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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2233/2021

ATA/325/2022 du 29.03.2022 ( AIDSO ) , ADMIS

Descripteurs : ASSISTANCE PUBLIQUE;PRESTATION D'ASSISTANCE;AIDE FINANCIÈRE;REMBOURSEMENT DE FRAIS(ASSISTANCE);ASSURANCE COMPLÉMENTAIRE;ASSUREUR-MALADIE;ATTEINTE À LA SANTÉ
Normes : Cst.29.al2; Cst.12; LIASI.1.al1; LIASI.2; LIASI.8.al1; LIASI.12.al2; LIASI.8.al2; LIASI.9.al1; LIASI.21.al1; LIASI.21.al2; LIASI.25; RIASI.5.al1; LIASI.21.al2; LIASI.28; RIASI.5.al4; RIASI.9.al1; LIASI.25.al1.letb
Résumé : Au vu des circonstances très exceptionnelles du cas d’espèce, soit notamment les nombreuses maladies et problèmes de santé dont souffre la recourante, du fait que certaines d’entre elles aient été qualifiées de maladies rares, du suivi multidisciplinaire qui entoure sa prise en charge dont la nécessité a été confirmée par ses médecins et de l’absence de certitude sur la continuation de la prise en charge par certains médecins spécialisés qui suivent l’intéressée, il ne peut être exclu que la résiliation de son assurance complémentaire lui serait préjudiciable pour des raisons médicales. Admission du recours et annulation de la décision de l’hospice refusant de continue à prendre en charge l’assurance-complémentaire semi-privée de la recourante.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2233/2021-AIDSO ATA/325/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 29 mars 2022

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Maëlle Kolly, avocate

contre

HOSPICE GÉNÉRAL



EN FAIT

1) Madame A______, née le ______ 1965, est au bénéfice de prestations d'aide financière de l'Hospice général (ci-après : l'hospice), via le centre d'action sociale (ci-après : CAS) de ______, depuis le 1er novembre 2019.

2) Lors de l'entretien d'accueil du 11 octobre 2019, elle a notamment indiqué ne plus exercer d'activité professionnelle depuis 2016, avoir vécu depuis lors au moyen de ses économies et de l'argent prêté par ses parents. Elle n'avait pas le droit à des indemnités de chômage.

Elle souffrait de plusieurs problèmes de santé importants, dont une grave atteinte au dos qui avait nécessité plusieurs interventions chirurgicales délicates. Elle avait été victime d'un accident au bras droit en 2017, dont elle subissait encore les séquelles. Récemment, une tumeur à l'oreille lui avait été diagnostiquée, laquelle la menaçait d'une perte d'audition et l'obligeait à être suivie par le seul spécialiste de Suisse en la matière, qui pratiquait au Centre hospitalier universitaire vaudois (ci-après : CHUV). À la suite d'une grave hépatite médicamenteuse, elle ne pouvait plus prendre certains médicaments. Son incapacité de travail était totale.

Elle a également exposé être assurée auprès d'Helsana pour
l'assurance-maladie obligatoire des soins LAMal et avait également conclu plusieurs contrats d’assurance-maladie complémentaire. Elle souhaitait conserver ses assurances complémentaires dès lors que ses différentes pathologies nécessitaient des soins particuliers que seules ses assurances pouvaient couvrir.

Selon les polices remises, elle bénéficiait des assurances suivantes :

- Helsana Basis standard : assurance obligatoire des soins ;

- Helsana Salaria : assurance indemnités journalières ;

- TOP Assurance : prestations complémentaires pour les aides visuelles, les médicaments, la protection à l'étranger et les frais de transport ;

- Sana assurance : prestations complémentaires dans les domaines de la médecine complémentaire, la prévention et la promotion de la santé ;

- Hospital Plus Bonus : assurance complémentaire d'hospitalisation, division demi-privée dans toute la Suisse, avec libre choix du médecin et de l'hôpital dans toute la Suisse (avec accident) ;

- Prevea : assurance de capital consécutive à un accident.

Lors de ce rendez-vous, l'assistante sociale a par ailleurs remis à
Mme A______ le formulaire lui permettant de former une demande de prestations de l'assurance-invalidité (ci-après : AI).

3) Le 27 novembre 2019, l'hospice a informé Mme A______ qu'au vu de son état de santé, à titre dérogatoire et provisoire, il acceptait de prendre totalement en charge ses primes d'assurance-maladie complémentaire Top, Sana, et Hospital Plus Bonus, à l'exclusion des assurances Salaria et Prevea.

4) Ces explications ont à nouveau été données à Mme A______ lors de l'entretien avec son assistante sociale du 4 décembre 2019.

5) Le 22 décembre 2019, Mme A______ a informé par téléphone son assistante sociale qu'elle avait rendez-vous le 20 avril 2020 à l'Hôpital de Marseille pour un deuxième avis médical concernant sa tumeur à l'oreille et qu'elle devrait refaire un bilan à la Clinique Schulthess à Zurich pour ses problèmes de dos, lesquels lui causaient de fortes douleurs.

L'office de l'AI lui avait par ailleurs indiqué que dès lors qu'elle avait fait l'objet d'une décision de refus de prestations en 2010, elle devait apporter la preuve de la dégradation de son état de santé.

6) Le 27 mars 2020, Mme A______ a informé son assistante sociale qu'elle allait être admise à la Clinique de la Source à Lausanne le 31 mars suivant pour subir une intervention. Elle allait également devoir être prochainement opérée à la Clinique Schulthess.

7) Lors d'un entretien téléphonique du 14 avril 2020, Mme A______ a informé son assistante sociale qu'elle avait appris que son foie présentait deux tumeurs bégnines. Elle n'avait pas pu se rendre à Marseille pour un deuxième avis médical en raison de son état de faiblesse. Elle devait par ailleurs consulter un immunologue pour déterminer la cause de l'apparition de ces différentes tumeurs.

8) Mme A______ a informé son assistante sociale le 8 mai 2020 qu'elle avait rendez-vous durant le mois courant à la Schulthess Klinik ainsi qu'à Marseille pour le suivi de ses problèmes médicaux.

9) Le 23 juin 2020, s'est tenu un entretien au CAS au cours duquel il a été fait un point sur l'état de santé de Mme A______ et sur ses différents traitements. À cette occasion, elle a été informée qu'il n'était pas certain que la dérogation permettant la prise en charge de certaines de ses assurances complémentaires serait prolongée.

10) Lors d'un entretien téléphonique le 2 juillet 2020, l'assistante sociale de Mme A______ l'a informée que le CAS avait décidé de ne plus prendre en charge la totalité des primes d'assurance-maladie complémentaire à compter du 1er août 2020, dès lors que l'ensemble des soins que nécessitait son état de santé pouvait être couvert par l'assurance de base.

11) Par courrier du 3 juillet 2020, le CAS de ______ a informé l'intéressée que, confirmant la teneur de l'entretien téléphonique de la veille, il avait décidé de ne plus prendre en charge la totalité de ses primes d'assurance-maladie complémentaire. Si cela avait été fait entre le 1er novembre 2019 et le 30 juin 2020, l'examen des décomptes d'assurance-maladie reçus démontrait que cela ne se justifiait pas. Dès le 1er août 2020, l'hospice lui rembourserait exclusivement l'assurance Sana, pour un montant de CHF 23.60 par mois.

12) Le 2 août 2020, Mme A______ a formé opposition.

Atteinte de plusieurs pathologies complexes, son état de santé nécessitait une prise en charge multidisciplinaire avec une expertise avancée dans chaque spécialité, ainsi qu'un suivi médical continu et de nombreux traitements, dont plusieurs étaient en cours.

Aucun élément ne justifiait la décision de l'hospice de ne plus prendre en charge les primes d'assurance-maladie complémentaire qui l'avaient été jusque-là. Cette décision n'était donc pas motivée.

Elle remplissait les conditions de l'art. 9 al. 10 du règlement d'exécution de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01) qui prévoyait la prise en charge des primes d'assurance-maladie complémentaire. La non-prise en charge par l'hospice de ses assurances dans leur intégralité impliquerait la résiliation de ses contrats d'assurance complémentaire et aurait pour incidence directe l'interruption de ses traitements en cours, ce qui engendrerait des complications importantes ainsi qu'une dégradation de son état de santé.

Elle sollicitait l'effet suspensif de la décision à la suite de son opposition.

13) Le 11 août 2020, l'hospice lui a indiqué que, dès lors que la décision n'avait pas été déclarée exécutoire nonobstant opposition, cette dernière emportait l'effet suspensif. La prise en charge exceptionnelle de ses primes d'assurance-maladie complémentaire continuerait à être assurée par l'hospice jusqu'à droit jugé sur son opposition. Si cette dernière devait être rejetée, il lui appartiendrait de rembourser à l'hospice ce qu'elle aurait « perçu en trop à titre de l'effet suspensif ».

14) Par courrier du 7 septembre 2020, Mme A______ a transmis plusieurs documents à l'hospice, soit :

- une lettre du docteur B______, médecin-chef du service ORL des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) du 27 août 2020 indiquant notamment qu’elle était suivie depuis des années dans le service ORL et chirurgie viscérale cervico-faciale ainsi qu'en neurochirurgie pour une maladie complexe de base du crâne qui nécessitait un suivi par des spécialistes. Vu la complexité de la situation et le contexte global, un changement de son suivi médical n'était pas souhaitable. Elle avait créé son réseau de spécialistes de santé autour de ses maladies et le suivi de ceux-ci assurait une continuité et une réponse médicale adéquate à sa situation ;

- un courrier, rédigé en anglais, du docteur C______, médecin principal en chef de la Clinique Schulthess à Zurich, du 7 septembre 2020, relevant notamment que Mme A______ était suivie depuis plusieurs années pour des pathologies complexes, avec une atteinte musculo-squelettique et neurologique, nécessitant une prise en charge médicale multidisciplinaire avec une expertise avancée dans chaque spécialité. Elle allait devoir prochainement subir une opération du dos et ses traitements en cours devaient impérativement être poursuivis. Le suivi de ses pathologies par d'autres médecins ou d'autres thérapeutes, ou l'interruption de son traitement, pourraient conduire à de sérieuses complications et à des effets négatifs sur ses thérapies ;

- un certificat médical établi par le docteur D______ du 12 juillet 2020 attestant que, compte tenu d'une pathologie complexe de l'appareil
musculo-squelettique et d'autres maladies physiques et psychiques, les mesures thérapeutiques suivantes étaient nécessaires à Mme A______ : physiothérapie, psychothérapie, sophrologie, acupuncture ;

- un certificat médical du docteur E______, neurologue FMH, attestant que l'intéressée présentait un état de santé complexe avec une atteinte musculo-squelettique et neurologique nécessitant une prise en charge multidisciplinaire avec des expertises avancées.

15) Par courrier du 30 septembre 2020, Mme A______ a informé l'hospice qu'elle venait d'apprendre qu'elle devrait se faire opérer de sa tumeur à l'oreille. Elle a joint notamment :

- une attestation médicale du docteur F______, médecin interne au service de neurologie des HUG, du 9 septembre 2020, détaillant sa pathologie à l'oreille interne ainsi que les traitements envisagés, relevant que son cas nécessitait toujours un suivi par une équipe spécialisée neurochirurgicale, ORL et radio-chirurgicale ;

- une attestation médicale du Dr D______ du 29 septembre 2020 indiquant que l'intéressée souffrait d'une maladie chronique du système digestif, ainsi que d'une gastrite chronique. Elle avait besoin d'un traitement antacide continuel, mais ne supportait qu'un seul médicament.

16) Le 9 octobre 2020, l'hospice a sollicité de la part de Mme A______ la preuve que l'assurance Helsana ne pourrait pas prendre en charge son traitement par la Clinique Schulthess à Zurich au titre de l'assurance obligatoire des soins, la date du début de son suivi par ladite clinique ainsi que les raisons pour lesquelles elle ne pourrait pas être suivie par les HUG pour son problème de dos.

17) Par courrier du 19 octobre 2020, Mme A______ a notamment indiqué avoir reçu la réponse suivante de la part d'Helsana (sans toutefois joindre le courrier y relatif) :

« La Clinique Schulthess est reconnue par nous et dispose de chambres communes, semi privées et privées. Nous avons un contrat avec la clinique pour l'assurance de base et l'assurance complémentaire. Il est donc possible de recevoir un traitement en semi privé à la Clinique Schultess. Les Professeurs G______, C______ et H______ ne figurent sur aucune liste négative. Par conséquent, un traitement avec eux serait possible. Comme la clinique et les médecins sont reconnus, vous pouvez être hospitalisée à Zurich. Grâce à l'assurance Hospital Plus Bonus, il n'y a pas de frais extra-cantonaux non couverts. Si vous ne disposez plus de cette complémentaire, vous devrez payer la différence de tarif entre le canton de Genève et de Zürich ».

Elle était suivie par le docteur G______ à la Clinique Schulthess depuis janvier 2008 pour ses problèmes de dos (lombaires et cervicales) suite à une opération en 2008. Détaillant son long parcours médical pour lesdits problèmes, qui avaient débuté en 1984, elle a relevé que de nombreux rapports médicaux avaient été établis et qu'elle pouvait les produire en cas de besoin.

Elle a également produit cinq tableaux faisant état : 1) des frais pris en charge par l'assurance complémentaire Hospital Plus Bonus d'Helsana pour son opération au dos à la Clinique Schulthess ainsi que des frais de transport en ambulance pris en charge par la complémentaire Top ; 2) les prestations prises en charge par l'assurance de base d'Helsana pour les traitements médicaux et hospitaliers ambulatoires à la Clinique Schulthess pour la période de 2008 à 2010 ; 3) les prestations prises en charge par l'assurance complémentaire Hospital Plus Bonus d'Helsana pour l'aide à domicile après l'opération de son dos ; 4) les prestations prises en charge par l'assurance complémentaire Sana d'Helsana pour l'osthéopatie et la sophrologie pour la période de 2008 à 2010 ; 5) les prestations prises en charge par les assurances complémentaires Sana et Top d'Helsana pour la période de 2008 à 2010. Le médicament qu'elle devait prendre pour ses problèmes du système digestif n'était pas pris en charge par l'assurance de base.

L'opération du dos qu'elle devrait prochainement subir à la Clinique Schulthess était semblable à celle déjà réalisée en 2008 et occasionnerait les mêmes frais et besoins de prise en charge.

Elle avait demandé des informations complémentaires auprès de son assurance-maladie et de ses médecins, et les transmettrait dès réception.

18) Par courrier du 28 octobre 2020, Mme A______ a informé l'hospice que les documents sollicités auprès de ses médecins ne lui parviendraient qu'après son rendez-vous médical du 30 novembre 2020, ce dont l’hospice a pris note.

19) Par courrier du 16 février 2021, l'hospice a imparti un délai au 19 mars 2021 à Mme A______ pour remettre toute pièce complémentaire utile et pour indiquer la date de son intervention à la Clinique Schuthess.

Dès lors qu'il était d'accord de poursuivre la prise en charge de ses assurances-maladie complémentaires Sana et Top, seule demeurait litigieuse la prise en charge de l'assurance-maladie complémentaire Hospital Plus Bonus.

En l'état du dossier, il n'apparaissait pas que la résiliation de ladite assurance l'empêcherait d'être soignée par ses médecins à la Clinique Schulthess en 2021, sous réserve de l'éventuelle différence de tarif entre Genève et Zurich. Il n'était pas établi que son assurance-maladie de base ne couvrirait pas les éventuelles prestations complémentaires telles que des frais de transport, de réadaptation et d'aide à domicile s'ils s'avéraient nécessaires.

20) Le 8 mars 2021, Mme A______ a maintenu son opposition concernant l'assurance-maladie complémentaire Hospital Plus Bonus.

La résiliation de celle-ci lui serait préjudiciable. Elle ne pouvait pas changer de suivi médical, au vu de sa situation de santé très complexe. Les experts qui la suivaient avaient des compétences pointues. Elle devait, pour exemple, se faire opérer à la Clinique Schulthess dès lors qu'aucun hôpital à Genève n'acceptait de le faire. Sans l'assurance sumentionnée, des frais seraient à sa charge dès lors qu'il y avait une différence de CHF 305.- par jour entre les frais d'hospitalisation à Zurich et à Genève.

Les chirurgiens qui l'avaient opérée à la Clinique de la Source pour ses problèmes digestifs n'exerçaient que dans des cliniques privées, nécessitant une assurance privée ou semi privée. Son assurance avait pris à sa charge des frais à hauteur de CHF 14'000.-. Or, elle devrait certainement subir encore des soins auprès de cette clinique dès lors que sa maladie chronique nécessitait un suivi régulier.

Le libre choix de son médecin était nécessaire à son traitement médical, au vu de son état de santé complexe. Il était indispensable que le Dr G______ l'opère, et non l'un de ses subordonnés. Or, cela ne pouvait être garanti que si elle bénéficiait de cette assurance-complémentaire.

Par ailleurs, les frais d'aide-ménagère n'étaient pas garantis par
l'assurance-maladie de base. Or, vu l'opération du dos à venir, elle en aurait besoin.

Enfin, les frais de déplacement en ambulance n'étaient assurés qu'à hauteur de 50 %, pour un maximum de CHF 500.- par an, dans le cadre de
l'assurance-maladie de base.

21) Le 18 mars 2021, Mme A______ a transmis un tableau excel comprenant un extrait des données fournies par Helsana, selon lequel les frais liés à son hospitalisation à la Clinique Schulthess et à sa réadaptation à la RehaClinic à Bad Zurzach en 2008 s'étaient élevés au total à CHF 31'460.30, lesquels avaient été pris en charge par l'assurance-maladie complémentaire Hospital Plus Bonus.

22) Par décision du 20 mai 2021, le directeur général de l'hospice a rejeté l'opposition de Mme A______.

Concernant le suivi et les traitements dispensés par la Clinique Schulthess, l'état de santé de l'intéressée ne subirait pas de préjudice si elle ne disposait que d'une couverture d'assurance de base, étant précisé que la différence entre les tarifs, évaluée à CHF 305.- par jour, pourrait être prise en charge par l'hospice à titre de frais spéciaux dus à la maladie ou au handicap, aux conditions prévues par la disposition topique. Il n'était pas prouvé qu'une assurance complémentaire lui permettrait de se faire opérer par le Dr G______ et non par un de ses subordonnés. Helsana avait par ailleurs relevé qu'un traitement avec le
Dr G______, tout comme avec les Drs C______ et H______, était possible au moyen de la seule assurance de base.

Il n'était par ailleurs pas prouvé que le traitement de ses problèmes digestifs ne pourrait pas se faire au moyen de sa seule assurance de base, que cela soit auprès de la Clinique de la Source ou d'un autre établissement médical.

Rien ne prouvait que les frais de réadaptation dans une clinique ne seraient pas couverts par l'assurance de base, étant précisé qu'ils pouvaient, à certaines conditions, être pris en charge à titre de frais spéciaux dus à la maladie ou au handicap.

Les frais d'aide ménagère pouvaient quant à eux, à certaines conditions, être pris en charge par l'hospice à titre de prestation circonstancielle.

Enfin, si les frais de transport en ambulance n'étaient pas pris en charge par l'assurance complémentaire Top, ils pouvaient l'être, sous conditions, à titre de frais spéciaux dus à la maladie ou au handicap.

Il n'apparaissait ainsi pas que la résiliation pour la prochaine échéance contractuelle de l'assurance Hospital Plus Bonus serait préjudiciable à l’état de santé de Mme A______, étant précisé que les traitements en cours pourraient continuer à être assurés ainsi que ceux à venir, moyennant une éventuelle prise en charge par l'hospice des frais non couverts par l'assurance-maladie obligatoire des soins.

Dès lors que les assurances complémentaires d'Helsana pouvaient être résiliées au 31 décembre de chaque année en respectant un délai de résiliation de trois mois, soit au plus tard à fin septembre, la décision attaquée était confirmée en tant qu'elle mettait un terme à la prise en charge de l'assurance litigieuse au
31 décembre 2021.

23) Par acte mis à la poste le 28 juin 2021, Mme A______ a interjeté recours contre la décision précitée par-devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) en concluant à son annulation et à ce que l'hospice soit condamné à la poursuite de la prise en charge des primes d'assurance-maladie complémentaire Hospital Plus Bonus. À titre préalable, elle a requis la restitution de l’effet suspensif, la production par l'hospice de l'intégralité de son dossier ainsi que son audition et celle du Prof. G______.

Sa prime d’assurance complémentaire Hospital Plus Bonus s’élevait à
CHF 295.90 par mois. Sa dernière intervention chirurgicale du schwannome vestibulaire, en lien avec le traitement d’une tumeur, avait eu lieu le 22 juin 2021 au CHUV, ce qui avait compliqué la rédaction de son recours.

Reprenant sa précédente argumentation, elle a relevé que la résiliation de cette assurance complémentaire était susceptible d’impacter de façon décisive ses traitements et suivis médicaux. Le Prof. G______ lui avait confirmé qu’il n’opérait pas sous la seule couverture LAMal, mais se limiterait à les superviser ou les déléguer à ses collègues. Elle avait déposé une requête auprès de l’AI qui était en cours d’instruction. Au vu de son état de santé, il y avait de fortes probabilités qu’une telle rente lui soit accordée et qu’ainsi les prestations d’aide sociale versées par l’hospice, y compris les primes d’assurance complémentaire cas échéant, se trouvent intégralement compensées par le rétroactif des rentes AI auxquelles elle pourrait prétendre. Or, si elle résiliait son assurance complémentaire, il lui serait impossible d’en conclure une nouvelle compte tenu de son état de santé. La décision était contestable pour ces motifs sous l’angle de la proportionnalité.

Les « frais spéciaux dus à la maladie » que l’hospice offrait de prendre ponctuellement en charge étaient susceptibles de dépasser le montant des primes d’assurance complémentaire cumulées sur plusieurs années. Lors de son opération à la Clinique de la Source, les frais remboursés par son assurance complémentaire s’étaient élevé à CHF 14'000.-.

24) Le 8 juillet 2021, l'hospice s’en est rapporté à justice quant à la restitution de l’effet suspensif.

25) Par décision du 15 juillet 2021, la chambre administrative a restitué l’effet suspensif au recours interjeté le 28 juin 2021.

26) Dans ses observations du 9 août 2021, l'hospice a conclu au rejet du recours et à la confirmation de sa décision du 20 mai 2021.

Il s’étonnait de l’argument selon lequel le Dr G______ n’opérerait pas sous la seule couverture LAMal, mais se limiterait à superviser ou déléguer à ses collègues, dès lors que ce qui comptait, c’était que la recourante soit opérée et soignée par les spécialistes de la clinique Schulthess. On pouvait faire confiance au Dr G______ pour déléguer les actes chirurgicaux effectués dans son établissement à des confrères de confiance.

Les arguments tendant à dire que les montants seraient élevés pour l’hospice s’il devait prendre en charge les frais médicaux à titre de prestations circonstancielles, ainsi que l’éventuel remboursement des prestations allouées par l’AI, relevaient de l’appréciation de l’hospice et n’étaient pas de nature juridique. La recourante ne contestait pas que ses frais médicaux et ceux découlant de ses maladies (frais de réadaptation dans une clinique, frais d’aide-ménagère, frais de transport par ambulance, notamment) pourraient être financés par l’hospice, en complément des prestations de l’assurance-maladie de base, si les conditions posées par la législation sur l’aide sociale étaient remplies.

La fin de la prise en charge de son assurance complémentaire Hospital Plus Bonus ne lui serait pas préjudiciable pour des raisons médicales et n’arrêterait pas un traitement en cours.

27) Dans sa réplique du 30 septembre 2021, la recourante a persisté dans ses conclusions.

Ses médecins avaient insisté non pas sur la nécessité de poursuivre ses traitements auprès d’un établissement médical particulier, mais auprès de ses actuels spécialistes. Le libre choix du médecin, garanti par l’assurance complémentaire Hospital Plus Bonus, n’équivalait pas au libre choix de l’établissement hospitalier.

Depuis sa décision du 20 mai 2021, l’hospice avait cessé de prendre en charge la quote-part des soins couverts par l’assurance complémentaire Sana à
75 % au maximum. Il avait ainsi refusé de prendre en charge la part de 25 % de ses factures de sophrologie et d’ostéopathie, alors qu’elle avait besoin de ces thérapies.

28) Le 20 octobre 2021, le juge délégué a sollicité la production de différentes informations ou pièces, à savoir des certificats médicaux actualisés attestant de ses problèmes de santé actuels ainsi que les traitements et les éventuelles opérations à venir, si l’opération de la colonne vertébrale auprès de la Clinique Schulthess avait déjà eu lieu, le courrier ou courriel de la part d’Helsana qu’elle mentionnait dans son courrier à l’hospice du 19 octobre 2020 ainsi qu’un document écrit de la part du Dr G______ confirmant qu’il ne serait plus en mesure de l’opérer si elle ne devait plus être au bénéfice de l’assurance complémentaire Hospital Plus Bonus.

29) Le 21 janvier 2022, la recourante a produit :

- un courriel d’Helsana daté du 22 septembre 2020, indiquant notamment qu’un séjour dans un centre de rééducation en chambre commune dans le canton de Genève pourrait être pris en charge sans assurance complémentaire, mais non la réadaptation dans une clinique privée ni les cures de convalescence ;

- un rapport médical du Dr E______ du 12 janvier 2022, selon lequel la patiente présentait lors de son dernier contrôle des tremblements et des oscillations du corps suite à un sevrage médicamenteux, qui s’était aggravé sous forme d’instabilité. Cela nécessitait de la physiothérapie, et une surveillance radio-clinique, voire électrophysiologique ;

- un rapport médical du Dr B______ du 15 décembre 2021, médecin-chef au service des neurosciences cliniques des HUG, selon lequel il fallait poursuivre la physiothérapie vestibulaire pour compenser la perte de fonction de l’oreille interne suite à la suite de sa maladie et au traitement par irradiation. Si l’équilibre devrait normalement s’améliorer, cela ne serait pas le cas de l’audition ;

- un questionnaire médical rempli le 15 décembre 2021 par le docteur I______, médecin interne au service de neurologie des HUG ;

- un rapport médical du docteur J______ du centre de médecine du sport de l’Hôpital de la Tour du 16 décembre 2021, relevant notamment qu’il suivait la recourante pour un problème à l’épaule droite et qu’il suggérait la poursuite de la balnéothérapie afin de maintenir son épaule fonctionnelle ;

- un rapport médical de la doctoresse K______, gynécologue, du
10 décembre 2021 ;

- un rapport médical du docteur L______, ophtalmologue, du
13 décembre 2021.

Elle était encore dans l’attente de rapports médicaux d’autres médecins.

30) Le 21 février 2022, la recourante, sollicitant à nouveau son audition ainsi que celle du docteur M______, a produit :

- un rapport médical du Dr M______, son médecin traitant généraliste depuis août 2021, du 21 janvier 2022. Sa patiente présentait plusieurs diagnostics somatiques graves et non triviaux, notamment sur le plan neurologique et digestif, générant un handicap important dans son autonomie. Le schwannome vestibulaire qui avait été opéré le 22 juin 2021 présentait une légère augmentation en terme de volume selon l’IRM pratiquée en décembre 2021. À la suite de cette opération, elle avait souffert de nouveaux symptômes tels que des acouphènes et des majorations de vertige. L’examen clinique réalisé à son cabinet avait objectivé des dyskinésies de la tête et des membres supérieurs, qui pouvaient s’expliquer, selon l’IRM réalisée, par une progression de sa tumeur. Elle avait alors été mise sous corticostéroïdes à dose importante pendant un mois. Après l’arrêt de ce traitement, elle avait présenté une asthénie majeure due à une insuffisance surrénalienne secondaire conséquente au sevrage trop rapide. Actuellement, elle devait être suivie sur le plan neurochirurgical. Elle était dans une situation médicale sérieuse, handicapante, instable, raison pour laquelle il était en collaboration avec le
Dr E______ et le service de neurochirurgie du CHUV. Elle présentait également des allergies et/ou intolérances médicamenteuses multiples, ce qui compliquait de manière importante les processus diagnostiques et thérapeutiques. Elle souffrait de diarrhées chroniques, malgré la prise d’un traitement à sa dose maximale, la plaçant dans un état d’épuisement et de déshydratation chroniques, générant une fatigue psychique majeure. Elle souffrait également de complications de sa fracture-tassement vertébrale opérée en 1984. La situation neurologique était instable, avec risque réel de complication grave, raison pour laquelle elle devait être opérée. Son schwannome vestibulaire avait toutefois dû être traité en premier lieu compte tenu de sa progression. La recourante était une patiente rare, compte tenu du nombre très élevé de maladies rares présentées ;

- un questionnaire médical rempli le 17 janvier 2022 par le docteur N______ ;

- un questionnaire médical rempli le 8 février 2022 par le docteur O______, chef de service en neurochirurgie ;

- des rapports médicaux du Dr G______, rédigés en allemand, des
25 octobre et 20 décembre 2021 et du 15 février 2022, qui indiquaient notamment que les traitements envisagés étaient une fusion vertébrale de repositionnement de la L4 par technique intersomatique lombaire transforaminale et décompensation du segment ainsi qu’une stabilisation.

Le Dr G______ n’avait pas précisé la date à laquelle l’intervention sur la L4 était prévue. La patiente souhaitait qu’elle ait lieu en 2022, mais il fallait d’abord attendre la stabilisation de son état de santé du point de vue de son schwannome vestibulaire. Le Dr G______ n’avait pas souhaité confirmer par écrit les affirmations faites oralement selon lesquelles il n’opérerait personnellement que moyennant une garantie d’hospitalisation privée, et qu’en cas de suppression de celle-ci, il se verrait contraint de déléguer les actes chirurgicaux à d’autres médecins. Si cette pratique était discutable déontologiquement parlant, elle était fréquente dans les établissements privés, pour des médecins réputés et demandés.

31) Le 9 mars 2022, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

32) Le contenu des pièces produites par la recourante sera repris, en tant que de besoin, dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La recourante conclut à la comparution personnelle des parties ainsi qu’à l’audition du Dr M______.

a. Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend notamment le droit de produire des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il soit donné suite aux offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1), ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

L'autorité peut renoncer à procéder à des mesures d'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de forger sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

b. En l'espèce, la recourante a eu l’occasion de faire toutes remarques utiles dans son recours devant la chambre de céans puis dans sa réplique et de produire les pièces qu’elle estimait nécessaires, étant précisé que plusieurs délais lui ont été accordés pour produire des documents complémentaires, ce qu’elle a fait en date des 21 janvier et 22 février 2022. Dans ces conditions, l’intéressée a eu plusieurs opportunités de se déterminer sur la cause, de sorte que son audition n’apparaît pas nécessaire.

De même, l’audition du Dr M______ n’est pas de nature à apporter un éclairage supplémentaire sur le litige, la recourante ne précisant d’ailleurs pas sur quels points ladite audition pourrait être déterminante. En l’occurrence, un rapport circonstancié de la part de ce médecin figure au dossier.

La chambre administrative dispose d'un dossier complet lui permettant de statuer en toute connaissance de cause. Il ne sera par conséquent pas donné suite aux requêtes de la recourante.

3) a. Aux termes de l'art. 12 Cst., quiconque est dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d'être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine.

b. En droit genevois, la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04) et le RIASI concrétisent ces dispositions constitutionnelles, en ayant pour but de prévenir l'exclusion sociale et d'aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1 LIASI). Les prestations de l'aide sociale individuelle sont l'accompagnement social, des prestations financières et l'insertion professionnelle (art. 2 LIASI). La personne majeure qui n'est pas en mesure de subvenir à son entretien ou à celui des membres de la famille dont elle a la charge a droit à des prestations d'aide financière (art. 8 al. 1 LIASI). Celles-ci ne sont pas remboursables sous réserve des art. 12 al. 2 et 36 à 41 LIASI (art. 8 al. 2 LIASI). Elles sont subsidiaires à toute autre source de revenu (art. 9 al. 1 LIASI).

c. Les prestations d'aide financière sont accordées aux personnes dont le revenu mensuel déterminant n'atteint pas le montant destiné à la couverture des besoins de base et dont la fortune ne dépasse pas les limites fixées par règlement du Conseil d'État (art. 21 al. 1 LIASI).

Selon l'art. 21 al. 2 LIASI, font partie des besoins de base le forfait pour l'entretien fixé par règlement du Conseil d'État (let. a), le loyer ainsi que les charges ou, si la demanderesse ou le demandeur est propriétaire de sa demeure permanente, les intérêts hypothécaires, dans les limites fixées par règlement du Conseil d'État (let. b), la prime d'assurance-maladie obligatoire des soins, prise en charge selon les modalités définies aux art. 21A et 21B LIASI (let. c) et les prestations circonstancielles destinées à prendre en charge d'autres frais, définies par règlement du Conseil d'État (let. d).

L'art. 25 LIASI prévoit que peuvent être accordées aux personnes qui, en application des art. 21 à 24 LIASI, ont droit à des prestations d'aide financière, les prestations suivantes : les suppléments d'intégration à titre de prestations à caractère incitatif (let. a) et les autres prestations circonstancielles (let. b). Le Conseil d'État définit par règlement ces prestations et fixe leurs conditions d'octroi.

d. Aux termes de l'art. 5 al. 1 RIASI, en application de l'art. 21
al. 2 let. d LIASI, les prestations circonstancielles décrites ci-après destinées à prendre en charge des frais indispensables et dûment établis sont accordées à la ou au bénéficiaire de prestations d'aide financière, aux conditions cumulatives et dans les limites suivantes : les frais concernent des prestations de personnes tierces reçues durant une période d'aide financière au sens de l'art. 28 LIASI (let. a) et la facture de la ou du prestataire ou le décompte de l'assureur relatif à ces frais sont présentés au remboursement dans le délai de trois mois à compter de la date à laquelle ils sont établis (let. b).

L'art. 5 al. 4 RIASI prévoit en particulier qu'une participation aux frais d'aide ménagère et familiale pour quatre heures par semaine au maximum, à concurrence de CHF 4'800.- par année civile, est accordée en cas de besoin attesté par certificat médical et sur présentation de la facture de l’institution genevoise de maintien à domicile (ci-après : IMAD), après déduction de la participation de l'assurance-maladie ou accidents.

e. Selon l'art. 9 al. 1 RIASI, en application de l'art. 25 al. 1 let. b LIASI, les autres prestations circonstancielles décrites ci-après sont accordées au bénéficiaire de prestations d'aide financière aux conditions cumulatives et dans les limites suivantes : les frais concernent des prestations de tiers reçues durant une période d’aide financière au sens de l’art. 28 LIASI (let. a) et la facture du prestataire ou le décompte de l’assureur relatif à ces frais sont présentés au remboursement dans le délai de trois mois à compter de la date à laquelle ils sont établis (al. 2).

Font notamment parties des prestations circonstancielles énumérées à
l'art. 9 RIASI :

- les franchises et les quotes-parts annuelles prévues par la LAMal, découlant de l'application des art. 21A et 21B LIASI, lesquelles sont prises en charge sur présentation du décompte établi par l'assureur ou des factures (al. 2) ;

- les frais spéciaux, dus à la maladie ou au handicap, dont la couverture n'entre pas dans le cadre de la LAMal, lesquels sont pris en charge exclusivement sur prescription médicale attestant que le traitement ou le médicament est indispensable et qu'il n'y a pas d'équivalent remboursé au titre de la LAMal
(al. 6) ;

- les primes d’assurance-maladie complémentaire, lesquelles ne sont remboursées que s’il est préjudiciable de résilier le contrat pour des raisons médicales, en particulier pour éviter l’interruption d’un traitement en cours
(al. 10).

4) Il ressort des dispositions précitées que, dans le système de la LIASI et du RIASI, les frais médicaux ne sont pas pris en compte comme déduction dans la détermination du revenu déterminant, ni en tant que besoin de base dans le calcul du droit aux prestations, mais uniquement en tant qu'autre prestation circonstancielle, laquelle peut à certaines conditions être prise en charge si la personne concernée est bénéficiaire de prestations, mais qui n'entrent pas en considération dans le calcul d'ouverture du droit aux prestations (ATA/204/2021 du 23 février 2021 consid. 7 ; ATA/803/2020 du 25 août 2020 consid. 4g).

5) En l’espèce, il n’est pas contesté que la recourante présente d’importants problèmes de santé, nécessitant pour certains des opérations délicates et complexes. Selon les pièces au dossier, l’intéressée souffre, notamment, d’un schwannome vestibulaire qui a été opéré le 22 juin 2021, et dont une IRM réalisée en décembre 2021 a mis en évidence un accroissement. Cette pathologie nécessite, notamment, un suivi neurochirurgical, ORL, radio-chirurgical et physiothérapeutique, dispensé par plusieurs médecins exerçant dans différents cabinets ou établissements. La recourante souffre, en autres, d’acouphènes et de vertiges suite à l’opération précitée, mais également de dyskinésie de la tête et des membres supérieurs qui pourrait être liée à une augmentation de la taille de la tumeur. Elle est par ailleurs atteinte de problèmes au dos (vertèbres lombaires et cervicales) à la suite de précédentes opérations, lesquels nécessitent une opération qui aurait pour but une fusion vertébrale de repositionnement de la L4 par technique intersomatique lombaire transforaminale, une décompensation du segment ainsi qu’une stabilisation. L’opération projetée n’a pas pu avoir lieu pour le moment, compte tenu de la nécessité d’opérer en premier lieu sa tumeur et de stabiliser son état de santé sur ce point. La prise en charge de cette pathologie est, depuis 2008, effectuée au sein de la Clinique Schulthess à Zurich, notamment par le Dr G______. Selon les informations apportées par Helsana dans son courriel du 22 septembre 2020, si la recourante ne disposait plus de l’assurance-complémentaire Hospital Bonus Plus, elle pourrait être opérée dans ladite clinique au bénéfice de l’assurance de base, laquelle bénéficie de chambres communes. Toutefois, elle devrait payer la différence de tarif entre Genève et Zurich. Or, il existe effectivement une différence d’un peu plus de CHF 200.- s’agissant du tarif des hospitalisations dans le canton de Zurich par rapport à Genève (sites internet consulté le 21 mars 2022 ; https://www.zh.ch/content/dam/zhweb/bilder-dokumentethemen/gesundheit/gesundheitsversorgung/spitaeler_kliniken/spitalfinanzierung/referenztarife/verfuegung_referenztarife_ab2022.pdf et https://www.ge .ch/hospitalisation-geneve-dans-autre-canton/tarifs-reference-hospitalisation-hors-canton-libre-choix). La recourante expose par ailleurs avoir été informée par le
Dr G______ qu’il ne pratiquerait pas personnellement l’opération envisagée si celle-ci n’était plus au bénéfice d’une assurance complémentaire privée. Cette allégation, qui n’est certes pas établie par écrit par ledit médecin, pourrait avoir des conséquences préjudiciables pour la recourante si elle était avérée. Selon des pièces figurant au dossier, plusieurs médecins ont en effet indiqué qu’au vu de la complexité de sa situation médicale, un changement de suivi n’était pas souhaitable. Elle souffre par ailleurs d’une maladie chronique du système digestif, ayant déjà nécessité une opération, ainsi que de diarrhée chronique, causant une fatigue et une déshydratation chroniques. Elle présente également des allergies ou des intolérances médicamenteuses multiples.

Au vu des circonstances très exceptionnelles du cas d’espèce, soit notamment les nombreuses maladies et problèmes de santé dont souffre la recourante, du fait que certaines d’entre elles aient été qualifiées de maladies rares, du suivi multidisciplinaire qui entoure sa prise en charge dont la nécessité a été confirmée par ses médecins et de l’absence de certitude sur la continuation de la prise en charge par certains médecins spécialisés qui suivent l’intéressée, il ne peut être exclu que la résiliation de son assurance complémentaire lui serait préjudiciable pour des raisons médicales. Il ne peut en particulier être écarté qu’une telle résiliation entraînerait l’interruption de certains traitements en cours, faute de possibilité pour la recourante d’assumer ceux-ci financièrement ou face au refus de certaines cliniques ou médecins de continuer d’assurer le suivi de la recourante à la seule charge de l’assurance maladie de base.

Le fait que l’hospice ait indiqué qu’elle pourrait, sous conditions, prendre en charge des frais médicaux à titre de prestations circonstancielles ne suffit pas à exclure ce risque, particulièrement préjudiciable à la recourante au vu de son état de santé. Ces allégations, toutes générales, ne permettent effectivement pas de donner l’assurance à la recourante que ses traitements et sa prise en charge multidisciplinaire pourraient continuer de se faire auprès des mêmes praticiens. Au contraire, la recourante a exposé dans sa réplique, sans être contredite par l’autorité intimée, que postérieurement à la notification de la décision litigieuse, l’hospice avait cessé de prendre en charge la quote-part de 25 % des soins
non-couverts par l’assurance complémentaire SANA, s’agissant notamment de ses factures de sophrologie et d’ostéopathie, thérapies dont elle avait pourtant besoin. Il apparaît dès lors indispensable que la recourante conserve
l’assurance-complémentaire Hospital Plus Bonus, à tout le moins tant que son opération de la colonne vertébrale n’a pas eu lieu et que son état de santé, en lien avec cette affection, n’est pas stabilisé.

Dès lors, le recours sera admis et la décision du directeur général de l'hospice du 20 mai 2021 annulée.

6) En matière d'assistance sociale, la procédure est gratuite pour la recourante (art. 87 al. 1 LPA et art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), qui est au demeurant au bénéfice de l'assistance juridique. Vu l'issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à la recourante qui y a conclu et est assistée d'un mandataire (art. 87 al. 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 juin 2021 par Madame A______ contre la décision du directeur général de l'Hospice général du 20 mai 2021 ;

au fond :

l'admet ;

annule la décision du directeur général de l'Hospice général du 20 mai 2021 ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue à Madame A______ une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge de l'Hospice général ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Maëlle Kolly, avocate de la recourante, ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et McGregor, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Michel

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :