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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2444/2024

ATA/965/2024 du 20.08.2024 ( FPUBL ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit

république et

canton de genève

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2444/2024-FPUBL ATA/965/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 août 2024

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Stéphanie FULD, avocate

contre

COMMUNE B______ intimée
représentée par Me Lorella BERTANI, avocate



EN FAIT

A. a. A______ exerce en qualité de chef de service accueil, culture et sport au sein de l’administration communale de la ville B______ (ci-après : la commune) depuis le 1er mai 2011.

b. Elle est la compagne de C______, secrétaire général de la commune.

B. Par décision du 3 juillet 2024, le Conseil administratif de la commune (ci-après : le CA) a prononcé un blâme à l’encontre d’A______ en raison de son comportement.

Au vu de son lien avec le secrétaire général, elle était exceptionnellement rattachée directement à D______, conseiller administratif. La décision était prise par le CA et non le secrétaire général en dérogation à l’art. 37 du Statut du personnel de la Ville B______ du 13 décembre 2021 (LC 23 151 ; ci-après : le statut).

Selon l’art. 94 du statut, elle pouvait faire recours contre cette sanction auprès du CA dans un délai de dix jours. La décision était immédiatement exécutoire nonobstant recours.

B. a.  

C. a. Par acte du 15 juillet 2024, A______ a recouru devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision. Elle a conclu au constat de sa nullité, subsidiairement à son annulation. Préalablement, l’effet suspensif devait être restitué au recours.

b. Invitée à se déterminer sur effet suspensif, la commune a indiqué qu’un recours contre le blâme était pendant devant le CA. En conséquence, soit le recours devant la chambre administrative était irrecevable vu son caractère prématuré, soit la présente cause devait être suspendue dans l’attente de la décision du CA.

c. Interpellée, la recourante a précisé qu’elle n’avait formé recours auprès du CA qu’aux fins de sauvegarder ses droits. La compétence de ce dernier pour juger du bien-fondé de la décision attaquée était contestée. Seule la compétence de la chambre administrative devait être reconnue. Son lien avec le secrétaire général ne suffisait pas pour justifier le prononcé d’un blâme par le CA « in corpore » en dérogation à l’art. 37 du statut. En intervenant successivement comme autorité décisionnelle puis de recours, il la privait d’une voie de droit. La décision prononcée était nulle, ce que la chambre de céans devait constater.

Elle s’opposait à une suspension de la procédure devant la chambre administrative. Il n’était pas opportun d’attendre l’issue de la procédure de recours devant le CA. Il convenait au contraire que la chambre de céans prononce la nullité de la décision attaquée, de telle sorte que le recours auprès du CA soit sans objet.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur compétence.

e. Il ressort du recours devant le CA, versé à la présente procédure par la recourante, qu’elle y a conclu, à la forme, à la recevabilité de son recours et au fond, principalement, au constat de la nullité de la décision.

EN DROIT

1.             La chambre administrative examine d’office sa compétence qui est déterminée par la loi et ne peut être créée par accord entre les parties (art. 11 al. 2 cum art. 1 al. 2 et art. 6 al. 1 let. c de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA-GE - E 5 10 ; ATA/480/2024 du 16 avril 2024 consid. 2).

La chambre administrative est l’autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 132 al. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05).

Le recours est ouvert contre les décisions des autorités et juridictions administratives au sens des art. 4, 4A, 5, 6 al. 1 let. a et e, et 57 LPA, sauf exceptions prévues par la loi (art. 132 al. 2 LOJ) ou lorsque le droit fédéral ou une loi cantonale prévoit une autre voie de recours (art. 132 al. 8 LOJ), ou encore lorsque la saisine est prévue dans des lois particulières (art. 132 al. 6 LOJ).

En vertu de l'art. 4 al. 1 LPA, sont considérées comme des décisions au sens de l'art. 1 LPA, les mesures individuelles et concrètes prises par l'autorité dans les cas fondés sur le droit public fédéral, cantonal, communal et ayant pour objet : de créer, de modifier ou d'annuler des droits ou des obligations (let. a) ; de constater l'existence, l'inexistence ou l'étendue de droits, d'obligations ou de faits (let. b) ; de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou obligations (let. c).

Les décisions doivent être désignées comme telles, motivées et signées, et indiquer les voies et délais de recours (art. 46 al. 1 LPA).

2.             Le statut s'applique aux personnes membres du personnel, à savoir les personnes employées et les fonctionnaires de la commune (art. 1 statut).

Les rapports de travail des personnes membres du personnel sont régis par le statut et par les clauses du contrat de travail. Ils sont soumis au droit public (art. 5 statut).

L’art. 37 al. 1 du statut prévoit que la personne membre du personnel qui enfreint ses devoirs de service, soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence, peut faire l'objet, selon la gravité de la violation, des sanctions suivantes, par ordre croissant de gravité : a) prononcée par la personne exerçant le rôle de responsable hiérarchique : 1° l'avertissement ; b) prononcée par la personne exerçant la fonction de secrétaire général : 2° le blâme ; c) prononcées par le CA : 3° la suppression de l'augmentation annuelle du traitement pour une durée déterminée ou la réduction du traitement, dans les limites de la classe de fonction, 4° le déplacement temporaire ou définitif dans une fonction inférieure, la sanction pouvant, cas échéant, entraîner la réduction du traitement dans les limites de la nouvelle classe de fonction.

Ces sanctions peuvent être cumulées. Les décisions y relatives sont immédiatement exécutoires nonobstant recours (art. 37 al. 2 statut). Il ne pourra être prononcé d'autres peines disciplinaires (art. 37 al. 3 statut). Le CA est informé du prononcé des sanctions visées aux let. a et b de l’art. 37 (art. 37 al. 4 statut).

L'avertissement ou le blâme sont notifiés par acte écrit et motivé après avoir entendu la personne concernée (al. 1). Lors de son audition, la personne concernée peut être accompagnée d'un mandataire professionnellement qualifié (avocat ou représentant syndical). L'audition doit faire l'objet d'un procès-verbal signé par les personnes présentes (al. 3). Suite à l'audition éventuelle et si le prononcé disciplinaire est maintenu, la décision y relative est notifiée par lettre motivée à la personne concernée. La décision est immédiatement exécutoire nonobstant recours (al. 4 ; art. 40 statut).

À teneur de l’art. 94 statut, la personne membre du personnel qui fait l'objet d'un avertissement ou d'un blâme peut recourir contre la sanction auprès du CA dans un délai de 10 jours dès le prononcé de la sanction (al. 1). Le CA statue à bref délai après avoir procédé aux actes d'instruction qu'il estime nécessaires (al. 2). La personne membre du personnel peut recourir auprès de la chambre administrative de la Cour de justice contre le prononcé des autres sanctions disciplinaires (al. 3).

3.             L’autorité administrative hiérarchiquement supérieure ne peut évoquer une affaire traitée par une autorité subordonnée si cela a pour effet de priver les parties d’une possibilité de recours à une juridiction administrative (art. 12 al. 3 LPA).

4.             En l’espèce, la décision de blâme a été prononcée par le CA, en lieu et place du secrétaire général, compte tenu du lien qui unit la recourante à ce dernier, compétent au sens de l’art. 37 al. 1 let. b du statut.

Elle indique comme voie de recours le CA, ce que la recourante conteste.

L’intéressée a dûment recouru auprès de l’autorité mentionnée dans la décision. Elle y a conclu à ce que son recours soit déclaré recevable et, au fond, au constat de la nullité de la décision.

Il convient en conséquence d’attendre l’issue de cette procédure. Cette façon de procéder ne prive pas la recourante d’une voie de droit, au contraire. Si cette dernière remet en cause la probabilité que le CA prenne une décision différente, cette éventualité ne peut être exclue. L’intéressée conservera la possibilité de recourir contre cette deuxième décision auprès de la chambre de céans.

Même à considérer que le CA se tienne, contrairement aux termes de sa première décision, pour incompétent à la suite des arguments invoqués par la recourante, d’une part, une notification irrégulière ne pourrait entraîner aucun préjudice pour les parties (art. 47 LPA). D’autre part, selon l’art. 64 al. 2 LPA, le recours adressé à une autorité incompétente est transmis d’office à la juridiction administrative compétente et le recourant en est averti. L’acte est réputé déposé à la date à laquelle il a été adressé à la première autorité.

Le recours devant la chambre de céans, prématuré, sera en conséquence déclaré irrecevable. Il ne sera pas transmis au CA en application de la disposition précitée, ce dernier étant déjà saisi.

5.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée à la commune, qui compte plus de dix mille habitants, soit une taille suffisante pour disposer d'un service juridique et est par conséquent apte à assurer la défense de ses intérêts sans recourir aux services d'un avocat (art. 87 al. 2 LPA ; ATA/728/2024 du 18 juin 2024 consid. 7 ; ATA/453/2022 du 3 mai 2022).

Compte tenu des conclusions du recours, le litige ne présente pas de valeur litigieuse au sens des art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110 ; ATA/467/2024 du 16 avril 2024 consid. 5).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 15 juillet 2024 par A______ contre la décision du Conseil administratif de la commune B______ du 3 juillet 2024 ;

met à la charge d’A______ un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral :

- par la voie du recours en matière de droit public, si la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, avenue du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Stéphanie FULD, avocate de la recourante, ainsi qu'à Me Lorella BERTANI, avocate de la commune B______.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :