Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2640/2022

ATA/774/2024 du 25.06.2024 sur JTAPI/714/2023 ( ICCIFD ) , ADMIS

Descripteurs : DROIT FISCAL;IMPÔT CANTONAL ET COMMUNAL;IMPÔT FÉDÉRAL DIRECT;IMPÔT SUR LE REVENU;REVENU DE LA FORTUNE MOBILIÈRE(DROIT FISCAL);DÉDUCTION DU REVENU(DROIT FISCAL);DÉDUCTION DES FRAIS D'ACQUISITION(DROIT FISCAL)
Normes : LIFD.4.al1.letc; LIFD.20; LIFD.21; LIFD.25; LIFD.32; LIFD.207.al4; LIPP.22; LIPP.24; LIPP.28; LIPP.29; LIPP.30; LIPP.31; LIPP.32; LIPP.33; LIPP.34; LIPP.35; LIPP.36; LIPP.37; LHID.4.al1; LHID.9.al3; LHID.21.al1.letc; CC.655
Résumé : Actionnaires-locataires d'une SIAL dont la déduction sur le revenu de frais de rénovation d'un appartement qu'ils ont mis en location provisoirement a été admise par le TAPI. Le raisonnement du TAPI ne peut toutefois pas être suivi en tant qu'il considère que les actions de la SIAL sont assimilables économiquement à des droits de propriétaire puisque le loyer dégagé constitue pour l’actionnaire un rendement de participation et non un revenu immobilier. Référence est faite à un arrêt vaudois FI.2022.0026 du 24 mai 2023 qui a retenu que les contribuables ne sont pas autorisés à déduire de leur revenu imposable les frais d'entretien engagés. Seuls les loyers et éventuelles charges versés à la SIAL peuvent être déduits du revenu à titre de frais d'acquisition de celui-ci. Recours de l'AFC-GE admis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2640/2022-ICCIFD ATA/774/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 25 juin 2024

4ème section

 

dans la cause

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE recourante

contre

A______ et B______
représentés par Me Nicolas MERLINO, avocat

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS intimés

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 26 juin 2023 (JTAPI/714/2023)


EN FAIT

A. a. Le litige concerne l’impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) et l’impôt fédéral direct (ci-après : IFD) 2017 des époux A______ et B______ (ci‑après : les contribuables).

b. Par « Convention sous seing privé de vente d’actions » du 19 septembre 2017, les contribuables ont fait l’acquisition des certificats d’actions nos 34 et 35 représentant respectivement 64 actions nominatives nos 1'014 à 1'077 et deux actions nominatives nos 1'078 et 1'079 de la société immobilière d’actionnaires-locataires C______ SA (ci-après : SIAL) pour le prix de CHF 1'689'000.-.

Ces certificats d’actions leur donnaient un droit exclusif de louer l’appartement no 11.03 de cinq pièces au 9ème étage de l’immeuble sis rue D______ à Genève, ainsi qu’une place de parking et une cave.

L’art. 3 ch. 2 de cette convention prévoyait que les acquéreurs reprenaient la quote‑part de la créance chirographaire des actionnaires contre la SIAL, mentionnée au bilan de celle-ci au 31 décembre 2016, mais telle qu’elle existait à la date de la signature de la convention.

c. Le contrat de bail à loyer conclu entre la SIAL et les contribuables le 19 septembre 2017, prévoit à son art. 5 que le « plein loyer » annuel était fixé comme suit :

« a) Part des charges courantes de la [SIAL], proportionnelle au nombre d’actions donnant droit aux locaux loués par les présentes. Le montant des charges ainsi réparties est déterminé chaque année à la clôture des comptes de l’exercice social. L’actionnaire versera à titre de provision CHF 3'633.- par trimestre d’avance pour l’appartement, le solde dû éventuel ou le trop-perçu étant remboursé dans un délai de trente jours après approbation des comptes annuels par l’Assemblée générale des actionnaires de la société.

b) Loyer net, soit la différence entre le plein loyer et la part des charges courantes incombant à l’actionnaire. Tant que l’actionnaire possédera la créance chirographaire contre la [SIAL], cette part du loyer en constituera l’intérêt et sera compensée sans paiement en espèces. Si l’actionnaire cessait d’être créancier chirographaire de la [SIAL], il devrait payer le plein loyer d’avance par trimestre du calendrier. Il en serait de même si, malgré la résiliation du bail, l’actionnaire devait se maintenir dans les locaux sans droit ou par suite d’une décision administrative ou judiciaire. Afin de garantir, par droit de rétention, le paiement des montants qui lui incombent, l’actionnaire s’engage à tenir les locaux constamment garnis ».

L’art. 6 du contrat de bail à loyer stipule que : « En cas de location ou de sous‑location à un tiers, en application des art. 2 ou 4 ci-dessus, la [SIAL] percevra le plein loyer, en affectera le montant nécessaire à la couverture des charges courantes et tiendra le solde à la disposition de l’actionnaire ».

L’art. 8 prévoit quant à lui que : « Tous les travaux courants de réparation ou d’entretien du bâtiment, de ses dépendances et des locaux communs seront ordonnés et contrôlés par le gérant de l’immeuble. Par contre, les travaux qui concernent un ou plusieurs appartements déterminés seront à la charge exclusive du ou des actionnaires desdits appartements. Les travaux qui concernent l’ensemble de l’immeuble seront à la charge de la [SIAL] et supportés par elle, selon décision du Conseil d’Administration : soit comme charges courantes réparties chaque année entre tous les actionnaires dans la proportion de leurs actions, soit comme charges exceptionnelles à prélever sur la " réserve spéciale destinée aux besoins de l’immeuble ". Afin de sauvegarder l’harmonie architecturale du bâtiment, la [SIAL] se réserve de refuser ou de soumettre à une règle uniforme les aménagements qui pourraient être demandés par les actionnaires et seraient visibles de l’extérieur des immeubles ».

Le bail à loyer a pris effet le 15 septembre 2017 (art. 2 dudit contrat de bail).

d. Dans l’état des titres de leur déclaration fiscale 2017, les contribuables ont déclaré 64 actions de la SIAL pour une valeur imposable de CHF 195'008.- et un rendement brut soumis à l’impôt anticipé de CHF 1'194.-.

e. Dans le poste « Autres déductions sur le revenu » (code 59.30) de leur déclaration fiscale 2017, les contribuables ont mentionné un montant de CHF 140'053.- à titre de « frais rénovation bien détenu en SI cf. état titres ». À cet effet, ils ont annexé à leur déclaration fiscale un tableau détaillant les travaux suivants effectués dans l’appartement avec une copie des factures y relatives :

Date de facture

Entreprise

Nature des travaux

Économie d'énergie

Entretien

Total

16.06.2017

E______

Diagnostic amiante

 

2'172

 

16.10.2017

F______

Désamiantage

 

12'000

 

05.10.2017

E______

Rapport désamiantage

 

4'374

 

11.12.2017

G______

Grue pour remplacement vitrages

5'076

 

 

07.12.2017

H______

Installation doubles vitrages

76'500

 

 

29.11.2017

I______

Remplacement parquet

 

19'100

 

11.12.2017

J______

Travaux d'étanchéité

 

15'625

 

Total

 

 

81'576

53'271

134'847

À ce total de CHF 134'847.- s’ajoutait un montant de CHF 5'196.- correspondant au loyer de l’appartement et du parking comptabilisé dans les comptes de la SIAL au 31 décembre 2017, soit un total de CHF 140'053.-.

f. Par bordereaux de taxation datés du 17 décembre 2018, l’AFC-GE a fixé l’ICC 2017 à CHF 143'564.95 sur la base d’un revenu imposable de CHF 487'431.- au taux de CHF 481'409.- et d’une fortune imposable de CHF 2'355'533.- au taux de CHF 2'518'320.-. Calculé sur un revenu imposable de CHF 493'600.- au taux de CHF 489'900.-, l’IFD 2017 s’est, quant à lui, élevé à CHF 50'126.50.-.

L’AFC-GE n’avait pas déduit les CHF 140'053.- pour le motif suivant : « 59.30 – Autres déductions sur le revenu : Les charges de la [SIAL] sont déductibles dans les comptes de la [SIAL] et en aucun cas dans votre propre déclaration ».

g. Par lettre du 10 janvier 2019, les contribuables ont élevé réclamation à l’encontre de ces bordereaux de taxation ICC/IFD 2017, contestant notamment l'absence de prise en compte par l’AFC-GE de la déduction des frais d’entretien de CHF 140'053.-.

h. À la demande de l’AFC-GE du 21 janvier 2019, les contribuables ont produit une attestation de K______SA, datée du 28 janvier 2019, confirmant que les frais de rénovation entrepris dans leur appartement n’avaient pas été comptabilisés dans les comptes de la SIAL.

i. Par courrier du 11 février 2021, les contribuables se sont référés à la réclamation du 10 janvier 2019, restée sans réponse de la part de l’AFC-GE, et ont souligné le fait que l’appartement en cause était vétuste, de sorte qu’il ne pouvait pas être habité sans rénovation complète. Le désamiantage et la mise en conformité des vitrages étaient des obligations légales et représentaient environ 75% du montant des travaux dont la déduction était sollicitée. Sans ces rénovations, l’appartement n’aurait pas pu être mis en sous-location. Or, le produit de cette sous-location était taxé par l’AFC-GE, laquelle récupérait ainsi ce qu’elle perdait en acceptant la déductibilité des travaux de rénovation. Ainsi, en 2018, la sous-location avait généré un revenu taxable de CHF 52'523.-. Dès lors, il semblait juste que le contribuable pût bénéficier des déductions liées à l’acquisition du revenu.

j. Par lettre du 5 juillet 2021, l’AFC-GE a informé les contribuables de son intention de rectifier en leur défaveur leur taxation ICC 2017. La valeur fiscale des 66 actions de la SIAL (actions : 64 + 2) devait s’élever à CHF 1'689'000.- selon la convention du 19 septembre 2017. Un délai de 20 jours était accordé aux contribuables pour déposer d’éventuelles observations, accompagnées, le cas échéant, de moyens de preuves.

k. Par courrier du 6 septembre 2021, les contribuables ont sollicité une entrevue « dans l’idée de trouver une solution équitable à cette situation ».

Par courrier du 28 octobre 2021, faisant suite à un entretien téléphonique du 22 octobre 2021 avec un collaborateur de l’AFC-GE, les contribuables ont fait part à cette dernière de leurs observations finales. L’appartement avait été acquis dans le but de s’y installer au moment de leur retraite et devait être sous-loué dans l’intervalle, ce qui avait nécessité des travaux de rénovation complets. Le produit de la sous-location généré par l’appartement après la fin des travaux justifiait la déduction fiscale du coût de ces travaux au titre de frais d’acquisition du revenu.

l. Par deux décisions du 20 juillet 2022, l’AFC-GE a partiellement admis la réclamation sur certains points. Elle l’a toutefois rejetée s’agissant de la déduction des frais d’entretien de l’appartement, en expliquant que : « à la différence d’un propriétaire en nom qui se voit imposer une valeur locative et peut – à ce titre – revendiquer des déductions organiques sous forme de frais d’entretien d’immeuble, le détenteur d’une SI voit sa position assimilée à celle d’un locataire ».

Concernant l’ICC 2017, l’AFC-GE a maintenu la reformatio in pejus relative à la valeur fiscale des actions de la SIAL.

B. a. Par acte du 19 août 2022, les contribuables ont interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre ces deux décisions sur réclamation, concluant à leur annulation et au renvoi de la cause à l’AFC-GE pour nouvelles taxations retenant une perte de sous-location d’un montant de CHF 140'053.-.

Il existait un lien de causalité direct entre les dépenses engagées pour la rénovation de l’appartement et les revenus de sous-location perçus dès l’achèvement des travaux, soit à compter de mai 2018. Enfin, les travaux concernés devaient être qualifiés respectivement de frais d’entretien et de frais d’investissement destinés à économiser l’énergie, lesquels étaient entièrement déductibles du revenu imposable. À ces frais, il fallait encore ajouter le loyer de CHF 5'196.- payé par les recourants à la SIAL pour la période du 15 septembre au 31 décembre 2017.

b. Dans sa réponse du 24 octobre 2022, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

La loi énumérant strictement et limitativement le genre de revenu imposable ainsi que les déductions y relatives à répartir entre une SIAL et ses actionnaires‑locataires, les contribuables ne pouvaient pas en modifier la qualification, alors qu’ils n’étaient pas propriétaires de leur appartement.

c. Par réplique du 16 décembre 2022, les contribuables ont persisté dans les conclusions de leur recours du 19 août 2022.

C’était au regard des droits que leur statut de sous-bailleurs/locataires originels leur conférait que l’AFC-GE aurait dû examiner la déductibilité des frais litigieux au titre de frais d’acquisition du revenu.

d. Par duplique du 16 janvier 2023, l’AFC-GE a persisté intégralement dans les considérants et conclusions de sa réponse du 24 octobre 2022.

Certes, le statut de sous-bailleur existait en soi, mais il fallait l’appréhender dans le contexte des relations entre la SIAL et les actionnaires-locataires. Or, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral en matière de SIAL, en cas de sous-location, la prestation appréciable en argent correspondait à la différence entre la valeur locative facturée à l’actionnaire-locataire et le produit de la sous-location. Admettre la réalisation d’un revenu immobilier de sous-location ainsi que la déductibilité des frais de rénovation de l’appartement violait les règles fiscales et la jurisprudence du Tribunal fédéral.

e. Par jugement du 26 juin 2023, le TAPI a admis partiellement le recours et renvoyé le dossier à l’AFC-GE pour nouvelles taxations ICC et IFD 2017.

Comme les contrats de sous-location d’immeubles suisses fondaient également un rattachement économique sur la base de l’art. 4 al. 1 let. c de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) (droits personnels équivalant économiquement aux droits réels), les revenus qui en découlaient étaient logiquement ceux de la fortune immobilière. Les dépenses nécessaires à l’acquisition du revenu étaient défalquées de l’ensemble des revenus imposables. Ainsi, les frais d’entretien dans un rapport direct et immédiat avec l’obtention du revenu, sous l’angle économique et temporel, étaient déductibles dans l’année correspondant à la date de la facture selon l’information et la notice 1/2011 de l’AFC-GE applicable à l’année 2017. Les travaux pris à leurs frais conformément à l’art. 8 du contrat de bail à loyer devaient être considérés comme déductibles, selon la notice 1/2011.

Comme les contribuables étaient imposables sur les loyers qu’ils percevaient de la sous-location, il convenait d’admettre qu’ils pouvaient déduire de ce revenu brut les frais reconnus comme nécessaires à la remise en état de l’appartement, à hauteur de CHF 119'222.- correspondant aux frais d’installation des doubles vitrages, de remplacement des parquets et de désamiantage. Compte tenu de l’importance et de la durée des travaux, l’appartement ne pouvait pas être sous-loué en 2017, mais la conclusion d’un contrat de courtage avec une régie démontrait l’intention de sous‑louer l’appartement. Dans ces circonstances, on ne saurait exiger que le coût des travaux facturés en 2017 soit uniquement déductible dans l’année de réalisation du revenu correspondant, soit en 2018. Cependant, la prise en compte du loyer versé à la SIAL en 2017 ne pouvait être admis en déduction, faute d’un revenu de sous‑location perçu en 2017. Le dossier devait être renvoyé à l’AFC-GE pour qu’elle notifie de nouveau bordereaux de taxations ICC/IFD 2017.

C. a. Le 24 juillet 2023, l’AFC-GE a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement du TAPI, concluant à son annulation et à la confirmation de sa décision sur réclamation du 20 juillet 2022.

Les frais pris en charge par les contribuables pour des travaux dans un appartement qu’ils louaient en qualité d’actionnaires-locataires d’une SIAL et qu’ils destinaient à la sous-location ne pouvaient pas être déduits de leur revenu.

Le TAPI avait fait abstraction du lien d’actionnariat entre les contribuables et la SIAL. Les travaux, même s’ils étaient pris en charge par l’actionnaire-locataire, ne pouvaient pas être déduits directement dans la déclaration en application de la jurisprudence.

b. Le 6 septembre 2023, les contribuables ont déposé des observations, concluant au rejet du recours.

En 2017, le loyer du marché exigé par la SIAL correspondait à l’état vétuste de l’appartement qui nécessitait d’importants travaux de rénovation. Après les travaux de remise en état, le loyer perçu en leur qualité de sous-bailleur dans le cadre de la sous-location serait supérieur. Il était impératif de dissocier les deux baux, soit d'une part celui qu'ils avaient conclu avec la SIAL et d'autre part celui qui les lierait à leur sous‑locataire.

c. Le 6 octobre 2023, l’AFC-GE a répliqué.

La position des contribuables n’était pas conforme à la jurisprudence ni à l’information 12/96 de l’AFC-GE, car économiquement un seul et unique bien immobilier existait. À suivre les contribuables, l’augmentation de loyer de 406% était justifiée. Le loyer perçu par la SIAL étant clairement insuffisant, la SIAL avait de ce fait accordé une prestation appréciable en argent aux contribuables, conformément à la jurisprudence.

d. Le 3 novembre 2023, les contribuables ont dupliqué.

L’AFC-GE ne traitait pas l’objet du litige, qui était la déductibilité des frais d’acquisition du revenu en lien de causalité direct avec les loyers perçus de la sous‑location.

e. Le 7 novembre 2023, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le litige porte sur la déductibilité de frais de travaux réalisés dans l’appartement que les contribuables louent en qualité d’actionnaires-locataires d’une SIAL, et qu’ils destinent à la sous-location, de leur revenu imposable 2017.

3.             3.1 En l'absence d'une réglementation expresse contraire, le droit applicable à la taxation est celui en vigueur pendant la période fiscale en cause (ATF 140 I 68 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_715/2022 du 19 juillet 2023 consid. 5).

3.2 En l'espèce, le litige porte sur la taxation ICC et IFD des intimés pour l'année 2017. La cause est ainsi régie par le droit en vigueur durant cette période, à savoir, s'agissant de l'IFD, par les dispositions de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) et, pour ce qui est de l'ICC, par celles de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08) et de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14).

Par ailleurs, la question à trancher dans le cadre du recours étant traitée de la même manière en droit fédéral et en droit cantonal harmonisé, le présent arrêt traite simultanément des deux impôts, comme l'admet la jurisprudence (ATF 135 II 260 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_662/2014 du 25 avril 2015 consid. 1).

4.             Le TAPI a retenu que les dépenses litigieuses constituaient des frais d’acquisition du revenu.

4.1 Est imposable le revenu de la fortune immobilière (art. 21 LIFD et art. 24 LIPP)

4.1.1 En IFD, le revenu net se calcule en défalquant du total des revenus imposables les déductions générales et les frais mentionnés aux art. 26 à 33a (art. 25 LIFD).

4.1.2 L’art. 32 al. 2 LIFD, dans sa teneur applicable pour l’année concernée, prévoit que le contribuable qui possède des immeubles privés peut déduire les frais nécessaires à leur entretien, les frais de remise en état d’immeubles acquis récemment, les primes d’assurances relatives à ces immeubles et les frais d’administration par des tiers.

4.1.3 En droit harmonisé, l’art. 9 al. 3 LHID prévoit que le contribuable qui possède des immeubles privés peut déduire les frais nécessaires à leur entretien, les frais de remise en état d’immeubles acquis récemment, les primes d’assurances relatives à ces immeubles et les frais d’administration par des tiers. En outre, les cantons peuvent prévoir des déductions pour la protection de l’environnement, les mesures d’économie d’énergie et la restauration des monuments historiques.

4.1.4 En droit cantonal, le revenu net se calcule en défalquant du total des revenus bruts les déductions générales et les frais mentionnés aux art. 29 à 37 LIPP (art. 28 LIPP). L’art. 34 let. d LIPP (dans sa teneur en 2017) prévoit que sont déduits du revenu les frais nécessaires à l'entretien des immeubles privés que possède le contribuable, les frais de remise en état d’immeubles acquis récemment, les primes d'assurances relatives à ces immeubles, les frais d'administration par des tiers, ainsi que les investissements destinés à économiser l'énergie et à ménager l'environnement concernant les bâtiments existants. Pour son propre logement, le contribuable peut faire valoir une déduction forfaitaire au lieu du montant effectif de ces frais et primes. Le Conseil d'État arrête ces déductions forfaitaires.

4.2 Est également imposable le rendement de la fortune mobilière (art. 20 LIFD et 22 LIPP)

Sont en particulier imposables les revenus provenant de la location, de l’affermage, de l’usufruit ou d’autres droits de jouissance portant sur des choses mobilières ou sur des droits (art. 20 al. 1 let. d LIFD). Une disposition à la teneur identique figure à l’art. 22 al. 1 let. d LIPP.

4.2.1 Sont déductibles les frais d’administration par des tiers et les impôts à la source étrangers qui ne peuvent être ni remboursés ni imputés en lien avec la fortune mobilière privée (art. 32 al. 1 LIFD). Une disposition similaire est prévue dans le droit genevois à l’art. 34 let. c LIPP.

4.3 Dès lors que des règles similaires existent en matière d’ICC, la jurisprudence rendue en matière d’IFD est en principe également valable pour l’application des dispositions cantonales harmonisées correspondantes (ATF 140 II 88 consid. 10 ; ATA/88/2018 du 30 janvier 2018), étant précisé que les cantons disposent d’une certaine liberté d’appréciation s’agissant de la déductibilité fiscale des frais d’entretien, à condition de ne pas tomber dans l’arbitraire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_878/2010 du 19 avril 2011 consid. 5.2).

5.             Il convient d’examiner si la qualification faite par le TAPI de « frais déductibles du revenu de la fortune immobilière » peut s’appliquer au cas d’espèce, s’agissant de travaux concernant un appartement dans un bâtiment propriété d’une SIAL, dont les contribuables détiennent des actions.

5.1 La fortune immobilière comprend les droits de propriété sur les immeubles, de même qu’une partie des droits réels limités sur ceux-ci, pour autant qu’ils soient inscrits en tant qu’immeuble au registre foncier. Cette notion se réfère à l’art. 655 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) dont l’al. 2 définit comme immeubles les biens-fonds, les droits distincts et permanents, immatriculés au registre foncier, les mines et les parts de copropriété d’un immeuble (Nicolas MERLINO, in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN, Commentaire romand - loi fédérale sur l'impôt fédéral direct, 2e éd., 2017, n. 3 ad art. 21 LIFD).

Les parts ou actions de sociétés immobilières n’appartiennent pas à la fortune immobilière au sens de l’art. 21 LIFD, s’agissant de choses mobilières qui ne peuvent donc pas être inscrites au registre foncier (Nicolas MERLINO, ibid.).

Malgré cela, le TAPI a considéré les actions de la SIAL comme des droits personnels assimilables économiquement à des droits de propriétaire. Il a fondé son raisonnement sur le fait que des contrats de sous-location d’immeubles suisses permettent un rattachement économique au sens de l’art. 4 al. 1 let. c LIFD ou l’art. 4 al. 1 LHID, lesquels prévoient que les personnes physiques qui, au regard du droit fiscal, ne sont ni domiciliées ni en séjour en Suisse ou dans le canton, sont assujetties à l’impôt à raison du rattachement économique lorsqu’elles sont propriétaires d’un immeuble sis en Suisse ou dans le canton ou qu’elles sont titulaires de droits de jouissance réels ou de droits personnels assimilables économiquement à des droits de jouissance réels, portant sur un immeuble sis en Suisse ou dans le canton.

Or, l’assimilation économique à laquelle il est procédé ne s’applique pas en principe, selon le Tribunal fédéral et selon la doctrine majoritaire, aux actions d’une société immobilière. En effet, leur détention ne suffit pas, à elle seule et sauf situation particulière, à créer un assujettissement limité dans le canton de situation des immeubles. Une telle situation particulière existe notamment lorsque les circonstances sont propres à fonder un risque d’abus, telle qu’une construction juridique ad hoc par la création d’une société immobilière, pour se soustraire au paiement de l’impôt sur les gains immobiliers (arrêt du Tribunal fédéral 2C_666/2015 du 7 octobre 2016 consid. 4.10 et 5.3 ; ATF 95 I 26 consid. 2 ; Anne‑Christine SCHWAB, La vente des actions de la société immobilière en droit fiscal suisse, 2019, n. 628 à 630, p. 231 et 232 et les références citées).

Ce raisonnement découle aussi du fait que dans le cas des sociétés immobilières, les droits personnels ne portent pas sur un immeuble (Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 5e éd., 2021, n. 19, p. 90). Le droit civil considère que la situation des actionnaires-locataires est plus proche de celle des locataires que de celle des propriétaires puisqu’ils ne se voient conférer qu’un droit personnel de conclure un contrat de bail avec la SIAL mais non un droit réel d’usage et de jouissance, le droit d’usage relevant alors du bail à loyer (arrêt du Tribunal fédéral 4C.265/2002 du 26 novembre 2002 consid. 3.1).

Ainsi, dans la mesure où elle fait référence à des « droits personnels assimilables économiquement à des droits de jouissance réels » sur un immeuble, les dispositions susmentionnées sont des règles fiscales qui présentent des points de rattachement économique. Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, lorsqu'une norme fiscale se réfère à des critères économiques, son interprétation ne peut découler strictement des formes du droit civil choisies par le contribuable. Les autorités fiscales doivent au contraire apprécier les faits selon la réalité économique (ATF 138 II 57 consid. 2.1 p. 59; arrêts du Tribunal fédéral 2C_16/2015 du 6 août 2015 consid. 2.3.3 et 2C_41/2012 du 12 octobre 2012 consid. 3.1). En particulier, en matière de revenu provenant de la fortune immobilière, la jurisprudence en matière d'interdiction de la double imposition intercantonale a attribué le droit d'imposer au canton de situation de l'immeuble lorsque le revenu est en étroite connexité avec l'immeuble (arrêts du Tribunal fédéral 2C_228/2015 du 7 juin 2016 consid. 5.2.1 ; 2C_41/2012 du 12 octobre 2012 consid. 3.2 et les références citées en lien avec l'art. 21 al. 1 let. c LHID).

5.2 Dans un arrêt du 24 mai 2023 (FI.2022.0026), la cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal vaudois (ci-après : CDAP) s'est prononcée sur la question qui se pose dans le présent litige. Elle a considéré que la détention d'actions d'une SIAL, donnant droit à la jouissance exclusive d'un appartement dans l'immeuble propriété de celle-ci, faisait partie de la fortune mobilière et non de la fortune immobilière des contribuables (consid. 4b.cc).

5.3 Il faut retenir ainsi que les dispositions et la jurisprudence citées au consid. 5.3 ne trouvent pas application, le litige ne concernant pas une question de rattachement économique. De plus, les dispositions applicables, soit celles sur la fortune mobilière et les revenus de celle-ci ne font pas référence à des critères économiques mais renvoient à des définitions juridiques tirées du droit civil, comme vu ci-dessus.

Ainsi, il est patent que les parts de la SIAL font partie de la fortune mobilière des contribuables, ce qui n’est au demeurant pas contesté. Ainsi, un actionnaire‑locataire d’une société immobilière n’a pas de droit réel sur l’immeuble et il peut uniquement louer les locaux rattachés à son certificat d’actions, selon la répartition fixée à l’origine par le conseil d’administration (ATF 126 V 83 consid. 2c ; 102 Ib 166 consid. 2a). Il en découle par exemple que la location de l’appartement à ses actionnaires par une SIAL contre un loyer de faveur constitue pour l’actionnaire un rendement de participation et non un revenu immobilier (arrêt du Tribunal fédéral 2A.39/2003 = RDAF 2004 II 60 ; Yves NOËL, in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN, Commentaire romand - loi fédérale sur l'impôt fédéral direct, 2e éd., 2017, n. 95 p. 433).

Le raisonnement du TAPI ne peut donc être suivi en tant qu'il considère que les actions de la SIAL sont assimilables économiquement à des droits de propriétaire.

6.             Reste à examiner si, comme le plaident les recourants, les frais d'entretien peuvent être déduits à titre de frais d'acquisition du revenu du sous-bailleur.

6.1 Les produits de sous-location sont imposables chez le sous-bailleur (arrêt du Tribunal fédéral 2C_129/2018 du 24 septembre 2018 consid. 4.1 et 8.2).

6.2 Seules les recettes nettes sont toutefois imposables (conférence suisse des impôts [CSI], Informations fiscales – impôt sur le revenu des personnes fiscales, mai 2023, § 3.3 p. 19 ; à Genève : https://www.ge.ch/actualite/comment-declarer-vos-revenus-location-19-02-2018, consulté le 12 juin 2024). Cela signifie que seul le bénéfice tiré de la sous-location est imposable, le montant du loyer de base ainsi que les charges payées au bailleur pouvant être déduits en tant que frais d'acquisition du revenu (Martin ZWEIFEL/Michael BEUSCH, Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer [DBG] – Basler Kommentar, 4e éd., 2022, n. 12 ad art. 21 LIFD ; Philipp Jan KOMOR, Die Gewinnungskosten beim Einkommen aus unbeweglichem Privatvermögen, thèse Berne 2020, n. 172 p. 90, avec un exemple chiffré au n. 173 ; Peter LOCHER, Kommentar zum Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer, vol. I, 2e éd., 2019, n. 14 ad art. 21 LIFD et les références citées ; Nicolas MERLINO, in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN, op. cit, n. 48 ad art. 21 LIFD).

6.3 Aucun auteur ne mentionne à ce titre les frais d'entretien du bien dont le locataire a le droit de jouissance (si ce n'est Philipp Jan KOMOR, op. cit., n. 175 p. 91, néanmoins sans aucun développement ni référence).

Plusieurs éléments peuvent expliquer cette absence de mention des frais d'entretien. D'une manière générale, les déductions, soit les exceptions au principe de l'accroissement net du patrimoine consacré aux art. 16 al. 1 LIFD et 7 al. 1 LHID qui concrétise le principe constitutionnel de l'imposition selon la capacité économique, doivent être interprétés restrictivement (ATF 139 II 363 consid. 2). Or, la possibilité de déduire les frais d'entretien d'immeuble n'est expressément consacrée que pour les propriétaires d'immeubles privés, aux art. 32 al. 2 LIFD, 9 al. 3 LHID et 34 let. d LIPP.

En outre, dans la très grande majorité des cas, les locataires ne peuvent pas entreprendre de leur propre chef des travaux – qu'ils visent à l'entretien ou à l'amélioration – et doivent demander une autorisation spécifique au propriétaire de l'immeuble. Le cas d'espèce est ainsi particulier puisqu'il a pour cadre une SIAL, type de société dont on peut rappeler que le législateur fédéral a voulu en encourager la disparition, notamment par le biais de mesures fiscales (art. 207 al. 4 LIFD ; Bernard ROLLI, in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN, op. cit., n. 1 et 10 ad art. 207 LIFD).

Enfin, la possibilité de déduire des frais d'entretien d'immeubles pour le sous‑bailleur entraînerait l'existence de déductions possibles à la fois pour le propriétaire de l'immeuble et pour le sous-bailleur, ce qui poserait des problèmes de coordination, avec la nécessité de procéder à des contrôles aux fins d'éviter la prise en compte de frais d'entretien à double.

6.4 Dans l'arrêt vaudois FI.2022.0026 précité, la CDAP a jugé que dès lors que les actions de la SIAL détenues par les contribuables faisaient partie de leur fortune mobilière et non immobilière, les revenus issus de la sous‑location de cet appartement à des tiers, sous déduction du loyer payé à la SIAL et des charges, étaient imposables (consid. 5a). En revanche, les contribuables, qui ne pouvaient être assimilés à des propriétaires de cet appartement, n'étaient pas autorisés à déduire de leur revenu imposable les frais d'entretien qu'ils y avaient engagés (consid. 5b).

6.5 En l'espèce, il n'y a pas lieu d'aboutir à une autre solution, pour les raisons développées ci-dessus. Seuls les loyers et éventuelles charges versés à la SIAL peuvent être déduits du revenu à titre de frais d'acquisition de celui-ci.

Il découle de ce qui précède que le recours doit être admis, le jugement du TAPI annulé et les décisions sur réclamation de l’AFC-GE rétablies. Il y a toutefois lieu de relever, comme l'a fait la CDAP (en se référant à l'ATF 149 II 158), qu'il n'est pas exclu que les frais d'entretien pris en charge par les recourants, et qui ont enrichi la société dont ils sont actionnaires, puissent être reconnus comme des apports dissimulés et par conséquent être distribués, sous l'angle des impôts directs, comme du capital‑actions.

7.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge solidaire des contribuables (art. 87 al. 1 LPA), et il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 24 juillet 2023 par l’administration fiscale cantonale contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 26 juin 2023 ;

au fond :

l’admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 26 juin 2023 ;

rétablit les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale du 20 juillet 2022 ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge solidaire de A______ et B______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Nicolas MERLINO, avocat des intimés, à l’administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Eleanor McGREGOR, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. MAZZA

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. VERNIORY

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :