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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2463/2024

ATA/1001/2024 du 22.08.2024 sur JTAPI/741/2024 ( MC ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2463/2024-MC ATA/1001/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 22 août 2024

en section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Férida Bejaoui Hinnen, avocate

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 juillet 2024 (JTAPI/741/2024)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1981, est originaire d'Algérie.

b. Arrivé en Suisse en 2007, il s'est présenté devant les autorités suisses sous l'alias B______, né le ______ 1982 en Algérie.

c. Il a une fille, C______, née le ______ 2009 d’une union avec une ressortissante suisse. Le mariage de l’intéressé avec la mère de C______ a été dissous par jugement du 9 juin 2011. Il est également le père des enfants D______, née le ______ 2010, et E______, né le ______ 2013, tous deux de nationalité suisse, issus de sa relation avec F______, ressortissante suisse.

d. Entre les 3 mars 2015 et 22 juin 2023, A______ a été condamné à douze reprises par le Ministère public et le Tribunal de police (ci-après : TDP), notamment pour infractions au code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0 ; vol - art. 139 al. 1 CP ; voies de fait - art 125 al. 1 CP ; injure - art 177 CP) et à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20 ; séjour illégal - art 115 al. 1 LEI), délit contre la loi fédérale sur les armes, les accessoires d’armes et les munitions (LArm RS 514.54 ; art 33 al. 1 LArm) et contraventions à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121 ; art. 19a LStup).

B. a. Le 5 septembre 2023, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre d’A______ pour une durée de quatre mois, en application de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, renvoyant à l'art. 75 al. 1 let. h de cette même loi ainsi que de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI.

Par jugement du 8 septembre 2023, confirmé par la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), le Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI) a confirmé l’ordre de mise en détention administrative jusqu’au 4 janvier 2024 inclus.

b. Par requêtes motivées des 21 décembre 2023 et 22 avril 2024, l’office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) a sollicité la prolongation de la détention administrative d’A______ pour une durée de quatre mois, respectivement trois mois.

Le TAPI a admis ces demandes par jugements des 26 décembre 2023 et 30 avril 2024. La détention administrative était ainsi prolongée jusqu’au 4 août 2024 inclus.

c. Le 20 mars 2024, le secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM) a informé l’OCPM qu’A______ s’était présenté aux entretiens consulaires le 29 février 2024 et qu’à l’issue de cette procédure, l’autorité algérienne compétente était disposée à délivrer un laissez-passer pour le retour en Algérie. Le SEM demandait ainsi à l’OCPM de réserver un vol auprès de SwissREPAT avec un préavis de trente jours ouvrables ; il solliciterait alors un laissez-passer auprès de l’autorité algérienne compétente qu’il transmettra ensuite à SwissREPAT.

d. Par courriel du 25 avril 2024, l’OCPM a informé le TAPI qu’une place sur un vol avec escorte policière avait été réservée pour le 23 mai 2024 en faveur d’A______.

e. Par courriel du 15 mai 2024, le SEM a informé les autorités chargées de l'exécution du renvoi du fait que le vol prévu le 23 mai 2024 devait être annulé. Le consulat général d'Algérie avait contacté le SEM à cette fin le jour même, priant les autorités suisses de reporter le vol en raison du fait que A______ avait une procédure judiciaire en cours.

C. a. Par requête motivée du 22 juillet 2024, l’OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative d’A______ pour une durée de quatre mois, soit jusqu’au 4 décembre 2024 inclus.

b. Sur demande du TAPI du 30 juillet 2024, l'OCPM a précisé, par courriel du même jour, que la procédure judiciaire sur laquelle l'autorité consulaire algérienne avait sollicité le report du vol du 23 mai 2024 était une procédure pénale pendante devant le Ministère public du canton de Genève. Il a produit à cet égard des échanges avec le procureur en charge de la procédure, expliquant qu'une ordonnance de classement partiel avait été rendue le 6 juin 2024 s'agissant d'un brigandage, ainsi qu'une ordonnance pénale pour séjour illégal, au sujet de laquelle un délai d'opposition courait toujours. Selon un courriel adressé au procureur par l'OCPM le 13 juin 2024 au sujet du vol prévu pour A______ [le 23 mai 2024], le consulat d'Algérie avait décidé au dernier moment de ne pas délivrer de laissez‑passer car le précité avait une procédure en cours auprès du Ministère public.

c. Lors de l'audience du 30 juillet 2024, A______ a déclaré qu’il recevait régulièrement la visite de ses enfants à l’établissement concordataire de détention administrative Frambois LMC (ci-après : Frambois) et, dans la mesure où il recevait un pécule pour le travail qu’il fournissait dans cet établissement, il pouvait leur faire un versement tous les quinze jours. Il s’était opposé à l’ordonnance pénale prononcée contre lui le 6 juin 2024 pour séjour illégal et infraction contre la Lstup, car il s’était laissé entraîner dans cette situation en raison d’un concours malheureux de circonstances. Par conséquent, en lieu et place d’une condamnation, il souhaitait qu’on lui donne une chance.

Sur question du TAPI, le représentant de l’OCPM a déclaré qu’il ne pouvait pas expliquer pourquoi le consulat d’Algérie faisait un lien entre la procédure pénale pendante à Genève et le refus de délivrer un laissez-passer pendant cette procédure, sous réserve du fait que A______ aurait lui-même pris les devants dans le cadre de ses contacts avec le consulat et se serait opposé à la délivrance d’un laissez‑passer pour ce motif.

Il était vrai que la procédure de counselling mise en place avec la représentation d’Algérie en Suisse avait tendance dans la pratique à démontrer que le consulat d’Algérie était réticent à délivrer un laissez-passer dans certaines situations, typiquement lorsqu’il existait un lien de parenté entre le détenu et des enfants domiciliés en Suisse, ou en cas de traitement médical suivi en Suisse. Dans ces cas, la Confédération, via le SEM, se retrouvait à devoir poursuivre les négociations avec le consulat d’Algérie pour tenter de le convaincre au cas par cas que, par exemple, les liens de l’intéressé avec ses enfants étaient faibles ou que le traitement médical pouvait être facilement poursuivi en Algérie. Dans le cas d'espèce, il pensait, sans pouvoir l’affirmer, qu’il n’y avait pas de négociation en cours entre le SEM et le consulat d’Algérie, et que le SEM attendait de voir quelle serait l’issue de la procédure pénale pour reprendre ces négociations. Il a confirmé la demande de prolongation de la détention administrative d’A______ déposée le 22 juillet 2024 pour une durée de quatre mois.

Le conseil de l’intéressé a déposé à l’audience un chargé de pièces, dont une demande de régularisation déposée auprès de l’OCPM le 8 mai 2024, ainsi que les versements d’argent fait par A______ à la mère de ses enfants, en faveur de ces derniers.

d. L’intéressé, par l’intermédiaire de son conseil, s’est opposé à la demande de prolongation de la détention administrative, et a conclu à sa mise en liberté immédiate.

e. Par jugement du 30 juillet 2024, le TAPI a rejeté le recours.

Il ressortait des bases de données du pouvoir judiciaire que l’ordonnance pénale prononcée le 6 juin 2024 à l’encontre d’A______ avait fait l’objet d’une opposition et que, sur cette base, le Ministère public du canton de Genève avait maintenu la condamnation et renvoyé l’intéressé devant le TDP par ordonnance pénale du 20 juin 2024.

Pour des raisons qui échappaient a priori à la logique, le consulat d'Algérie entendait reporter la délivrance d'un laissez-passer en faveur d’A______ aussi longtemps que celui-ci ferait l'objet de la procédure pénale en cours dans le canton de Genève. Or, dans la mesure où cette procédure avait été renvoyée le 20 juin 2024 devant le TDP, une convocation devant cette juridiction en vue d'une audience de jugement n'apparaissait pas vraisemblable avant quelques mois. Après cela, A______ aurait encore la possibilité de contester le jugement devant la chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice. En d'autres termes, la délivrance d'un laissez-passer par le consulat d'Algérie, avant l'échéance de la durée maximale de 18 mois de détention prévue par l'art. 79 al. 2 LEI, apparaissait très fortement compromise. Son renvoi n’apparaissait plus possible sans sa collaboration, si bien que les conditions d'une détention au sens de l'art. 76 LEI n’étaient ainsi plus réalisées. Il n’était dès lors pas possible d'en prononcer la prolongation. Néanmoins, l'exécution du renvoi n’était pas impossible, à condition qu’A______ y prête son concours. Il n'y avait donc pas lieu de prononcer sa mise en liberté (art. 80 al. 6 let. a LEI a contrario). En lieu et place, il appartenait au commissaire de police d’examiner l’opportunité de prononcer un ordre de détention fondé sur l’art. 78 LEI.

D. a. Par acte du 10 août 2024, A______ a interjeté recours devant la chambre administrative, concluant à sa libération immédiate.

En indiquant au commissaire de police d’examiner l’opportunité de prononcer un ordre de détention sur l’art. 78 LEI, le TAPI avait violé l’art. 30 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101).

Aucun motif ne justifiait le refus de sa libération immédiate, laquelle était une conséquence inéluctable du rejet de la prolongation de détention. En ne la prononçant pas, le TAPI avait violé l’art. 80 al. 6 let. a LEI.

b. Par réponse du 15 août 2024, l’OCPM a conclu à l’irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet.

La détention administrative dont le TAPI était saisie dans la présente cause avait pris fin le 2 août 2024 en raison d’un nouvel ordre de mise en détention administrative pour insoumission prononcé ce jour-là pour une durée d’un mois. Cette mesure avait été confirmée par le TAPI par jugement du 6 août 2024.

c. Le recourant n’a pas répliqué dans le délai imparti à cet effet, si bien que la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             Selon l'art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 (LaLEtr – F 2 10), la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 12 août 2024 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

2.             La chambre de céans examine d’office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATA/710/2021 du 4 juillet 2021 consid. 3).

2.1 Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 10 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.2 Aux termes de l'art. 60 al. 1 let. b LPA, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée.

La qualité pour recourir suppose que la partie recourante ait un intérêt actuel digne de protection à l’annulation ou à la modification de la décision entreprise, cet intérêt devant exister non seulement au moment du dépôt du recours, mais encore au moment où l’arrêt est rendu (arrêt du Tribunal fédéral 1C_147/2020 du 5 octobre 2020 consid. 1.2.1).

Si l’intérêt actuel disparaît en cours de procédure, le recours devient sans objet, alors qu’il est irrecevable si l’intérêt actuel faisait déjà défaut au moment du dépôt du recours (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1). De cette manière, les tribunaux sont assurés de trancher uniquement des questions concrètes et non de prendre des décisions à caractère théorique, ce qui répond à un souci d’économie de procédure (ATF 136 I 274 consid. 1.3). Ainsi, une partie qui n’est pas concrètement lésée par la décision ne possède pas la qualité pour recourir (arrêt du Tribunal fédéral 1C_147/2020 précité consid. 1.2.1).

2.3 En matière de mesures de contrainte administrative à l'égard des étrangers, lorsque la décision de détention dont il est fait recours est levée ou est remplacée par une nouvelle décision de prolongation de la détention, il est exceptionnellement fait abstraction de l'exigence d'un intérêt actuel au recours (cf. art. 89 al. 1 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) lorsque l'étranger concerné se prévaut de manière défendable et suffisamment motivée (cf. art. 42 LTF) de la violation de l'une des garanties offertes par la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101 ; ATF 147 II 49 consid. 1.2.1; 139 I 206 consid. 1.2.1; arrêts du Tribunal fédéral 2C_37/2023 du 16 février 2023 consid. 1.2 ; 2C_610/2021 du 11 mars 2022 consid. 1.2, non publié in ATF 148 II 169 ; ATA/681/2024 du 5 juin 2024 consid. 3.2).  

2.4 En l'espèce, le recourant a été placé en détention administrative en vue de son renvoi le 5 septembre 2023, détention qui a été régulièrement prolongée, la dernière fois jusqu’au 4 août 2024 inclus. Le jugement attaqué a rejeté la nouvelle demande de prolongation de détention administrative formée par l’OCPM ainsi que la conclusion en libération immédiate prise par le recourant. Depuis le 2 août 2024, le recourant se trouve toutefois en détention pour insoumission, ceci sur la base d’une nouvelle décision. Dans ces circonstances, il convient d’admettre, en application de la jurisprudence susmentionnée, qu’au moment du dépôt du recours devant la chambre de céans, le 10 août 2024, le recourant n’avait plus d’intérêt actuel au recours.

Reste à examiner s’il se justifie de renoncer à l’exigence de celui-ci. Comme exposé ci-avant, le recourant doit, pour cela, se prévaloir de manière défendable de la violation de l'une des garanties offertes par la CEDH. Tel n’est toutefois pas le cas en l’occurrence.

Le recourant se prévaut certes d’une violation de l’art. 30 Cst. garantissant à toute personne l’accès à un tribunal indépendant et impartial, et dont les garanties sont similaires à celles prévues par l’art. 5 ch. 4 CEDH. Selon lui, en indiquant au commissaire de police d’examiner l’opportunité de prononcer un ordre de détention sur le fondement de l’art. 78 LEI, la juridiction précédente aurait guidé l’autorité dans sa démarche, de manière à la mettre dans une position privilégiée par rapport au recourant. Il ressort toutefois du jugement entrepris que le TAPI s’est limité à relever que si le commissaire de police devait estimer que les conditions d'une détention pour insoumission étaient réalisées, il lui appartiendrait de rendre une décision en ce sens. Ce faisant, il ne s’est aucunement prononcé sur la réalisation des conditions pour prononcer une telle détention, ni a fortiori instruit l’autorité d’une manière contraignante. Cette manière de procéder n’est pas critiquable (arrêt du Tribunal fédéral 2C_538/2010 du 19 juillet 2010 consid. 4.2), étant précisé qu’un nouvel ordre est soumis dans tous les cas à un contrôle judiciaire. Dans ces conditions, dès lors que le recourant n’a pas invoqué de manière défendable la violation de l’une des garanties offertes par la CEDH, il ne se justifie pas de faire abstraction de l’exigence d’un intérêt actuel au recours.

Le recours est partant irrecevable.

3.             La procédure étant gratuite (art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), aucun émolument de procédure ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 10 août 2024 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 juillet 2024 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Férida Bejaoui Hinnen, avocate du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, au secrétariat d'État aux migrations, ainsi qu'à l'établissement concordataire de détention administrative Frambois LMC, pour information.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Jean-Marc VERNIORY, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

N. GANTENBEIN

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :