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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1814/2023

ATA/564/2024 du 07.05.2024 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1814/2023-FORMA ATA/564/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 mai 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Romain JORDAN, avocat

contre

SERVICE DES BOURSES ET PRÊTS D'ÉTUDES intimé

_________



EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1992, est inscrit à la formation de master en sciences de l’environnement à l’Université de Genève (ci-après : UNIGE), d’une durée minimale de deux ans, depuis septembre 2022.

Il a effectué toute sa scolarité à Genève et obtenu un bachelor en biologie à l’UNIGE en 2017, après des études entamées en 2012.

b. Le 20 août 2022, il a sollicité une bourse ou prêt d’études auprès du service des bourses et prêts d’études (ci-après : SBPE).

c. Par décision du 9 février 2023, le SBPE a refusé ses prestations, le budget joint à la décision montrant que les recettes étaient suffisantes pour couvrir les dépenses pendant l’année scolaire/académique en cours et que le découvert total était en dessous de la limite de CHF 500.-. Les conditions d’octroi pour l’obtention d’une bourse ou d‘un prêt d’études n’étaient pas remplies.

d. Dans sa réclamation du 13 mars 2023, A______ a fait valoir qu’en raison de graves migraines dont il souffrait depuis l’enfance, comme en attestaient les certificats médicaux remis, il n’avait pas pu achever son master en biologie.

Il avait exercé une activité de moniteur pour B______ (ci-après : B______) à 40%, pour un salaire d’environ CHF 20'000.- par année, de mars 2018 à septembre 2021. Ce taux d’activité était dicté par la maladie, comme l'attestait la B______. Il vivait dans un studio à ses frais depuis 2017. De septembre 2021 à août 2022, il avait exercé une activité de remplacement pour la B______ à un taux variable et de décembre 2021 à juin 2022, il avait effectué des remplacements au cycle d’orientation à un taux variable. Il avait auparavant exercé diverses petites activités, notamment dans un théâtre ou à la fête de la musique.

Subsidiairement, il remplissait les conditions pour l’octroi d’une bourse pour cas de rigueur puisqu’il recommençait une formation après plusieurs années d’activité salariée ne lui ayant pas permis d’épargner.

e. Par décision sur réclamation du 21 avril 2023, le SPBE a confirmé son refus.

Depuis le 1er juin 2021, les revenus des parents étaient ignorés lorsque la personne en formation avait atteint l’âge de 30 ans, qu’elle ne vivait plus chez ses parents et avait terminé une première formation donnant accès à un métier et était financièrement indépendante pendant deux ans avant de commencer sa nouvelle formation ou si elle avait exercé une activité lucrative à plein temps pendant quatre ans. Le revenu annuel net d’au moins CHF 30’000.- devait être obtenu afin de remplir la condition d’indépendance financière.

Le requérant n’avait ni travaillé à plein temps durant au moins deux ans ni obtenu un revenu annuel net d’au moins CHF 30’000.- durant deux ans.

Le fait de ne pas pouvoir travailler à plein temps pour des raisons de santé ne permettait pas de considérer que les conditions de l’indépendance financière étaient remplies. Les conditions du cas de rigueur n’étaient pas non plus remplies vu les revenus et fortune des parents, qui permettaient de couvrir les charges du requérant.

B. a. Par acte expédié le 25 mai 2023 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), A______ a interjeté recours contre la décision sur réclamation du SBPE, concluant à son annulation et à l’allocation d’une bourse d’études. Préalablement, il concluait à la convocation d’une audience « répondant aux réquisits de l’art. 6 CEDH ».

Les calculs faits dans la décision étaient peu compréhensibles et il n’avait pas pu se prononcer avant que la décision sur réclamation ne soit prise. La décision ne contenait pas de motivation valable. Son droit d’être entendu n’avait pas été respecté.

La disposition légale appliquée dans la décision partait du principe que les parents d’une personne âgée de 30 ans révolus, ayant terminé une première formation mais n’ayant pas été indépendante financièrement pendant deux ans et n’ayant pas exercé une activité lucrative à plein temps pendant quatre ans, devait subvenir aux besoins de leur enfant en formation. Or, la primauté du droit fédéral imposait que dans le cas où une personne avait atteint la majorité, la prise en compte des revenus des parents intervînt de manière exceptionnelle en raison de l’absence d’une obligation d’entretien.

L’exigence d’un revenu annuel net d’au moins CHF 30'000.- afin de remplir la condition de l’indépendance financière empêchait les personnes ne pouvant pas exercer une activité à plein temps de bénéficier du régime en matière de bourses en cas de réorientation. La disposition était donc contraire au droit fédéral en ce qu’elle discriminait des personnes en raison de déficiences corporelles, mentales ou psychiques.

Sa situation était particulière, son activité ne lui ayant pas permis d’épargner en vue de sa reprise d’études en raison de sa maladie. Il était ainsi dans une situation précaire.

b. Le 30 juin 2023, le SBPE a conclu au rejet du recours, en répondant point par point à l’argumentation développée par le recourant.

Le calcul avait été réalisé conformément à la LBPE et ne permettait pas d’attribuer une bourse ou un prêt, quand bien même la personne n’avait pas droit à une pension alimentaire en vertu du droit civil.

Aucune attestation médicale ne permettait d’apprécier la situation et d’estimer le taux d’activité qui pourrait être raisonnablement exigé. Les personnes qui ne pouvaient assurer un revenu de CHF 30’000.- par année pouvaient prétendre à d’autres aides financières qui n’étaient pas fondées sur la LBPE.

Le législateur avait prévu les cas de rigueur notamment en raison du refus des parents de prendre en charge les frais de formation ou en cas de reprise d’une formation après des années consacrées à l’entretien de personnes à charge, ce qui n’était pas le cas du recourant.

c. Dans sa réplique, le recourant a fait valoir ses problèmes de santé et produit des rapports médicaux de trois médecins attestant de ses migraines et des traitements suivis.

Sa détermination à mener à bien sa reconversion était confirmée par sa moyenne générale de 5.5.

Peu importait que le droit fédéral et le droit cantonal ne visent pas exactement les mêmes objectifs, dans la mesure où la règle de droit cantonal contrecarrait l’objectif du droit civil en imposant aux parents de subvenir aux besoins de leurs enfants au‑delà des conditions posées par le droit civil.

L’UNIGE admettait l’indépendance financière des étudiants dès un revenu de CHF 15'000.- par année dans le cadre des exonérations de taxes. La limite retenue par la LBPE représentait une entrave disproportionnée à l’accès à l’éducation des personnes en réorientation, alors que sa maladie ne pouvait être mise en doute.

Sa situation de précarité était liée à son état de santé. Ses parents refusaient de prendre en charge les frais, le droit civil les dispensant expressément de le faire.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le recourant sollicite une audience de comparution personnelle et une audience publique de plaidoiries « répondant aux réquisits de l’art. 6 CEDH ».

2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1. ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit d’être entendu n’implique pas une audition personnelle de l’intéressé, celui-ci devant simplement disposer d’une occasion de se déterminer sur les éléments propres à influer sur l’issue de la cause (art. 41 LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_83/2019 du 29 janvier 2020 consid. 3.2 ; 2C_236/2019 du 4 juillet 2019 consid. 5.2 ; ATA/484/2020 du 19 mai 2020 consid. 2a et les arrêts cités).

Le droit d’être entendu n’implique pas le droit d’obtenir l’audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

2.2 L’art. 6 § 1 CEDH donne à toute personne le droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien‑fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Il peut être renoncé à une audience publique dans les cas prévus par l’art. 6 § 1 2e phr. CEDH, lorsque la demande est abusive, chicanière, ou dilatoire, lorsqu’il apparaît clairement que le recours est infondé, irrecevable ou, au contraire, manifestement bien fondé ou encore lorsque l’objet du litige porte sur des questions hautement techniques (ATF 141 I 97 consid. 5.1 ; 136 I 279 consid. 1 ; 134 I 331 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8D_5/2019 du 4 juin 2020 consid. 3.2.2).

La Cour européenne des droits de l’homme (ci-après : CourEDH) a également rappelé que l’art. 6 CEDH, en dehors des limitations expressément prévues par cette disposition, n’exige pas nécessairement la tenue d’une audience dans toutes les procédures. Cela est notamment le cas pour les affaires ne soulevant pas de question de crédibilité ou ne suscitant pas de controverse sur les faits qui auraient requis une audience, et pour lesquelles les tribunaux peuvent se prononcer de manière équitable et raisonnable sur la base des conclusions présentées par les parties et d’autres pièces. Partant, on ne saurait conclure, même dans l’hypothèse d’une juridiction investie de la plénitude de juridiction, que la disposition conventionnelle implique toujours le droit à une audience publique, indépendamment de la nature des questions à trancher. D’autres considérations, dont le droit à un jugement dans un délai raisonnable et la nécessité en découlant d’un traitement rapide des affaires inscrites au rôle, entrent en ligne de compte pour déterminer si des débats publics sont nécessaires. La CourEDH a ainsi déjà considéré que des procédures consacrées exclusivement à des points de droit ou hautement techniques pouvaient remplir les conditions de l’art. 6 CEDH même en l’absence de débats publics (ACEDH Mutu et Pechstein c. Suisse du 2 octobre 2018, req. n° 40575/10, § 177 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_467/2023 du 26 mars 2024 consid. 2.1).

2.3 En l’espèce, le recourant, qui ne dispose pas de droit à être entendu oralement, a pu exposer son point de vue par écrit tant devant l’autorité intimée, dans le cadre de la procédure de requête et de réclamation, que devant la chambre administrative dans son acte de recours et sa réplique. Il a par ailleurs pu produire les pièces à l’appui de sa position. De plus, le litige ne soulève pas de question de crédibilité ni ne suscite de controverse sur les faits qui rendraient nécessaire une audience, portant au contraire principalement sur des questions de droit, sur lesquelles la chambre de céans est à même de se prononcer sur la base des écritures des parties et des pièces produites.

En conséquence, il ne sera pas donné suite aux demandes de comparution personnelle et d’audience publique de plaidoiries du recourant.

3.             Le recourant invoque une violation du droit d’être entendu qui aurait été commise par l’autorité intimée en raison de l’absence de motivation de la décision.

3.1 La jurisprudence du Tribunal fédéral en matière de droits constitutionnels a également déduit du droit d’être entendu le droit d’obtenir une décision motivée (ATF 148 III 30 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_700/2022 du 25 novembre 2022 consid. 6.5). L’autorité n’est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives, mais doit se prononcer sur celles-ci (ATF 143 III 65 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_934/2022 du 22 mars 2023 consid. 4.1 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, p. 531 n. 1573). Il suffit, du point de vue de la motivation de la décision, que les parties puissent se rendre compte de sa portée à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (ATF 148 III 30 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_548/2021 du 24 février 2023 consid. 5.2 ; ATA/936/2021 du 14 septembre 2021 consid. 5b et les références).

3.2 Le recourant a interjeté une réclamation contre la décision de refus qui a été ensuite confirmée. La décision sur réclamation, objet du présent litige, mentionne les dispositions légales dont l’application est examinée et les motifs du refus, soit l’absence d’indépendance financière dans les deux ans ayant précédé la demande, ce qui implique la prise en compte du revenu des parents, lequel permettent de couvrir les charges du recourant, ce qu’il ne conteste pas au demeurant. Enfin, la décision litigieuse examine les conditions du cas de rigueur. Il n’est dès lors pas possible de retenir que la décision n’est pas suffisamment motivée, au sens développé ci-dessus.

Ainsi, le grief de violation du droit d’être entendu sera rejeté.

4.             Le litige porte sur la conformité au droit du refus d’octroi d’une bourse d’études.

4.1 La loi sur les bourses et prêts d'études du 17 décembre 2009 (LBPE - C 1 20) règle l’octroi d’aides financières aux personnes en formation.

4.1.1 Le recourant remplit la condition de la formation prévue à l’art. 4 LBPE puisqu’il est régulièrement inscrit dans un établissement de formation reconnu et qu’il suit une formation reconnue au sens des art. 11 et 12 LBPE, ce qui n’est au demeurant pas contesté.

Il convient d’examiner les autres conditions à remplir pour pouvoir bénéficier des aides financières.

4.1.2 L’allocation de formation est allouée dans la mesure où la capacité financière de la personne intéressée, celle de ses parents et d’autres personnes légalement tenues de subvenir à son entretien ainsi que les prestations d’autres tiers sont insuffisantes (art. 3 de l’Accord intercantonal sur les bourses d’études du 18 juin 2009 - CBE - C 1 19 ; art. 1 de la loi autorisant le Conseil d’État à adhérer à l’accord intercantonal sur l’harmonisation des régimes de bourses d’études du 24 février 2012 - L-CBE - C 1 19.0). La LBPE précise que les aides financières sont accordées à titre subsidiaire, le financement de la formation incombant en priorité aux parents et aux tiers qui y sont légalement tenus ou aux personnes en formation elles-mêmes (art. 1 LBPE).

4.1.3 Selon la LBPE, le revenu des parents n’est pas pris en compte lorsque la personne en formation a atteint l’âge de 30 ans révolus, qu’elle ne vit plus chez ses parents et remplit, immédiatement avant de commencer la formation pour laquelle elle demande une aide, l’une des deux conditions figurant à l’art. 18 al. 3 let. a et b LBPE (art. 18 al. 5 LBPE).

L’une des conditions est que la personne ait exercé une activité lucrative à plein temps pendant quatre ans (art. 18 al. 3 let. b LBPE), l’autre étant que la personne ait terminé une première formation donnant accès à un métier et ait été financièrement indépendante pendant deux ans avant de commencer sa nouvelle formation (art. 18 al. 3 let. a LBPE). Le montant du revenu que la personne en formation doit avoir réalisé dans le cadre de l’exercice d’une activité lucrative afin de remplir la condition de l’indépendance financière est définie par le Conseil d’État dans le règlement (art. 18 al. 4 LBPE).

Au chapitre du calcul des aides financières et plus spécifiquement des modalités d’octroi des bourses et des prêts, le règlement d'application de la loi sur les bourses et prêts d'études du 2 mai 2012 (RBPE - C 1 20.01) prévoit que la personne en formation doit réaliser un revenu annuel net d’au moins CHF 30'000.- afin de remplir la condition de l’indépendance financière au sens de l’art. 18 al. 3 let. a LBPE (art. 8 al. 2 RBPE).

4.2 En l’espèce, le recourant ne remplit ni l’une ni l’autre des conditions de l’art. 18 al. 3 LBPE qui permettrait de ne pas tenir compte du revenu de ses parents.

Il ne conteste pas ce fait mais estime que l’obligation faite aux parents de participer à ses charges est contraire au droit fédéral et que la limite de CHF 30'000.- pour établir l’indépendance financière d’une personne discriminerait les personnes qui ne peuvent travailler à plein temps en raison d’une maladie.

4.3 Depuis le 1er juin 2021, la LBPE prévoit les exigences d’indépendance financière pour les étudiants de plus de 25 ans ou de plus de 30 ans. Ces exigences rejoignent en partie celles préconisées par le CBE (art. 19 CBE). S’agissant de la limite de revenu qui doit être fixée par le Conseil d’État, le groupe d'experts de la Conférence intercantonale des bourses d'études a recommandé d'exiger la réalisation d'un montant annuel net de CHF 30'000.-. Cette disposition suit également une recommandation faite par la Cour des comptes, qui préconisait de ne plus tenir compte des revenus des parents dans le calcul des bourses ou prêts d'études pour des demandeurs âgés de 30 ans révolus ou plus et qui correspondaient au statut « indépendant », tel que défini à l’art. 18 al. 3 let. a et b ci-dessus (PL 12749, exposé des motifs, p. 9).

4.4 La critique du recourant quant à la prise en compte du revenu des parents de participer aux charges de leur enfant étudiant tombe à faux, dans la mesure où la LBPE ne crée pas une nouvelle obligation à l’égard des parents qui serait contraire au droit fédéral, mais tient compte de leur capacité financière dans l’attribution de prestations étatiques, dans la mesure estimée raisonnablement exigible de la part des parents par le législateur (art. 19 CBE).

Quant à la limite fixée pour considérer qu’une personne a été indépendante financièrement, elle est fondée sur des recommandations d’experts et, même si elle diffère d’une limite qui aurait été fixée dans une autre loi ou un autre règlement, ceux-ci ne poursuivent pas les mêmes buts, s’agissant par exemple de l’exemption des taxes universitaires citées par le recourant.

Quant à savoir si, en raison d’empêchements liés à son état de santé, une personne ne peut atteindre cette limite de revenu et serait discriminée de ce fait, il faut y répondre en tenant compte de la subsidiarité de la LBPE, laquelle prévoit notamment que ne peuvent pas bénéficier d’une aide financière les personnes qui peuvent prétendre à des prestations en application d’autres lois telles que la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0), la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10) ou encore la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - 831.20). En outre, en l’absence de capacité d’assurer le revenu fixé ici, d’autres aides financières qui ne sont pas du ressort de l’autorité intimée doivent être envisagées.

Le fait qu’aucune exception ne soit prévue par la loi à ce montant indique uniquement qu’il s’agit d’un seuil objectif permettant de retenir une indépendance financière au sens de la LBPE, et non la reconnaissance d’un état de santé sans déficience, comme l’avance le recourant qui invoque à tort une discrimination.

Le grief sera donc écarté.

5.             Subsidiairement, le recourant estime remplir les conditions de l’octroi de prestations pour cas de rigueur.

5.1 Des bourses pour des cas de rigueur peuvent être octroyées dans les limites des disponibilités budgétaires (art. 23 al. 3 LBPE), en particulier pour les personnes en formation qui, pour des raisons familiales, personnelles ou de santé, se trouveraient dans une situation de précarité (art. 16 RBPE).

Il ressort des travaux préparatoires qu'il était nécessaire de prévoir un régime particulier pour les personnes en formation se trouvant dans des situations difficiles, notamment en raison du refus des parents de prendre en charge les frais de formation ou en cas de reprise d'une formation après des années consacrées à l'entretien de personnes à charge (MGC 2008-2009 XI/2, p. 14'941).

5.2 En l’espèce, le SBPE a considéré que l’étudiant ne remplissait pas les conditions du cas de rigueur, ne faisant notamment pas état d’une situation de rupture avec ses parents. Il est, pour le surplus, établi que les revenus des parents permettent de couvrir les charges de l’étudiant.

Les problèmes de santé qu’il invoque, même s’il s’avérait établi qu’ils l’ont empêché de travailler à plein temps avant de reprendre ses études ou qu’ils l’ont empêché de terminer d’autres études, ce qu’il n’est toutefois pas nécessaire de vérifier, ne sont pas susceptibles de constituer un cas de rigueur au sens donné par la LBPE. En effet, selon les travaux préparatoires, les circonstances envisagées par le législateur sont celles dans lesquelles une personne ne peut plus bénéficier de soutien de ses parents, ce qui n’est pas le cas du recourant.

Ainsi, il ne se prévaut pas d'une des situations évoquées dans les travaux préparatoires, à savoir une reprise d'une formation après des années consacrées à l'entretien de personnes à charge ou un refus de ses parents, en particulier de sa mère, de prendre en charge les frais de formation (ATA/1091/2022 du 1er novembre 2022 consid. 6 ; ATA/458/2021 du 27 avril 2021 consid. 4h ; ATA/610/2020 du 23 juin 2020 consid. 7d).

Ainsi, il appert que, quand bien même il soutient se trouver dans une situation financière délicate et sans nier ses problèmes de santé, ses parents disposent de la capacité financière nécessaire. Il n’a de plus été fait mention d’aucune situation de rupture complète du lien avec ses parents, le recourant ayant notamment fourni les pièces nécessaires relatives à la situation de ses parents. Sa situation ne peut ainsi être qualifiée de cas de rigueur au sens de l’art. 23 LBPE.

C’est en conséquence sans violer le droit ni son large pouvoir d’appréciation qui découle notamment de la formulation potestative de la disposition applicable, que le SBPE a refusé l’octroi d’une bourse pour cas de rigueur.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

6.             Il ne sera pas perçu d’émolument vu la nature du litige (art. 87 al. 1 LPA cum art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), et vu son issue il n’y a pas lieu d’allouer d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 25 mai 2023 par A______ contre la décision du service des bourses et prêts d’études du 21 avril 2023 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain JORDAN, avocat du recourant, ainsi qu'au service des bourses et prêts d'études.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :