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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1150/2024

ATA/678/2024 du 04.06.2024 ( LOGMT ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1150/2024-LOGMT ATA/678/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 4 juin 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A_____ et B_____ recourants

contre

OFFICE CANTONAL DU LOGEMENT ET DE LA PLANIFICATION FONCIÈRE intimé



EN FAIT

A. a. Les époux B_____ et A______ ont pris à bail, le 23 février 2017, un appartement de quatre pièces au rez-de-chaussée de l’immeuble sis rue C______ à Carouge.

b. Les époux ont sollicité, le 7 août 2020, de l’office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF) l’octroi d’une allocation de logement. Ils n’ont, dans le formulaire rempli et signé par leurs soins, pas indiqué être titulaire d’un autre bail que le précité.

c. Par décision du 9 septembre 2020, l’OCLPF leur a octroyé une aide de CHF 333.35 par mois pour la période allant du 1er octobre 2020 au 31 mars 2021.

d. Par la suite, ledit office a renouvelé son aide, par deux fois, pour les périodes du 1er avril 2021 au 31 mars 2022 et du 1er avril 2022 au 31 mars 2023.

Les décisions d’octroi mentionnaient toutes l’interdiction pour chaque bénéficiaire d’être titulaire d’un autre bail à son nom dans le canton de Genève.

e. Lors de l’audience de débats du 9 octobre 2023 relative à une procédure d’évacuation introduite par D______ à l’encontre de B______, l’OCLPF a appris que ce dernier était locataire d’un logement de trois pièces au premier étage de l’immeuble sis rue E______ à Genève.

f. À la demande de l’OCLPF, les époux A______ B______ ont produit le contrat de bail relatif cet appartement. Celui-ci avait été conclu le 1er janvier 1982 par B______ et résilié par le bailleur avec effet au 31 mars 2023.

g. Par décision du 16 janvier 2024, l’OCLPF a astreint A______ et B______ au paiement de la somme de CHF 9'667.15 correspondant à l’allocation de logement perçue indument du 1er octobre 2020 au 31 mars 2023, au motif que B______ était simultanément titulaire de deux baux à Genève.

h. Par décision du 5 mars 2024, l’OCLPF a rejeté l’opposition formée par le couple. Celui-ci avait violé l’interdiction de double bail. L’argument selon lequel ils avaient conservé l’appartement sis à la rue E______ pour accueillir la mère de l’opposante, titulaire d’un permis S, ne résistait pas à l’examen. Il s’agissait d’un motif de pure convenance personnelle et n’autorisait pas à ne pas indiquer la double titularité d’un bail, ce d’autant moins que la parente était arrivée en Suisse au mois d’octobre 2022 seulement.

B. a. Par recours expédié le 4 avril 2024 à la chambre administrative de la Cour de justice, A______ et B______ ont contesté cette décision.

Lors de leur demande d’allocation de logement, l’appartement sis rue E______ était occupé par F______ et ses deux enfants. Vu la difficile situation de logement à Genève, le recourant avait accepté qu’elle reste dans cet appartement. Ils reconnaissaient qu’ils auraient dû en avertir l’OCLPF. La précitée avait quitté cet appartement en mars 2021. Le frère du recourant avait alors eu besoin, dans l’urgence, d’un appartement à la suite de sa séparation. Le 20 mai 2021, le bail avait été résilié pour le 31 mars 2023. Les recourants avaient alors considéré que la situation auprès de l’OCLPF était réglée. Le recourant avait conclu dès le 1er novembre 2021 un contrat de sous-location avec l’Hospice général en faveur de l’un de ses bénéficiaires. Ce contrat devait prendre fin le 31 mars 2023. Lors de l’arrivée en Suisse, en mars 2022, de la mère de la recourante, à la suite de la guerre d’agression subie par l’Ukraine, celle-ci avait emménagé le 1er octobre 2022 dans l’appartement de la rue E______. La régie ayant refusé la nouvelle sous-location envisagée, le recourant avait contesté cette décision devant le Tribunal des baux et loyers. C’était lors de l’audience y relative que l’OCLPF avait appris l’existence de ce bail.

Ils reconnaissaient leur tort, mais demandaient qu’il soit tenu compte du fait qu’ils n’avaient pas agi avec arrogance ni retiré de profit. La somme réclamée était importante. Le recourant était retraité et ils avaient deux enfants encore en formation entièrement à leur charge. En outre, malgré l’aide de l’Hospice général, il leur arrivait de soutenir la mère de la recourante.

b. L’OCLPF a conclu au rejet du recours.

c. Dans leur réplique, les recourants ont relevé qu’ils n’avaient pas répondu à la question relative à la titularité d’un autre bail dans le canton de Genève lors de leur demande du 7 août 2020. Ils l’avaient fait afin de ne pas mentir. Ils n’avaient pas volontairement tu cette information, mais choisi de ne pas répondre par crainte d’une décision de refus. Les motifs qu’ils avaient invoqués pour conserver le bail relatif à l’appartement sis à la rue E______ étaient très sérieux, car il s’agissait de motifs humanitaires, même s’ils ne les excusaient pas de ne pas avoir signalé l’existence de ce bail. La mère de la recourante avait dans un premier temps vécu avec eux. L’Hospice général ne trouvant pas de solution de logement pour elle, il avait été d’accord de prendre en charge le loyer de CHF 800.- de l’appartement à la rue E______. Enfin, la recourante, qui était interprète médicale, n’avait pas suffisamment de travail depuis la guerre déclenchée par la Russie, la venue de personnes russophones souhaitant se faire traiter en Suisse ayant diminué.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Est litigieux le remboursement de l’aide au logement réclamé aux recourants.

2.1 Un locataire peut être mis au bénéfice d'une allocation de logement si son loyer constitue une charge manifestement trop lourde, eu égard à son revenu et à sa fortune, et si un échange avec un logement moins onéreux ne peut se réaliser sans inconvénients majeurs (art. 39A al. 1 de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 - LGL - I 4 05). Le locataire d'un immeuble non soumis à la présente loi peut également être mis au bénéfice d'une allocation de logement dans les mêmes conditions, pour autant que le logement qu'il occupe réponde aux normes fixées à l'art. 39B LGL.

2.2 Selon l'art. 39A al. 3 LGL, le Conseil d'État détermine les conditions auxquelles le locataire a droit à une allocation, ainsi que le calcul de celle-ci.

Aux termes de l'art. 22 al. 1 let. b du règlement d'exécution de la LGL du 24 août 1992 (RGL - I 4 05.01), l'allocation de logement ne peut pas être accordée, entre autres, aux locataires qui ne respectent pas les conditions d'occupation du logement telles que fixées à l'art. 31B LGL, notamment ne respectent pas le taux d'occupation de leur logement fixé à l'art. 7 al. 2 RGL (sous-occupation) ou qui sous-louent tout ou partie de leur logement (conformément à l'art. 5 al. 3 RGL).

L'art. 7 RGL définit l'occupation des logements. L'art. 7 al. 6 RGL prévoit notamment que le locataire et toute autre personne occupant le logement ne doivent être titulaires d’aucun bail pour un logement situé dans le canton autre que celui de leur domicile principal. L'art. 22 RGL fait expressément mention du respect des conditions d'occupation du logement. Il renvoie en conséquence à l'art. 7 RGL. Ainsi, la mention de l'al. 2 de l'art. 7 RGL est exemplative et n'exclut pas l'application de l'al. 6 (ATA/355/2017 du 28 mars 2017 consid. 3).

2.3 Le Tribunal administratif, devenu la chambre administrative a jugé de longue date qu'il n'était pas admissible qu'une personne bénéficie d'une allocation de logement alors qu'elle disposait d'un deuxième appartement pour des motifs de pure convenance personnelle (ATA/786/2001 du 27 novembre 2001 consid. 3 ; ATA M. du 1er décembre 1998).

Il a toutefois admis l'occupation d'un deuxième appartement lorsqu'il constituait une extension du domicile principal, le premier logement étant manifestement trop petit compte tenu du nombre de personnes qui l'occupaient (ATA/9/2001 du 9 janvier 2001) ou lorsque le locataire se trouvait très provisoirement titulaire de deux baux dans le but de procéder à un échange pour se rendre dans un logement moins onéreux (ATA V. du 8 juin 1999 ; ATA S. du 19 février 1997).

Depuis lors, la chambre administrative a récemment encore confirmé une décision de l’OCLPF condamnant une locataire au remboursement de l'allocation de logement perçue, au motif que cette dernière était titulaire d'un deuxième bail à loyer. Le fait que le second appartement ait été laissé à disposition d'un ami pour lui rendre service était sans incidence (ATA/557/2023 du 30 mai 2023 consid. 2.4 ; ATA/355/2017 précité).

2.4 Le locataire ayant reçu indûment une subvention personnalisée doit la restituer dans les 30 jours dès la notification de la décision du service compétent (art. 20H RGL). Le service compétent peut requérir du locataire la restitution de prestations indûment perçues dans un délai de cinq ans (art. 34C RGL).

Des remises totales ou partielles de surtaxes peuvent être accordées par le service compétent aux locataires qui se trouvent, par suite de circonstances indépendantes de leur volonté, dans une situation telle que le paiement intégral de la somme requise aurait pour eux des conséquences particulièrement dures (art. 34B al. 1 RGL). La décision de remise peut faire l'objet d'une réclamation écrite auprès du service compétent avec indication des motifs et, s'il y a lieu, dépôt des pièces justificatives (art. 34B al. 2 RGL).

2.5 En l’espèce, au moment du dépôt de la requête auprès de l'OCLPF – comme d’ailleurs lors des demandes de renouvellement de l’allocation au logement –, le recourant était titulaire d’un autre bail à loyer portant sur l’appartement sis à la rue E______, ce qu'il ne conteste pas. Il ne conteste pas non plus n’avoir à aucun moment signalé à l’autorité qu’il était titulaire de ce bail. Dans sa réplique, il a exposé qu’il craignait qu’en le signalant, l’OCLPF lui oppose un refus d’aide au logement. Le recourant avait ainsi parfaitement conscience de l’importance que cette information revêtait pour l’autorité. En effet, s’il avait indiqué qu’il était titulaire d’un autre bail, l’OCLPF n’aurait pas alloué ses prestations aux recourants ; il aurait en tout cas exigé que le recourant résilie le bail relatif à l’appartement sis à la rue E______ avant de commencer à verser ses prestations. Partant, l’aide au logement a été indûment perçue. Conformément à l’art. 32H RGL, elle doit être restituée.

Contrairement à ce que souhaiteraient les recourants, les motifs allégués pour lesquels ils ont tu cette information ne sauraient d’une quelconque manière les exonérer de leur obligation de restitution. D’une part, ces motifs ne sont pas établis. D’autre part, même s’ils l’étaient, ils relèvent d’un pur choix personnel. Les recourants ne se trouvaient en effet pas dans une situation qui ne leur permettait pas de se conformer à leur obligation d’indiquer que le recourant était titulaire d’un autre bail portant sur un appartement à Genève.

Au vu de ce qui précède, la décision de restitution ne viole pas la loi ni ne consacre un abus du pouvoir d’appréciation de l’OCLPF. Mal fondé, le recours sera ainsi rejeté.

Enfin, en tant que les recourants font valoir une situation financière difficile, ils pourront la faire valoir, s’ils s’y estiment fondés, dans le cadre d’une demande de remise, conformément à l’art. 34B al. 1 RGL.

3.             Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d’émolument. L’issue de celui-ci s’oppose à l’allocation d’une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 avril 2024 par B______ et A______ contre la décision de l’office cantonal du logement et de la planification foncière du 5 mars 2024 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession des recourants, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A_____et B_____ ainsi qu'à l'office cantonal du logement et de la planification foncière.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. MARMY

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :