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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/905/2022

ATA/196/2023 du 28.02.2023 sur JTAPI/1217/2022 ( ICC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/905/2022-ICC ATA/196/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 février 2023

4ème section

 

dans la cause

 

FONDATION A______ ET B______et Messieurs C______ et D______
représentés par Me Olivier Peclard, avocat recourants

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE intimée

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 novembre 2022 (JTAPI/1217/2022)


EN FAIT

A. a. Par jugement du 14 novembre 2022, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a rejeté le recours formé par la Fondation A______ et B______(ci-après : fondation), Monsieur C______ et Monsieur D______ contre la décision de l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) du 5 novembre 2021 fixant les droits de succession dus dans le cadre de la succession de feu Mme B______.

Le TAPI a retenu les faits suivants :

b. Madame B______, veuve de Monsieur A______, domiciliée à Genève, était décédée le ______ 2017 à Anières. À la fin de sa vie, elle était assistée d’un curateur, Me E______, nommé par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après : TPAE).

c. Elle avait rédigé plusieurs dispositions testamentaires, en dernier lieu un testament public établi le 14 octobre 2011, complété en 2012, 2014 et 2015, révoquant ses dispositions antérieures, instituant pour unique héritière la fondation et consentant divers legs, notamment à MM. D______, C______ et F______. La fondation devait encore être constituée.

d. MM. D______ et C______ étaient respectivement le président et le secrétaire de la fondation, qui était exonérée d’impôts.

e. Par décision du 9 juin 2017, la Justice de paix avait nommé Me E______ administrateur d’office de la succession, au motif que les héritiers légaux étaient inconnus et que la dévolution était incertaine, compte tenu des actions successorales pendantes devant le Tribunal civil de première instance (ci-après : TPI).

f. Le 24 juillet 2017, l’AFC-GE avait invité l’administrateur d’office à lui faire parvenir la déclaration de succession. Elle l’avait avisé, le 14 novembre 2017, que les droits de succession portaient intérêts à compter du cinquième mois suivant le décès. Il pouvait verser des acomptes, afin de réduire le montant des droits portant intérêts. Elle lui avait adressé un ultime délai au 16 avril 2018 pour renvoyer la déclaration de succession, sous peine de taxation d’office.

L’administrateur avait sollicité des prolongations de délai au 31 juillet et 30 novembre 2019.

g. La déclaration de succession avait finalement été remise le 25 novembre 2019.

h. Le 14 septembre 2020, l’administrateur d’office avait communiqué à l’AFC-GE l’identité et l’adresse de quatre héritières légales de feu Mme B______ résidant en France.

i. Les procédures successorales avaient pris fin avec l’homologation de conventions par le TPI le 1er octobre 2020.

j. Le 15 janvier 2021, l’AFC-GE avait transmis à la fondation un tableau estimatif des droits et des intérêts dus par les légataires.

k. Par courrier du 27 janvier 2021, la fondation avait informé l’AFC-GE qu’elle procéderait au paiement d’un acompte. Elle contestait cependant le montant des intérêts.

Compte tenu des nombreuses procédures judiciaires, les légataires ne pouvaient pas connaître la valeur de leur legs ou de leur indemnité avant la signature des conventions, homologuées le 1er octobre 2020. Les intérêts ne devraient courir au plus tôt que dès cette date. Ni la fondation, ni l’administrateur d’office n’auraient été en mesure d’effectuer d’avances sur les impôts successoraux avant la signature et l’homologation des conventions et ainsi arrêter le décompte des intérêts.

l. Cette requête avait été rejetée, au motif que les intérêts de bonification courraient dès le premier jour du cinquième mois à compter du décès sur tous les montants impayés, quelles qu’en soient les raisons.

m. Le 5 novembre 2021, l’AFC-GE avait notifié à l’hoirie de feu Mme B______ un bordereau de droits de succession. Le 26 novembre 2021, elle lui avait envoyé un bordereau rectificatif, auquel s’ajoutaient, à teneur du relevé de compte annexé, des intérêts de bonification. Ceux-ci étaient calculés à compter du 9 juillet 2017.

n. La fondation avait élevé réclamation à l’encontre desdits bordereaux, en concluant à l’annulation des intérêts de bonification et à ce que l’AFC-GE constate qu’ils n’avaient pas commencé à courir quatre mois après le décès de Mme B______. L’AFC-GE aurait pu et dû appliquer l’art. 60 al. 5 de la loi sur les droits de succession du 26 novembre 1960 (LDS - D 3 25), l’autorisant à prolonger les délais fixés pour le paiement dans des cas exceptionnels.

o. M. F______ et l’hoirie avaient également formé réclamation.

p. Par une seule décision, l’AFC-GE avait rejeté les réclamations le 16 février 2022.

Les intérêts de bonification couraient dès l’expiration d’un délai de quatre mois à compter du décès. Leur perception ne requérait ni mise en demeure, ni faute du contribuable, ni même la possibilité de payer en temps utile. Ils étaient dus quelles que soient les raisons de la durée de la procédure. Le fait qu’elle ait prolongé le délai de paiement des droits de succession n’impliquait pas le report du dies a quo du délai des intérêts de bonification. L’art. 60 al. 5 LDS permettait d’obtenir une prolongation du délai de paiement, mais n’avait pas d’incidence sur le calcul des intérêts.

q. MM. D______ et C______ ainsi que la fondation avaient recouru auprès du TAPI contre cette décision. Ils avaient conclu à l’annulation de la décision du 16 février 2022, des avis de taxation et des relevés de compte initiaux et rectificatifs, en tant qu’ils retenaient des intérêts de bonification, ceux-ci ne devant courir qu’à compter du 1er octobre 2020.

La volonté du législateur, lors de l’adoption de l’art. 61A LDS, était de sanctionner un retard de paiement, mais il laissait une marge d’appréciation dans des cas atypiques. L’interprétation de l’AFC-GE selon laquelle le point de départ du départ prévu par l’art. 60 al. 1 LDS ne pouvait être prolongé par l’al. 5 de cette disposition, était difficilement soutenable. Si la faculté offerte par l’AFC-GE ne s’appliquait pas au dies a quo du calcul des intérêts, l’art. 60 al. 5 LDS n’aurait aucune utilité, car le contribuable se trouverait dans la même situation, qu’il sollicite ou non un délai de paiement. Les délais de l’art. 60 al. 1 LDS ne s’appliquaient que pour autant qu’aucune circonstance exceptionnelle ne soit réalisée.

La fondation et les légataires se trouvaient dans un cas exceptionnel au sens de l’art. 60 al. 5 LDS. En raison des procédures judiciaires, il n’avait pas été possible de connaître la valeur des legs avant la signature des conventions successorales. La qualité d’héritière universelle de la fondation était remise en cause ; les legs et indemnités versés par elle constituaient la contrepartie du retrait des actions judiciaires. Les conventions ne pouvaient pas rétroagir au décès de feu Mme B______ dès lors qu’avant d’être exécutées, elles devaient être approuvées par le TPI, le TPAE ainsi que par l’Autorité de surveillance des fondations. Elles n’avaient ainsi déployé d’effets qu’à compter de la ratification par le TPI. L’hoirie n’avait pas été en mesure de verser des avances avant la signature et l’homologation des conventions. L’administrateur d’office ne pouvait pas disposer des actifs de la succession. Dès lors qu’il s’agissait d’une situation exceptionnelle, l’AFC-GE aurait pu et dû faire usage de l’art. 60 al. 5 LDS.

r. L’AFC-GE avait conclu au rejet du recours.

L’octroi d’un délai de paiement selon l’art. 60 al. 5 LDS n’avait pas pour conséquence de différer le point de départ des intérêts de bonification. L’art. 61A LDS ne prévoyait nullement que l’intérêt se calculait dès l’expiration des délais prévus à l’al. 1 de l’art. 60 LDS, éventuellement prolongés.

Le fait que ni la fondation, ni les légataires n’aient connaissance de la valeur des biens leur échéant avant la ratification des accords par le TPI ne justifiait pas un traitement de faveur consistant à faire courir les intérêts de bonification dès cette date. Le curateur, également administrateur d’office de la succession, était au fait de la situation personnelle et économique de la défunte. Il se devait d’effectuer toutes démarches utiles afin d’éviter de devoir s’acquitter, à réception du bordereau, de sommes importantes au titre d’intérêts de bonification. L’AFC-GE avait attiré son attention sur cette possibilité à deux reprises.

s. Dans leur réplique, les intéressés avaient soutenu que l’AFC-GE pouvait prolonger les délais de paiement des droits de succession, notamment dans des cas exceptionnels. Une telle disposition serait inutile, si elle ne venait pas également proroger le point de départ des intérêts de bonification. C’était à tort que l’autorité fiscale prétendait que l’on ne se trouvait pas dans une situation exceptionnelle, au vu des nombreuses procédures judiciaires, dans lesquelles notamment la qualité d’héritière universelle de la fondation avait été remise en cause. Il était ainsi impossible pour quiconque de procéder un paiement à quelque titre que ce soit.

B. a. Dans son jugement, le TAPI a retenu que l’art. 61A LDS, qui portait le libellé « intérêts », disposait à son al. 1 que le montant des droits portait intérêts au taux fixé selon les dispositions de l’art. 28 de la loi relative à la perception et aux garanties des impôts des personnes physiques et des personnes morales du 26 juin 2008 (LPGIP - D 3 18), dès l’expiration des délais prescrits à l’art. 60 al. 1 LDS. L’intérêt se calculait sur tous les montants impayés à l’expiration de ces délais, pour quelque raison que ce soit, dans la mesure où ils étaient finalement dus (art. 61A al. 2 LDS).

Selon l’ATA/694/2003 du 23 septembre 2003, les intérêts découlant de l’art. 61A LDS étaient des intérêts de bonification, qui ne dépendaient pas de l'entrée en force de la taxation. L'intention du législateur avait toujours été de faire courir les intérêts dès l'expiration du délai fixé par la loi pour le paiement des droits de succession, soit un délai courant à partir d'un terme fixe. Ce type d'intérêts avait pour but d'assurer un traitement uniforme de l'ensemble des contribuables assujettis au même genre d'impôt. Celui qui, pour des raisons techniques, faisait l'objet d'une taxation individuelle après l'expiration du terme était favorisé par rapport aux autres en ce sens qu'il restait plus longtemps en jouissance des intérêts produits par le montant de l'impôt dû. La LDS n'opérait aucune distinction entre le contribuable qui n'avait pas remis sa déclaration de succession dans le délai fixé à l’art. 32 al.1 LDS et celui qui avait satisfait à cette obligation. Dans les deux cas, le montant des droits portait intérêts s'il avait été acquitté plus de quatre mois après la date du décès.

Le TAPI a ensuite rejeté l’affirmation des intéressés selon laquelle les conditions d’un cas exceptionnel au sens de l’art. 60 al. 5 LDS étaient remplies du fait que le montant des droits ne pouvait être déterminé qu’au moment de l’homologation par le TPI des conventions mettant fin aux litiges successoraux. Cette disposition concernait l’octroi d’un délai pour s’acquitter des droits de succession et non le point de départ des intérêts de bonification.

Il résultait des art. 60 al. 1 let. a et 61A LDS que lorsque la succession s’était, comme en l’espèce, ouverte dans le canton de Genève, le montant des droits portait intérêts à l’expiration d’un délai de quatre mois dès la date du décès, in casu en 2017. La perception de ces intérêts poursuivait le but de traiter tous les contribuables de manière semblable. Dès lors, des intérêts étaient dus au cas où les impôts successoraux n’étaient pas acquittés à l’échéance du délai mentionné ci-dessus, ce quelle qu’en soit la raison. Il importait ainsi peu que ceux-ci n’aient pas été déterminables avant le 1er octobre 2020. Au surplus, le calcul des intérêts effectué par l’AFC-GE n’était pas critiqué.

b. Par acte expédié le 15 décembre 2022 à la chambre administrative de la Cour de justice, la fondation et MM. C______ et D______ ont recouru contre ce jugement. Ils ont conclu à son annulation et, principalement, à celle des décisions rendues sur réclamation et les bordereaux en tant qu’ils concernaient le calcul des intérêts sur les droits de succession. Il devait être dit que ceux-ci ne courraient qu’à compter du 1er octobre 2020. Subsidiairement, ils ont, en sus, conclu au renvoi de la cause au TAPI.

Ils ne contestaient pas l’état de faits. En revanche, ils se plaignaient de la violation de leur droit d’être entendus, plusieurs de leurs arguments n’ayant pas été traités par le TAPI. Celui-ci n’avait pas examiné leur analyse des art. 60 et 61A LDS. Il faisait abstraction de l’inégalité de traitement induite par la non-application de l’art. 60 al. 5 LDS au dies quo des intérêts sur les droits de succession.

Ils ont repris leurs arguments relatifs à l’application des art. 61A al. 1 et 60 al. 1 let. a LDS. Ils se sont également plaints d’une inégalité de traitement et de la violation de l’interdiction de l’arbitraire.

c. L’AFC-GE a conclu au rejet du recours, se référant au jugement et à ses précédentes écritures.

d. Les recouants ne se sont pas manifestés dans le délai imparti pour répliquer.

e. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 68 al. 1 LDS).

2.             Dans un premier grief de nature formelle, les recourants se plaignent de la violation de leur droit d’être entendus, le TAPI ayant omis d’examiner deux de leurs arguments.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend le droit d'obtenir une décision motivée (ATF 142 II 154 consid. 4.2 ; 141 V 557 consid 3.2.1). L'autorité n'est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives (ATF 142 II 154 consid. 4.2 ; 141 V 557 consid 3.2.1). Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée ; la motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision. En revanche, une autorité se rend coupable d'un déni de justice formel prohibé par l'art. 29 al. 2 Cst. si elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 et les références citées).

2.2 En l’espèce, la motivation retenue par le TAPI ressort clairement de son jugement. Celui-ci a, en particulier, examiné la question de savoir si les conditions d’un cas exceptionnel au sens de l’art. 60 al. 5 LDS étaient remplies du fait que le montant des droits de succession n’avait pu être déterminé qu’au moment de l’homologation par le TPI des conventions mettant fin aux litiges successoraux. Il a considéré que cette disposition concernait l’octroi d’un délai pour s’acquitter des droits de succession et non le point de départ des intérêts de bonification. Les premiers juges se sont également penchés sur le but poursuivi par les art. 60 al. 1 let. a et 61A LDS. Le principe que le montant des droits portait intérêts à l’expiration d’un délai de quatre mois dès la date du décès visait à traiter tous les contribuables dans la même situation de manière semblable. Les intérêts étaient ainsi dus à l’échéance du délai mentionné ci-dessus, quelle que soit la raison de leur non-paiement. Au surplus, le calcul des intérêts effectué par l’AFC-GE n’était pas critiqué.

Il ressort de ce qui précède que le TAPI a non seulement dûment motivé son jugement – motivation que les recourants ont au demeurant parfaitement saisie au vu des critiques qu’ils énoncent – mais également examiné tant l’interprétation proposée par les intéressés de l’art. 60 al. 5 LDS quant au dies a quo du cours des intérêts que la question de l’égalité de traitement entre contribuables.

Le grief de violation du droit d’être entendu doit donc être rejeté.

3.             Il convient de déterminer le dies a quo des intérêts dus sur les droits successoraux.

3.1 Toute transmission de biens résultant d'un décès, à quelque titre que cette transmission ait lieu, est frappée par des droits de succession (art. 1 al. 1 et 2 LDS).

3.2 À teneur de l'art. 61A LDS, le montant des droits (y compris les centimes additionnels) porte intérêt au taux légal dès l'expiration des délais prescrits à l'art. 60 al. 1 LDS, soit quatre mois, dès la date du décès, pour les successions ouvertes dans le canton de Genève (art. 60 al. 1 let. a LDS) et de sept mois, dès la date du décès, pour les successions ouvertes hors du canton de Genève (art. 60 al. 1 let. b LDS). L'intérêt se calcule sur tous les montants impayés à l'expiration de ces délais, pour quelque raison que ce soit, dans la mesure où ils sont finalement dus (art. 61A al. 2 LDS). Dans des cas exceptionnels, le directeur de l’administration de l’enregistrement est autorisé à prolonger les délais fixés pour le paiement des droits (art. 60 al. 5 LDS).

3.3 Comme l’a relevé le TAPI, le Tribunal administratif (devenu la chambre administrative) a déjà eu à se prononcer sur la nature des intérêts visés à l'art. 61A LDS. Dans son arrêt du 23 septembre 2003 (ATA/694/2003 consid. 2), cette juridiction avait rappelé, se référant à ses précédents arrêts (notamment ATA B. du 5 décembre 1999 et les références citées ; mais aussi ATA/410/2003 du 27 mai 2003 consid. 13), qu’il s'agissait d'intérêts de bonification qui ne dépendaient pas de l'entrée en force de la taxation et donc d'une éventuelle demeure du contribuable. En procédant à l'examen des travaux préparatoires ainsi qu'à celui des dispositions légales en vigueur avant l'introduction de la LDS, il apparaissait que l'intention du législateur avait toujours été de faire courir les intérêts dès l'expiration du délai fixé par la loi pour le paiement des droits de succession, soit un délai courant à partir d'un terme fixe.

Ce type d'intérêts avait pour but d'assurer un traitement uniforme de l'ensemble des contribuables assujettis au même genre d'impôt. Celui qui, pour des raisons techniques, faisait l'objet d'une taxation individuelle après l'expiration du terme était favorisé par rapport aux autres en ce sens qu'il restait plus longtemps en jouissance des intérêts produits par le montant de l'impôt dû. La LDS n'opérait aucune distinction entre le contribuable qui n'avait pas remis sa déclaration de succession dans le délai fixé à l'art. 32 al. 1 LDS et celui qui avait satisfait à cette obligation. Dans les deux cas, le montant des droits portait intérêts s'il était acquitté plus de quatre mois après la date du décès. Enfin, l'introduction d'une réclamation ou d'un recours ne suspendait pas le cours des intérêts (ATA/694/2003 précité consid. 3c).

3.4 La protection de l’égalité (art. 8 Cst.) et celle contre l’arbitraire (art. 9 Cst.) sont étroitement liées. Une décision viole le droit à l'égalité de traitement consacré à l’art. 8 Cst. lorsqu'elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu'elle omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante (ATF 142 I 195 consid. 6.1 ; 138 V 176 consid. 8.2). L'inégalité de traitement apparaît comme une forme particulière d'arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l'être de manière semblable ou inversement (ATF 142 I 195 consid. 6.1 ; 137 I 167 consid. 3.5 ; 129 I 346 consid. 6).

3.5 En l’espèce, il n’y a pas lieu de s’écarter de la jurisprudence constante relative au dies a quo des intérêts dus sur les droits de succession.

En effet, celle-ci s’est fondée sur l’analyse des travaux préparatoires, dont rien n’indique que les éléments sur lesquels elle s’était appuyée auraient subi des modifications. Il n’est en particulier pas allégué que le Mémorial du Grand Conseil, qui retrace les débats parlementaires, aurait été modifié ou complété après les arrêts de principe précités. Or, il ressort sans ambiguïté de ceux-ci que le but (général) de l’introduction de taux d’intérêts sur les créances fiscales était de décourager le contribuable de retarder le paiement de ses dettes fiscales au motif que le placement de son argent était plus intéressant (Mémorial 1993, p. 1156). L’art. 61A LDS traitait « exclusivement » des intérêts dus en cas de retard dans le paiement des droits successoraux. Il était exposé que l’al. 1 faisait référence au taux légal défini à l’article unique et à l’art. 60 al. 1, qui fixait les délais de paiement. L’al. 2 concernait les montants impayés sur lesquels l’intérêt se calculait, à savoir tous les montants impayés dans la mesure où ils étaient finalement dus. Il était ensuite précisé que « ceci laisse une marge d’interprétation en faveur du contribuable pour des cas atypiques » (Mémorial 1993, p. 1161).

Au regard tant de ce qui précède que de la systématique de la loi, il y a lieu de retenir que le législateur cantonal a clairement voulu prélever des intérêts sur la créance de l’État relative aux droits successoraux. Il a prévu des points de départ du cours des intérêts différents pour la succession ouverte en Suisse ou à l’étranger (art. 60 al. 1 let. a et b LDS), ces dernières nécessitant d’ailleurs notoirement plus de temps pour déterminer l’état de la succession. L'art. 61A LDS, qui instaure la perception d’intérêts sur les droits successoraux, indique que ceux-ci sont dus « dès l'expiration des délais prescrits à l'art. 60 al. 1 LDS ». Renvoyant à ces délais, l’art. 61A al. 2 LDS précise expressément que l'intérêt se calcule sur tous les montants impayés à l'expiration de ceux-ci, dans la mesure où ils étaient « finalement » dus. Le législateur en utilisant le terme de « finalement » dus avait ainsi conscience qu’entre le dies a quo du calcul des intérêts sur les droits successoraux et celui où ces derniers étaient fixés un certain temps pouvait s’écouler.

Par ailleurs et comme l’a relevé l’autorité intimée, la prolongation du délai visée par l’art. 60 al. 5 LDS se rapporte uniquement au paiement des droits successoraux. Cette disposition, réservée au demeurant à des cas exceptionnels, ne tend pas à modifier le jour à compter duquel les intérêts dus sur lesdits droits courent ; le texte légal clair s’oppose à une telle interprétation que les recourants souhaiteraient. S’agissant du cours des intérêts dus sur les droits de succession, l’art. 61A al. 2 LDS renvoie uniquement aux délais prévus à l'art. 60 al. 1 LDS et non à l’exception de l’art. 60 al. 5 LDS. Il n’y a donc pas lieu de s’écarter de la jurisprudence cantonale, retenant que les intérêts litigieux constituent des intérêts de bonification, qui ne dépendent pas de l'entrée en force de la taxation.

Cette solution ne se heurte nullement au principe de l’égalité de traitement. Au contraire, elle soumet l’ensemble des contribuables devant s’acquitter de droits successoraux au même traitement. La réponse du législateur tend précisément à assurer un traitement uniforme de l'ensemble des contribuables assujettis à cet impôt, respectant, ce faisant, le principe de l’interdiction de l’arbitraire.

Il n’est pas contesté que le 9 juillet 2017 correspond à la date de quatre mois après le décès de feu Mme B______. Le calcul des intérêts avec ce point de départ n’est, en tant que tel, pas non plus contesté. Enfin, il est rappelé que l’administrateur d’office a été avisé de la possibilité de verser des acomptes pour limiter le montant des intérêts dus et que le point de départ desdits intérêts, à savoir dès le début du cinquième mois suivant la date du décès de la défunte, lui a été expressément communiqué le 14 novembre 2017.

Au vu de ce qui précède, les intérêts de bonification, tels que retenus dans les décisions entreprises, sont conformes au droit.

Mal fondé, le recours sera ainsi rejeté.

4.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge des recourants, qui ne peuvent se voir allouer une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 15 décembre 2022 par la Fondation A______ et B______ et Messieurs C______ et D______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 novembre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge solidaire de la Fondation A______ et B______ et Messieurs C______ et D______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature des recourants ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession des recourants, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Olivier Peclard, avocat des recourants, à l'administration fiscale cantonale ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, Mmes Lauber et McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :