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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1676/2019

ATA/35/2022 du 18.01.2022 sur ATA/273/2020 ( AMENAG ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1676/2019-AMENAG ATA/35/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 janvier 2022

 

dans la cause

 

COMMUNE DE A______
représentée par Me Mattia Deberti, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT

 



EN FAIT

1) Le 2 janvier 2010, le département du territoire (ci-après : DT ou le département) a déposé une première version du projet d’un plan d’extraction
n° PE 1______ portant sur l’extraction de 590’000 m3 de graviers sur la commune de A______ (ci-après : la commune) à Genève. Ce projet a été modifié les 19 avril 2013 et 25 juillet 2018.

Deux entreprises, B______ et C______ SA, devaient initialement conduire l’exploitation sur deux fronts sur une surface totale de 23 ha aux lieux-dits « D______ », « E______ » et « F______ ». La surface d’exploitation a par la suite été réduite à 17 ha, l’entreprise B______ s’est retirée et l’exploitation n’a plus été projetée que sur un seul front.

2) Le projet a été instruit et a notamment fait l’objet de rapports d’impact sur l’environnement (ci-après : RIE) en décembre 2010 et avril 2013, d’un préavis favorable du service cantonal d’étude d’impact sur l’environnement, devenu le service de l’environnement et des risques majeurs (ci-après : SERMA) en février 2011, d’une mise à l’enquête publique du 18 mars au 21 avril 2011, d’une opposition de la commune dans la cadre de la procédure d’opposition ouverte du 3 janvier au 2 février 2014 et d’un préavis favorable du Grand Conseil le 12 mai 2017. Par arrêtés du 13 mars 2019, le Conseil d’État a rejeté l’opposition de la commune et approuvé le plan d’extraction PE 1______.

3) Par arrêt ATA/273/2020 du 10 mars 2020, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a rejeté le recours formé par la commune le 2 mai 2019 contre les arrêtés précités.

Les modifications entraînées par le retrait d’un des deux partenaires au projet n’étaient pas essentielles et ne nécessitaient pas une nouvelle enquête publique. Le Conseil d’État n’avait négligé aucune des modifications intervenues entre le RIE de 2011 et celui de 2013. Le plan d’extraction tenait compte de toutes les mesures exigées en matière de pollution atmosphérique. Les risques de pollution des nappes phréatiques étaient adéquatement prévus par le plan d’exploitation.

4) La commune a formé un recours de droit public au Tribunal fédéral, concluant à l’annulation de cet arrêt et des arrêtés du Conseil d’État du 13 mars 2019.

Invité à se déterminer, l’office fédéral du développement territorial (ci-après : ARE), sans prendre de conclusions formelles, a souligné que les terres concernées étaient toutes des surfaces d’assolement (ci-après : SDA) et que, l’arrêt attaqué étant muet sur ce point, on ignorait si cet aspect avait été pris en compte conformément au droit fédéral. L’office fédéral de l’environnement, également interpellé, a estimé l’arrêt attaqué conforme au droit de l’environnement.

5) Par arrêt 1C_243/2020 du 8 septembre 2021, le Tribunal fédéral a annulé l’arrêt et retourné la cause à la chambre administrative pour compléter le dossier cantonal et procéder à une pesée complète des intérêts, libre à celle-ci de retourner le dossier aux autorités de planification.

Le RIE 2013 figurant au dossier avait été amputé du chapitre consacré aux SDA (pp. 49 à 52) et le DT n’avait produit devant le Tribunal fédéral qu’une page consacrée à ce chapitre, de sorte qu’il n’était pas possible de déterminer si et dans quel délai la remise en état aboutirait réellement à une situation répondant à nouveau aux critères de qualité des SDA, ou encore si les travaux seraient suivis par un spécialiste des sols. Les éléments au dossier ne permettaient pas non plus de conclure qu’une réelle et complète pesée des intérêts aurait été opérée dans le cadre de l’adoption du plan litigieux ni a fortiori d’en examiner la conformité au droit fédéral. On ne discernait pas quel intérêt justifierait concrètement l’utilisation des SDA concernées à d’autres fins qu’agricoles, en particulier un intérêt prépondérant lié au besoin en gravier, lequel n’était évoqué dans les rapports des autorités cantonales que de manière laconique. La nécessité d’exploiter la gravière apparaissait d’autant moins évidente que des gravières d’importance allaient s’ouvrir dans la région de Bernex. Il était douteux que l’argument du maintien d’une concurrence et d’un marché équilibré dans l’exploitation du gravier puisse constituer un intérêt supérieur à la préservation des meilleures terres agricoles.

Les griefs de la commune relatifs à l’évaluation par les RIE des émissions de dioxyde d’azote (NO2), du niveau global en NO2 et de la concentration de poussières fines (PM10) et ceux relatifs au respect de la loi fédérale sur la protection des eaux du 24 janvier 1991 (LEaux - RS 814.20) ont été rejetés respectivement déclarés irrecevables.

6) Invités à se déterminer par la chambre administrative, le département et la commune ont conclu le 8 respectivement le 9 décembre 2021 à ce que la cause soit renvoyée au Conseil d’État afin d’examiner de manière approfondie la problématique des SDA. La commune a ajouté que parmi tous les éléments devant être pris en compte dans la pesée d’intérêts figurait notamment la végétation et a produit des images aériennes de 1932 montrant la présence de haies et d’alignements d’arbres dans le périmètre du plan d’extraction, qui présentaient un intérêt historique et paysager, exerçaient un effet de protection contre l’érosion et le vent et procuraient un habitat et de la nourriture à de nombreuses espèces. La commune a également repris ses critiques sur la circulation des eaux alimentant les résurgences de la réserve naturelle G______ et sur la baisse de la perméabilité des terrains après l’exploitation et leur restitution et demandé que ce paramètre soit pris en compte dans la pesée des intérêts.

7) Le 14 décembre 2021, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Il a déjà été statué sur la recevabilité du recours, qui a été admise.

2) Ainsi que l’a relevé le Tribunal fédéral, le dossier ne permet pas de déterminer si, de quelle manière et avec quel résultat la pesée des intérêts entre la nécessité de conserver des SDA de qualité et la nécessité d’exploiter une gravière a été conduite par l’autorité.

Le recours sera admis, les deux arrêtés du Conseil d’État du 13 mars 2019 annulés et la cause renvoyée à ce dernier afin qu’il procède, dans le sens des considérants du Tribunal fédéral, à la pesée complète des intérêts commandés par le droit fédéral s’agissant de l’atteinte aux SDA et prenne une nouvelle décision.

3) Vu l’issue du recours, aucun émolument ne sera perçu et une aucune indemnité de procédure ne sera allouée, la commune n’ayant soulevé ni devant la chambre de céans ni devant le Tribunal fédéral le grief, décisif, ayant trait à la pesée des intérêts en matière de protection des SDA (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 2 mai 2019 par la commune de A______ contre les arrêtés du Conseil d’État du 13 mars 2019 ;

au fond :

l’admet ;

annule les arrêtés du Conseil d’État du 13 mars 2019 ;

renvoie la cause au Conseil d’État pour complément d’instruction et nouvelle décision dans le sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Mattia Deberti, avocat de la recourante, au Conseil d’État ainsi qu’à l’office fédéral du développement territorial (ARE).

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mmes Lauber et Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Poinsot

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :