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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2576/2023

ATA/1358/2023 du 19.12.2023 ( MARPU ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2576/2023-MARPU ATA/1358/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 décembre 2023

 

dans la cause

 

A______ recourante

contre

B______ intimée
représentée par Me Richard CALAME, avocat

et

 

SERVICES INDUSTRIELS DE GENÈVE intimés représentés par Mes Manuel JAQUIER et David BENSIMON, avocats



EN FAIT

A. a. Le 30 mars 2023, les Services industriels de Genève (ci-après : SIG) ont fait publier sur la plateforme simap.ch l’appel d’offres intitulé « Acquisition de câbles MT 240 mm2 Cu pour divers chantiers SIG ». Il s’agissait d’une procédure ouverte, prévoyant notamment que le dossier d’appel d’offres pouvait être téléchargé sur la plateforme précitée et que des questions pouvaient être posées jusqu’au 19 avril 2023.

Il était précisé dans le cahier des charges que l’autorité adjudicatrice accorderait « une attention particulière à la durée de vie de ses câbles, à leurs pertes faibles et notamment à leur flexibilité (moment de pliage et angle de retour lors de l’installation de conducteurs de grosses sections) ». Le prix du cuivre était arrêté à CHF 8.39 par tonne et le prix proposé serait ferme et non révisable, sauf en cas de volatilité exceptionnelle du prix du cuivre. Les critères prix et qualité technique seraient pondérés chacun à 40 %, et la notation du prix se ferait selon la méthode « asymptotique T1,5 ».

b. B______ (ci-après : B______), C______ et D______ (ci-après : D______) ont soumissionné.

c. Par décision du 2 août 2023, les SIG ont adjugé le marché public à B______, pour un montant de CHF 2'356'012.89. Son offre était conforme aux exigences du cahier des charges et était la plus avantageuse, selon les critères détaillés dans la grille d’évaluation annexée.

Selon l’analyse multicritères annexée, le prix offert par D______ était de CHF 2'324'197.- et celui de C______ de CHF 2'335'969.80. Pour le critère du prix, B______ avait obtenu la note de 4.90 et 195.96 points, D______ la note de 5.00 et 200 points et C______ la note de 4.96 et 198.49 points.

Pour le critère « qualité technique », D______ avait obtenu la note de 3.44 et 137.60 points et B______ la note de 3.58 et 143.20 points.

Au classement final, B______ a obtenu 418.46 points, D______ 405.25 points et C______ 399.49 points.

B. a. Par acte expédié le 14 août 2023 à la chambre administrative de la Cour de justice, D______ a recouru contre cette décision, concluant à son annulation et à l’attribution du marché public en sa faveur. À titre préalable, elle a demandé l’effet suspensif et la production par les SIG du dossier d’appel d’offres, notamment tout document relatif à l’évaluation de la rentabilité des autres offres.

Il convenait, pour le prix des câbles, de distinguer le prix creux du prix du cuivre. Dès lors que ce dernier avait été arrêté par l’adjudicatrice, la formule d’évaluation du prix ne tenait pas suffisamment compte de cet élément. Ainsi, le « delta » entre le prix plein et le prix creux était mal pondéré et l’évaluation du prix était « globalement diluée ». De ce fait, le critère du prix, établi sur une base erronée, ne permettait pas de déterminer l’offre la plus avantageuse économiquement. La formule T1,5 était une formule d’évaluation « asymptotique dégressive », inadaptée in casu. Il était contraire au principe de la transparence que la méthode d’évaluation diluât encore davantage le critère du prix, déjà pondéré faiblement à 40 %. Il convenait de remplacer la méthode d’évaluation du prix par une méthode plus courante, soit :

Günstiger Preis + Preisspanne – Angebotspreis x 5 = Note
Preisspanne

b. B______ a conclu au rejet de la requête d’effet suspensif. Dès lors que le pouvoir adjudicateur avait accordé de l’importance aux critères techniques, la pondération du prix à moins de 50 % n’était pas critiquable. La méthode d’évaluation du prix était courante, comme cela ressortait du Guide romand de la conférence romande des travaux publics. Cette méthode était particulièrement adaptée lorsqu’un composant était intégré et que l’on devait s’attendre à ce que l’écart entre les offres soit faible.

c. Les SIG ont également conclu au rejet de la requête d’effet suspensif et s’en sont rapportés à justice quant à l’accès au dossier complet de soumission. A priori, le recours était irrecevable, faute d’un intérêt pratique pour la recourante à son admission. La méthode d’évaluation du prix était licite. Le choix de celle-ci aurait dû être contesté lors de la publication de l’appel d’offres. Contrairement à ce que soutenait la recourante, il n’y avait pas de place pour une « fourchette » dans le cadre de la méthode T1,5. La méthode choisie tenait dûment compte du rapport qualité/prix. Si l’effet suspensif était accordé, des sûretés devraient être déposées par la recourante.

d. Les SIG ont conclu au fond, par écritures séparées, au rejet du recours. Ils ont produit les tableaux d’analyse multicritères reportant le détail des notes obtenues par chaque soumissionnaire pour chaque critère.

e. Dans sa réplique tant sur effet suspensif que sur le fond, la recourante a fait valoir qu’elle n’était pas forclose pour critiquer la méthode d’évaluation du prix des offres. Elle n’avait d’obligation de recourir contre ce critère au moment de la publication de l’offre qu’en cas d’irrégularités claires ou manifestes. Elle s’est opposée à l’obligation de fournir des sûretés et a maintenu sa demande d’accès au dossier. Sur le fond, elle a repris ses arguments et ajouté que l’évaluation de la qualité technique de ses câbles était arbitraire. Le fait qu’aucune des soumissionnaires n’ait obtenu la note maximale alors que les trois principaux fournisseurs en câbles de Suisse avaient concouru laissait supposer que mêmes les meilleurs en la matière n’arrivaient pas à répondre aux attentes du pouvoir adjudicateur. Elle a également critiqué la notation du critère « développement durable ». Il n’avait, en particulier, pas été tenu compte du fait qu’elle utilisait ses propres véhicules, contrairement à B______ qui avait externalisé cette prestation.

f. Sur ce, les parties ont été informées, le 17 octobre 2023, que la cause était gardée à juger sur effet suspensif et sur le fond.

g. Par duplique spontanée du 2 novembre 2023, les SIG ont relevé que l’évaluation technique des câbles avait été opérée par quatre électriciens expérimentés et actifs. L’échantillon de câble à produire était clairement spécifié dans l’appel d’offres. Les échantillons reçus avaient été anonymisés et entreposés pendant plusieurs jours dans un local afin qu’ils présentent une température égale. Les tests prenaient en compte la souplesse du câble, la facilité de dénudage de la gaine extérieure à température ambiante, la facilité d’enlèvement du ruban gonflant semi-conducteur, du pellage du semi-conducteur et du dénudage de l’isolation. Chaque « item » avait fait l’objet d’une pondération propre. Les critères de notation des véhicules utilisés ressortaient clairement du dossier d’appel d’offres.

Les SIG ont produit le tableau Excel utilisé pour la notation des caractéristiques des câbles, comportant le détail des notes obtenues par chaque soumissionnaire. Selon les électriciens ayant procédé aux tests des câbles en atelier, le câble de la recourante s’était révélé « rigide » et « le dénudage de la gaine est difficile même en chauffant ». Il sera revenu ci-après en détail sur ce tableau dans la partie « En droit ».

h. Ayant également déposé une réplique spontanée le 2 novembre 2023, B______ a souligné l’intérêt public à l’exécution de la décision d’adjudication et a repris et développé les arguments déjà avancés.

i. Ces écritures ont été transmises aux parties, les 2 et 6 novembre 2023, la première communication leur rappelant que la cause était gardée à juger sur le fond et sur effet suspensif.

j. Par décision du 17 novembre 2023, la requête d’effet suspensif a été rejetée.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 15 al. 1bis let. d de l’accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 - AIMP - L 6 05 ; art. 3 al. 1 de la loi autorisant le Conseil d’État à adhérer à l’accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 - L-AIMP - L 6 05.0 ; art. 55 let. c et 56 al. 1 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 - RMP - L 6 05.01).

2.             La recourante a sollicité la production par les intimés du dossier de la procédure d’adjudication, notamment les documents relatifs à l’évaluation de la rentabilité des autres offres.

L’autorité adjudicatrice a produit les documents d’appel d’offres, le procès-verbal d’ouverture des offres, l’analyse multicritères détaillée des trois offres reçues, y compris le rapport relatif aux tests effectués sur l’échantillon de câbles produit par les soumissionnaires, son rapport d’adjudication ainsi que le tableau comportant l’analyse des caractéristiques techniques des câbles objet du marché public.

Dans la mesure où ces pièces permettent de statuer sur les griefs soulevés par la recourante, il n’y a pas lieu d’ordonner aux SIG de produire d’autres pièces que celles transmises à la société évincée.

3.             La recourante se plaint de la méthode d’évaluation du prix.

3.1 L'AIMP a pour objectif l'ouverture des marchés publics (art. 1 al. 1 AIMP). Il poursuit plusieurs objectifs, soit assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires (art. 1 al. 3 let. a AIMP), garantir l'égalité de traitement entre ceux-ci et assurer l'impartialité de l'adjudication (art. 1 al. 3 let. b AIMP) et assurer la transparence des procédures de passation des marchés (art. 1 al. 3 let. c AIMP).

3.2 Le soumissionnaire qui entend contester la définition, la pondération ou le manque de précision des critères d'adjudication doit le faire, pour des raisons de bonne foi, dans le cadre de l'appel d'offres et non au moment de la décision d'adjudication, sans quoi il est forclos (ATF 130 I 241 consid. 4.2 ; ATA/319/2022 du 29 mars 2022 consid. 6a ; ATA/448/2020 du 7 mai 2020 consid. 7 ; ATA/307/2019 du 26 mars 2019 consid. 6b).

3.3 Selon l’art. 43 RMP, l'évaluation des offres est faite selon les critères prédéfinis conformément à l'art. 24 RMP et énumérés dans l'avis d'appel d’offres et/ou les documents d'appel d’offres (al. 1). Le résultat de l'évaluation des offres fait l'objet d'un tableau comparatif (al. 2). Le marché est adjugé au soumissionnaire ayant déposé l'offre économiquement la plus avantageuse, c'est-à-dire celle qui présente le meilleur rapport qualité/prix. Outre le prix, les critères suivants peuvent notamment être pris en considération : la qualité, les délais, l'adéquation aux besoins, le service après-vente, l'esthétique, l'organisation, le respect de l'environnement (al. 3).

3.4 En matière d'évaluation des offres, la jurisprudence reconnaît une grande liberté d'appréciation au pouvoir adjudicateur (ATF 125 II 86 consid. 6 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_35/2017 du 5 avril 2018 consid. 5.1 ; ATA/1685/2019 du 19 novembre 2019 consid. 8b et les références citées), y compris s'agissant de la méthode de notation (ATA/676/2020 du 21 juillet 2020 consid. 4b et les références citées). Le juge doit veiller à ne pas s'immiscer de façon indue dans la liberté de décision de l'autorité chargée de l'adjudication (arrêt du Tribunal fédéral 2D_35/2017 précité consid. 5.1). Selon le Tribunal fédéral, une méthode de notation qui a pour effet d'atténuer fortement l'importance relative du critère du prix dans l'adjudication est inadmissible lorsque ce critère ne bénéficie que d'un faible indice de pondération (ATF 130 I 241 consid. 6).

3.5 En l’espèce, la méthode d’évaluation du prix des offres ressort clairement de l’appel d’offres, qui précisait au point 4.7, de manière circonstanciée, la notation du prix qui suivait la méthode dite asymptotique T1,5 du Guide romand. Contrairement à ce qu’affirme la recourante, il lui était loisible de critiquer la méthode d’évaluation du prix au moment de la publication de l’appel d’offres. La méthode choisie était clairement indiquée et ne relevait pas d’un point de détail. La recourante est donc a priori forclose pour s’en plaindre au stade de la contestation de la décision d’adjudication.

Cela étant, quand bien même il conviendrait d’admettre que tel ne serait pas le cas, il n’apparaît pas que la méthode de notation du prix serait inadéquate au point de la rendre contraire à la loi, notamment qu’elle ne permettrait pas de garantir une concurrence efficace entre soumissionnaires, en particulier au regard de la notion, centrale en matière de marchés publics, de l'offre économiquement la plus avantageuse.

L’écart du prix proposé par chacune des soumissionnaires était faible. La différence entre le prix – le plus bas – proposé par la recourante (CHF 2'356'012.89) et celui de l’adjudicataire (CHF 2'324'197.-) et de C______ (CHF 2'335'969.80) n’est en effet respectivement que d’environ CHF 32'000.- et CHF 20'000.-. Or, la méthode de notation du prix aboutissant à la note de 5.00 et 200 points pour la recourante, à la note de 4.90 et 195.96 points pour l’intimée et la note de 4.96 et 198.49 points pour C______, n’introduit pas une distorsion dans l’appréciation du critère du prix, mais reflète au contraire l’écart modeste entre les prix proposés.

Par ailleurs, rien n’indique – et la recourante ne le fait d’ailleurs pas valoir – que les intimés n’auraient pas appliqué correctement la méthode de notation annoncée ou s’en seraient écartés. En outre, en fixant le prix du cuivre, dont les parties s’accordent à considérer qu’il est hautement volatile, l’autorité adjudicatrice a cherché à affiner la comparaison des prix proposés par les soumissionnaires.

La méthode linéaire d’évaluation du prix que propose la recourante ne constitue pas la seule méthode admissible. Aucune disposition n’impose de méthode particulière de notation du prix. Au contraire, il est admis qu’en la matière, le pouvoir adjudicateur dispose d’une large marge d’appréciation.

Au vu de ce qui précède, le grief relatif à la méthode de notation, pour autant qu’il soit recevable, est infondé.

4.             La recourante se plaint également d’un manque de transparence et du caractère arbitraire de l’évaluation du critère relatif à la qualité technique. La qualité des câbles aurait dû être analysée à l’aide d’une machine ou de mesures exactes.

4.1 Comme exposé supra, la jurisprudence reconnaît une grande liberté d'appréciation au pouvoir adjudicateur dans l’appréciation des offres (ATF 125 II 86 consid. 6 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_35/2017 précité consid. 5.1 ; ATA/1685/2019 du 19 novembre 2019 consid. 8b et les références citées). L'appréciation de la chambre administrative ne saurait donc se substituer à celle de ladite autorité. Seul l'abus ou l'excès du pouvoir d'appréciation doit être sanctionné (ATF 130 I 241 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_35/2017 précité consid. 5.1 ; ATA/1685/2019 précité consid. 8b et les références citées). En outre, pour que le recours soit fondé, il faut encore que le résultat, considéré dans son ensemble, constitue un usage abusif ou excessif du pouvoir d'appréciation (ATA/1164/2023 du 31 octobre 2023 consid. 4.3 ; ATA/1389/2019 du 17 septembre 2019 consid. 5).

4.2 En l’espèce, il convient, en premier lieu, de relever que l’appel d’offres indiquait que les SIG procéderaient à des tests sur les échantillons de câbles que les concurrents devaient fournir. Il ressort également de la pondération importante à 40% que le pouvoir adjudicateur accordait une grande importance aux propriétés desdits câbles. Le « cahier des charges techniques pour câbles MT » précisait avec force détails les qualités techniques attendues des câbles. Il était également indiqué qu’un échantillon d’une longueur de 5 m du câble proposé devait être fourni afin que l’autorité adjudicatrice puisse réaliser ses propres tests en conditions réelles. Ces éléments permettaient de comprendre les caractéristiques attendues des câbles et le fait que des tests visant à les vérifier seraient effectués sur les échantillons reçus des soumissionnaires.

Dans le cadre de la procédure devant la chambre de céans, les SIG ont produit les tableaux Excel évaluant séparément les différentes caractéristiques des câbles. Étaient évalués le diamètre extérieur, le poids total en kg/100m, la force maximale admissible de traction avec boucle sertie et avec bas de tirage, la température minimale de pose, le rayon courbure statique du câble, le rayon courbure minimum au tirage câble, le « moment pliage phase », « l’angle retour pliage phase », la « résistance déchirement gaine extérieure ». Un chapitre « Test du matériel en atelier » notait la souplesse du câble, la facilité du dénudage de la gaine extérieure et de l’isolation à température ambiante, la facilité de l’enlèvement du ruban gonflant semi-conducteur et celle du pelage du semi-conducteur à température ambiante.

La recourante ne fait pas valoir que les critères précités ou les tests en atelier auraient porté sur des aspects techniques sans rapport avec le marché public ou contraires aux indications figurant dans le « cahier des charges techniques pour câbles MT ». Aucun élément au dossier ne permet d’ailleurs de considérer que les critères retenus pour évaluer les qualités techniques des échantillons de câbles présentés seraient dépourvus de pertinence ou arbitraires.

Répondant à la critique – nouvelle, figurant dans l’écriture de réplique – se rapportant à l’appréciation des échantillons fournis, les SIG ont expliqué qu’après avoir reçu les échantillons de câbles, ceux-ci avaient été anonymisés et entreposés dans le même local plusieurs jours afin qu’ils soient tous examinés dans les mêmes conditions de température. Les personnes ayant procédé aux tests étaient quatre monteurs-électriciens expérimentés travaillant dans leur quotidien avec des câbles similaires. La recourante n’a pas contesté ces allégations et n’a alors plus émis de critiques quant à la manière de procéder à l’évaluation des qualités techniques des câbles proposés par les soumissionnaires.

Dans l’appréciation globale du test en atelier, la recourante a obtenu une note de 2.92, alors que l’adjudicataire a été évaluée avec la note de 4.13. Il ressort du rapport d’évaluation que « lors des tests en atelier le câble s’est révélé rigide, le dénudage de la gaine est difficile même en chauffant ».

Dès lors qu’aucun élément ne permet de considérer que l’évaluation des qualités techniques des câbles aurait procédé d’une appréciation arbitraire et non justifiable, le grief sera écarté.

5.             Dans son dernier grief, la recourante fait valoir que l’adjudicataire aurait externalisé la gestion des véhicules de livraison et qu’il aurait ainsi été nécessaire d’évaluer la flotte complète du transporteur pour apprécier le critère « développement durable ». Sa concurrente victorieuse avait mentionné six véhicules, alors qu’elle savait que B______ ne disposait pas de son propre véhicule électrique. Il était de notoriété publique que l’adjudicataire externalisait cette partie de la logistique à E______. Il aurait donc convenu d’évaluer la flotte de cette société. Étant la seule à disposer de véhicules propres, elle seule aurait dû obtenir des points pour ce critère.

Ce faisant, la recourante se plaint d’une appréciation arbitraire de la notation obtenue par sa concurrente victorieuse pour le critère du développement durable.

Ce critère comportait les sous-critères « critères écologiques » (annexe 3) et « la contribution de l’entreprise à la composante sociale du développement durable » (annexes Q5 S et Q6 S). Ce dernier critère s’intéressait au nombre d’apprentis employés et à la certification « qualité officielle » dans les domaines social et environnemental. Le questionnaire relatif à ce dernier point demandait – si la certification « qualité officielle » dans le domaine environnemental n’avait pas été obtenue – de répondre aux questions relatives aux mesures prises en matière d’économie d’énergie, de politique d’achat et pour limiter les risques d’atteinte à l’environnement. L’adjudicataire a obtenu pour l’évaluation des critères ressortant de l’annexe Q5 S la note de 3.25 et celle relative à l’annexe Q6 S la note de 4.50, la recourante les notes de respectivement 3.42 et 4. Ces notes ne sont pas contestées.

Le formulaire « critères écologiques » (annexe 3) s’intéressait aux lieux de fabrication et de stockage des câbles, à la localisation de l’entreprise de transport ainsi qu’aux types (sous l’angle des normes antipollution) et au nombre de véhicules utilisés. Il ressort du détail de l’évaluation que la classification écologique du type de véhicules utilisés (Euro 3 à Euro 6 et « non fossile ») revêtait une grande importance. Il a été retenu que la recourante utilisait quatre véhicules « Euro 5 » et deux véhicules « Euro 6 », alors que l’adjudicataire recourrait à l’utilisation de cinq véhicules « Euro 5 » et un véhicule « non fossile ». L’on comprend des notes attribuées que plus le véhicule répond au critère écologique requis, plus le chiffre (« Euro 1 à 6 ») est élevé.

La recourante ne conteste pas l’évaluation résultant de l’appréciation de l’annexe 3 en tant que telle, mais fait valoir que, dès lors que les véhicules qui seraient utilisés par sa concurrente seraient loués auprès d’une entreprise tierce, cette dernière aurait dû faire l’objet d’une analyse écologique selon l’annexe 3 en ce qui concerne son parc automobile. Cette critique ne peut être accueillie. En effet et comme l’ont relevé les SIG dans leur duplique spontanée, le marché public n’exige pas que les soumissionnaires soient propriétaires des véhicules auxquels elles auraient recours dans le cadre de l’exécution du mandat. Par ailleurs, aucun élément ne permet de retenir, ne serait-ce sous l’angle de la vraisemblance, que l’adjudicataire ne se conformerait pas aux indications fournies quant aux véhicules qu’elle utiliserait dans le cadre de l’exécution du marché ; la recourante ne l’allègue d’ailleurs pas non plus.

Le grief sera donc également écarté.

Au vu de ce qui précède, les SIG n’ont ni violé la loi ni abusé de leur pouvoir d’appréciation en attribuant le marché public « Acquisition de câbles MT 240 mm2 Cu pour divers chantiers SIG » à B______. Mal fondé, le recours sera ainsi rejeté.

6.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge de la recourante, qui ne peut se voir allouer d’indemnité de procédure (art. 87 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée à l’adjudicataire, à la charge de la recourante. Aucune indemnité de procédure ne sera allouée au pouvoir adjudicateur, qui dispose de son propre service juridique (ATA/605/2021 du 8 juin 2021 consid. 14 et les références citées).

 

* * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 août 2023 par D______ contre la décision des Services industriels de Genève du 2 août 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de D______ ;

alloue à B______ SA une indemnité de procédure de CHF 1'500.-, à la charge de D______ ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n'est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

s'il soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à D______, à Me Richard CALAME, avocat de l'intimée, à Mes Manuel JAQUIER et David BENSIMON, avocats des intimés, ainsi qu'à la Commission de la concurrence.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Valérie LAUBER et Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

J. PASTEUR

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :