Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/472/2023

ATA/968/2024 du 20.08.2024 ( DIV ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/472/2023-DIV ATA/968/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 août 2024

 

dans la cause

 

A______ ASSURANCES SA recourante
représentée par Me Nicolas GILLARD, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE LA SANTÉ ET DES MOBILITÉS intimé



EN FAIT

A. a. Le 24 juin 2015, le Conseil d’État du canton de Genève (ci-après : le canton) a arrêté la liste des hôpitaux admis à pratiquer à charge de l’assurance obligatoire des soins dans le canton en fonction de leurs mandats de prestations (ci-après : les AOS) à partir du 1er janvier 2015. La liste énonçait les missions médicales attribuées aux AOS. Ces dernières étaient présentées sous la forme d’un tableau, limitant les missions pour chaque établissement, à l’exception des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), division commune, admis à pratiquer dans tous les domaines. L’arrêté précisait qu’un nombre de cas ou de journées d’hospitalisation (ci-après : quotas) était fixé par chaque mandat de prestations.

B______ HÔPITAL PRIVÉ SA (ci-après : B______) exploite l’Hôpital et la Permanence de B______ à C______. Elle a été admise dans la liste hospitalière. Selon son mandat de prestations, le montant annuel facturable au titre d’AOS était plafonné à CHF 3'462'751.-. Il était également prévu une limite du nombre de cas facturables pour chaque mission médicale attribuée (quotas).

b. Saisi d’un recours de B______, le Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF), par arrêt du 16 janvier 2019, a annulé l’arrêté du 24 juin 2015 et renvoyé la cause au Conseil d’État pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

L’arrêté querellé n’était visé par le recours qu’en tant qu’il régissait le rapport juridique de B______, mandats de prestations compris, dès lors que la liste hospitalière y renvoyait expressément (consid. 4.1).

L’arrêté du 24 juin 2015 violait le droit et devait être annulé, en ce qui concernait B______, pour les trois motifs suivants (consid. 16.1, 22 et 25.4).

Premièrement, le Conseil d’État n’avait pas évalué correctement les besoins hospitaliers du canton, en ne tenant pas compte de l’ensemble des besoins des assurés ni des données relatives au flux de patients intercantonaux. Il s’était aussi écarté des critères prévus par la loi pour choisir l’offre devant être garantie par la liste hospitalière. La nouvelle planification devrait en particulier déterminer l’attribution des trois missions médicales refusées à B______ en se référant aux critères de l’économicité et de la qualité (consid. 16.1).

Deuxièmement, la limitation quantitative systématique des cas facturables au titre d’AOS fixée dans les mandats de prestations ne respectait pas le sens et l’esprit de la loi fédérale sur l’assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10), ni la libre concurrence et la concentration visées par la planification hospitalière (consid. 22). Une telle limitation imposée seulement aux cliniques privées, à l’exclusion des HUG, était de surcroît contraire au principe de l’égalité de traitement, dès lors que les mêmes critères objectifs devaient s’appliquer à tous les hôpitaux publics et privés (consid. 21.3.4).

Troisièmement, l’illicéité de la limitation quantitative systématique avait pour conséquence que le budget global de CHF 3'462'751.- imposé à B______, quoique conforme au droit sur le principe, violait la loi (consid. 25.3).

c. À la suite de l’arrêt du TAF, le Conseil d’État et B______ ont conclu un accord pour régulariser les mandats de prestations conclus sur la base de la liste hospitalière adoptée en 2015.

d. Le 11 décembre 2019, le Conseil d’État a arrêté une nouvelle liste des AOS, admettant notamment B______ et valable du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2023. Elle annulait et remplaçait celle du 24 juin 2015. Elle précisait que les AOS étaient admis dans les groupes de prestations pour lesquels ils étaient mandatés.

Le Conseil d’État a confié à B______ des mandats dans six groupes de prestations.

e. Par arrêt du 30 avril 2024, le TAF, saisi d’un nouveau recours de B______, laquelle concluait à l’attribution de groupes de prestations supplémentaires, a annulé l’arrêté du 11 décembre 2019 en ce qui concernait la précitée et renvoyé la cause au Conseil d’État pour nouvelle décision dans les sens des considérants. Il était arbitraire de refuser d’attribuer les mandats litigieux en raison d’une activité insuffisante alors que celle-ci résultait d’une limitation imposée jusqu’en 2019 par des quotas contraires au droit (consid. 10.1). Le Conseil d’État devrait procéder à un nouvel examen de la qualité et de l’économicité des prestations fournies par B______ dans les domaines concernés (consid. 10.3).

B. a. A______ Assurances SA (ci-après : A______) est une caisse maladie, offrant notamment des polices d’assurance-maladie complémentaire.

b. Le 14 juin 2021, elle a requis du département de la sécurité, de l’emploi et de la santé (actuellement département de la santé et des mobilités ; ci-après : le département) de lui verser CHF 9'455'710.-. Cette somme correspondait à l’intégralité des parts cantonales relatives aux prestations hospitalières fournies à ses assurés et prises en charge par l’assurance complémentaire, de janvier 2016 à décembre 2020.

Il résultait de l’arrêt du TAF du 16 janvier 2019 que la planification hospitalière du canton de Genève était contraire au droit. L’État devait en conséquence couvrir la part cantonale pour les patients disposant d’une couverture complémentaire. Il assumait un rôle d’assureur social et se situait sur le même pied que les assureurs sociaux dans le système des AOS. Le patient était le bénéficiaire et le détenteur de la prétention correspondant à la rémunération due par le canton à l’hôpital.

Pour faire valoir cette prétention en son nom, A______ s’est fondée sur l’art. 5 al. 2 de ses conditions générales, dont la teneur est la suivante : « Lorsqu’un assureur social était tenu de fournir les prestations et si nous les avons avancées, nous disposons d’un droit à votre égard ou vis-à-vis de l’assureur social d’en demander la restitution ».

A______ a produit la liste des cinq établissements, comprenant les HUG mais non B______, sur la rémunération desquelles elle réclamait le remboursement de la part cantonale (ci-après : la liste de A______).

c. Le département a répondu à A______ que sa demande lui apparaissait sans fondement. L’arrêt du TAF du 16 janvier 2019 ne concernait qu’une seule clinique, dont les prétentions étaient désormais réglées. Le canton avait par ailleurs modifié sa planification hospitalière depuis le 1er janvier 2020.

A______ a répliqué que si l’arrêt précité ne concernait effectivement qu’une seule clinique, le TAF avait considéré que la planification hospitalière du canton était entièrement illicite. Elle a requis, en cas de nouveau refus du département, une décision formelle.

Le département a persisté dans sa position, ajoutant que lorsqu’une créance correspondant à la part cantonale existait, elle était détenue par le prestataire de soins et non par l’assureur.

A______ ayant de nouveau sollicité une décision formelle, le département l’a renvoyée à ses précédentes déterminations.

d. Le 17 novembre 2021, A______ a saisi la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) d’un recours pour déni de justice, à laquelle il a été fait droit par arrêt du 12 avril 2022. L’assurance apparaissait potentiellement titulaire d’une créance à l’encontre du canton si elle s’était effectivement acquittée auprès de prestataires de la part de ce dernier. Le département devait dès lors rendre une décision formelle sujette à recours.

e. Par décision du 9 janvier 2023, le département a déclaré irrecevable la demande en paiement de A______ du 14 juin 2021.

L’assurance s’était acquittée de la part des coûts de prestations médicales stationnaires non pris en charge par l’assurance obligatoire au titre d’assurance complémentaire soumise à la loi fédérale sur le contrat d’assurance du 2 avril 1908 (loi sur le contrat d’assurance - LCA - RS 221.229.1). Sous l’angle de l’enrichissement illégitime, elle avait agi en toute connaissance de cause, de sorte que la créance alléguée était prescrite. Elle ne pouvait pas prétendre n’avoir eu connaissance de son dommage qu’au moment de la lecture de l’arrêt du TAF du 16 janvier 2019.

Elle n’avait en outre pas qualité pour agir contre le canton sur la base de la subrogation prévue dans ses conditions générales, non opposable à l’État et sans effet sur la titularité des droits des fournisseurs de prestations. S’étant acquittée d’un financement au titre de l’assurance complémentaire, elle n’avait de surcroît à aucun moment allégué avoir effectué une avance. Le canton n’était pas assimilable à un assureur social selon la jurisprudence et il n’avait pas vocation à financer une assurance complémentaire.

C. a. Par acte du 10 février 2023, A______ a interjeté recours contre la décision du 9 janvier 2023 auprès de la chambre administrative, concluant à ce que le département soit condamné à lui verser CHF 9'455'710.-, subsidiairement à l’annulation de la décision querellée et au renvoi de la cause à l’autorité intimée pour qu’elle rende une nouvelle décision dans le sens des considérants.

La motivation de la décision, limitée à quelques arguments épars nonobstant les enjeux financiers très élevés et le temps écoulé, était insuffisante.

La planification hospitalière du canton était contraire au droit selon l’arrêt du TAF du 16 janvier 2019, ce que l’autorité ne contestait pas.

Cette décision avait intégralement annulé ladite planification. En raison des limitations quantitatives illicites instaurées, le canton n’avait, à tort, pas pris en charge sa part aux coûts des prestations hospitalières dépassant les quotas pour les patients au bénéfice d’une assurance complémentaire. Cette part constituait une prestation destinée à rémunérer les soins prodigués en exécution de la LAMal, de sorte que le canton devait être placé sur le même pied que l’assureur social lui-même, comme le confirmaient jurisprudence et doctrine.

La jurisprudence rendue au sujet de l’art. 41 al. 3 aLAMal avait admis qu’un assureur pouvait être subrogé dans les droits de son assuré vis-à-vis du canton. Cette subrogation reposait également sur l’art. 72 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) ainsi que sur les conditions générales de A______. Celles-ci étaient opposables au canton dès lors que A______ avait fait l’avance de montants dus par ce dernier. Le fait que la part cantonale était en principe payée directement au prestataire de soins ne changeait rien au fait que l’assuré en fût le seul bénéficiaire. Il était dès lors détenteur d’une créance contre le canton équivalant à la part cantonale.

Les prétentions de A______ ne se fondaient pas sur un enrichissement illégitime, mais sur la subrogation précitée, de sorte que le raisonnement du département sur cette base tombait à faux. Le canton affirmait par ailleurs à tort que donner suite à la demande de A______ reviendrait à « subventionner » une assurance privée. Elle ne réclamait en effet que les montants correspondant à la part cantonale aux frais hospitaliers, laquelle aurait dû être versée si la planification hospitalière avait été réalisée conformément à la LAMal.

A______ a offert de produire une liste plus détaillée des factures hospitalières dont elle demandait le remboursement et requis la mise en œuvre d’une expertise.

b. Dans sa réponse, le département a conclu au rejet du recours et à la confirmation de sa décision.

Il n’avait pas violé le droit d’être entendu de A______. Sa décision faisait mention des éléments pertinents ayant conduit au rejet des prétentions de l’assurance. Celle-ci avait compris cette motivation, laquelle, suffisante pour justifier la décision de rejet, n’avait pas à être complétée.

L’arrêt du TAF du 16 janvier 2019 ne concernait que la situation juridique de B______. Les autres décisions de la liste hospitalière étant entrées en vigueur, l’arrêt ne s’appliquait pas à des tiers à la procédure. Le canton avait par ailleurs modifié son modèle de planification, sa liste hospitalière et les mandats de prestations à compter du 1er janvier 2020.

A______ était une assurance privée, dont les prestations étaient régies par la LCA et non par la LAMal ou la LPGA. Elle ne pouvait dès lors invoquer la subrogation fondée sur l’art. 72 LPGA. Cette disposition concernait en outre les situations dans lesquelles un tiers causait un dommage à l’assuré par un acte illicite. L’art. 49a LAMal n’accordait au surplus aucun droit à une compagnie d’assurance privée et la jurisprudence n’avait jamais reconnu l’existence d’un droit subjectif d’un assuré envers son canton de résidence à recevoir le paiement de la part cantonale.

La subrogation prévue dans les conditions générales de A______ n’était pas opposable au canton, non assimilable à un assureur social, et cette dernière n’avait pas effectué les versements litigieux au titre d’avances sur les prestations dues par le canton, mais de financements inconditionnels en qualité d’assurance complémentaire.

c. Sur suggestion de A______ acceptée par la chambre administrative, l’assurance a produit un mémoire complémentaire relatif à quatre points qu’elle avait abordés, à l’exclusion de la quotité de ses prétentions financières, qui serait instruite ultérieurement si nécessaire. A______ a néanmoins versé à la procédure un échantillon de factures pour illustrer le fondement de ses prétentions.

Le département n’avait pas remis en cause dans la décision querellée que l’assuré était créancier de la part cantonale. Selon la doctrine et le message du Conseil fédéral, sans le versement cantonal, il restait débiteur envers les hôpitaux de cette rémunération. En s’en acquittant, le canton prenait à sa charge une dette de l’assuré selon le système du tiers payant. Ce dernier bénéficiait en définitive d’une créance à la fois envers son assurance-maladie et le canton correspondant à leurs parts respectives au paiement des soins hospitaliers. Même à dénier une telle créance en mains de l’assuré, il fallait reconnaître que A______ en était titulaire, puisqu’elle avait pris en charge un montant qui aurait dû être payé par le canton. On ne pouvait pas exiger des hôpitaux qu’ils lui remboursent la part cantonale, alors qu’ils avaient perçu une rémunération à laquelle ils avaient droit.

Peu importait que l’arrêt du TAF n’annulât la planification hospitalière genevoise qu’à l’égard de B______. A______ ne concluait pas à une telle annulation, mais au remboursement de la part des frais hospitaliers qui aurait dû être mise à la charge du canton si la planification avait été établie conformément à la LAMal. Les quotas fixés entre janvier 2016 et décembre 2020 étaient en particulier illicites.

La modification de la planification hospitalière à partir de l’année 2020 n’y changeait rien. A______ suspectait le canton d’avoir à nouveau fixé des limites à sa participation, peut-être par un système de ratio de 50%. Elle avait en effet constaté que les hôpitaux continuaient à facturer la part cantonale à l’assureur privé. Il appartenait au département de démontrer que de telles limites étaient conformes au droit, à tout le moins en produisant les mandats de prestations prévoyant des mécanismes restreignant la participation du canton pour la période de 2016 à 2020.

A______ n’avait par ailleurs aucun moyen de vérifier si les prestations facturées par les établissements hospitaliers excédaient effectivement les quotas, faute de connaître leur valeur.

La jurisprudence avait déjà admis, d’une part, la subrogation de l’assurance aux droits de l’assuré dans l’hypothèse où cette dernière avait couvert l’entier des coûts hospitaliers et, d’autre part, que le canton avait une position proche de l’assureur social.

d. Dans sa réponse à l’écriture complémentaire, le département a souligné la prémisse erronée de A______ selon laquelle le TAF avait intégralement annulé la planification hospitalière. Les juges fédéraux avaient en effet précisé en conclusion des trois parties de leur examen que la planification n’était annulée qu’en ce qui concernait B______. L’arrêt précisait également que seule la décision régissant le rapport juridique avec cet établissement était l’objet du recours, les autres points de la liste hospitalière, constituant une série de décisions individuelles, étant entrés en vigueur. La planification hospitalière cantonale n’était par ailleurs pas entachée de nullité, étant admis que les cantons pouvaient en particulier fixer un volume de prestations annuelles maximales. Admettre que A______ pût contester les quotas reviendrait qui plus est à lui octroyer un droit que le législateur lui avait dénié, l’assureur privé n’ayant pas qualité pour recourir contre la planification hospitalière.

A______ imputait à l’État un acte illicite dans la mise en œuvre de la planification hospitalière de 2016 à 2020. Or, cette matière ressortissait au Tribunal civil de première instance.

Il ne résultait pas du texte de l’art 49a al. 3 LAMal que les assurés seraient titulaires d’une créance vis-à-vis du canton en paiement de sa participation. Seul le prestataire de soins pouvait actionner l’État en cas d’absence de règlement de la part cantonale, sans prétériter l’assuré, vis-à-vis duquel il ne pouvait faire valoir aucune prétention.

Le canton n’avait jamais refusé sa participation financière aux frais hospitaliers entrant dans les quotas, de sorte que la question soulevée sur ce point par A______ était purement théorique.

Les mesures d’instruction sollicitées visaient à pallier les difficultés qu’elle rencontrait avec la facturation des cliniques privées, lesquelles étaient les seules à connaître le solde des quotas leur ayant été fixés. Les mandats signés avec le canton concernaient au surplus l’ensemble des AOS et n’étaient pas limités aux prestations couvertes par A______.

Concernant la subrogation de A______ dans les droits de ses assurés, la jurisprudence invoquée concernait les assurances sociales au sens de la LAMal.

e. Dans sa réplique, A______ a persisté dans ses conclusions, sollicitant en sus la production de tout document fixant les conditions ayant permis au canton de limiter sa participation financière pour les prestations hospitalières fournies par les établissements genevois. A______ a également requis la tenue d’une audience afin de clarifier l’objet du litige, la position des parties et les questions incidentes à trancher.

Le département avait affirmé à tort que les HUG n’étaient soumis à aucun quota jusqu’en 2020 et n’avait fourni aucun exemple d’établissement dans la situation inverse. Il devait produire les mandats de prestations pour faire la démonstration de ce point du dossier, sur lequel il entretenait une opacité complète.

A______ ne soutenait pas que la planification hospitalière genevoise était de nul effet ni ne concluait à son annulation. Le recours tendait exclusivement à obtenir le paiement des parts cantonales dues en vertu de l’art. 49a LAMal, dont elle s’était acquittée en lieu et place du canton de janvier 2016 à décembre 2020 et que ce dernier devait lui rembourser. Sa requête était donc fondée sur l’illicéité de la planification hospitalière. La portée de l’arrêt du TAF du 16 janvier 2019 était à cet égard sans portée. La requête de A______ ne constituait par ailleurs pas une action en responsabilité contre l’État.

En abordant la question de la facturation des établissements hospitaliers conformément aux quotas, A______ avait tenu à mettre en évidence que, compte tenu de l’opacité totale de ce système, quand bien même celui-ci serait conforme au droit, elle n’aurait aucun moyen de vérifier si les factures des établissements concernaient des soins qui excédaient effectivement ces quotas.

f. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             La recourante fait grief à l’autorité intimée d’avoir motivé sa décision de manière trop succincte.

La recourante a également et successivement sollicité la mise en œuvre d’une expertise, la production des mandats de prestations des AOS pour la période de 2016 à 2020, la production de tout document fixant les conditions auxquelles le canton a pu limiter sa participation à leur rémunération, ainsi que la comparution personnelle des parties.

2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu implique l’obligation pour l’autorité de motiver ses décisions, afin que le justiciable puisse les comprendre et exercer ses droits de recours à bon escient (ATF 143 IV 40 consid. 3.4.3 ; 141 V 557 consid. 3.2.1). Il suffit cependant que l’autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l’intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l’attaquer en connaissance de cause (ATF 142 II 154 consid. 4.2). L’autorité n’est pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties et peut se limiter aux questions décisives (ATF 146 II 335 consid. 5.1 ; 142 II 154 consid. 4.2).

Le droit d’être entendu comprend aussi le droit pour la personne intéressée de produire ou obtenir la production des preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s’exprimer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. Il n’empêche toutefois pas l’autorité de mettre un terme à l’instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient pas l’amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1). Il n’implique pas le droit d’être entendu oralement (art. 41 LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6.1).

2.2 En l’espèce, la motivation de la décision querellée est certes succincte, mais elle comporte les motifs pour lesquels l’autorité intimée a refusé d’entrer en matière sur la demande de la recourante. Celle-ci a ainsi pu les discuter dans le cadre de la présente procédure et comprendre la portée de la décision attaquée. Son grief à cet égard est donc infondé. Une motivation insuffisante devrait en outre être désormais considérée comme réparée, tant les parties ont pu dans l’intervalle développer leurs positions respectives dans leurs échanges d’écritures.

2.3 La production de pièces complémentaires, en particulier concernant les quotas durant la période litigieuse, n’est pas utile à l’examen de la cause. Leur existence, plus généralement celle de mandats de prestations, et leur effet sur la participation de A______ à la rémunération des AOS ressortent en effet du dossier. Il n’est pas utile à la chambre administrative d’en connaître les détails dès lors que leur bonne application au cas par cas par les AOS concernés ne fait pas l’objet du litige. Comme exposé plus bas, la juridiction de céans n’a de toute manière pas la compétence d’examiner leur licéité, ni de vérifier si les AOS ont requis de l’assureur privé une partie de leur rémunération conformément aux quotas, autrement dit s’ils ne lui ont pas indument facturé la part cantonale.

Pour les mêmes motifs, une expertise, dont la recourante n’a pas précisé le champ, s’avère inutile.

Il en va de même d’une comparution personnelle des parties. Celles-ci ont eu l’occasion d’exposer leur point de vue en détail par écrit, dans le cadre d’un double échange d’écritures, complété par une réplique de la recourante. Elles ne peuvent pour le surplus invoquer aucun droit à une audition orale.

Les actes d’instruction sollicités par la recourante doivent donc être rejetés.

3.             Le présent litige a pour objet une créance alléguée par la recourante contre le canton correspondant à la part des frais hospitaliers des AOS qu’elle a pris en charge au titre d’assurance privée de janvier 2016 à décembre 2020.

Sera tout d’abord examinée l’existence d’une telle créance contre l’État, en particulier à l’aune de l’arrêt du TAF du 16 janvier 2019.

3.1 Le droit administratif connaît le principe de la force et de l’autorité de la chose décidée, auxquelles correspondent, après jugement, la force et l’autorité de la chose jugée. Une décision rendue par une autorité devient définitive à l’échéance du délai de recours, dès lors qu’aucun recours n’a été interjeté. Dès ce moment, elle a acquis la force de chose décidée et ne peut plus être remise en cause, sous réserve d’un cas de reconsidération (ATA/1200/2021 du 9 novembre 2021 consid. 3a).

L’autorité matérielle de la chose jugée d’une décision antérieure n’implique en principe qu’une obligation de respecter son dispositif. Toutefois, d’autres circonstances, notamment la motivation de la décision, peuvent être prises en compte pour déterminer la portée du dispositif. En d’autres termes, si l’autorité de la chose jugée (ou décidée) est limitée au seul dispositif du jugement, pour connaître le sens et la portée exacte du dispositif, il faut parfois se référer aux considérants en droit du jugement ou de la décision (ATF 142 III 210 consid. 2.2).

La nullité absolue d’une décision peut être invoquée en tout temps devant toute autorité et doit être constatée d’office. Elle ne frappe que les décisions affectées des vices les plus graves, manifestes ou du moins facilement reconnaissables et pour autant que sa constatation ne mette pas sérieusement en danger la sécurité du droit. Sauf dans les cas expressément prévus par la loi, il ne faut admettre la nullité qu’à titre exceptionnel, lorsque les circonstances sont telles que le système d’annulabilité n’offre manifestement pas la protection nécessaire (ATF 130 II 249 consid. 2.4). Des vices de fond d’une décision n’entraînent qu’exceptionnellement sa nullité. Entrent avant tout en considération comme motifs de nullité l’incompétence fonctionnelle et matérielle de l’autorité appelée à statuer, ainsi qu’une erreur manifeste de procédure (ATF 129 I 361 consid. 2.1).

3.2 L’art. 39 al. 1 LAMal, en relation avec l’art. 35 al. 1 LAMal, fixe les conditions cumulatives que doivent remplir les établissements hospitaliers pour être admis à pratiquer à la charge de l’assurance obligatoire des soins. Une fois qu’il remplit les conditions précitées, l’hôpital doit encore figurer sur la liste cantonale fixant les catégories d’hôpitaux en fonction de leurs mandats (let. e). Conformément à l’art. 39 al. 2 LAMal, les cantons coordonnent leurs planifications.

Selon la jurisprudence du TAF, les décisions au sens de l’art. 39 LAMal par lesquelles un canton établit sa liste hospitalière doivent être qualifiées d’institutions juridiques sui generis consistant principalement en une série de décisions individuelles à l’intention des établissements ayant demandé à pratiquer à charge de l’assurance-maladie obligatoire. Pour les établissements ne figurant pas sur la liste hospitalière, celle-ci doit être assimilée à une décision négative rejetant leur demande correspondante de pratiquer à charge de l’assurance obligatoire. En cas de recours, seule la décision qui règle le rapport juridique concernant la partie recourante peut ainsi être examinée, les décisions de la liste hospitalière n’ayant pas été contestées entrant en vigueur (arrêt du TAF C-190/2020 du 15 mai 2024 consid. 4.5).

3.3 Aux termes de l’art. 41 LAMal, en cas de traitement hospitalier, l’assuré a le libre choix entre les hôpitaux aptes à traiter sa maladie et figurant sur la liste de son canton de résidence ou celle du canton où se situe l’hôpital (hôpital répertorié). En cas de traitement hospitalier dans un hôpital répertorié, l’assureur et le canton de résidence prennent en charge leur part respective de rémunération au sens de l’art. 49a LAMal jusqu’à concurrence du tarif applicable pour ce traitement dans un hôpital répertorié du canton de résidence (al. 1bis). Si, pour des raisons médicales, l’assuré se soumet à un traitement hospitalier fourni par un hôpital non répertorié du canton de résidence, l’assureur et le canton de résidence prennent à leur charge leur part respective de rémunération au sens de l’art. 49a. À l’exception du cas d’urgence, une autorisation du canton de résidence est nécessaire (al. 3).

L’art. 42 LAMal prévoit que, sauf convention contraire entre les assureurs et les fournisseurs de prestations, l’assuré est le débiteur de la rémunération envers le fournisseur de prestations. L’assuré a, dans ce cas, le droit d’être remboursé par son assureur (al. 1 1ère phrase ; système du tiers garant). Assureurs et fournisseurs de prestations peuvent convenir que l’assureur est le débiteur de la rémunération (système du tiers payant). En cas de traitement hospitalier, l’assureur, en dérogation à l’al. 1, est le débiteur de sa part de rémunération (al. 2).

3.4 Aux termes de l’art. 49 al. 1 1re phrase LAMal, pour rémunérer le traitement hospitalier, y compris le séjour et les soins à l’hôpital ou dans une maison de naissance, les parties à une convention conviennent de forfaits.

L’art. 49a institue le principe du partage de la rémunération du traitement hospitalier entre le canton et les assureurs (al. 1). Les cantons prennent en charge la part cantonale des assurés qui résident sur leur territoire (al. 2 let. a). Chaque canton fixe pour chaque année civile, au plus tard neuf mois avant le début de celle-ci, la part cantonale qu’il prend en charge. Celle-ci doit s’élever à 55 % au moins (al. 2ter). Le canton de résidence verse sa part de la rémunération directement à l’hôpital. Les modalités sont convenues entre l’hôpital et le canton. L’assureur et le canton peuvent convenir que le canton paie sa part à l’assureur, et que ce dernier verse les deux parts à l’hôpital. La facturation entre l’hôpital et l’assureur est réglée à l’art. 42 LAMal (al. 3). Les assureurs peuvent conclure avec les hôpitaux ou les maisons de naissance non répertoriés au sens de l’art. 39 LAMal, mais qui remplissent les conditions fixées aux art. 38 et 39, al. 1, let. a à c et f LAMal, des conventions sur la rémunération des prestations fournies au titre de l’assurance obligatoire des soins. Cette rémunération ne peut être plus élevée que la part visée à l’al. 2 (al. 4).

3.5 En l’espèce, le canton a dressé sa liste des AOS, pour la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2019, par arrêté du 24 juin 2015, puis, pour la période du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2023, par arrêté du 11 décembre 2019. Sur les deux listes figurent, en sus de B______, les hôpitaux ayant émis les factures dont A______ prétend au remboursement de la part cantonale, à une exception, soit celle de la CLINIQUE D______ SA, concernant un montant de CHF 14'119.- (cf. liste de A______).

Le tableau figurant dans l’arrêté du 24 juin 2015 définit les missions médicales attribuées à chaque établissement. À l’exception des HUG, division commune, les missions médicales attribuées aux AOS étaient limitées à un certain nombre de domaines. Des quotas étaient en outre fixés par chaque mandat de prestations. L’arrêté du 11 décembre 2019 précisait que les établissements répertoriés étaient admis dans les groupes de prestations pour lesquels ils étaient mandatés.

B______ a interjeté recours contre les deux arrêtés et obtenu gain de cause. Tel n’est par contre pas le cas des AOS figurant sur la liste de la recourante. Cela a pour effet qu’en ce qui les concerne, les listes hospitalières, mandats de prestations et quotas inclus, ont acquis force de chose décidée et ne peuvent plus être remises en cause dans le cadre de la présente procédure. Les considérants de l’arrêt du TAF du 16 janvier 2019, à prendre en considération pour déterminer la portée et le sens du dispositif, respectivement le dispositif de l’arrêt du TAF du 30 avril 2024, précisent que les listes hospitalières n’ont été annulées qu’en ce qui concernait B______.

Aux termes de ces arrêts, les listes hospitalières sont certes contraires au droit sur plusieurs points. Mais, ce que la recourante admet, ces vices ne sont pas propres à entraîner leur nullité. Elles sont en effet entachées d’erreurs matérielles qui ne sont pas facilement reconnaissables, dans la mesure où elles ont nécessité un examen approfondi relevant d’une matière plutôt complexe. Il est rappelé que les vices de fond n’entrainent qu’exceptionnellement la nullité d’une décision. Sur le plan procédural, le Conseil d’État était l’autorité compétente pour établir les listes hospitalières (art. 3 al. 2 let. a de la loi d’application de la loi fédérale sur l’assurance-maladie du 29 mai 1997 [LaLAMal - J 3 05]), il n’a pas commis d’erreur manifeste et les voies de droit disponibles, utilisées en particulier par B______, offraient une protection suffisante aux établissements concernés (art. 54 LAMal). L’admission de la nullité de la planification hospitalière genevoise menacerait de surcroît la sécurité du droit, dès lors qu’elle remettrait en cause la répartition de la rémunération des AOS entre l’État, l’assureur social et l’assureur privé ou l’assuré sur une période de huit ans.

Les listes hospitalières pour la période litigieuse sont donc entrées en force à l’égard de tous les établissements dont la recourante réclame le remboursement d’une partie des coûts. Il est ainsi établi que le canton n’est pas débiteur de cette part de leur rémunération, concernant des soins excédant le cadre défini par les listes hospitalières, que ce soit parce ce que ces soins n’étaient pas inclus dans les mandats de prestations ou qu’ils excédaient les quotas.

Pour étayer son propos selon lequel l’opacité des quotas rend impossible la vérification de leur respect, la recourante expose que les AOS auraient pu lui facturer, à elle plutôt qu’à l’État, la part non couverte par l’assureur social du coût de prestations entrant pourtant dans le cadre des listes hospitalières. Elle ne développe toutefois cette allégation qu’à titre théorique, sans l’utiliser comme fondement complémentaire à ses prétentions, et rien ne permet d’envisager que les AOS n’auraient pas facturé leurs prestations conformément aux listes hospitalières. Tout examen de la facturation d’un établissement hospitalier à un assuré ou à son assurance complémentaire, notamment sous l’angle du respect des règles résultant de la planification hospitalière cantonale, concerne de toute manière strictement le rapport entre eux. Aussi, un litige à ce sujet ne ressortirait pas à la compétence du département, mais devrait être soumis à la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (art. 134 al. 1 let. c et 134a LOJ ; art. 89 al. 1 LAMal).

En conclusion, il est établi que le canton n’est pas débiteur d’une partie de la rémunération des AOS figurant sur la liste de la recourante pour des prestations excédant le cadre des listes hospitalières. Cela exclut en conséquence une quelconque créance de la recourante sur ce plan, de sorte que le rejet de ses prétentions par le département est fondé.

4.             À titre superfétatoire, il sera examiné si, dans l’hypothèse où l’existence d’une telle créance aurait dû être admise, la recourante pourrait en être titulaire au titre d’assurance privée.

4.1 Le créancier direct du versement de la part cantonale à la rémunération des soins hospitaliers est l’hôpital, à l’exception du cas où, selon accord avec l’assureur social, le canton verse sa part à ce dernier (art. 49a al. 3 LAMal). L’hôpital dispose ainsi d’une prétention propre et directe de droit tiré de la LAMal (Philipp EGLI/Michael WALDNER, Basler Kommentar KVG, Bâle 2020, n. 44 ad art. 49a LAMal).

L’art. 49a al. 3 LAMal, entré en vigueur le 1er janvier 2009, a pour effet que l’hôpital prend en charge de par la loi la dette de l’assuré selon le système du tiers payant. Sans cette base légale, l’assuré serait débiteur de sa rémunération. Le canton est donc intégré dans le système de la couverture des coûts prévu par l’assurance‑maladie. Il remplit ainsi une obligation d’assurance sociale, se rapprochant d’une prestation d’assurance (Philipp EGLI/Michael WALDNER, op. cit., n. 42 ad art. 49a LAMal).

Pour les auteurs précités, dès lors que l’assuré est libéré de son obligation de rémunérer l’hôpital, la construction d’un droit public subjectif de l’assuré au versement de la part cantonale ne présente pas d’utilité (ibid.). Gebhard EUGSTER considère en revanche que nonobstant la nouvelle législation, l’assuré conserve une prétention propre en exécution du paiement de la part cantonale (Gebhard EUGSTER, KVG, Zurich 2018, n. 3 ad art. 49a LAMal).

4.2 Selon l’art. 41 al. 3 1ère phrase aLAMal, en vigueur jusqu’au 31 décembre 2008, si, pour des raisons médicales, l’assuré recourait aux services d’un hôpital public ou subventionné par les pouvoirs publics situé hors de son canton de résidence, celui-ci prenait en charge la différence entre les coûts facturés et les tarifs que l’hôpital appliquait aux résidents du canton.

Selon la jurisprudence rendue sous l’ancien droit, pour la créance en remboursement de la différence de coût en vertu de l’art. 41 al. 3 aLAMal, la qualité de partie à côté du canton de résidence appartenait prioritairement à l’assuré au titre de débiteur de la rémunération des prestations fournies par l’hôpital, subsidiairement à l’assurance si elle devait s’acquitter de la rémunération en vertu d’une convention passée avec l’hôpital ou si elle avait payé la facture en qualité de garant (ATF 138 V 510 consid. 3 et 123 V 290 consid. 4).

Nonobstant la nature d’assurance sociale de l’obligation du canton de verser la différence des coûts selon l’art. 41 al. 3 1ère phrase aLAMal, ce dernier ne pouvait pas être considéré comme une assurance au sens de la LAMal (ATF 130 V 215 consid. 5.4.3).

4.3 Aux termes de l’art. 22 LPGA, le droit aux prestations est incessible ; il ne peut être donné en gage. Toute cession ou mise en gage est nulle (al. 1).

Les prestations accordées rétroactivement par l’assureur social peuvent en revanche être cédées (al. 2) : à l’employeur ou à une institution d’aide sociale publique ou privée dans la mesure où ceux-ci ont consenti des avances (let. a) ; à l’assureur qui a pris provisoirement à sa charge des prestations (let. b).

L’ayant droit peut demander la prise en charge provisoire de son cas lorsqu’un événement assuré lui donne droit à des prestations d’une assurance sociale mais qu’il y a doute sur le débiteur de ces prestations (art. 70 al. 1 LPGA). L’assureur tenu de prendre provisoirement le cas à sa charge alloue les prestations selon les dispositions régissant son activité. Lorsque le cas est pris en charge par un autre assureur, celui-ci lui rembourse ses avances dans la mesure où elles correspondent aux prestations qu’il aurait dû lui-même allouer (art. 71 LPGA).

Si le caractère d’avance ou de prise en charge provisoire fait défaut ou qu’un droit au remboursement ne peut pas être déduit sans équivoque du contrat ou de la loi, une cession selon l’art. 22 al. 2 LPGA n’est pas possible. Ainsi, à défaut de caractère d’avance ou de prestations provisoires, une exception à l’interdiction de la cession au sens de cette disposition ne peut être admise (arrêt ATAS/285/2024 de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice du 25 avril 2024 consid. 4.2.2).

4.4 En l’espèce, l’art. 49a al. 3 LAMal institue l’établissement hospitalier comme créancier direct de la part cantonale à la rémunération des AOS, à l’exception du cas, sans pertinence en l’espèce, où, selon accord avec l’assureur social, le canton verse sa part à ce dernier. L’hôpital dispose ainsi d’une prétention propre et directe à l’égard du canton.

L’existence d’une prétention de l’assuré visant le paiement à l’hôpital de la part étatique est en revanche incertaine. Elle ne découle en effet pas de la loi et est contestée en doctrine.

La jurisprudence rendue au sujet de l’art. 41 al. 3 aLAMal, selon laquelle la qualité de partie à côté du canton de résidence appartenait prioritairement à l’assuré au titre de débiteur de la rémunération des prestations fournies par l’hôpital, n’est pas transposable au cas d’espèce. L’ancien droit ne prévoyait en effet pas la participation directe du canton à la rémunération des hôpitaux, de sorte que l’assuré en était le débiteur principal, en application de la règle générale de l’art. 42 al. 1 LAMal. L’art. 41 al. 3 aLAMal instituait seulement le droit de demander à l’État, en cas d’hospitalisation dans un hôpital hors canton de résidence, le versement de la différence entre les coûts facturés et les tarifs appliqués aux résidents du canton. L’art. 41 al. 3 LAMal a été modifié et fait désormais directement référence à l’art. 49a LaMAL.

À admettre un droit subjectif des assurés d’exiger du canton le paiement de la part cantonale, ceux-ci n’auraient de toute manière pas pu céder à leur assureur privé une quelconque créance en paiement contre l’État pour les motifs qui suivent, étant souligné que la loi ne confère directement aucun droit à ce dernier.

Tout d’abord, la créance de l’assuré ne consisterait pas en une prétention en paiement contre le canton, mais lui donnerait uniquement le droit d’exiger de ce dernier le paiement de sa part à l’hôpital (ou à l’assureur social si cela a été prévu par convention), de sorte qu’il n’a pas pu céder à son assurance privée une créance en paiement que cette dernière pourrait faire valoir directement contre l’État.

Ensuite, la prestation du canton fait partie intégrante du système de couverture des coûts mis en place par l’assurance-maladie et revêt dès lors une nature de prestation d’assurance sociale, comme l’ont confirmé la jurisprudence et la doctrine précitées. Elle n’est donc par principe pas cessible conformément à l’art. 22 al. 1 LPGA et l’exception prévue à l’art. 22 al. 2 let b LPGA n’est pas applicable. Les versements effectués par la recourante en faveur de ses assurés ne constituaient en effet pas des avances faites à titre provisoire au sens de cette disposition, mais la couverture définitive de la part non prise en charge par l’assureur social de leurs factures hospitalières sur la base de leur police d’assurance-maladie complémentaire. Or, le défaut de caractère d’avance ou de prise en charge provisoire exclut la possibilité de cession. En outre, bien que la contribution du canton se rapproche d’une prestation d’assurance sociale, il ne saurait être considéré comme un assureur social au sens de l’art. 22 al. 2 LPGA, conformément à l’ATF 130 V 215 consid. 5.4.3. La recourante parvient à une conclusion différente en se fondant sur un considérant intermédiaire de cet arrêt (consid. 5.4.1), omettant ainsi que le Tribunal fédéral a mené son raisonnement en plusieurs étapes (consid. 5.4.1 et 5.4.2), avant d’arriver à la conclusion que le canton ne peut pas être considéré comme un assureur au sens de la LAMal (consid. 5.4.3).

La clause subrogatoire prévue dans les conditions générales de la recourante ne constitue en définitive qu’un rappel de la possibilité pour les assurances, légale mais non applicable en l’espèce comme vu ci-dessus, d’obtenir la cession de la créance de l’assuré contre l’assurance sociale débitrice d’une prestation à l’égard de ce dernier, dans l’hypothèse où l’assurance privée a versé une avance sur cette prestation, notamment dans le cas de doutes sur l’assurance sociale débitrice (art. 22 al. 2 let. b, 70 et 71 LPGA).

En définitive, même dans l’hypothèse où il faudrait admettre l’existence d’une créance contre l’État en paiement de la part non couverte par l’assureur social de la rémunération des établissements figurant sur la liste de la recourante, fondée sur une planification hospitalière irrégulière, en particulier sur l’illicéité des quotas, la recourante n’en serait pas titulaire. Pour ce motif subsidiaire, le rejet de ses prétentions par le département doit être confirmé.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

5.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 4'000.- sera mis à la charge de la recourante, qui ne peut se voir allouer une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 10 février 2023 par A______ ASSURANCES SA contre la décision du département de la santé et de la mobilité du 9 janvier 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ ASSURANCES SA un émolument de CHF 4'000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Nicolas GILLARD, avocat de la recourante, ainsi qu’au département de la santé et des mobilités.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, Michèle PERNET, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :