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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2038/2022

ATA/317/2023 du 28.03.2023 sur JTAPI/1143/2022 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2038/2022-PE ATA/317/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 mars 2023

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______ recourant
représenté par Me Constansa Derpich, avocate

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 31 octobre 2022 (JTAPI/1143/2022)


EN FAIT

A. a. Monsieur A______, né le ______ 2003, est le fils de Madame B______ (ci-après : sa mère), née le ______ 1978, et Monsieur C______ (ci-après : son père), né le ______, tous ressortissants colombiens.

b. Son père vit en Suisse depuis le 11 décembre 2009, date à laquelle il s’est marié, avec une compatriote, Madame D______, née le ______ 1982. Tous deux sont au bénéfice d’un permis d’établissement. Le couple a deux enfants, E______, né le ______ 2013 et F______, né le ______ 2018. Après avoir vécu dans un appartement de six pièces de 110m2, les époux ont acheté une maison à Veyrier en août 2021.

c. M. A______, arrivé en Suisse le 4 août 2021, a été scolarisé dans une classe d’accueil pendant l’année scolaire 2021-2022, puis dans une classe d’insertion du centre de formation professionnelle au collège école de commerce ______ pour l’année 2022-2023. Une inscription dans une classe normale était envisagée dès mi-janvier 2023. M. A______ souhaite obtenir un CFC d’employé de commerce. Son intégration est excellente tant sur le plan du comportement que des apprentissages.

B. a. Le 19 avril 2021, par l'entremise de sa mère, M. A______ a déposé auprès de l'ambassade suisse à Bogota une demande d'entrée et d'autorisation de séjour dans le cadre d’un regroupement familial auprès de son père.

À l'appui de sa demande, il a notamment produit une lettre de sa mère datée de mars 2021 ainsi que sa traduction certifiée conforme. Elle expliquait travailler à l'hôpital à raison de douze heures par jour et être en contact étroit avec des patients infectés par le virus Covid-19. Son fils courait un risque sérieux de contamination. En raison de ses heures de travail, celui-ci restait la plupart du temps seul à la maison. Cette situation était difficile à gérer. Étant à l'âge de l'adolescence, il était exposé à de nombreux risques. Il était dans son intérêt de vivre auprès son père, lequel disposait du temps nécessaire pour s'en occuper et lui fournir l'éducation idoine.

b. Sur demande de renseignements de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), M. C______ a notamment précisé avoir conservé des rapports étroits avec son fils par le biais de lettres et de contacts téléphoniques et être retourné régulièrement le voir en Colombie. M. A______ était également venu lui rendre visite en 2012, pendant les fêtes de fin d'année, et était resté en Suisse durant un mois et demi. Depuis la naissance de son fils, il subvenait à ses besoins. Ce dernier, adolescent, devait être accompagné et encadré par ses parents, ce que sa mère reconnaissait ne plus être en mesure de faire. Le 4 août 2021, voyant le temps passer depuis le dépôt de la demande et la situation se dégrader, il avait fait venir son enfant chez lui. Il était de son devoir de le protéger et d'agir sans attendre.

Mme D______ confirmait, par document séparé, son accord avec la demande de permis de séjour et son soutien inconditionnel au regroupement familial tant du point de vue émotionnel que financier.

c. Après un bref échange de correspondances, par décision du 20 mai 2022, l'OCPM a refusé la demande de M. A______ d'octroi d'une autorisation de séjour et a prononcé son renvoi de Suisse.

Son père avait volontairement quitté la Colombie en 2009 pour venir en Suisse dans le but de se marier. L’enfant avait été élevé par sa mère, en Colombie, et avait ainsi eu des contacts moins étroits avec son père. Il était possible pour son père de maintenir les relations existantes, même si l’enfant était en Colombie. Il ne démontrait pas l'existence d'obstacles au retour dans son pays d'origine.

C. a. Par acte déposé le 20 juin 2022, complété le 8 juillet 2022, M. A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI), concluant préalablement à sa comparution personnelle, principalement à l'annulation de la décision et à ce qu'une autorisation de séjour lui soit accordée.

b. Par jugement du 31 octobre 2022, le TAPI a rejeté le recours. Les conditions pour un regroupement familial n’étaient pas remplies, à l’instar de celles du cas de rigueur.

D. a. Par acte du 2 décembre 2022, M. A______ a interjeté recours contre ce jugement devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Il a conclu à ce qu’il soit constaté qu’il remplissait les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour, et cela fait à l’annulation du jugement précité et de la décision de l’OCPM du 20 mai 2022. La cause devait être renvoyée à l’autorité intimée pour qu’elle lui délivre une autorisation de séjour.

L’OCPM avait abusé de son pouvoir d’appréciation et les faits avaient été mal constatés. Il n’était pas contesté qu’il convenait uniquement d’examiner si la situation du recourant remplissait les conditions permettant un regroupement familial différé. Or, sa mère s’étant opposée durant toute son enfance à ce qu’il rejoigne son père en Suisse, il ne pouvait pas être exigé de ce dernier qu’il « force » la venue de son fils, sous peine d’être accusé d’enlèvement d’enfants mineurs. En grandissant, le recourant avait toutefois pu faire valoir avec beaucoup plus d’insistance son réel besoin de grandir auprès de son père et avait réussi à se faire entendre par sa mère. L’autorité intimée n’avait pas tenu compte des circonstances exceptionnelles et de la réalité concrète, à savoir la nécessité d’obtenir l’accord de ses deux parents et le fait qu’il n’y soit parvenu qu’une fois le délai de cinq années prévues par la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) écoulé.

Il avait été délaissé pendant la pandémie de Covid-19, ce qui avait objectivement constitué un changement de circonstances majeures dans l’organisation familiale. S’agissant des solutions alternatives, l’OCPM n’avait jamais démontré qu’il en aurait existé. Contrairement à ce qui avait été retenu dans le jugement, il entendait poursuivre ses études de façon très sérieuse et non pas prendre un emploi. Son projet scolaire était clair et il avait les capacités de le réussir, ce qu’avait relevé la lettre de recommandation établie par la direction du CEC ______. Son père pouvait le prendre en charge financièrement, assurer son hébergement, avec le soutien inconditionnel de son épouse, sans devoir faire appel à l’aide sociale.

b. L’OCPM a conclu au rejet du recours.

c. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

d. Le contenu des pièces et les arguments des parties seront repris, en tant que de besoin, dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 – LPA - E 5 10).

2.             La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants de Colombie.

3.             Le regroupement familial est régi par les art. 42 et suivants LEI.

3.1 Les enfants célibataires étrangers de moins de 18 ans du titulaire d’une autorisation d’établissement ont droit à l’octroi d’une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité aux conditions suivantes : a) ils vivent en ménage commun avec lui ; b) ils disposent d’un logement approprié ; c) ils ne dépendent pas de l’aide sociale ; d) ils sont aptes à communiquer dans la langue nationale parlée au lieu de domicile ; e) la personne à l’origine de la demande de regroupement familial ne perçoit pas de prestations complémentaires annuelles au sens de la loi du 6 octobre 2006 sur les prestations complémentaires (LPC) ni ne pourrait en percevoir grâce au regroupement familial (art. 43 al. 1 LEI). Pour l’octroi de l’autorisation de séjour, une inscription à une offre d’encouragement linguistique suffit en lieu et place de la condition prévue à l’al. 1 let. d (art. 43 al. 2 LEI). La condition prévue à l’al. 1 let. d ne s’applique pas aux enfants célibataires de moins de 18 ans (art. 43 al. 3 LEI). L’octroi et la prolongation d’une autorisation de séjour peuvent être subordonnés à la conclusion d’une convention d’intégration lorsque se présentent des besoins d’intégration particuliers conformément aux critères définis à l’art. 58a (art. 43 al. 4 LEI).

3.2 Le regroupement familial doit être demandé dans les cinq ans. Pour les enfants de plus de 12 ans, le regroupement doit intervenir dans un délai de douze mois (art. 47 al. 1 LEI et 73 al. 1 OASA). Selon le texte clair de l’art. 47 al. 1 LEI, le délai est respecté si la demande de regroupement familial est déposée avant son échéance. L’âge de l’enfant au moment du dépôt de la demande est déterminant (ATF 136 II 78 consid. 3.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1025/2017 du 22 mai 2018 consid. 1.1).

Passé ce délai, le regroupement familial différé n’est autorisé que pour des raisons familiales majeures (art. 47 al. 4 LEI et 73 al. 3 OASA). Les limites d'âge et les délais prévus à l'art. 47 LEI visent à permettre une intégration précoce et à offrir une formation scolaire en Suisse aussi complète que possible (ATF 133 II 6 consid. 5.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1176/2016 du 26 juillet 2017 consid. 4.2.2 et les arrêts cités). Les délais prévus à l'art. 47 LEI ont également pour objectif la régulation de l'afflux d'étrangers (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1/2017 du 22 mai 2017 consid. 4.1.2).

3.3 La reconnaissance d'un droit au regroupement familial suppose qu'un changement important de circonstances, notamment d'ordre familial, se soit produit, telle qu'une modification des possibilités de la prise en charge éducative à l'étranger (ATF 130 II 1 consid. 2 ; 124 II 361 consid. 3a). Il existe ainsi une raison familiale majeure lorsque la prise en charge nécessaire de l'enfant dans son pays d'origine n'est plus garantie, à la suite par exemple du décès ou de la maladie de la personne qui s'en occupait. Lorsque le regroupement familial est demandé en raison de changements importants des circonstances à l'étranger, il convient toutefois d'examiner s'il existe des solutions alternatives permettant à l'enfant de rester où il vit. De telles solutions correspondent en effet mieux au bien-être de l'enfant, parce qu'elles permettent d'éviter que celle-ci ou celui-ci ne soit arraché à son milieu et à son réseau de relations de confiance. Cette exigence est d'autant plus importante pour les adolescentes et adolescents qui ont toujours vécu dans leur pays d'origine dès lors que plus un enfant est âgé, plus les difficultés d'intégration qui le menacent apparaissent importantes. Il ne serait toutefois pas compatible avec l'art. 8 CEDH de n'admettre le regroupement familial différé qu'en l'absence d'alternative. En revanche, une telle alternative doit être d'autant plus sérieusement envisagée et soigneusement examinée que l'âge de l'enfant est avancé et que la relation avec le parent vivant en Suisse n'est pas (encore) trop étroite (ATF 137 I 284 consid. 2.2 ; 133 II 6 consid. 3.1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_207/2017 du 2 novembre 2017 consid. 5.3).

Les raisons familiales majeures au sens des art. 47 al. 4 LEI et 73 al. 3 OASA peuvent être invoquées, selon l'art. 75 OASA, lorsque le bien de l'enfant ne peut être garanti que par un regroupement familial en Suisse. C'est l'intérêt de l'enfant, non les intérêts économiques (prise d'une activité lucrative en Suisse), qui prime. Il faut prendre en considération tous les éléments pertinents du cas particulier. Il y a lieu de tenir compte du sens et des buts de l'art. 47 LEI. Il s'agit également d'éviter que des demandes de regroupement familial différées soient déposées peu avant l'âge auquel une activité lucrative peut être exercée lorsque celles-ci permettent principalement une admission facilitée au marché du travail plutôt que la formation d'une véritable communauté familiale. D'une façon générale, il ne doit être fait usage de l'art. 47 al. 4 LEI qu'avec retenue (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1/2017 précité consid. 4.1.3 et les références citées).

3.4 Le regroupement familial suppose que le parent établi en Suisse ait maintenu avec ses enfants une relation familiale prépondérante en dépit de la séparation et de la distance (ATF 133 II 6 consid. 3.1). On peut notamment admettre qu'il y a une relation familiale prépondérante entre les enfants et le parent vivant en Suisse lorsque celui-ci a continué d'assumer de manière effective pendant toute la période de son absence la responsabilité principale de leur éducation, en intervenant à distance de manière décisive pour régler leur existence sur les questions essentielles, au point de reléguer le rôle de l'autre parent à l'arrière-plan. Pour autant, le maintien d'une telle relation ne signifie pas encore que le parent établi en Suisse puisse faire venir ses enfants à tout moment et dans n'importe quelles conditions. Il faut, comme dans le cas où les deux parents vivent en Suisse séparés de leurs enfants depuis plusieurs années, réserver les situations d'abus de droit, soit notamment celles dans lesquelles la demande de regroupement vise en priorité une finalité autre que la réunion de la famille sous le même toit. Par ailleurs, indépendamment de ces situations d'abus, il convient, surtout lorsque la demande de regroupement familial intervient après de nombreuses années de séparation, de procéder à un examen d'ensemble des circonstances portant en particulier sur la situation personnelle et familiale de l'enfant et sur ses réelles possibilités et chances de s'intégrer en Suisse et d'y vivre convenablement. Pour en juger, il y a notamment lieu de tenir compte de son âge, de son niveau de formation et de ses connaissances linguistiques. Un soudain déplacement de son centre de vie peut en effet constituer un véritable déracinement pour elle ou lui et s'accompagner de grandes difficultés d'intégration dans le nouveau cadre de vie ; celles-ci seront d'autant plus probables et potentiellement importantes que son âge sera avancé (ATF 133 II 6 consid. 3.1.1 ; 129 II 11 consid. 3.3.2).

Le désir – pour compréhensible qu'il soit – de voir (tous) les membres de la famille réunis en Suisse, souhait qui est à la base de toute demande de regroupement familial et représente même une condition d'un tel regroupement, ne constitue pas en soi une raison familiale majeure. Lorsque la demande de regroupement familial est déposée hors délai et que la famille a vécu séparée volontairement d'autres raisons sont nécessaires (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1025/ 2017 consid. 6.1 et 6.2, et la jurisprudence citée).

3.5 Enfin, les raisons familiales majeures pour le regroupement familial ultérieur doivent être interprétées d'une manière conforme au droit fondamental au respect de la vie familiale (art. 13 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst - RS 101 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 - CEDH - RS 0.101 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1102/2016 du 25 avril 2017 consid. 3.2).

Aux termes de l'art. 8 CEDH, toute personne a notamment droit au respect de sa vie privée et familiale. Pour autant, les liens familiaux ne sauraient conférer de manière absolue, en vertu de l'art. 8 CEDH, un droit d'entrée et de séjour. Ainsi, lorsqu'une personne étrangère a elle-même pris la décision de quitter sa famille pour aller vivre dans un autre État, ce dernier ne manque pas d'emblée à ses obligations de respecter la vie familiale s'il n'autorise pas la venue des proches de la personne étrangère ou qu'il la subordonne à certaines conditions (arrêt du Tribunal fédéral 2C_153/2018 précité consid. 5.3 et les références citées).

Une ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'art. 8 CEDH est possible aux conditions de l'art. 8 § 2 CEDH. La question de savoir si, dans un cas d'espèce, les autorités compétentes sont tenues d'accorder une autorisation de séjour fondée sur l'art. 8 CEDH doit être résolue sur la base d'une pesée de tous les intérêts publics et privés en présence. S'agissant d'un regroupement familial, il convient de tenir compte dans la pesée des intérêts notamment des exigences auxquelles le droit interne soumet celui-ci. Il n'est en effet pas concevable que, par le biais de l'art. 8 CEDH, une personne étrangère qui ne dispose, en vertu de la législation interne, d'aucun droit à faire venir sa famille proche en Suisse, puisse obtenir des autorisations de séjour pour celle-ci sans que les conditions posées par les art. 42 ss LEI ne soient réalisées (ATF 142 II 35 consid. 6.1 ; 139 I 330 consid. 2 ; 137 I 284 consid. 2.6).

La protection accordée par l'art. 8 CEDH suppose que la relation avec l'enfant – qui doit être étroite et effective (ATF 139 I 330 consid. 2.1) – ait préexisté (arrêts du Tribunal fédéral 2C_537/2009 du 31 mars 2010 consid. 3 ; 2C_490/2009 du 2 février 2010 consid. 3.2.3).

3.6 En l'espèce, il n'est pas contesté que la demande de regroupement familial a été déposée tardivement. Seule demeure donc ouverte la possibilité offerte par l'art. 47 al. 4 LEI de bénéficier d'un regroupement familial différé pour des raisons familiales majeures.

Il convient donc d’examiner si la situation du recourant remplit les conditions restrictives permettant un regroupement familial différé.

3.7 Le recourant ne fait qu’alléguer que sa mère se serait opposée à sa venue en Suisse jusqu’à ses 17 ans. L’attestation de celle-ci ne fait pas état d’une telle opposition.

Par ailleurs, si son père allègue avoir eu des contacts réguliers pendant douze ans avec son fils, il ne prouve pas avoir entrepris des démarches en vue de le faire venir plus tôt. Si certes, le recourant a pu passer un mois et demi de vacances, à Genève, en 2012, et que sa venue a préalablement fait l’objet d’un refus du secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM), le dossier ne contient aucune preuve autre que ledit voyage en 2012, de contacts entre père et fils de 2009 à 2021. De même, si le père du recourant fait mention du paiement d’une contribution mensuelle à l’entretien de son enfant, on ignore si elle a été régulièrement versée, soit pendant à tout le moins les cent quarante-quatre mois concernés, quel était son montant, et sur quelle base il s’en serait acquitté. L’existence d’une relation familiale prépondérante en dépit de la séparation et de la distance, au sens de la jurisprudence, n’est en conséquence pas établie.

Le recourant a passé la majeure partie de sa vie en Colombie. Il y a vécu jusqu’à quelques jours avant ses 18 ans. Il y a suivi sa scolarité, y a obtenu un baccalauréat en décembre 2020, sans que le dossier ne précise le domaine de formation. Il parle l’espagnol. Il connaît les us et coutumes de ce pays ainsi que son système éducatif. Par ailleurs, si le recourant a certes son père, sa belle-mère et deux demi-frères en Suisse, sa mère vit toujours en Colombie. Il a vécu à ses côtés pendant dix-huit ans, quand bien même elle indique avoir été très occupée en sa qualité d’infirmière par la crise du Covid-19. Si elle a estimé, en mars 2021, ne plus avoir les disponibilités en temps pour s’occuper de son fils adolescent, la situation a évolué. D’une part, celui-ci est majeur depuis deux ans et, d’autre part, la pandémie a cessé d’accaparer le temps du personnel soignant comme en mars 2021. Ainsi, si certes, le Covid-19 a probablement impliqué un changement de circonstances dans l’organisation familiale en Colombie, il ne peut pas être qualifié d’important s’agissant d’un jeune de presque 18 ans, déjà titulaire d’un baccalauréat. Il ne peut en conséquence pas être retenu qu’il s’agirait, au sens de la jurisprudence précitée, d’une raison familiale majeure et que la prise en charge nécessaire de l'enfant, dans son pays d'origine, ne serait plus garantie.

De surcroît, le recourant est arrivé en Suisse sans y être autorisé, le 4 août 2021, soit neuf jours seulement avant ses 18 ans. Or, comme mentionné par la jurisprudence, il convient d'éviter que des demandes de regroupement familial différées soient déposées peu avant l'âge auquel une activité lucrative peut être exercée lorsque celles-ci permettent principalement une admission facilitée au marché du travail plutôt que la formation d'une véritable communauté familiale. Certes, le jeune vit désormais en Suisse où il est scolarisé, avec succès, depuis près de deux ans. Il a, pendant ce laps de temps, renforcé ses liens avec son père, sa belle-mère et ses deux demi-frères et s’est familiarisé avec les us et coutumes locaux. Ces éléments, bien que d’une importance certaine pour son développement et laissant envisager de réelles possibilités et chances de pouvoir s’intégrer en Suisse, ne sauraient cependant répondre à eux seuls aux raisons familiales impératives exigées pour l’octroi d’un regroupement familial au sens de l’art. 47 al. 4 LEI. En effet, ils sont la conséquence du fait que l’arrivée du jeune a placé les autorités devant le fait accompli et ne sauraient, à ce titre, constituer à eux seuls un élément décisif. Les bonnes notes de l’étudiant, son excellent comportement, sa bonne intégration, le soutien de la directrice de son établissement et du corps enseignant qui le côtoie ainsi que ses projets d’avenir, bien que réjouissants, ne sont en effet pas pertinents dans le cadre de l’analyse des raisons familiales majeures.

L'intéressé est en bonne santé et majeur depuis le 13 août 2021. Il pourra valoriser en Colombie les connaissances acquises en Suisse.

Le recourant et son père pourront entretenir des relations par des visites touristiques et l'usage de divers moyens de communication. En outre, le père pourra contribuer à l'entretien de son enfant, en tant que de besoin, par des versements d'argent réguliers, comme il indique l’avoir fait précédemment.

Au vu de l’âge du jeune au moment de la demande de regroupement familial, soit plus de 17 ans, du fait qu’il a vécu l’entier de sa vie en Colombie, exception faite d’un mois et demi à Noël 2012 passé avec son père en Suisse, il détient des attaches profondes avec son pays d’origine. La présence en Colombie de sa mère suffit à considérer qu’il peut bénéficier, dans son pays d’origine, d’un cadre de vie favorable, conforme à ses intérêts. Dans ces conditions, il ne peut être retenu qu’un refus de regroupement familial irait à l’encontre de l’intérêt du recourant.

Au vu de l’ensemble des circonstances, l’OCPM était en conséquence fondé, tout en respectant la LEI et l’art. 8 CEDH et sans violer le droit fédéral, de conclure à l'absence de raisons familiales majeures au sens de l'art. 47 al. 4 LEI.

4.             L’OCPM a analysé et rejeté l’existence d’un cas de rigueur au sens de l’art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA. Cette position ne peut qu’être confirmée compte tenu du fait que l’intéressé ne réside en Suisse que depuis deux ans, que sa mère vit en Colombie, qu’il a vécu dans son pays d’origine durant près de dix-huit ans, notamment son enfance et son adolescence, s’y est formé jusqu’à l’obtention d’un baccalauréat, en maîtrise la langue et les coutumes. Les possibilités de réintégration en Colombie sont bonnes. Le recourant ne se trouve pas dans une situation si grave que l’on ne puisse exiger de lui qu’il tente de se réadapter à son existence passée.

Le recours sera en conséquence rejeté.

5.             Le renvoi d’un étranger ne peut être ordonné que si l’exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L'exécution du renvoi n’est pas possible lorsque l’intéressé ne peut quitter la Suisse pour son État d’origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyé dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI). Elle n’est pas licite lorsque le renvoi serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). Elle n’est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger l’étranger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

En l’espèce, il n’est, à juste titre, pas allégué que l’exécution du renvoi du jeune en Colombie serait impossible, illicite ou inexigible au regard de l’art. 83 LEI ; le dossier ne laisse pas apparaître d’éléments qui tendraient à démontrer que ce serait le cas.

6.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de M. A______, qui succombe (art. 87 LPA). Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 2 décembre 2022 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 31 octobre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Constansa Derpich, avocate du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.