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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/672/2024

ATA/856/2024 du 19.07.2024 ( EXPLOI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/672/2024-EXPLOI ATA/856/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 juillet 2024

en section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Kaveh MIRFAKHRAEI, avocat

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR intimé

 



EN FAIT

A. a. B______ est une entreprise individuelle inscrite au registre de commerce genevois (ci-après : RC) depuis le 5 mars 2020, ayant pour but le commerce des produits du tabac, d'épicerie, de loto ou des journaux. C______ en est le titulaire et dispose de la signature individuelle.

b. Selon le rapport de police du 20 janvier 2023 relatif à un contrôle effectué le 14 janvier 2023 à 22h15 dans le commerce à l'enseigne « D______ » sis rue de E______ ______, 1207 Genève, le susnommé vendait sans autorisation des boissons alcooliques à l'emporter et des produits finis conditionnés de cannabis légal. Il avait également omis de mettre les boissons alcooliques sous clé entre 21h00 et 7h00.

c. Le 25 janvier 2023, le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci‑après : PCTN) a délivré à A______ une autorisation d'exploiter permettant de vendre des produits de tabac assimilés au tabac dans le commerce l'enseigne « D______ », pour le compte de B______.

d. Selon le rapport du PCTN du 16 février 2023, une équipe formée d'un inspecteur et de la police de proximité a constaté, dans le cadre d'une opération d'achat-test du 13 février 2023, que le dénommé F______ avait vendu une cigarette électronique « LIKE ME Capricorn Kiwi Ice, nicotine 2% » à deux mineurs âgés de seize ans. Le vendeur n'avait vérifié ni l'âge ni la pièce d'identité des jeunes acheteurs.

e. Selon un rapport de police du 25 avril 2023 ayant pour objet le contrôle du 18 avril 2023 à 21h44, le commerce vendait sans autorisation des produits finis conditionnés de cannabis légal et avait omis de mettre les boissons alcooliques sous clé entre 21h00 et 7h00.

f. Le 27 octobre 2023, le PCTN a transmis à A______ les trois rapports précités, indiquant qu'il envisageait de prononcer à son encontre une suspension de son autorisation pour une durée de sept jours à six mois. Un délai au 28 novembre 2023 lui était accordé pour exercer son droit d'être entendu, à défaut de quoi il serait considéré qu'il avait renoncé à l'exercice dudit droit et la mesure serait prononcée.

g. Par décision du 25 janvier 2024, le PCTN a constaté que A______ n'avait pas fait usage de son droit d'être entendu et a suspendu pour 30 jours son autorisation de vendre des produits du tabac et assimilés dans le « D______ » pour l'infraction constatée le 13 février 2023. Une mesure d'exécution fixant les dates exactes de cette décision lui serait adressée dès que la décision serait définitive et exécutoire. Les produits du tabac et produits assimilés au tabac devaient être retirés du commerce durant la suspension de l'autorisation.

Pour ce qui était des infractions commises les 14 janvier et 18 avril 2023, il était averti qu'en cas de nouveau constat d'infraction, il s'exposerait au prononcé d'une nouvelle mesure administrative.

h. Le 2 février 2024, A______ a écrit au PCTN, sollicitant un report à fin 2024 de la suspension de son autorisation.

Il se trouvait dans une situation très difficile à la suite du décès de son frère et du cambriolage du magasin au cours duquel son autre frère avait été gravement blessé aux jambes, ce qui avait nécessité une prise en charge hospitalière pendant quelque temps. En raison de ces événements, son père n'allait pas bien et avait dû se tromper sur l'âge du jeune adulte lors de l'achat-test. Le report de la sanction allait lui laisser le temps de se sortir de sa situation financière précaire.

i. Le 9 février 2024, le PCTN a, en réponse, informé A______ que sa demande serait examinée, une fois la décision entrée en force.

B. a. Par acte expédié le 26 février 2024, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du 25 janvier 2024. À titre de mesures d'instruction, il a sollicité la production par le PTCN des documents ou preuves propres à démontrer les faits reprochés, l'audition d'F______ et des deux mineurs. Au fond, il a conclu principalement à son annulation, subsidiairement, à la réduction de la durée de la suspension à quinze jours au plus.

La loi ne prévoyait pas que la pièce d'identité soit exigée. Cela signifiait que si le personnel de vente n'avait pas de doute sur la majorité du client, il pouvait lui vendre un produit de tabac ou un produit assimilé au tabac sans que la présentation d'une carte d'identité soit nécessaire. F______ n'ayant eu aucun doute sur la majorité des deux personnes en raison de leur apparence et corpulence, il n'avait pas à demander leur pièce d'identité respective au moment de la vente de la cigarette électronique à 2% de nicotine.

Si l'un des documents ou critères requis tels que l'accord écrit des personnes détenant l'autorité parentale sur les mineurs devait manquer, cela devait également constituer un motif d'annulation. Le choix de mineurs ayant l'apparence et la corpulence des majeurs afin de tromper le vendeur lors de l'achat-test était par ailleurs contraire au principe de la bonne foi.

Le commerce à l'enseigne « D______ » n'avait aucun antécédent du même genre. De plus, il rencontrait des difficultés financières : n'ayant pas pu payer les factures à la Loterie romande, il ne distribuait plus les produits de cette dernière depuis fin janvier 2023, ce qui avait engendré une baisse de sa clientèle. La décision entreprise n'ayant pas pris en considération ces éléments, la durée de la suspension était excessive et pouvait porter une atteinte significative à la situation financière du commerce. Elle violait ainsi le principe de proportionnalité.

b. Le PCTN a conclu au rejet du recours. Les mineurs ayant participé au contrôle du 13 février 2023 avaient été engagés selon la procédure prévue en la matière. Était produite une directive interdépartementale du 30 janvier 2023 qui fixait le protocole, la documentation relative aux achats-tests, les modalités concernant l'engagement, l'instruction, l'accompagnement et la protection de la personnalité des adolescents y participant, ainsi que la protection accordée à ces derniers en cas de procédure judiciaire ultérieure. L'allégation du recourant selon laquelle cette autorité auvait choisi des mineurs avec une apparence trompeuse était « vivement » contestée. L'opération d'achat-test avait été effectuée par un inspecteur du PCTN et deux agents de la police de proximité, tous assermentés, lesquels pouvaient être cités comme témoins. De plus, un accompagnant de l'association G______ (ci-après : G______) était présent et pouvait également être entendu. Par conséquent, l'audition des mineurs et la production des documents en lien avec leur engagement n'étaient pas pertinentes. De toute façon, l'anonymat du mineur était légalement garanti. La demande d'actes d'instruction devait être rejetée.

La décision querellée était fondée. En sa qualité de titulaire de l’autorisation, le recourant était responsable de la vente dans son commerce, qu’il soit présent ou non lors de l’infraction. Prétendre, comme il le faisait, que la loi ne prévoyait pas qu'une pièce d'identité soit exigée viderait de sens les prescriptions légales qui obligeaient le personnel de vente à contrôler l'âge des jeunes clients et irait à l'encontre des buts poursuivis par celles-ci. Il avait commis une faute grave au regard de la volonté du législateur d'être sévère en cas de vente des produits du tabac et produits assimilés aux mineurs.

La suspension de l'autorisation d'une durée de 30 jours était conforme au principe de proportionnalité. Dans une jurisprudence récente, il avait été considéré que compte tenu de la gravité de l'infraction, le PCTN n'avait pas abusé de son pouvoir d'appréciation ni excédé celui-ci en prononçant la suspension d'une autorisation pour une durée de 30 jours, laquelle se situait dans la fourchette inférieure de la quotité prévue par la loi.

c. Le recourant a répliqué, persistant dans ses conclusions. Le PCTN n'avait pas un pratique irréprochable comme il le laissait penser. Un député du Grand Conseil genevois s'était inquiété des méthodes utilisées par ladite autorité, affirmant avoir appris de source sûre que les mineurs étaient maquillés ou « transformés » et que cela s'apparentait à de la tromperie. Il a à cet égard produit une copie d'un article de presse qui rapportait les propos tenus par ledit député.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le recourant sollicite à titre préalable des mesures d'instruction.

2.1 L’autorité réunit les renseignements et procède aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision. Elle apprécie les moyens de preuve des parties (art. 70 et 20 al. 1 LPA). Elle recourt s’il y a lieu à des documents, aux interrogatoires et renseignements des parties et aux témoignages et renseignements de tiers (art. 20 al. 2, let. a à c LPA).

Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 132 II 485 consid. 3.21). Ce droit n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier. En outre, il n'implique pas le droit à une audition orale ni à l’audition de témoins (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

2.2 La loi sur la remise à titre gratuit et la vente à l’emporter de boissons alcooliques, de produits du tabac et de produits assimilés au tabac du 17 janvier 2020 (LTGVEAT - I 2 25) régit la remise à titre gratuit et la vente à l’emporter de boissons alcooliques, ainsi que la remise à titre gratuit et la vente de produits du tabac et de produits assimilés au tabac (art. 2 LTGVEAT). Font partie des produits assimilés au tabac, les cigarettes électroniques, présentant un dispositif utilisé sans tabac et permettant d’inhaler de la vapeur obtenue par chauffage d’un liquide avec ou sans nicotine, ainsi que les flacons de recharge et les cartouches pour ce dispositif (art. 4 al. 3 let. b LTGVEAT).

Le PCTN, au titre de service chargé de la police du commerce, applique la LTGVEAT (art. 5 al. 1 LTGVEAT).

Il peut effectuer ou organiser des achats-tests afin de vérifier si les prescriptions de la loi sont respectées (art. 11 al. 1 LTGVEAT).

Les achats-tests portant sur la limite d’âge ne peuvent être effectués par des adolescents et leurs résultats ne peuvent être utilisés dans des procédures pénales et administratives notamment que si conformément à l'art. 11 al. 2 LTGVEAT, il a été examiné que les adolescents enrôlés conviennent pour l’engagement prévu et qu’ils y ont été suffisamment préparés (let. a) ; aucune mesure n’a été prise pour dissimuler l’âge des adolescents (let. c) ; les adolescents ont rempli leur tâche de manière anonyme et été accompagnés par un adulte (let. d).

Le PCTN, le département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse ainsi que le département de la santé établissent une directive interdépartementale, laquelle fixe le protocole, la documentation relative aux achats-tests, les modalités concernant l’engagement, l’instruction, l’accompagnement et la protection de la personnalité des adolescents y participant, ainsi que la protection accordée à ces derniers en cas de procédure judiciaire ultérieure (art. 9 al. 3 1e phrase du règlement d’exécution de la loi sur la remise à titre gratuit et la vente à l’emporter de boissons alcooliques, de produits du tabac et de produits assimilés au tabac du 3 février 2021 - RTGVEAT - I 2 25.01).

Selon la directive interdépartementale du 30 janvier 2023, versée au dossier, l’identité des acheteurs et de leur accompagnant est protégée, elle n’est jamais révélée aux exploitants et aux tiers et aucune pièce d’identité n’a à être présentée. Les établissements ont selon une procédure d’échantillonnage la même probabilité d’être testés. Une centaine d’achats-tests sont réalisés annuellement, sans ciblage d’une catégorie d’établissement ou de commerce. Les mineurs engagés pour l’achat-test doivent âgés de 15 ans à 17 ans et 9 mois. Ils sont accompagnés par une personne adulte formée pour cette tâche avant, pendant et après l’achat-test, ainsi qu’un inspecteur du PCTN et un agent de police. L’accompagnant reste si possible à l’extérieur de sorte à ce que le mineur ne puisse pas être considéré comme accompagné. Le mineur n’a pas à présenter une carte d’identité si elle est demandée et, sur question, doit indiquer son âge réel.

2.3 En l'occurrence, le recourant demande, d'une part, l'édition de toutes preuves ou documents propres à démontrer les faits de la cause et, d'autre part, les auditions d'F______ et des deux mineurs ayant participé à l'achat-test du 13 février 2023. L'autorité intimée s'oppose à ces mesures d'instruction, leur préférant les auditions de l'inspecteur et des deux agents de police de proximité, tous assermentés, ainsi que celle de l'accompagnant G______.

Il ressort du rapport d'infraction que les deux mineurs étaient âgés au moment des faits de 16 ans conformément aux normes et à la directive susmentionnées. Le recourant ne l'a pas contesté dans ses premières observations, se limitant à invoquer des circonstances familiales justifiant le fait qu'en sa qualité de vendeur, F______, par ailleurs son père, ait pu se tromper sur l'âge des mineurs. Il ne prétend pas que les procédures en lien avec l'engagement des adolescents en vue de l'achat‑test n'ont pas été respectées. La production de preuves ou documents relatifs à ces procédures ne paraît pas utile.

Selon un communiqué conjoint du 24 avril 2023 du département de la sécurité, de la population et de la santé et du département de l'économie et de l'employé, les mineurs engagés pour la campagne d'achats-tests du lundi 13 au vendredi 17 février 2023 avaient été recrutés par le G______ sur mandat du PTCN en sa qualité d'autorité de référence lors de cette activité selon les modalités prévues par la directive précitée. Il ne ressort du dossier aucun indice laissant penser que le G______ et le PTCN n'ont en l'occurrence pas respecté les exigences légales. Dans la mesure où l'art. 11 al. 2 let. d LTGVEAT garantit l'anonymat des adolescents ayant participé à une opération d'achat-test à l'égard des exploitants et des tiers et rien ne justifie de déroger à ce principe de l'anonymat.

Les pièces et auditions sollicitées ne sont pas propres à apporter des informations complémentaires utiles à l’examen de la cause. Le recourant ne peut au surplus pas se prévaloir d’un droit à obtenir l’audition orale des parties.

Par conséquent, la demande de mesures d'instruction complémentaires sera rejetée.

3.             Le recourant conteste le bien-fondé de la décision entreprise au motif qu'il n'avait pas à exiger la présentation des pièces d'identité des mineurs et que l'autorité intimée auvait agi en violation des principes de la bonne foi et de la proportionnalité.

3.1 La LTGVEAT a pour buts d’assurer qu’aucun établissement qui lui est soumis ne soit susceptible de troubler l’ordre public, en particulier la tranquillité et la santé publiques, du fait de son propriétaire ou de son exploitant, ainsi qu’en raison de sa construction, de son aménagement et de son implantation. Elle vise également à protéger la santé des mineurs, notamment contre les risques d’addiction (al. 1). Toute autorisation prévue par la présente loi ne peut être délivrée que si les buts énoncés à l’al. 1 sont susceptibles d’être atteints (al. 2).

À teneur de l'art. 6 al. 4 LTGVEAT, la remise à titre gratuit et la vente de produits du tabac et de produits assimilés au tabac aux mineurs est interdite.

La vente de produits du tabac et de produits assimilés au tabac, y compris l’exploitation d’appareils automatiques délivrant ces produits est soumise à l’obtention préalable d’une autorisation délivrée par le PCTN (art. 7 al. 1 let. b LTGVEAT).

Les titulaires d’une autorisation doivent en particulier veiller à ce que le personnel de vente contrôle l’âge des jeunes clients. À cette fin, une pièce d’identité peut être exigée (art. 10 al. 3 LTGVEAT).

L’art. 18 al. 3 LTGVEAT permet au PCTN de prononcer, en cas de violation des prescriptions de cette loi ou de ses dispositions d’exécution, sans préjudice de l’amende prévue à l’art. 19 LTGVEAT, la suspension de l’autorisation pour une durée de sept jours à six mois (let. a) ou le retrait de l’autorisation (let. b).

Selon l'art. 18 LTGVEAT, pour fixer la durée de la mesure ou décider d’un retrait, outre les seuils précités, l’autorité tient compte notamment de la gravité de la faute, des antécédents et de leur gravité. Est notamment considérée comme grave la violation des prescriptions visées aux art. 6, 14 et 16 LTGVEAT (al. 6).

3.2 Selon l’art. 61 al. 1 let. a LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a). Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire, l’égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3).

3.3 Aux termes de l’art. 5 al. 2 Cst., l’activité de l’État doit répondre à un intérêt public et être proportionnée au but visé. Le principe de la proportionnalité exige que la mesure envisagée soit apte à produire les résultats d’intérêt public escomptés (règle de l’aptitude) et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité). En outre, elle interdit toute limitation allant au-delà du but visé et postule un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts ; ATF 148 I 160 consid. 7.10 ; 140 I 218 consid. 6.7.1).

3.4 Ancré à l’art. 9 Cst., et valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi exige que l’administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale (arrêt du Tribunal fédéral 2C_596/2022 du 8 novembre 2022 consid. 8.1). En particulier, l’administration doit s’abstenir de tout comportement propre à tromper l’administré et ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d’une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_596/2022 du 8 novembre 2022 consid. 8.1).

3.5 Le PCTN jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour fixer la mesure administrative (ATA/911/2023 du 25 août 2023 consid. 2.3). Ainsi, la chambre de céans a considéré que, compte tenu de la gravité de l’infraction commise, cette autorité n'avait pas abusé de son pouvoir d'appréciation ni excédé celui-ci en prononçant la suspension de son autorisation pour une durée de 30 jours, durée qui se situait dans la fourchette inférieure de l’art. 18 al. 3 let. a LTGVEAT (ATA/910/2023 du 25 août 2023 consid. 3.5). Dans une autre affaire, elle a réduit la durée de la suspension d'un mois à quinze jours pour prendre en considération les circonstances, telles l’absence d’antécédent, les regrets exprimés, l’engagement de prendre les mesures pour éviter une récidive, la quantité d’alcool acheté limitée à une bouteille de 5 cl et les effets économiques de la mesure sur l’établissement, lequel ne vendait que de l’alcool (ATA/760/2024 du 25 juin 2024 consid. 3.5). Dans l'ATA/761/2024 du 25 juin 2024 consid. 2.7, les recourants ont vu la durée de la suspension de l'autorisation de 60 jours pour deux infractions admises réduite à 30 jours pour les motifs qu'elle ne tenait pas suffisamment compte du fait que le recourant n’avait pas d’antécédent disciplinaire, avait exprimé des regrets, s’était engagé à prendre des mesures pour éviter une récidive, que la quantité d’alcool vendu était limitée à une bouteille de 275 ml, que la vente d’un produit assimilé au tabac était limitée à une cigarette électronique et des effets économiques de la mesure sur l’établissement.

3.6 En l'espèce, le recourant conteste le principe de la suspension de son autorisation, subsidiairement la quotité de cette sanction.

3.6.1 Il estime qu'il n'a violé aucune exigence légale en ne contrôlant pas l'identité des mineurs. Cette appréciation ne peut être suivie. Loin d'être rédigé sur la forme potestative, l'art. 10 al. 3 LTGVEAT dispose que les titulaires d’une autorisation doivent en particulier veiller à ce que le personnel de vente contrôle l’âge des jeunes clients, au besoin en exigeant une pièce d'identité. Il s'agit d'une obligation légale du titulaire de l'autorisation, comme l'atteste l'intitulé de la disposition. Cette disposition légale n'accorde aucune latitude au recourant pour opter ou non pour un contrôle en fonction de son propre jugement de l'âge supposé des jeunes personnes clientes. Les allégations du recourant selon lesquelles le vendeur n'avait aucun doute sur la majorité des deux mineurs ou s'était trompé sur leur âge en raison de circonstances personnelles comme invoqué initialement ne pouvaient à elles seules justifier l'absence de contrôle de leur identité. Il lui appartenait de prendre des dispositions pour former le personnel de vente à remplir les obligations légales inhérentes à l'autorisation, quelles que soient les circonstances. Le grief de violation de la loi doit ainsi être rejeté.

3.6.2 En outre, le recourant allègue que le choix des mineurs ayant l'apparence et la corpulence des majeurs est contraire au principe de la bonne foi. Comme jugé dans une affaire similaire, les caractéristiques physiques d'un mineur ne sont ni règlementées dans la loi, ni de nature à induire le vendeur en erreur et il n'est pas exclu que les personnes mineures présentent l'apparence et la corpulence d'une personne adulte (ATA/760/2024 du 25 juin 2024 consid. 3.5). Le titulaire d'une autorisation ne peut donc se prévaloir de caractéristiques physiques supposées apparentes d'une personne majeure pour justifier une infraction à l'interdiction de vente de produits du tabac et de produits assimilés au tabac aux mineurs. Relevons à cet égard que la directive précitée prévoit que les mineurs participant à l'achat-test sont préparés à paraître naturels.

Même à supposer que les caractéristiques physiques des mineurs telles que décrites par le recourant soient tenues pour établies, elles n'enfreignent aucune norme dès lors que celui-ci ne rend pas vraisemblable qu'ils avaient été ni maquillés ni « grimés » afin d'induire le vendeur en erreur sur leurs âges. L'article de presse auquel le recourant s'est référé ne l’établit pas plus et ne lui est d’aucun secours. En effet, s'il fait état de soupçons de la part d'un député, le département de l’économie et de l’emploi, dont dépend le PTCN, a réfuté toute manœuvre spécieuse et indiqué que ce genre de contrôle avait été discuté avec les milieux concernés. Ceux-ci se sont en outre dits surpris par la question du député, considérant le sujet comme clos. Au vu de l'ensemble de ces éléments, l'on ne voit pas en quoi le comportement de l'autorité intimée aurait été déloyal ou propre à tromper le recourant, de sorte que le grief de violation du principe de la bonne foi sera écarté.

3.6.3 Sous l'angle de la proportionnalité, le recourant fait valoir que la suspension de son autorisation pour une durée de 30 jours est excessive eu égard à l'absence d'antécédent du même genre et à la situation financière du commerce. Or, ainsi que le relève l’autorité intimée, la LTGVEAT prévoit expressément que la vente de tabac ou de produits assimilés aux mineurs constitue une infraction grave (art. 18 al. 6 in fine LTGVEAT). La sanction en cas de deuxième manquement est d’ailleurs particulièrement sévère puisqu’elle implique le retrait de l’autorisation assorti d’un délai de carence de 36 mois, pendant lequel le PCTN ne peut entrer en matière sur une nouvelle demande (art. 18 al. 5 LTGVEAT). La sévérité de la sanction en cas de vente de tabac aux mineurs répond donc à une volonté clairement exprimée par le législateur de se montrer intransigeant à l'égard des auteurs de cette infraction.

Cela étant, malgré la gravité de l'infraction, il apparaît à la lumière de la jurisprudence susmentionnée que la mesure prononcée par l'autorité intimée est excessive. Elle ne tient pas suffisamment compte du fait que la vente d’un produit assimilé au tabac était limitée à une cigarette électronique, de l'absence d'antécédent du même genre et des effets économiques de la mesure sur le commerce. Deux autres infractions à la LTGVEAT ont été constatées les 14 janvier et 18 avril 2023, et le recourant s’est vu infliger un avertissement, mais en même temps que la mesure attaquée. Quant à la situation financière précaire du commerce, la comptabilité versée au dossier établit, certes, une baisse du chiffre d’affaire. Toutefois, la suspension ne porte que sur les produits du tabac et assimilés, et le recourant ne soutient pas qu’il ne vendrait que ces produits.

Compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, une suspension de 20 jours apparaît adéquate pour atteindre le but de la LTGVEAT, soit le respect par le recourant des dispositions de cette loi, en particulier la protection de la santé des mineurs, notamment contre les risques d’addiction.

Le recours sera partiellement admis et la durée de la suspension réduite à 20 jours.

4.             Vu l’issue du litige, un émolument réduit de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant, et il lui sera alloué une indemnité de procédure réduite de CHF 500.- (art. 87 al. 1 et 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 26 février 2024 par A______ contre la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 25 janvier 2024 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 25 janvier 2024 en tant qu’elle fixe la durée de la suspension de l’autorisation délivrée à A______ pour la vente à emporter des produits du tabac et des produits assimilés au tabac, pour le compte de l’entreprise individuelle B______, dans le commerce de l'enseigne « D______ », à 30 jours ;

réduit la durée de ladite suspension à 20 jours ;

confirme pour le surplus la décision précitée ;

met à la charge de A______ un émolument de CHF 500.- ;

alloue à A______ une indemnité de procédure de CHF 500.-, à la charge de l'État de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Kaveh MIRFAKHRAEI, avocat du recourant, ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Michèle PERNET, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

B. SPECKER

 

 

le président siégeant :

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :