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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/280/2024

ATA/619/2024 du 21.05.2024 ( TAXIS ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/280/2024-TAXIS ATA/619/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 mai 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR intimé

 



EN FAIT

A. a. A______ (ci-après : le chauffeur), né le ______ 1971, chauffeur de taxi, a déposé une « requête en délivrance d’une autorisation d’usage accru du domaine public, formulaire à l’attention des chauffeurs de taxi visés à l’art. 46 al. 13 LTVTC » le 9 février 2023 auprès du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN). Il avait précédemment loué les autorisations d’usage accru du domaine public (ci‑après : AUADP) correspondant aux immatriculations « GE 1______ et 2______ ».

Le formulaire lui a été retourné, étant incomplet.

b. Il a renouvelé sa demande le 13 mars 2023, accompagnée d’une attestation provisoire d’affiliation auprès d’une caisse de compensation confirmant qu’une demande d’affiliation avait été déposée le 20 février 2023.

La requête lui a été retournée le 21 mars 2023 par le PCTN, les preuves du versement de loyers du bail à ferme, d’un contrat de location des AUADP ou des baux à ferme manquaient.

c. Le chauffeur a envoyé une nouvelle fois sa requête au PCTN le 23 mars 2023.

Il a précisé qu’il ne pouvait pas transmettre copie d’un bail à ferme. Il avait eu un cancer du sang de 2015 à 2021 et avait cessé de travailler. Son employeur avait été « Mr. B______ » avec la plaque d’immatriculation GE 2______.

d. Le 24 octobre 2023, faisant suite à un entretien téléphonique avec le chauffeur, le PCTN l’a informé qu’il envisageait de rejeter sa demande. Celui-là avait indiqué au téléphone qu’il n’avait pas travaillé en janvier 2022, date de l’adoption de la nouvelle loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 13 octobre 2016 (LTVTC - H 1 31) et condition nécessaire pour se voir délivrer une AUADP.

e. Le chauffeur n’ayant pas fait valoir son droit d’être entendu, le PCTN a, par décision du 18 janvier 2024, rejeté sa requête.

B. a. Par acte du 23 janvier 2024, A______ a interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision.

Il avait loué la plaque d’immatriculation « GE 3______ » à « Monsieur C______ », dont il fournissait le numéro de téléphone portable. Compte tenu de sa maladie, sa reprise de travail était très récente. Il était prêt à fournir un contrat de location avec le précité. Il sollicitait de la bienveillance dans l’examen de son dossier au vu des circonstances médicales.

b. Le PCTN a conclu au rejet du recours. L’intéressé n’avait produit aucun document, malgré plusieurs demandes. Il n’était pas établi qu’il était un utilisateur effectif d’une AUADP au moment de l’adoption de la loi.

c. Dans sa réplique, le chauffeur a indiqué transmettre deux certificats de salaire. Il ne pouvait pas fournir les contrats liés aux propriétaires de plaques. Le premier était parti s’installer en France. Le second n’avait pas souhaité lui transmettre de documents, malgré ses demandes. Il avait pu réunir les CHF 20'000.- nécessaires à la création d’une société à responsabilité limitée (ci-après : Sàrl).

Il produisait des certificats médicaux des Hôpitaux universitaires de Genève (ci‑après : HUG) attestant d’un suivi de sept années dans le service d’hématologie avec des arrêts prolongés de travail du mois d’août 2015 à octobre 2017.

Selon un certificat médical du 8 avril 2024, la docteure D______, médecin interne, a précisé que le chauffeur n’avait pas travaillé de 2015 à 2022. Il possédait un certificat médical jusqu’en octobre 2017. Ultérieurement, aucun certificat n’avait été délivré par le service d’hématologie HUG « car le patient étant indépendant, il n’en a pas demandé. Il certifie cependant ne pas avoir travaillé pendant cette période ».

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

e. À la demande de la juge déléguée d’obtenir copie de toute pièce ou renseignement utile pour établir l’existence de la location d’AUADP et les certificats de salaire annoncés dans sa réplique, le recourant a contesté avoir fait mention de certificats de salaire. Il a précisé n’avoir aucun document complémentaire à transmettre. À l’époque, les paiements se faisaient directement en espèces. Les numéros de plaques loués avaient été les « GE 4______ », auprès de C______ et « GE 5______ » de « Monsieur B______ ».

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA - E 5 10).

2.             Le litige porte sur le bien-fondé du refus de délivrer une AUADP au recourant, en application du régime transitoire prévu par l’art. 46 al. 13 LTVTC.

2.1 L’art. 46 al. 13 LTVTC dispose, sous l’intitulé « Attribution des autorisations restituées ou caduques », que le département peut attribuer l’AUADP à la personne physique ou morale qui en était l’utilisateur effectif au moment du dépôt de la LTVTC, s’il en est toujours l’utilisateur au moment de l’adoption de la LTVTC, en fait la requête et réalise les conditions de délivrance visées à l’art. 13 al. 5 LTVTC.

2.2 Se penchant sur la condition d’être utilisateur effectif de l’AUADP au moment du dépôt de la LTVTC, la chambre de céans a jugé que celle-ci n’était pas décisive, mais qu’était en revanche déterminant le fait d’être utilisateur effectif au moment de l’adoption de la loi le 28 janvier 2022 et jusqu’au dépôt de la requête (ATA/779/2023 du 18 juillet 2023 consid. 5.6.2 ; ATA/886/2023 du 22 août 2023 consid. 6.6).

2.3 À propos de la nature effective de l’utilisation de plaques, la chambre de céans a jugé que le chauffeur de taxi qui avait été absent de Suisse de janvier à mars 2022 n’était pas, durant cette période, l’utilisateur effectif de la plaque louée, peu importait les motifs pour lesquels il s’était rendu à l’étranger (ATA/687/2023 du 27 juin 2023 consid. 3.9).

3.             La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d’office (art. 19 LPA). Ce principe n’est toutefois pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA ; ATF 128 II 139 consid. 2b).

Lorsque les preuves font défaut ou s’il ne peut être raisonnablement exigé de l’autorité qu’elle les recueille, pour les faits constitutifs d’un droit, le fardeau de la preuve incombe à celui qui entend se prévaloir de ce droit. Il appartient ainsi à l’administré d’établir les faits qui sont de nature à lui procurer un avantage et à l’administration de démontrer l’existence de ceux qui imposent une obligation en sa faveur (ATA/392/2024 du 19 mars 2024 consid. 4.2 et les références citées).

Lorsque les faits ne peuvent être prouvés d’une façon indubitable, une partie peut présenter une version des événements avec une vraisemblance qui se rapproche de la certitude (ATF 107 II 269 consid. 1b). L’autorité doit alors apprécier la question de savoir si l’ensemble des circonstances permet de conclure à l’existence de l’élément de fait à démontrer. Elle peut en un tel cas se contenter de la preuve circonstancielle en faisant appel à son intime conviction et décider si elle entend tenir le fait pour acquis. Plus la conséquence juridique rattachée à l’admission d’un fait est grave, plus l’autorité doit être stricte dans son appréciation des faits (Blaise KNAPP, Précis de droit administratif, 4e éd., 1991, p. 256 n. 1172 ; ATA/392/2024 du 19 mars 2024 consid. 4.3 et les références citées).

4.             Est déterminante la condition d’avoir été l’utilisateur effectif de plaques lors de l’adoption de la LTVTC le 28 janvier 2022.

En l’espèce, le recourant allègue avoir loué une première AUADP depuis septembre 2020 pour l’immatriculation GE 1______ puis une seconde pour la GE 2______, après avoir obtenu la carte professionnelle de chauffeur de taxi le 17 mai 2018. Il ne produit toutefois aucune preuve, qu’il s’agisse d’un contrat de bail à ferme ou du paiement des loyers, tant pour le premier que le second bailleur. Seuls de vagues noms sont évoqués (Messieurs B______ et C______). Le recourant explique que l’un a quitté la Suisse et l’autre refuse de lui transmettre des documents. Interpellé une nouvelle fois par la juge déléguée sur la nécessité de fournir des renseignements, le recourant n’a produit aucune adresse à laquelle convoquer les intéressés, photos, ou toute autre preuve à même d’attester de la réalité de ses allégations. De surcroît, les numéros d’immatriculation varient, le chauffeur évoquant dorénavant les plaques GE 5______ et 4______.

Il ressort par ailleurs de ses propres déclarations, faites à son médecin et attestées par celui-ci, qu’il n’a pas travaillé de « 2015 à 2022 ». Dès lors la condition d’avoir été titulaire d’une AUADP en janvier 2022 n’est pas remplie.

Enfin, il ne remplit pas la seconde condition, cumulative, d’avoir été l’utilisateur effectif d’une AUADP du 28 janvier 2022 jusqu’au dépôt de sa requête, le 23 mars 2023, soit pendant plus d’une année. Le chauffeur ne fait effectivement plus mention de la location d’une AUADP pendant cette période, indiquant avoir pu créer sa propre Sàrl.

Mal fondé, son recours sera rejeté.

5.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 23 janvier 2024 par A______ contre la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 18 janvier 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : Eleanor McGREGOR, présidente, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

E. McGREGOR

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :