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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1741/2021

ATA/845/2021 du 24.08.2021 ( AMENAG ) , IRRECEVABLE

Parties : PATRIMOINE SUISSE GENÈVE ET AUTRES, PATRIMOINE SUISSE-SCHWEIZER HEIMATSCHUTZ, CAVADINI BESSON Manuela, VEGH Jean-Pierre, BOULENS Catherine / DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC, CAISSE DE PENSION D'UBS
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1741/2021-AMENAG ATA/845/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 24 août 2021

 

dans la cause

 

PATRIMOINE SUISSE GENèVE
PATRIMOINE SUISSE
Madame Catherine BOULENS
Madame Manuela CAVADINI BESSON
Monsieur Jean-Pierre VEGH
représentés par Me Alain Maunoir, avocat

contre

PENSIONSKASSE DER UBS
représentée par Me François Bellanger, avocat

et

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE


EN FAIT

1) Pensionskasse der UBS est propriétaire des parcelles nos 377, 378, 379 et 380, plan 10, de la commune de Lancy, d’une surface totale de 10'900 m2, aux adresses 1,3 et 5 chemin de Claire-Vue et 51, route de St-Georges.

Ces parcelles sont situées en zone de développement 3, zone de fond 5 et dans le périmètre couvert par un plan d’aménagement no 27'457 (ci-après : PLQ), adopté le 13 janvier 1982 par le Conseil d’État, lequel indiquait, pour le secteur dans lequel se trouvent les parcelles, que l’aménagement serait défini ultérieurement. Elles abritent des immeubles d’habitation et des dépôts, dont la construction date de 1931 à 1933.

2) Le 20 décembre 2017, la propriétaire a requis du département du territoire (ci-après : département) l’autorisation de démolir les immeubles et dépôts situés sur ses parcelles (M 8'052) ainsi que l’autorisation de construire des immeubles de logements, un parking souterrain, des sondes géothermiques, un point de collecte, un abri vélos ainsi que d’abattre des arbres et réglementer le trafic (DD 111'141).

3) Par arrêté du 20 août 2020, le département a autorisé l’application des normes de la 3ème zone aux bâtiments à construire selon la DD 111'141.

4) Le 31 août 2020, le département a délivré l’autorisation de démolir M 8'052 et l’autorisation de construire DD 111'141. Ces décisions ont été publiées le même jour dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève.

5) Le 20 septembre 2020, Patrimoine Suisse Genève, section cantonale de l’association Patrimoine suisse a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre les autorisations M 8'052 et DD 111'141. Le recours a été enregistré sous numéro de cause A/3088/2020.

6) Par arrêté non daté, le conseiller d’État en charge du département a autorisé l’application des normes de la 3ème zone aux bâtiments à construire selon la DD 111'141. Vu la demande et le 1er prix d’un concours d’urbanisme et d’architecture réalisé en application de la norme SIA applicable, attribué en octobre 2015 et conformément à l’art. 2 al. 2 let. e de la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35), vu le préavis favorable sous condition du Conseil administratif de la ville de Lancy du 5 novembre 2018, celui favorable sous conditions de l’office cantonal du logement et de la planification foncière du 4 juin 2020, le préavis favorable de la direction de la planification directrice cantonale et régionales du 19 février 2018, il était renoncé à l’établissement d’un PLQ. Demeuraient réservées les conditions particulières de l’autorisation de construire.

L’arrêté ayant été produit dans le cadre de la procédure A/3088/2020 par le département, il a été transmis à Patrimoine suisse Genève par courrier du TAPI du 16 avril 2021.

7) Le 19 mai 2021, Patrimoine suisse Genève, Madame Manuela CAVADINI BESSON, Monsieur Jean-Pierre VEGH et Madame Catherine BOULENS, propriétaires et copropriétaires respectifs des parcelles nos 5'185, 4'811 et 4'810, de Lancy, aux adresses 10, 16A, 16B et C, chemin de Clair-Vue à côté des parcelles concernées, ainsi que Patrimoine Suisse (ci-après : l’association et les voisins) ont interjeté recours conjointement auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre l’arrêté du département, dont ils avaient eu connaissance dans le cadre de la procédure A/3088/2020. Ils concluaient à l’annulation de l’arrêté. S’agissant de la compétence de la chambre administrative pour connaître du recours, ils se fondaient sur l’art. 7 LGZD lequel prévoyait que seules les décisions du département pouvaient faire l’objet d’un recours au TAPI. Comme la décision aurait dû être prise par le Conseil d’État, la chambre administrative était compétente. Toutefois, afin d’éviter tout reproche, vu la teneur de l’art. 7 LGZD, un recours avait également été déposé auprès du TAPI (enregistré sous numéro de cause A/1759/2021 ; toujours pendant).

L’art. 2 al. 2 LGZD permettait dans certaines circonstances au Conseil d’État de renoncer à l’établissement d’un PLQ après consultation du Conseil administratif ou du maire de la commune. En l’espèce, la commune n’avait pas été consultée et son préavis rendu dans le cadre de la délivrance de l’autorisation de construire n’était pas suffisant, cela d’autant plus que l’arrêté avait été pris plusieurs mois après.

L’art. 2 al. 2 LGZD intervenait lorsque le secteur était dépourvu de tout PLQ. En l’espèce, le but du département était de s’exonérer du PLQ de 1982 dont il affirmait qu’il était toujours en vigueur. Il était contesté que la compétence de renoncer à l’établissement d’un PLQ puisse être valablement déléguée au département.

8) Le 2 juillet 2021, la propriétaire a conclu à l’irrecevabilité du recours et subsidiairement à son rejet ainsi qu’au versement d’une indemnité de procédure.

L’arrêté n’avait pas d’existence propre et avait été rendu dans le cadre de la DD 111'141. Il ne pouvait pas être attaqué de manière distincte de l’autorisation de construire, laquelle faisait déjà l’objet d’une procédure de recours pendante devant le TAPI. Le recours aurait dû être déposé devant le TAPI, comme pour toutes les décisions prises par le département en application de la LGZD, sur délégation du Conseil d’État.

Sur le fond, le recours était infondé.

9) Le 2 juillet 2021, le département a conclu à l’irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet. Les conditions de l’art. 2 al. 2 let. e LGZD pour renoncer à l’établissement d‘un PLQ étaient remplies.

10) Le 4 août 2021, les recourants ont répliqué.

Le contenu de l’arrêté litigieux consistait à s’affranchir totalement des règles imposées par un PLQ en vigueur. La commune n’avait pas été valablement consultée.

La délégation au département prévue par l’art. 5 al. 2 du règlement d'application de la loi générale sur les zones de développement du 20 décembre 1978 (RGZD - L 1 35.01) était inopérante.

Le secteur visé par le dossier DD 111'141 devait faire l’objet d’une procédure de planification de détail, incluant une mise à l’enquête publique, conformément à ce que prévoyait le PLQ de 1982.

11) Le 5 août 2021, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) a. La chambre administrative est l’autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 132 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05). Elle examine d’office sa compétence, qui est déterminée par la loi et ne peut être créée par accord entre les parties (art. 11 al. 1 et 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

Sauf exceptions prévues par la loi ou lorsque le droit fédéral ou une loi cantonale prévoit une autre voie de recours (art. 132 al. 8 LOJ), la chambre administrative statue sur les recours formés contre les décisions des autorités et juridictions administratives au sens des art. 4, 4A, 5, 6 al. 1 let. a et e et 57 LPA (art. 132 al. 2 LOJ).

b. Le TAPI est l’autorité inférieure de recours dans les domaines relevant du droit public ou connexes au droit public, pour lesquels la loi le prévoit (art. 116 LOJ).

2) a. Lorsque plusieurs législations ayant entre elles un lien matériel étroit sont applicables à un projet de construction, la procédure directrice est celle relative aux autorisation de construire, à moins qu’une loi n’en dispose autrement ou sauf disposition contraire du Conseil d’État (art. 3A al. 1 LCI).

b. L’art. 2 al. 2 let. e LGZD autorise le Conseil d’État, après consultation du conseil administratif ou du maire de la commune, à renoncer à l’établissement d’un PLQ pour des projets de constructions ou installations conformes au 1er prix d’un concours d’urbanisme et d’architecture réalisé en application de la norme SIA applicable, sur la base d’un cahier des charges accepté par le département.

Depuis le 3 mars 2021, le RGZD prévoit que la compétence attribuée au Conseil d’État par l’art. 2 al. 2 LGZD est déléguée au département (art. 5 al. 2 RGZD).

c. L’arrêté du Conseil d’État appliquant les normes d’une zone de développement fait partie intégrante de l’autorisation définitive. Le recours contre cette dernière emporte recours contre ledit arrêté (art. 3A al. 3 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 - LCI - L 5 05).

d. La LGZD prévoit que les décisions prises par le département peuvent faire l’objet d’un recours auprès du TAPI (art. 7 LGZD) et la LCI prévoit que toute décision prise par le département en application de la LCI ou des règlements énumérés à l’art. 151 LCI, peut être déférée au TAPI (art. 145 al. 1 LCI).

En conséquence, il appert que le recours déposé auprès de la chambre de céans est irrecevable, celle-ci n’étant pas compétente pour en connaître. Le TAPI ayant été saisi d’un recours contre l’autorisation de construire, lequel est en cours d’instruction, le dossier lui sera transmis pour raison de compétence (art. 11 al. 3 LPA).

3) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge conjointe des associations et des voisins (art. 87 al. 1 LPA) et une indemnité de procédure de CHF 500.- sera allouée à Pensionskasse der UBS, à la charge conjointe des associations et des voisins (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 19 mai 2021 par Patrimoine Suisse Genève, Patrimoine Suisse, Madame Catherine BOULENS, Madame Manuela CAVADINI BESSON, Monsieur Jean-Pierre VEGH contre l’arrêté du département du territoire, non daté, autorisant l’application des normes de la 3ème zone, aux bâtiments à construire, selon dossier DD 111'141 ;

transmet le recours au Tribunal administratif de première instance ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge conjointe et solidaire de Patrimoine Suisse Genève, Patrimoine Suisse, Madame Catherine BOULENS, Madame Manuela CAVADINI BESSON et Monsieur Jean-Pierre VEGH ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 500.- à Pensionskasse der UBS, à la charge conjointe et solidaire de Patrimoine Suisse Genève, Patrimoine Suisse, Madame Catherine BOULENS, Madame Manuela CAVADINI BESSON et de Monsieur Jean-Pierre VEGH ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Alain Maunoir, avocat des recourants, à Me François Bellanger, avocat de Pensionskasse der UBS, au département du territoire ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance et à l’office fédéral du développement territorial.

Siégeant : M. Mascotto, président, M. Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Reymond, Mme Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

 

la greffière :