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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4118/2023

ATA/648/2024 du 28.05.2024 ( EXPLOI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4118/2023-EXPLOI ATA/648/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 mai 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR intimé

_________



EN FAIT

A. a. A______ s’est vu délivrer le 11 avril 2017 par le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) l’autorisation d’exploiter l’établissement à l’enseigne « B______ », boulevard C______, dont il est propriétaire.

b. Le 12 mai 2023, le PCTN a reçu une requête en changement de propriétaire et d’exploitant de « B______ » désignant D______ comme le nouveau propriétaire de l’établissement.

c. Le 25 mai 2023, le PCTN a autorisé E______ à exploiter sans limite dans le temps l’établissement sous l’enseigne « F______ », propriété de la raison individuelle « G______ ».

d. Par décision du 8 novembre 2023, déclarée exécutoire nonobstant recours, le PCTN a révoqué l’autorisation d’A______ d’exploiter l’établissement « B______ ».

L’établissement avait été repris par un autre propriétaire et un autre exploitant. Les conditions de la délivrance de l’autorisation n’étaient plus remplies.

B. a. Par acte remis à la poste le 8 décembre 2023, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation et à la suspension de son autorisation d’exploiter. Préalablement, l’effet suspensif devait être restitué au recours.

Aucune cession de propriété n’avait été effectuée. Il produisait l’accord de gérance conclu avec D______ et élaboré en accord avec la régie. Celui-ci ne modifiait ni sa propriété ni le statut juridique de l’établissement, mais suspendait provisoirement son activité de gestion. Il s’agissait d’une démarche purement administrative et temporaire, conçue pour répondre à des circonstances spécifiques et ne pouvait être interprétée comme un renoncement à ses droits de propriétaire. D______ avait demandé au PCTN et obtenu une autorisation de gestion spécifique, qu’il produisait. L’octroi de cette autorisation démontrait que le PCTN reconnaissait la nature temporaire de l’accord passé et confirmait sa position ininterrompue en tant que propriétaire légal du « B______ ».

Il avait réglé la taxe d’exploitation prévue par la loi, malgré le fait que son exploitation s’était limitée aux quatre premiers mois de l’année.

Il était plus approprié de considérer que son autorisation restait valide mais était suspendue pour la durée de l’accord temporaire, dans l’attente de sa reprise active à l’issue de la période de gérance.

b. Le 21 décembre 2023, le PCTN a conclu au rejet de la requête de restitution de l’effet suspensif.

c. Par décision du 16 janvier 2024, la présidence de la chambre administrative a rejeté la demande de restitution de l’effet suspensif au recours.

d. Le 6 février 2024, le PCTN a conclu au rejet du recours.

D______ était bien devenu formellement propriétaire de l’établissement et un nouvel exploitant avait été désigné. La durée limitée du contrat de gérance résultait d’un arrangement privé entre le recourant et D______ et ne changeait rien à la situation administrative. Deux autorisations d’exploiter le même établissement ne pouvaient coexister. Le recourant pourrait former une nouvelle requête d’autorisation lorsqu’il reprendrait son activité dans l’établissement. La suspension de l’exploitation durant plus de 12 mois, soit en l’espèce 30 mois, constituait un autre motif de caducité de l’autorisation.

e. Le recourant n’a pas répliqué dans le délai qui lui avait été imparti au 8 mars 2024.

f. Le 13 mars 2024, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

g. Il sera revenu en tant que de besoin dans la partie en droit sur les allégués et pièces produits par les parties.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             La cause a pour objet le bien-fondé de la décision par laquelle le PCTN a révoqué l’autorisation octroyée à A______ d’exploiter le « B______ ».

2.1 La loi sur la restauration, le débit de boissons, l’hébergement et le divertissement du 19 mars 2015 (LRDBHD - I 2 22) a pour but de régler les conditions d'exploitation des entreprises vouées à la restauration et/ou au débit de boissons à consommer sur place, à l’hébergement, ou encore au divertissement public (art. 1 al. 1).

L'exploitation de toute entreprise vouée à la restauration, au débit de boissons et à l'hébergement est soumise à l'obtention préalable d'une autorisation d'exploiter délivrée par le département de l’économie et de l’emploi (ci-après : département), soit pour lui l’intimé (art. 8 al. 1 LRDBHD ; art. 3 al. 1 et 2 ainsi que 18 al. 1 let. a du règlement d’exécution de la LRDBHD du 28 octobre 2015 - RRDBHD - I 2 22.01).

À teneur de l’art. 9 LRDBHD, la délivrance d’une telle autorisation est notamment soumise aux conditions que l’exploitant offre toute garantie d’une exploitation personnelle et effective de l’entreprise, compte tenu notamment de son lieu de domicile ou de résidence et de sa disponibilité, ou encore du respect de l'interdiction de recourir à un prête-nom ou de servir comme tel durant les 36 mois qui précèdent le dépôt de la requête en autorisation (let. e), qu’il soit désigné par le propriétaire de l’entreprise, s’il n’a pas lui-même cette qualité (let. f), qu’il produise l’accord du bailleur des locaux de l’entreprise, s’il n’en est pas lui-même propriétaire (let. g) et un extrait du registre du commerce attestant qu'il est doté d'un pouvoir de signature (let. h).

2.2 Selon l’art. 39 RRDBHD, le propriétaire d'une entreprise vouée à la restauration, au débit de boissons ou à l’hébergement est la personne physique ou morale qui détient le fonds de commerce de l'entreprise, soit les installations, machines et autres équipements nécessaires à l'exercice de l'activité de celle-ci (al. 1). En cas de conclusion d'un contrat de gérance ou de bail à ferme, le propriétaire au sens de la loi est le gérant ou le fermier qui jouit des locaux et installations de l'établissement et en assume l'entière responsabilité (al. 2). Lorsque le propriétaire d'une entreprise soumise à la loi n'entend pas se charger lui-même de l'exploitation de l’établissement, il est tenu de désigner un exploitant (al. 3). La désignation de l’exploitant intervient par la contresignature de la formule officielle visée à l’art. 19 al. 1 let. b RRDBHD (al. 4). L’exploitant désigné doit être en mesure de gérer de manière personnelle et effective l’établissement au sens de l’art. 40 al. 3 RRDBHD et être en possession d’un diplôme, ou d’un diplôme partiel lorsque celui-ci est requis pour l’exploitation de l’établissement. Le propriétaire qui désigne un exploitant servant de prête-nom s’expose notamment aux mesures et sanctions prévues à l’art. 64 LRDBHD (al. 5).

2.3 Une autorisation doit être requise lors de chaque création, changement de catégorie ou de lieu, agrandissement et transformation, changement d'exploitant ou de propriétaire de l’entreprise, ou modification des conditions de l'autorisation antérieure (art. 8 al 2 LRDBHD).

Selon l’art. 39 RRDBHD, tout changement de propriétaire doit être immédiatement communiqué par écrit au PCTN. L’annonce doit être faite tant par le repreneur que par l’ancien propriétaire de l’établissement. Une formule d’annonce est disponible sur le site Internet du service ainsi qu'à ses guichets (al. 6). Le changement de propriétaire entraîne la nécessité de requérir une nouvelle autorisation d’exploiter, conformément à l’art. 18 al. 1 let. a 2e phrase RRDBHD. Lorsque la requête complète est déposée avant l’échéance du délai légal mentionné à l’art. 13 al. 4 LRDBHD, la continuité de l’exploitation peut être assurée aux conditions précisées à l’art. 37 al. 6 RRDBHD (al. 7).

Selon l’art. 14 LRDBHD, l'autorisation d'exploiter est révoquée par le département lorsque les conditions de sa délivrance ne sont plus remplies, ainsi qu'en cas de non‑paiement de la taxe annuelle prévue par la loi.

2.4 En l’espèce, le recourant soutient qu’il n’a pas cédé la propriété de son fonds de commerce.

Ce faisant, il perd de vue la façon dont la LRDBH définit la qualité de propriétaire d’un fonds de commerce. Le contrat qu’il a passé avec D______ a été qualifié par les parties de « contrat de gérance libre visant à déterminer les conditions d’exploitation du fonds de commerce par le sous-locataire » (art. 1) et il ressort en effet de ses clauses que les parties avaient en vue la remise de l’exploitation. Or, selon l’art. 39 al. 2 RRDBHD, en cas de conclusion d'un contrat de gérance ou de bail à ferme, le propriétaire au sens de la loi est le gérant ou le fermier qui jouit des locaux et installations de l'établissement et en assume l'entière responsabilité. Il est donc sans portée pour l’application de la loi que les parties aient réservé dans le contrat la propriété du fonds de commerce au recourant (art. 3), dès lors qu’D______ assume l’exploitation (art. 4), répond seul de la totalité des charges et profits (art. 4 et 5) et déclare remplir les conditions pour être autorisé en qualité d’exploitant (art. 7), ce qui fait de lui l’exploitant et partant le propriétaire au sens de la loi.

D______ a ensuite désigné comme exploitant E______, ainsi que le lui permet la loi (art. 39 al. 3 RRDBHD).

La cession de l’exploitation, et donc de la propriété au sens où l’entend la LRDBHD, constituent un changement de circonstances, qui nécessite une nouvelle autorisation (art. 8 al 2 LRDBHD), laquelle a d’ailleurs été demandée et obtenue.

Le recourant ayant cessé d’être exploitant au sens de la loi, les conditions de l’octroi de son autorisation n’étaient plus remplies, de sorte que c’est conformément au droit que le PCTN a révoqué celle-ci (art. 14 LRDBHD).

Le recourant ne saurait par ailleurs inférer de l’autorisation délivrée à E______ que le PCTN aurait admis une délégation temporaire. Cette autorisation n’est d’ailleurs pas limitée dans le temps.

La loi ne prévoit que la révocation de l’autorisation lorsque les conditions de la délivrance ne sont plus remplies. Il ne pourrait ainsi en toute hypothèse être fait droit à la conclusion subsidiaire du recourant en suspension de l’autorisation.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

3.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 800.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 8 décembre 2023 par A______ contre la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 8 novembre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 800.- à la charge d’A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Claudio MASCOTTO, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. MICHEL

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :