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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/369/2024

ATA/850/2024 du 15.07.2024 ( AMENAG )

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/369/2024-AMENAG ATA/850/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 15 juillet 2024

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

 

 

CONSEIL D’ÉTAT intimé

 

et

 

COMMUNE B______

représentée par Me Jean-Pierre CARERA, avocat

 

et

 

C______ appelées en cause



Attendu, en fait, que le plan localisé de quartier (PLQ) n° 1______, situé au lieu‑dit « D______ » sur la commune B______, porte sur une surface totale de quelque 30'300 m² ; qui englobe les parcelles nos 339 et 566, appartenant à la commune B______ (ci-après : la commune), 1'301 et 1'303, appartenant à E______ (ci‑après : la propriétaire privée) et 1'408, 1'410, 1'114 (pour partie), 1'422 (pour partie) et 1'426 (pour partie), faisant partie du domaine public communal ;

que le plan localisé de quartier (ci-après : PLQ), qui fait suite à l’adoption par le Grand conseil de la République et canton de Genève, le 1er novembre 2019, de la loi n° 12'393 modifiant les limites de zone sur le territoire de la commune (création d’une zone de développement 3, d’une zone affectée à de l’équipement public, d’une zone 4B protégée, d’une zone des bois et forêts et d’une zone de verdure, au lieu-dit « D______ »), a pour objectif le développement d’un quartier urbain mixte sur les parcelles concernées, ainsi que la redéfinition de l’actuelle place de D______ en un espace public ; qu’il prévoit la construction de 30'700 m² de surfaces brutes de plancher (ci-après : SBP) de logement, de 4'400 m² de SBP d’activités ainsi que d’un équipement de type salle polyvalente ;

que le projet de PLQ, modifié après une première procédure d’opposition, a fait l’objet d’une seconde procédure d’opposition, annulant et remplaçant la précédente, du 7 juin au 6 juillet 2023 ;

que, par courrier recommandé adressé le 6 juillet 2023 au Conseil d’État, A______ (ci-après : le recourant) et deux consorts ont formé opposition au projet de PLQ ;

que, par arrêté du 20 décembre 2023, le Conseil d’État a rejeté l’opposition formée par le recourant et ses consorts ;

que, par un second arrêté également prononcé le 20 décembre 2023 et publié dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (FAO) le 22 décembre 2023, le Conseil d’État a approuvé le PLQ n°1______;

que, le 1er février 2024, A______ a formé auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) un recours contre les deux arrêtés susmentionnés, concluant à leur annulation ;

que le Conseil d’État, soit pour lui le département du territoire (ci-après : le département) a répondu au recours le 5 mars 2024 ; que le recourant a répliqué le 22 mai 2024 ;

que, par courriers des 5 et 7 mars 2024 respectivement, la propriétaire privée et la commune ont demandé à être appelées en cause dans la procédure de recours ; que la propriétaire privée, alléguant avoir l’intention de « construire l’essentiel des bâtiments prévus » par le PLQ, a indiqué vouloir exercer son droit d’être entendue ; que la commune en a fait de même, exposant être directement touchée par les décisions contestées, tant en sa qualité de propriétaire d’une partie des immeubles concernés qu’en celle de collectivité publique fortement impliquée dans la planification et le développement du secteur visé par le PLQ ;

qu’invités à se déterminer sur ces demandes, le département, par lettres du 21 mars 2024, s’en est rapporté à justice alors que le recourant, par lettres du 22 avril 2024, s’y est opposé ; qu’il a fait valoir que les demandes d’appel en cause formées par le propriétaire privé et la commune constituaient en réalité des requêtes en intervention accessoire, inconnues en procédure administrative ; que la commune ne disposait en tout état pas d’un intérêt suffisant pour justifier son appel en cause ; qu’enfin la lettre par laquelle le propriétaire privé avait demandé son appel en cause avait été signée par des personnes ne disposant pas des pouvoirs pour le représenter ;

Considérant en droit l’art. 71 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) selon lequel l’autorité peut ordonner, d’office ou sur requête, l’appel en cause de tiers dont la situation juridique est susceptible d’être affectée par l’issue de la procédure ; la décision leur devient dans ce cas opposable (al. 1) ; l’appelé en cause peut exercer les droits qui sont conférés aux parties (al. 2) ;

que la doctrine précise que l’autorité saisie a la faculté d’ordonner l’appel en cause, d’office ou sur requête, mais qu’elle n’en a pas l’obligation, sauf lorsque le tiers dispose d’un intérêt digne de protection, son droit à l’appel en cause découlant directement des art. 89 et 111 de la loi de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ;

que la jurisprudence interprète l’art. 71 LPA à la lumière des conditions relatives à la qualité pour recourir en procédure contentieuse (art. 60 LPA), dans le respect de la règle de base définie à l’art. 7 LPA ; l’institution de l’appel en cause ne doit ainsi pas permettre à des tiers d’obtenir des droits plus étendus que ceux donnés aux personnes auxquelles la qualité pour agir est reconnue ; il faut toujours examiner avec soin si la personne susceptible d’être appelée en cause est touchée directement ; en définitive, tout tiers qui dispose de la qualité pour recourir pourra ou devra être appelé en cause (art. 71 LPA) pour exercer ses droits, sans qu’il ne soit nécessaire de prévoir une procédure spéciale d’intervention (Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, n. 903 ss ad art. 71 LPA) ;

qu’aux termes de l’art. 111 LTF, la qualité de partie à la procédure devant toute autorité cantonale précédente doit être reconnue à quiconque a qualité pour recourir devant le Tribunal fédéral (al. 1); l’autorité qui précède immédiatement le Tribunal fédéral doit pouvoir examiner au moins les griefs visés aux art. 95 à 98 LTF (al. 3) ;

qu’il résulte de cette disposition que la qualité pour recourir devant les autorités cantonales ne peut pas s’apprécier de manière plus restrictive que la qualité pour recourir devant le Tribunal fédéral, les cantons demeurant libres de concevoir cette qualité de manière plus large (ATF 135 II 145 consid. 5 et les arrêts cités) ; il convient donc d’examiner la qualité pour recourir sous l’angle de l’art. 89 al. 1 LTF (ATF 144 I 43 consid. 2.1) ;

que selon l’art. 89 al. 1 LTF, a qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a), est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué (let. b) et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (let. c) ;

que la teneur de l’art. 89 al. 1 let. b et c LTF correspond à celle de l’art. 60 al. 1 let. b LPA (ATF 144 I 43 consid. 2.1 ; 137 II 30 consid. 2.2.3 et 2.3) ;

qu’il ressort de l’art. 60 al. 1 LPA qu’ont notamment qualité pour recourir : les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée (let. a) ; toute personne qui est touchée directement par une loi constitutionnelle, une loi, un règlement du Conseil d’État ou une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce que l’acte soit annulé ou modifié (let. b) ;

que, de jurisprudence constante, la chambre administrative retient que les let. a et b de la disposition précitée doivent se lire en parallèle : ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s’il était partie à la procédure de première instance (ATA/258/2020 du 3 mars 2020 consid. 2a et l’arrêt cité ; Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, p. 184 n. 698) ;

que pour disposer d’un intérêt digne de protection, le recourant doit avoir un intérêt actuel et pratique à l’admission du recours (ATF 135 I 79 consid. 1 ; 134 II 120 consid. 2 ; arrêt TF 2F_21/2016 du 6 juillet 2018 consid. 3.1) ; l’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 137 I 296 consid. 4.2 ; 136 II 101 consid. 1.1) ;

que l’intérêt digne de protection consiste dans l’utilité pratique que l’admission du recours apporterait au recourant, en lui évitant de subir un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision attaquée lui occasionnerait ; il implique que le recourant soit touché de manière directe, concrète et dans une mesure et avec une intensité plus grande que la généralité des administrés et se trouve, avec l’objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d’être pris en considération (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 ; 137 II 40 consid. 2.3 ; 133 II 468 consid. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_837/2013 du 11 avril 2014 consid. 1.1) ; que le recourant doit démontrer que sa situation factuelle et/ou juridique peut être avantageusement influencée par l’issue du recours (ATA/14/2022 du 11 février 2022 consid. 5c) ; qu’un intérêt seulement indirect à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée n’est pas suffisant (ATF 138 V 292 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_665/2013 du 24 mars 2014 consid. 3.1) ;

qu’à Genève, l’art. 12 de la loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30) précise que, pour déterminer l’affectation du sol sur l’ensemble du territoire cantonal, celui-ci est réparti en zones (al. 1), lesquelles sont de trois types (al. 2), à savoir les zones ordinaires (let. a ; voir aussi art. 18 à 27), les zones de développement (let. b ; voir aussi art. 30 à 30B) et les zones protégées (let. c ; voir aussi art. 28) ;

que, selon l’art. 35 al. 3 LaLAT, auquel renvoie l’art. 6 al. 12 de la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35) dans le cadre de la procédure d’adoption d’un PLQ, les communes notamment ont qualité pour recourir ;

qu’en droit genevois, le projet de PLQ est mis au point par le département, en collaboration avec la commune, et la commission d’urbanisme et les particuliers intéressés à développer le périmètre, sur la base d’un avant-projet étudié par le département, la commune ou des particuliers intéressés à développer le périmètre dans le cadre d’un processus de concertation avec ces derniers, les habitants, propriétaires et voisins du quartier ainsi que les associations et la commune concernées (art. 5A al. 1 LGZD) ;

qu’en l’espèce le propriétaire privé, propriétaire d’une partie des parcelles concernées par le PLQ, est directement et concrètement touché par cet acte, dès lors qu’il définit l’usage qui pourra en être fait, et notamment les caractéristiques des bâtiments qui pourront y être édifiés ;

qu’il en va de même de la commune, elle-même propriétaire d’une partie des parcelles concernées et disposant en outre d’un intérêt direct et concret à la détermination de l’utilisation de son domaine public :

que les objections du recourant fondées sur l’absence de possibilité d’intervention accessoire en procédure administrative doivent être écartées, dès lors que l’appel en cause, au sens de l’art. 71 LPA, peut être ordonné d’office ; que, pour cette même raison, il importe peu que les signataires du courrier adressé le 5 mars 2024 à la chambre administrative par le propriétaire privé aient disposé ou non du pouvoir de le représenter ;

qu’ainsi, dans la mesure où leurs situations juridiques et économiques seront directement affectées par l’issue de la procédure, l’appel en cause de la commune et du propriétaire privé sera ordonné ;

qu’ils auront ainsi la possibilité d’exercer leurs droits de partie au sens de l’art. 71 al. 2 LPA ;

que le sort des frais de la procédure sera réservé.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

ordonne l’appel en cause de la commune B______ et de E______ ;

communique à la commune B______ et à E______ une copie du recours, de la décision attaquée et de la réponse de la partie intimée ;

dit que les pièces de la procédure peuvent être consultées au greffe de la chambre administrative ;

impartit un délai au 19 août 2024 à la commune B______ et à E______ pour présenter leurs observations sur le fond du litige ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique la présente décision à A______, à la commune B______, à E______ ainsi qu’au Conseil d’État.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

 

C. MARINHEIRO

 

le juge délégué :

 

 

 

P. CHENAUX

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :