Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1396/2019

ATA/1041/2021 du 05.10.2021 sur JTAPI/1078/2020 ( ICCIFD ) , REJETE

Recours TF déposé le 10.11.2021, rendu le 11.11.2021, IRRECEVABLE, 2C_892/2021
Descripteurs : PROCÉDURE FISCALE;PROCÉDURE DE TAXATION;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;CONSULTATION DU DOSSIER;SECRET FISCAL
Normes : Cst.5.al2; Cst.29; LPFisc.11.al1; LPFisc.17; LIFD.110; LIFD.114; LHID.39
Résumé : Rejet d'un recours contre un jugement du TAPI confirmant une décision de l'AFC-GE refusant l'accès à des pièces, provenant du dossier fiscal d'un autre contribuable, couvertes par le secret fiscal et d'une déposition faite par un tiers dans le cadre d'une procédure pénale. L'autorité intimée a indiqué à la contribuable la nature des pièces, la raison du refus et lui a communiqué le contenu des pièces sous forme de quatorze points résumés ainsi que les conclusions prises sur la base de ces faits, s'agissant de l'attribution à la contribuable de revenus provenant d'une autre société.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1396/2019-ICCIFD ATA/1041/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 5 octobre 2021

4ème section

 

dans la cause

 

A______
représentée par Me Étienne Von Streng et Me Jérôme Piguet, avocats

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FéDéRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 décembre 2020 (JTAPI/1078/2020)


EN FAIT

1) Le litige porte sur le refus de l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) de communiquer à A______ (ci-après : A______ ou la contribuable) quatre pièces de son dossier dans le cadre d'une procédure en rappel d'impôt pour les années fiscales 2004 à 2008 et d'amende pour l'année fiscale 2008.

2) Par pli recommandé du 21 décembre 2018, l'AFC-GE a informé la contribuable que les procédures relatives aux années fiscales 2003 à 2008 étaient terminées, sans supplément d'impôt pour l'année 2003 et sans amende pour les années 2004 à 2007. Elle lui a transmis les bordereaux pour les rappels d'impôts 2004 à 2008 et les bordereaux amendes 2008.

3) Le 23 janvier 2019, la contribuable a élevé réclamation contre ces taxations, se plaignant d'une violation de son droit d'être entendue.

Le 3 juillet 2018, lors d'une réunion avec l'AFC-GE, elle avait été informée que celle-ci détenait un procès-verbal d'audition de Monsieur B______, administrateur président et employé de la contribuable, entendu en qualité de témoin au cours d'une procédure pénale, laquelle ne le concernait pas.

L'AFC-GE avait indiqué que le dossier contenait des éléments factuels issus d'autres procès-verbaux d'auditions de témoins. Leur contenu et les noms des personnes concernées n'avaient pas été révélés mais l'AFC-GE avait proposé de vérifier sous quelle forme ces informations pourraient être transmises. Elles avaient convenu que l'AFC-GE établirait sur la base de ces pièces, un état de fait à valider, afin de procéder au chiffrage de la rémunération éventuelle de la contribuable à prendre en compte.

Or, le vendredi 7 décembre 2018, à 17h15, l'AFC-GE avait envoyé un courriel pour indiquer qu'elle avait revu les informations fournies par des témoins et que « pour des raisons de confidentialité, il avait été décidé à ce stade de résumer les informations les plus pertinentes qui ressort[ai]ent de ces auditions ». Elle avait alors retenu quatorze affirmations sans en indiquer le contexte, la date de l'audience ni les noms des personnes qui auraient fourni ces informations. De ces affirmations, elle constatait d'importantes divergences avec l’état de fait tel que présenté le 3 juillet 2018. L'AFC-GE lui avait imparti un délai au 17 décembre 2018 pour se déterminer.

Dans le délai, la conbribuable avait fait part de sa position et expressément demandé à obtenir soit une copie des procès-verbaux d'audition sur lesquels se basait le courriel du 7 décembre 2018, soit une décision incidente motivée expliquant les raisons d'un refus d'accès aux pièces et un délai supplémentaire au 31 janvier 2019 pour lui permettre éventuellement d'obtenir les procès-verbaux auprès des tiers auditionnés. Aucune réponse n'avait été donnée à ce courrier.

4) Par décision incidente du 22 mars 2019, l'AFC-GE a refusé la demande de la contribuable de consulter les pièces en cause, soit trois procès-verbaux d'audience et un document versé à une procédure pénale, au motif que des intérêts publics et privés évidents s'y opposaient.

Le contenu essentiel de ces documents avait été présenté oralement. La nature et l'objet des informations contenues dans ces documents avaient aussi été communiqués par courriel du 7 décembre 2019 et un délai pour se déterminer avait été octroyé à la contribuable, qui avait ainsi pu faire part de sa position. Par ailleurs, une des pièces était un procès-verbal d'audition de M. B______ du 2 novembre 2010, en possession de la contribuable.

Après avoir effectué une pesée des intérêts en jeu, il s'avérait que la protection des intérêts privés des personnes parties à une procédure pénale ainsi que le secret de la procédure pénale ne permettaient pas un partage de ces documents. Toutefois, l'AFC-GE lui communiquerait, par courrier séparé, pour chacune de ces pièces, le contenu essentiel, à savoir les éléments factuels retenus.

5) Le 28 mars 2019, l'AFC-GE a transmis à la contribuable deux courriers. Le premier contenait un bordereau de quatre pièces et les éléments factuels retenus pour chacune d'elles, soit des résumés sommaires de celles-ci.

Le second indiquait succinctement les raisons des décisions de rappel et de soustraction d'impôts de décembre 2018 et détaillait le montant des reprises opérées ; un tableau annexé précisait les revenus provenant des fonds « maisons » et d’autres fonds imposables auprès de la contribuable, à titre de bénéfice non déclaré pour les années 2004 à 2008.

6) Par acte du 4 avril 2019, la contribuable a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision du 22 mars 2019, dont elle a demandé l’annulation, précisant que le courrier de transmission du « bordereau de pièces » devait aussi être considéré comme partie intégrante de cette décision en tant qu'il définissait les modalités d'accès au dossier consenties par l'autorité intimée.

L'autorité fiscale entendait fonder les reprises d'impôts et les amendes dans la procédure au fond sur des pièces qu'elle indiquait avoir reçues du Ministère public. Se posait ainsi la question de savoir si l’AFC-GE était en droit d'utiliser ces pièces, obtenues de manière irrégulière.

Dans sa réclamation, elle avait demandé un accès complet au dossier. Or, la décision contestée ne se prononçait pas sur ce point, se bornant à refuser la communication des pièces relatives à des procédures pénales. La décision devait dès lors être réformée en ce sens qu'un accès complet au dossier lui soit accordé.

L'AFC-GE avait indiqué avoir procédé à une pesée des intérêts privés et publics « évidents » pour elle, mais on ignorait tout des intérêts dont elle avait tenu compte dans ce contexte : elle se bornait à se référer, de manière générale, à l'existence d'une procédure pénale, comme si une telle procédure s'opposait forcément à la transmission des documents liés à celle-ci, sans qu'il soit nécessaire d'examiner plus avant les différents intérêts en jeu.

Enfin, les pièces en cause semblaient avoir été les seules sources utilisées par l’AFC-GE à l'appui des décisions contestées au fond ; refuser l'accès à ces pièces revenait pratiquement à rendre une décision non motivée.

7) L’AFC-GE a conclu au rejet du recours, s'en rapportant à justice concernant la recevabilité du recours.

8) La contribuable a persisté dans ses conclusions dans sa réplique ; l'AFC-GE en a fait de même dans sa duplique.

9) Par jugement du 9 décembre 2019, le TAPI a déclaré le recours irrecevable.

La contribuable ne s’exposait à aucun préjudice irréparable si elle n’avait pas immédiatement accès aux pièces soustraites à sa consultation, mais devait attendre la fin de la procédure de réclamation pour s’en plaindre. Par ailleurs, l’admission du recours ne permettait pas de mettre un terme à la procédure, ce que l’intéressée ne soutenait d’ailleurs pas.

10) Par acte expédié le 20 décembre 2019 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative), la contribuable a recouru contre ce jugement, dont elle a demandé l’annulation. Elle a conclu à ce que son recours formé devant le TAPI soit déclaré recevable et la cause soit renvoyée à celui-ci afin qu’il statue sur le fond.

11) Par arrêt du 3 mars 2020 (ATA/261/2020), la chambre administrative a admis le recours et renvoyé la cause au TAPI afin qu'il examine si les conditions de recevabilité étaient remplies et se prononce, le cas échéant, sur le fond du recours, une voie de recours étant spécialement instituée par les législateurs fédéraux et cantonaux contre le refus de l'AFC-GE d'autoriser la recourante à consulter certaines pièces de son dossier.

12) Les 24 et 27 juillet 2020, la contribuable et l'AFC-GE ont campé sur leurs positions dans leurs observations respectives déposées au TAPI.

13) Par jugement du 7 décembre 2020, le TAPI a rejeté le recours.

Les pièces que l'AFC-GE avait refusé de transmettre à la recourante, étaient libellées A, B, C et D. Les trois premières concernaient une procédure pénale à laquelle la contribuable n'était pas partie à quelque titre que ce soit. Partant, ces documents concernaient d'autres contribuables et ne pouvaient être divulgués à la recourante. La pièce D constituait une note versée à la procédure pénale par l'un des prévenus. Pour la même raison, elle ne pouvait être transmise à la contribuable.

Le 22 mars 2019, l'AFC-GE avait communiqué à la contribuable le contenu essentiel des pièces litigieuses sur lesquelles elle s'était fondée pour procéder aux reprises.

Le TAPI, à qui il appartenaient de vérifier si les informations transmises représentaient effectivement le contenu essentiel des pièces dont la consultation était sollicitée, a constaté en comparant les pièces A à D produites sous le couvert du secret fiscal, avec leur résumé transmis que l'AFC-GE avait correctement synthétisé les documents.

Les quatorze éléments sur lesquels l'AFC-GE s'était notamment basée pour procéder aux reprises incriminées découlaient effectivement des pièces A à D, et elle avait correctement informé la recourante au sujet des points sur lesquels elle s'était fondée pour effectuer les redressements contestés dans la procédure sur le fond. Elle lui avait donné connaissance du contenu essentiel des pièces.

14) Par acte posté le 21 décembre 2020, la contribuable a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement du TAPI du 7 décembre 2020, concluant à son annulation, au renvoi de la cause au TAPI et subsidiairement à la réforme du jugement du TAPI en ce sens qu'elle soit autorisée à consulter et à lever copie de l'intégralité des pièces relatives à une procédure pénale, résumées par l'AFC-GE dans le document transmis le 22 mars 2019 ainsi que toutes autres pièces concernant cette procédure pénale et plus subsidiairement à la consultation et à l'obtention de copies des pièces rendues anonymes.

De nombreux faits pertinents n'avaient pas été pris en considération par le TAPI, en particulier le fait qu'elle avait pleinement collaboré à l'établissement des faits avec l'AFC-GE en fournissant toutes les pièces demandées et en participant, par l'intermédiaire de son mandataire, à de nombreuses réunions. Jusqu'en juin 2019, les échanges avec l'AFC-GE étaient restés dans le cadre défini par une communication du 31 mai 2012 de l'AFC-CH ; lors d'une séance le 3 juillet 2018, l'AFC-GE l'avait informé qu'elle disposait d'informations complémentaires concernant le rôle de M. B______ au sein d'un comité d'investissement, le procès-verbal avait été transmis par M. B______. A______ avait établi une étude de transfert pour connaître l'impact de la présence de M. B______ dans ce comité d'investissement. Lors de la présentation de cette étude à l'AFC-GE, elle avait prétendu disposer d'éléments différents sur la base de procès-verbaux d'auditions pénales. En novembre 2018, l'AFC-GE avait proposé de définir de quelle manière A______ pourrait avoir accès aux procès-verbaux pénaux litigieux et que l'étude du prix de transfert soit remise. Le 7 décembre 2018, l'AFC-GE avait indiqué qu'elle avait décidé de résumer les informations contenues dans les procès-verbaux pénaux et fixé un délai de dix jours pour se prononcer sur des éléments inédits après cinq ans de procédure. L'AFC-GE n'avait pas transmis la correspondance avec le Ministère public permettant le transfert des procès-verbaux de tiers dans le dossier fiscal. L'AFC-GE s'était fondée sur les pièces litigieuses pour prononcer les rappels d'impôts et amendes contestées puisque c'était depuis que ces procès-verbaux avaient été mentionnés dans la procédure de contrôle que des montants très importants de reprises fiscales avaient commencé à être évoqués, et l'AFC avait expressément affirmé le 7 décembre 2018 qu'elle ne pouvait pas prendre en considération l'étude de prix de transfert en raison de la teneur des procès-verbaux.

Le TAPI avait mal apprécié les faits et les preuves en lien avec les pièces capitales non communiquées, ce qui l'avait amené à prendre des conclusions erronées.

Outre l'accès aux pièces litigieuses, le litige portait également sur la question de l'utilisation de ces pièces, ce que le TAPI n'avait absolument pas examiné dans son jugement. Or, l'utilisation des procès-verbaux pénaux et le point de savoir s'ils avaient été obtenus et versés au dossier de manière conforme au droit devaient être examinés sauf à commettre un déni de justice ainsi qu'une violation de droit d'être entendue.

S'agissant de l'accès aux pièces litigieuses, le secret fiscal ne permettait pas d'en refuser l'accès et le résumé lapidaire, même apparemment correct, était largement insuffisant et ne permettait pas d'exercer valablement son droit d'être entendue.

Elle n'avait pas été correctement informée au sujet des points sur lesquels l'AFC-GE s'était fondée pour effectuer les redressements contestés dans la procédure sur le fond, les pièces litigieuses ayant manifestement servi de seul fondement. Elle n'avait pas eu de délai suffisant pour se prononcer sur les éléments contenus dans le courriel du 7 décembre 2018, et l'AFC-GE avait ignoré les objections immédiatement formulées le 11 décembre 2018.

Pour être couverts par le secret fiscal, des faits devaient être secrets. Or, elle avait connaissance de l'existence de la procédure pénale apparemment à l'origine des pièces mais aussi de son objet et de ses principaux protagonistes, en particulier des inculpés, puisque son administrateur, M. B______, avait été entendu en qualité de témoin lors d'une longue audience à laquelle ceux-ci participaient également.

15) Le 26 février 2021, l'AFC-GE a répondu au recours.

Le 31 mai 2012, l'AFC-CH l'avait informé du fait que lors du contrôle de comptes de la recourante, des problématiques fiscales relatives notamment à des rétrocessions confidentielles de commissions et à des prix de transfert avec les sociétés filles à Gibraltar avaient été soulevées en matières d'impôt direct, l'AFC-CH laissant le soin à l'AFC-GE de contrôler si les opérations réalisées étaient bien conformes à la pratique. Elle avait ensuite avisé la recourante de l'ouverture 'd'une procédure en rappel d'impôts et soustraction fiscale portant sur les années 2003 à 2011 et lui avait demandé divers documents.

M. B______, en sa qualité d'actionnaire unique et d'employé de la contribuable active dans la gestion de fortune avait un salaire important : CHF 500'000.- en 2006, CHF 699'999.60 pour 2007, CHF 660'681.14 pour 2008, CHF 310'169.80 pour 2009 et CHF 360'170.40 pour 2010 par exemple.

Elle détaillait ensuite la procédure ayant mené à la décision sur réclamation ICC et IFD 2004 et 2008 du 20 mai 2020 annulant les reprises ICC et IFD 2004 prescrites. Les reprises ICC et IFD 2005 et 2008 ainsi que les amendes ICC et IFD 2008 étaient maintenues, notamment parce que la réclamation n'était pas motivée.

Les reprises et les amendes n'étaient pas fondées principalement, voire exclusivement sur les pièces A à D couvertes par le secret fiscal, dont l'accès était litigieux, contrairement à ce que prétendait la recourante. En effet, lors de procédures de contrôle, il avait été découvert que la recourante avait été active dans les années 2004 à 2008 dans une structure composée de différences sociétés, dont une qu'elle détenait entièrement et qui détenait elle-même une participation majoritaire dans plusieurs sociétés dont C______ ; ci-après : C______). La recourante détenait indirectement, au travers d'autres sociétés, environ 80 % de C______ et M. B______ siégeait au conseil d'administration de C______.

C______ avait reçu une rémunération très importante dans le cadre de divers fonds d'investissement qu'elle avait lancés, soit des fonds maison d'une part et des fonds créés avec d'autres sociétés dans une structure de fonds nommée D______, d'autre part. C______ détenait notamment une participation de 25 % dans la société qui gérait l'un des sous-fonds D______.

C______ n'avait aucun employé, et M. B______, employé de la contribuable, siégeait au conseil d'administration et la contribuable avait joué un rôle prépondérant dans la structure des fonds maison. En conséquence, elle avait estimé que les produits provenant des fonds maison perçus par C______ devaient être attribués à la recourante pour les années 2004 à 2008.

Le jugement ne consacrait aucune constatation inexacte ou incomplète des faits.

L'obtention et l'utilisation des pièces était conforme au droit et à la jurisprudence. La copie de la procédure pénale d'où provenaient les pièces litigieuses avait été obtenue par l'AFC-GE dans le cadre d'une procédure de contrôle fiscal concernant un autre contribuable. Le secret fiscal était dû à ce dernier et la communication de l'AFC-CH la légitimait à consulter la procédure pénale.

Le secret de la procédure pénale dû aux inculpés impliquait de ne pas remettre de copies à la recourante.

Aucune violation du principe de la proportionnalité ne pouvait être retenue. Le TAPI avait procédé à l'examen de l'intérêt aux secrets dont bénéficiaient les personnes mentionnées dans les pièces A à D et l'avait jugé prépondérant par rapport à l'intérêt de la recourante à la communication.

Le TAPI avait également vérifié en détail si les résumés étaient conformes aux pièces A à D.

L'écoulement du temps ne supprimait pas le secret fiscal, ni le secret de la procédure pénale.

16) Le 6 avril 2021, la recourante a répliqué.

Les explications de l'AFC-GE sur la provenance des pièces étaient non documentées et non prouvées, et la question du déni de justice restait d'actualité. La cause devait être renvoyée au TAPI pour cette raison déjà ou la question être instruite par la chambre administrative.

La pesée des intérêts n'avait pas été effectuée par le TAPI. Or, les pièces provenaient très certainement de la procédure pénale dans le cadre de laquelle M. B______ avait été entendu et avait eu lieu à la même période et portait sur les mêmes sujets, notamment le fond D______. En outre, la procédure en question n'était pas seulement connue de la recourante mais également du public, de nombreux articles de presse en ayant fait état.

17) Le 9 avril 2021, l'AFC-GE a renoncé à formules des observations complémentaires.

18) Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties avaient été informées le 9 mars 2021.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recours porte sur la décision incidente de l'AFC-GE de refuser l'accès aux pièces A à D du dossier fiscal de la recourante.

La recourante fait valoir une violation de son droit d'être entendue, l'AFC-GE, confirmée par le TAPI, lui ayant refusé l'accès aux pièces A à D même caviardées, se limitant à lui communiquer un résumé du contenu.

3) a. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu'une décision ne soit prise, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d'avoir accès au dossier, de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_157/2018 du 28 mai 2018 consid. 3.1 et les références citées).

b. Les parties et leurs mandataires sont admis à consulter au siège de l'autorité les pièces du dossier destinées à servir de fondement à la décision (art. 44 al. 1 LPA). L'autorité peut interdire la consultation du dossier ou d'une partie de celui-ci si l'intérêt public ou des intérêts privés prépondérants l'exigent, le refus d'autoriser la consultation des pièces ne pouvant s'étendre toutefois qu'aux pièces qu'il y a lieu de garder secrètes (art. 45 al. 1 et 2 LPA). Une pièce dont la consultation est refusée à une partie ne peut être utilisée à son désavantage que si l’autorité lui en a communiqué par écrit le contenu essentiel se rapportant à l’affaire et lui a donné en outre l’occasion de s’exprimer et de proposer les contre-preuves (art. 45 al. 3 LPA).

c. En matière d'ICC, c'est l’art. 17 LPFisc, qui fixe les règles fiscales en matière de consultation des dossiers fiscaux est applicable par renvoi de l'art. 86 LPFisc qui reprend les principes décrits ci-dessus. Il prévoit ainsi que le contribuable peut prendre connaissance des autres pièces du dossier une fois les faits établis et à condition que la sauvegarde d'intérêts publics ou privés ne s'y oppose pas. En matière d'IFD, les principes sont identiques (art. 114 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_133/2020 du 15 juillet 2020 consid. 3.1).

Ainsi, le droit de consulter les pièces peut être supprimé ou limité dans la mesure où l'intérêt public ou l'intérêt prépondérant de tiers, voire du requérant lui-même exigent que tout ou partie des documents soient tenus secrets (François BELANGER, Les principes constitutionnels et de procédure applicables en droit fiscal, in Les procédures en droit fiscal, 3ème éd., 2015, p. 61 et ss, p. 110).

Lorsque le département refuse au contribuable le droit de consulter une pièce du dossier, il ne peut se baser sur ce document pour trancher au détriment du contribuable que s'il lui a donné connaissance, oralement ou par écrit, du contenu essentiel de la pièce ou qu'il lui a au surplus permis de s'exprimer et d'apporter ses propres moyens de preuve (arrêt du Tribunal fédéral 2P.186/2006 du 27 novembre 2006 consid. 4).

d. Les personnes chargées de l'application de la LIFD et des impôts cantonaux et communaux doivent garder le secret sur les faits dont elles ont connaissance dans l'exercice de leurs fonctions (art. 110 LIFD ; art. 39 LHID ; art. 11 al. 1 LPFisc).

Ce secret concerne tous les faits découlant de dossiers, de négociations ou de dépositions informelles. Aucune autorisation ni aucune possibilité ne seront données à des tiers de consulter des dossiers.

L'autorité fiscale dispose de sources d'information très vastes. Celles-ci proviennent notamment d'autres autorités fiscales, administratives ou pénales, ou encore de tiers. En outre, l'administration fiscale peut également puiser des informations importantes dans les dossiers d'autres contribuables et procéder par recoupement ou encore se fonder sur des documents externes, tels qu'articles de journaux ou statistiques. Ces documents doivent figurer dans le dossier et être tenus à disposition du contribuable si l'administration entend les utiliser pour prendre sa décision, sous réserve, notamment, du respect du secret fiscal pour les informations recueillies dans les dossiers d'autres contribuables (Denis BERDOZ et Marc BUGNON, La procédure mixte en matière d'impôts directs, in Les procédures en droit fiscal, 3ème éd., 2015, p. 537 et ss, p. 620 à 626).

e. L'administration fiscale, lorsqu'elle effectue la pesée d'intérêts nécessaire pour décider de soustraire une pièce à la consultation en mettant en balance d'un côté, l'intérêt du contribuable à prendre connaissance des pièces constituant son dossier et, de l'autre, les intérêts publics ou privés à ce que certains actes restent secrets, est tenue au respect du principe de proportionnalité (Denis BERDOZ et Marc BUGNON, op. cit., p. 629).

f. Le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 5 al. 2 Cst., exige qu’une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c et les références citées).

4) En l'espèce, l'AFC-GE a invoqué le secret fiscal pour refuser l'accès aux pièces A à D à la contribuable, tout en lui indiquant la nature des pièces et la raison du refus. Les trois premières pièces constituent des procès-verbaux d'audience dans une procédure pénale à laquelle la contribuable n'est pas partie. La dernière est une note versée à la procédure pénale par l'un des inculpés. Les pièces ont été obtenues dans le cadre d'une autre procédure fiscale concernant un autre contribuable.

L'autorité intimée a communiqué à la contribuable le contenu des pièces sous forme de quatorze points figurant dans un courriel du 7 décembre 2018, en listant les informations fournies par différentes personnes dans le cadre des auditions pénales, portant en substance sur le rôle qu'avait M. B______ dans la structure de fonds D______. Ce courriel détaille également les conclusions auxquelles arrive l'autorité intimée sur la base de ces faits, s'agissant de l'attribution à la contribuable de revenus provenant d'une autre société.

Le TAPI a dûment vérifié que le résumé de chaque pièce fournie par l'autorité intimée à la contribuable, dans son courrier du 22 mars 2019 était conforme au contenu des pièces litigieuses et exhaustif, ce que la chambre de céans ne peut que confirmer.

En conséquence, il appert que l'autorité intimée a informé la contribuable sur les points sur lesquels elle s'était fondée pour effectuer les rappels contestés, en lui donnant ainsi connaissance du contenu essentiel des pièces.

En outre, les pièces provenant du dossier fiscal d'un autre contribuable sont couvertes par le secret fiscal et s'agissant de déposition faite par des tiers, dans le cadre d'une procédure pénale, l'intérêt de ceux-ci doit également être pris en compte comme s'opposant à la diffusion des documents.

Finalement, l'anonymisation des pièces, vu leur nature, ne suffirait pas à préserver le secret qui les couvre, de nombreux éléments autre que les noms permettant notamment d'identifier les intervenants.

Il faut ainsi conclure que l'AFC-GE a correctement effectué la pesée des intérêts en présence pour aboutir à la décision de refus.

Il découle de ce qui précède que le recours sera rejeté.

5) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 21 décembre 2020 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 décembre 2020 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de A______SA ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Étienne Von Streng et Me Jérôme Piguet, avocats de la recourante, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :