni de l’escalier d’accès, ni des murs requis. Une dérogation sur la base de cette disposition légale n’était donc pas possible.

En dernier lieu, les art. 37a LAT ainsi que 43 et 43a OAT ne pouvaient pas être appliqués puisque le bâtiment en cause avait été édifié postérieurement au 1er janvier 1980 et que tant l’OCAN que l’OU s’étaient opposés à une telle mise en œuvre.

Le refus du département était fondé.

Le fait qu’il ait autorisé dans le passé une certaine construction, respectivement installation n’impliquait nullement qu’il soit tenu ad aeternam par une telle autorisation. La jurisprudence avait retenu qu’une autorisation de construire ne créait pas de droits acquis. Partant, le fait que le département ait autorisé dans les années 1980, puis en 2012-2013, six tunnels de production de champignons – dont deux avaient été construits – ne signifiait pas qu’il doive à nouveau autoriser les quatre tunnels restants. Une telle autorisation serait d’ailleurs sans réel objet, ces tunnels étant déjà été autorisés et le département exigeant au surplus leur réalisation. Il en allait de même pour la surface de stockage à l’étage et de l’escalier. Quand bien même ces éléments auraient été autorisés en 1980, le département n’avait pas l’obligation de les autoriser à nouveau suite à la demande de juillet 2019. La plateforme élévatrice et les murs n’avaient jamais été autorisés et la question d’un droit acquis à leur égard ne se posait donc pas. Aucun élément du dossier ne permettait de retenir une violation du principe de la bonne foi. Il ne résultait en effet pas que le département ait assuré ou promis à la recourante qu’un permis de construire accordant les éléments qu’elle avait sollicités en juillet 2019 lui serait accordé.

D. a. Par acte du 8 décembre 2023, la société a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement du 8 novembre 2023. Elle a conclu à son annulation, à celle de la décision de refus d’autorisation de construire et à ce qu’il soit ordonné au département de délivrer cette dernière. Préalablement, une comparution personnelle des parties, l’audition de témoins et une inspection locale devaient être ordonnés.

Le bâtiment n° 4______ avait été édifié au début des années 80, au bénéfice de l’autorisation DD 6______ du 30 juillet 1980. Il avait, dès son origine, été destiné à la culture des champignons, la champignonnière ayant été autorisée dès 1965. À la suite de l’incendie de 2012, deux autorisations de construire avaient été accordées en vue notamment de l’agrandissement du bâtiment n° 4______ et des tunnels de production.

La requête litigieuse visait uniquement à adapter l’autorisation de construire DD 8______/2 en y ajoutant la possibilité d’accéder par escalier et monte-charge intérieur à la dalle située au-dessus des tunnels, laquelle existait avant l’incendie. L’adjonction d’une circulation verticale, nécessaire à l’exploitation dans de bonnes conditions, notamment sécuritaire, était donc le seul aménagement nouveau requis.

Des faits nouveaux s’étaient produits. En date du 15 novembre 2023, le département avait accordé à la recourante une autorisation de construire DD 13______/1, laquelle portait sur la régularisation de deux places bétonnées situées devant les bâtiments nos 1______, 2______ et 3______, utiles pour la production des champignons. Cette autorisation était soumise à la condition expresse que soit maintenue l’affectation de la parcelle à la production de champignons.

Le TAPI avait constaté les faits de façon inexacte. La requête du 11 juillet 2019 ne comprenait ni la réalisation de nouveaux tunnels ni celle d’un nouvel espace de stockage.

Son droit d’être entendue avait été violé. L’audition des parties était nécessaire pour comprendre la détermination du département. Tout en refusant l’autorisation, il avait requis de la société de remettre en état le bâtiment n° 4______ conformément à la précédente autorisation, prévoyant l’agrandissement des mêmes tunnels. Il avait aussi autorisé le maintien de deux places bétonnées en vue de la production de champignons. Sur le fond, cette posture contrevenait au principe de la bonne foi. Le TAPI ne pouvait pour le surplus pas conclure à l’absence de nécessité des installations en cause sans transport sur place.

Les art. 24, 24c ainsi que 37a LAT avaient été violés. Le bâtiment n° 4______ avait été autorisé par les autorités, conformément à sa destination, et il était venu s’ajouter aux bâtiments existants, autorisés depuis 1965. Peu importait que l’autorisation fût postérieure à 1980, un traitement différent de celui d’un bâtiment construit en 1979 étant incompatible avec le principe de l’égalité de traitement. L’autorisation litigieuse portait en outre sur une amélioration nécessaire de la structure existante, consistant à remplacer de vieilles échelles amovibles par un monte-charge.

b. Le département a conclu au rejet du recours.

Le mandataire professionnellement qualifié (ci-après : MPQ) avait indiqué au département, dans son courrier du 4 mars 2021, que « l’intitulé de la description de l’objet est fausse dans la mesure où il ne s’agit pas de la suppression de quatre tunnels de production et de l’aménagement d’un dépôt agricole, ni de l’aménagement d’une surface de stockage, mais bien de l’adaptation de l’autorisation de construire DD 14______/2 visant à remettre les quatre tunnels de productions manquants déjà autorisés et de pouvoir accéder par escalier et monte‑charge à la dalle au-dessus de ces tunnels qui était existante avant l’incendie ».

Une éventuelle incohérence était due à la recourante. Les tunnels de production figuraient en jaune, correspondant à une démolition, sur les plans pour laisser place à un espace de dépôt de machines agricoles et de conditionnement. La décision de rendre la typologie et les affectations de base conformes à la DD 8______/1 faisait suite à une séance dans les locaux du département avec l’avocat de la société, ce dernier ayant évoqué le souhait de sa cliente de mettre en œuvre l’autorisation de construire initialement délivrée. L’autorisation récemment octroyée portait uniquement sur la régularisation de deux places bétonnées situées devant trois bâtiments autorisés le 14 juillet 1967. Elle était sans influence sur le bâtiment n° 4______.

La demande portait initialement sur la suppression des tunnels. Par courrier du 4 mars 2021, la société avait fait part de sa volonté de mettre en service ces tunnels, ce qui avait été considéré comme une volonté de les aménager alors qu’il n’était, à l’époque, toujours pas installés. Par ailleurs, l’espace de stockage n’avait jamais été autorisé. Aucun des plans des différentes autorisations délivrées (DD 6______, DD 8______/1 et DD 8______/2) n’y faisaient allusion.

Le fait qu’une zone de production et de stockage ait préexisté n’avait pas pour conséquence que les aménagements en cause s’imposeraient par leur destination au sens de l’art. 24 LAT. L’art. 24c LAT était inapplicable au bâtiment n° 4______ qui avait été érigé certes légalement, mais postérieurement à 1972, ainsi qu’au 1er janvier 1980, ce qui excluait aussi l’application de l’art. 37a LAT. La société ne pouvait bénéficier de l’exception prévue par cette disposition au motif que le bâtiment n° 4______ s’inscrivait dans une exploitation autorisée depuis le 14 juillet 1967.

La délivrance d’une autorisation ne créait aucun droit acquis et la société n’avait reçu aucune assurance quant à l’octroi d’une autorisation de construire complémentaire.

c. Dans leur réplique et duplique, la société et le département ont persisté dans leurs conclusions, ensuite de quoi la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             2.1 La recourante sollicite une audience de comparution des parties, l’audition de témoins et un transport sur place alors que le département s’y oppose.

La recourante fait par ailleurs grief au TAPI d’avoir violé son droit d’être entendue en refusant de les ordonner avant de rendre son jugement.

2.2 Au vu de l’issue du litige et conformément aux considérants qui suivent, il n’est pas nécessaire de procéder aux actes d’instruction sollicités par la recourante.

La question de savoir si le TAPI a violé le droit d’être entendue de la recourante souffrira de rester indécise compte tenu de ce qui suit.

3.             3.1 La recourante se plaint d’une constatation inexacte des faits pertinents. Le TAPI aurait retenu, à tort, que la requête portait sur la réalisation de quatre tunnels de production de champignons et d’une surface de stockage à l’étage, éléments qui seraient déjà couverts par la précédente autorisation de construire (DD 8______/2).

3.2 Il ressort du dossier que les six tunnels de production ont été autorisés préalablement à la DD 8______/3 litigieuse.

Cette dernière porte sur la construction de deux façades (sud-est et nord-est, rez‑de‑chaussée et premier étage) ainsi que sur la façade nord-ouest (premier étage), sur des murs intérieurs devant servir d’une part pour la plate-forme élévatrice et l’escalier (rez-de-chaussée et premier étage) et d’autre part à créer deux vides (premier étage).

Les parties divergent sur la question de savoir si les quatre tunnels mentionnés en jaune uniquement dans les plans dans leur version du 2 juillet 2019 sont à démolir. La légende précise toutefois que la couleur jaune indique les éléments « à démolir/non réalisé ». Il n’est pas contesté que quatre des six tunnels ne sont pas construits.

L’architecte a précisé, au dépôt de la requête, par courrier du 11 juillet 2019, que « le projet déposé vise à retrouver le volume original du bâtiment avant sinistre, soit un bâtiment clos avec l’usage de la dalle intermédiaire, qui se trouvait à l’époque sur les quatre autres tunnels à champignons ». Cette première correspondance n’évoque que la « refermeture d’un couvert agricole existant et la recréation d’une dalle intermédiaire ».

Dans sa correspondance du 14 décembre 2020, l’architecte a fait part de « modifications demandées et apportées au projet » et de « la volonté de remettre en service les quatre tunnels qui avaient été détruits par l’incendie et réaliser un accès sécurisé sur dalle de ces tunnels pour le stockage de matériel lié à la production de champignons ».

Il en découle que si le projet original se limitait à la fermeture du hangar (deux parois) et la création d’une dalle intermédiaire, le litige concerne en définitive l’autorisation de l’installation d’une dalle au-dessus des six tunnels de production, dont deux sont existants et quatre à construire, de la fermeture complète de l’espace ainsi créé au premier étage et de l’installation d’un monte-charge et d’un escalier pour y donner accès.

Ne ressortit toutefois pas à la présente cause la construction des quatre tunnels de production précités, déjà autorisés, dont la recourante ne souhaite plus la démolition.

4.             Le litige a donc pour objet la conformité au droit du refus de l’autorisation concernant les travaux supplémentaires dans le bâtiment n° 4______ susdélimités.

4.1 Selon l’art. 14 al. 1 LAT, les plans d’affectation règlent le mode d’utilisation du sol (al. 1). Ils délimitent en premier lieu les zones à bâtir, les zones agricoles et les zones à protéger.

L’art. 16a 1ère phrase LAT définit comme conformes à l’affectation de la zone agricole les constructions et installations qui sont nécessaires à l’exploitation agricole ou à l’horticulture productrice, soit, conformément à ce que précise l’art. 34 al. 1 1ère partie OAT, qui servent à l’exploitation tributaire du sol ou au développement interne.

Aux terme de l’art. 16a al. 2 1ère phrase LAT, les constructions et installations qui servent au développement interne d’une exploitation agricole ou d’une exploitation pratiquant l’horticulture productrice sont conformes à l’affectation de la zone. L’art. 37 OAT précise que l’édification de constructions et installations destinées à la culture maraîchère et à l’horticulture selon un mode de production indépendant du sol est réputée développement interne si la surface de production indépendante du sol n’excède pas 35% de la surface maraîchère ou horticole cultivée et n’est pas supérieure à 5000 m2 (al. 1) La production est réputée indépendante du sol s’il n’y a pas de lien suffisamment étroit avec le sol (al. 2).

4.2 L’art. 22 LAT interdit toute construction et transformation sans autorisation de l’autorité compétente (al. 1), qui la délivre si la construction ou l’installation est conforme à l’affectation de la zone (al. 2 let. a) et si le terrain est équipé (al. 1 let. b).

Le droit fédéral prévoit des exceptions hors de la zone à bâtir (art. 24 LAT), notamment pour garantir les situation acquises (art. 24c et 37a LAT).

Conformément à l’art. 24c LAT, hors de la zone à bâtir, les constructions et installations qui peuvent être utilisées conformément à leur destination mais qui ne sont plus conformes à l’affectation de la zone bénéficient en principe de la garantie de la situation acquise et leur rénovation peut être autorisée. L’art. 41 al. 1 OAT limite l’application de cette disposition aux constructions et installations qui ont été érigées ou transformées avant l’attribution d’un bien-fonds à un territoire non constructible au sens de l’ancien droit fédéral, soit en premier lieu avant le 1er juillet 1972 (ATF 129 II 396 consid. 4.2.1).

L’art. 37a LAT, renvoyant aux conditions définies par le Conseil fédéral, s’applique aux constructions et installations à usage commercial sises hors zone à bâtir et non conformes à l’affectation de la zone, qui ont été érigées avant le 1er janvier 1980 ou qui sont devenues contraires à l’affectation de la zone en raison d’une modification du plan d’affectation. Sont visées par cette disposition les petites et moyennes entreprises de production (ATF 140 II 509 consid. 3.3).

Aux termes de l’art. 43 OAT, les changements d’affectation et les agrandissements de constructions et installations artisanales ou commerciales devenues contraires à l’affectation de la zone peuvent être autorisés (al. 1) : si la construction ou l’installation a été érigée ou transformée légalement (let. a) ; s’il n’en résulte aucun nouvel impact important sur le territoire et l’environnement (let. b) ; et si la nouvelle utilisation ne contrevient à aucune autre loi fédérale (let. c). La surface utilisée pour un usage non conforme à l’affectation de la zone peut être agrandie de 30%, les agrandissements effectués à l’intérieur du volume bâti existant comptant pour moitié (al. 2). Si l’agrandissement de la surface utilisée pour un usage non conforme à l’affectation de la zone en dehors du volume bâti existant excède 100 m2, il ne pourra être autorisé que s’il est indispensable au maintien de l’entreprise (al. 3).

Ces dispositions consacrent une extension de la garantie de la situation acquise (art. 24c LAT) afin de permettre aux entreprises commerciales ou artisanales sises hors de la zone à bâtir de maintenir leur activité, de se moderniser et de se restructurer afin de préserver les emplois, le cas échéant en changeant d’orientation, en leur accordant la flexibilité dont elles peuvent avoir besoin pour pouvoir demeurer compétitives. Il ne s’agit donc en aucun cas d’ouvrir des bâtiments commerciaux ou artisanaux désaffectés à des usages entièrement différents, ou de permettre l’installation en zone agricole d’entreprises entièrement nouvelles. Par cette réglementation spéciale, le législateur fédéral a entendu donner aux autorités cantonales une marge de manœuvre plus importante que celle octroyée à l’art. 24c LAT pour toutes les autres constructions. Pour pouvoir bénéficier du régime privilégié de l’art. 37a LAT, il faut que les constructions à usage commercial abritent à tout le moins une partie importante de l’entreprise (arrêt du Tribunal fédéral 1C_557/2021 du 28 mars 2023 condid. 3).

L’art. 37a LAT et l’art. 43 OAT constituent des lois spéciales par rapport à l’art. 24c LAT et à l’art. 42 OAT. En adoptant l’art. 37a LAT, les chambres fédérales ont voulu permettre aux entreprises commerciales sises hors zone à bâtir d’effectuer les restructurations indispensables au maintien de leur compétitivité. Dans une telle situation, il va de soi que les agrandissements correspondant à de tels objectifs doivent aussi faire l’objet de cette réglementation spéciale. L’art. 43 OAT traite uniquement des changements d’affectation et des agrandissements. Les rénovations et les reconstructions de constructions à usage commercial sises hors de la zone à bâtir sont à examiner à la lumière de l’art. 24c LAT et de l’art. 42 OAT (ATA/255/2024 du 27 février 2024 consid. 4.7).

En tout état de cause, selon l’art. 43a OAT, des autorisations dérogatoires ne peuvent être délivrées que si les conditions suivantes sont remplies : la construction n’est plus nécessaire à l’utilisation antérieure conforme à l’affectation de la zone ou imposée par sa destination ou le maintien de cette utilisation est assuré (let. a) ; le changement d’affectation n’implique pas une construction de remplacement que n’imposerait aucune nécessité (let. b) ; tout au plus une légère extension des équipements existants est nécessaire et tous les coûts supplémentaires d’infrastructure occasionnés par l’utilisation autorisée sont à la charge du propriétaire (let. c) ; l’exploitation agricole des terrains environnants n’est pas menacée (let. d) ; aucun intérêt prépondérant ne s’y oppose (let. e).

4.3 En l’espèce, le bâtiment n° 4______ concerné par les travaux en cause sert à la culture de champignons dans des tunnels de production sans lien direct avec le sol. Or, il ne résulte ni des pièces du dossier ni des allégations de la recourante que dans le cadre de son exploitation, sur la parcelle ou ailleurs, elle pratique la culture maraîchère ou horticole. Faute de représenter une part accessoire d’une telle culture, la production de champignons ne peut pas être considérée comme du développement interne au sens de 16a LAT.

Le bâtiment n° 4______, et ainsi les travaux envisagés, ne sont donc pas conformes à l’affectation de la zone agricole.

Il a cependant été construit, à une date indéterminée, aux débuts des années 80 selon la recourante, entre 1986 et 1990 selon le SITG, sur la base de la DD 6______, accordée le 30 juillet 1980, soit avant que la parcelle ne soit classée en zone agricole. Il est constant que la culture de champignons telle qu’autorisée par la DD 6______ était conforme à la précédente affectation de la parcelle. Le bâtiment n° 4______ est donc susceptible de bénéficier de la garantie de la situation acquise. Cela a par ailleurs déjà été le cas lors de sa reconstruction, autorisée par la DD 8______ en 2012 à la suite de sa destruction partielle, soit postérieurement à l’affectation de la parcelle à la zone agricole.

Le bâtiment n° 4______ sert à la culture de champignons et, constituant une petite entreprise, répond à la définition d’installation commerciale. La licéité des travaux d’agrandissement litigieux doit donc être analysée à l’aune des art. 37a LAT et 43 OAT, lex specialis par rapport aux art. 24c LAT et 42 OAT. Ces dispositions-ci s’appliquent en outre en premier lieu aux constructions érigées avant le 1er juillet 1972.

L’art. 37a LAT est applicable aux travaux litigieux, dans la mesure où le bâtiment n° 4______ a été construit certes après le 1er janvier 1980, mais sur la base d’une autorisation de construire délivrée avant l’affectation de la parcelle à la zone agricole, soit conformément à la précédente zone, et devenue contraire à l’affectation de la zone actuelle.

Le bâtiment n° 4______ a été construit au plus tard à la fin des année 80, partiellement détruit en 2012 puis reconstruit légalement, étant rappelé que cette reconstruction n’est pas terminée. Les travaux litigieux, dont le résultat sera peu visible de l’extérieur, n’entraînent aucun nouvel impact sur l’environnement et ne contreviennent à aucune autre loi fédérale. Ils auront pour effet de redonner au bâtiment l’apparence extérieure qu’il avait avant l’incendie. Sa surface sera en définitive augmentée par la construction de la dalle intermédiaire d’environ 776 m2. Étant intégrée au bâtiment existant, elle compte pour moitié, soit pour environ 338 m2, ce qui est inférieur au 30% de la surface du bâtiment n° 4______ de 1'469 m2, soit à 440.7 m2. Les travaux litigieux remplissent ainsi les conditions de l’art. 43 OAT. Ils ont plus généralement vocation à permettre à la recourante de poursuivre dans de meilleures conditions une activité commerciale débutée en toute légalité avant le changement d’affection de la zone

Les conditions de l’art. 43a OAT sont également remplies. En particulier, les travaux en cause ont pour conséquence de redonner au bâtiment n° 4______ son apparence avant l’incendie et d’agrandir sa surface de stockage, sans que cela soit visible de l’extérieur. Il continuera à servir à la production de champignons commencée dans les années 60. Il n’implique dès lors pas d’extension des équipements existants ni ne menace l’exploitation des terrains environnants.

Le préavis défavorable de l’OCAN du 15 février 2021 ne peut être suivi dès lors qu’il part du préalable que l’autorisation concerne la construction de quatre tunnels. De même, l’OU évoque un agrandissement de la surface en dehors du volume bâti excédant 100 m2 au sens de l’art. 43 al. 3 OAT. Or, conformément à ce qui précède, le volume de la construction a déjà été autorisé. Les modifications sont intérieures. Enfin, la commune se plaignant du dépôt de nombreuses autorisations sans « véritable production de champignons », ses griefs sont exorbitants au présent litige.

Bien fondé, le recours sera admis, le jugement du TAPI du 8 novembre 2023 ainsi que la décision du département du 7 avril 2022 annulés, et, conformément aux conclusions de la recourante (art. 69 al. 1 1ère phrase LPA), la cause sera renvoyée au département pour qu’il délivre l’autorisation de construire.

5.             Vu l’issue du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA) et une indemnité de procédure de CHF 2'000.- sera allouée à la recourante à la charge de l’État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 8 décembre 2023 par A______ Sàrl contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 8 novembre 2023 ;

au fond :

l’admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 8 novembre 2023 et la décision du département du 7 avril 2022 ;

renvoie la cause au département pour nouvelle décision dans le sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 2'000.- à A______ Sàrl à la charge de l’État de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Christophe GAL, avocat de la recourante, au département du territoire ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

J. PASTEUR

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :