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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3777/2019

ATA/827/2021 du 10.08.2021 sur JTAPI/966/2020 ( ICC ) , REJETE

Normes : Cst.9; LCP.80.al1; LCP.80.al3; LCP.80.al5; LCP.82; LCP.84.al1.letf; LCP.84.al1.letg; LCP.86; LPFisc.4.al1
Résumé : Un bien immobilier qui sert à une activité lucrative indépendante fait partie de la fortune commerciale d’un contribuable. Le bien passe dans la fortune privée de l’intéressé lorsque celui-ci cesse son activité. Le bénéfice immobilier réalisé lors de la vente du bien immobilier constitue un revenu soumis à l’impôt sur les bénéfices et gains immobiliers (IBGI). Une absence de taxation depuis la cessation d’une activité commerciale et du transfert du bien de la fortune commerciale à la fortune privée n’induit aucun droit sous l’angle de la protection de la bonne foi.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3777/2019-ICC ATA/827/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 août 2021

4ème section

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Louise Bonadio, avocate

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 9 novembre 2020 (JTAPI/966/2020)


EN FAIT

1) Les époux A______, nés respectivement les ______ 1940 et ______ 1939, ont été domiciliés à Meyrin du 13 décembre 1974 au 1er décembre 2016.

2) Le 28 janvier 1987, Mme A______ a acquis la parcelle n° 1______ de la commune de Meyrin, sise en zone agricole et exploitée depuis lors à des fins commerciales dans le cadre de son activité indépendante d’horticultrice.

3) a. Dans sa déclaration fiscale 2004, l’intéressée a indiqué avoir cessé son activité indépendante au 31 décembre 2003. Les loyers capitalisés des immeubles locatifs ou loués étaient de CHF 572'659.- et les loyers encaissés de CHF 62'050.-, à Meyrin, les loyers capitalisés de l’immeuble occupé par les propriétaires étaient de CHF 89'391.-.

b. Dans ses déclarations fiscales 2005 à 2017, elle a repris les mêmes éléments se rapportant aux biens immobiliers sis à Meyrin.

4) Par convention du 30 avril 2013, les époux A______ ont loué aux époux B______ la parcelle précitée.

Depuis le 1er janvier 2004, M. B______ versait à M. A______ une somme annuelle de CHF 24'000.- en vue de l’achat éventuel de la parcelle. La convention était valable jusqu’au 30 juin 2015 et deviendrait caduque à cette date, trois alternatives s’offrant alors aux parties. Soit une nouvelle convention pouvait être établie, soit M. B______ achetait la parcelle à M. A______ et les annuités de la convention seraient alors déduites du prix de vente, voire aucune convention ne serait établie et M. A______ rembourserait à M. B______ les montants versés si ce dernier ne souhaitait pas acheter la parcelle.

5) Par convention du 5 décembre 2018 devant notaire, Mme A______ a vendu sa parcelle aux époux B______ pour le prix de CHF 2'031'733.- comprenant une somme de CHF 348'000.- déjà versée par l’acquéreur au vendeur par des paiements mensuels de CHF 2'000.-. La commission foncière agricole (ci-après : CFA) avait autorisé la vente par décision du 9 octobre 2018, les époux B______ étant des exploitants à titre personnel, après une estimation du 7 février 2017 du prix de vente correspondant à la valeur de rendement de la parcelle.

L’immeuble vendu était jusqu’alors loué par les époux B______ aux termes d’un bail à ferme. Le vendeur devrait acquitter l’impôt sur les bénéfices et gains immobiliers (ci-après : IBGI). Le notaire ayant établi l’acte authentique était tenu de se faire consigner en ses mains une provision destinée à garantir le paiement du montant de l’impôt dû à la suite de la vente.

6) L’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE), informée de la vente par Monsieur C______, notaire, a adressé à ce dernier une attestation d’un montant de CHF 443'256.30 à consigner à titre d’IBGI.

L’opération de vente relevait de la gestion du patrimoine privé. La valeur d’aliénation était de CHF 2'031'733.- et le gain immobilier imposable de CHF 1'144'586.-. La durée de la possession était de trente-et-un ans, la date d’acquisition était le 28 janvier 1987, celle de l’aliénation le 10 décembre 2018. Les calculs avaient été faits sur la base des éléments déclarés par le notaire qui n’engageaient pas l’AFC-GE.

7) Le 25 mars 2019, le notaire précité a retourné l’attestation susmentionnée à l’AFC-GE et a attiré son attention sur le caractère agricole de la parcelle et l’application de la circulaire de l’administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH) sur l’imposition des bénéfices en capital résultant de l’aliénation d’immeubles sis en zone à bâtir et faisant partie de la fortune commerciale d’agriculteurs.

8) Par bordereau du 12 avril 2019, l’AFC-GE a fixé l’IBGI dû par Mme A______ à CHF 117'106.80, calculé sur la base d’un gain immobilier de CHF 1'171'068.- à un taux de 10 %.

L’intéressée avait déclaré un gain immobilier imposable de CHF 1'144'586.- pour une durée de possession de trente-un ans, du 28 janvier 1987 au 11 décembre 2018. L’AFC-GE a néanmoins retenu un gain immobilier imposable de CHF 1'171'068.- pour une durée de possession de quatorze ans, du 1er janvier 2004 au 11 décembre 2018.

9) Mme A______ a élevé réclamation contre le bordereau précité et a requis d’arrêter l’avis de taxation à CHF 0.-.

La cessation de l’activité commerciale ou de l’affermage ne donnait pas systématiquement lieu au transfert de la fortune commerciale à la fortune privée. Un tel transfert étant assimilé à une aliénation, il aurait dû donner lieu à une imposition au 31 décembre 2003 ou au 1er janvier 2004. Aucun impôt spécial n’avait été prélevé à ce moment-là. La parcelle avait figuré dans sa fortune commerciale dès le 28 janvier 1987. Le taux de l’IBGI devait être fixé à 0 %. En outre, la parcelle se situant en zone agricole et servant à une exploitation, elle satisfaisait aux conditions pour bénéficier de l’exception en faveur des immeubles agricoles.

10) Par décision du 10 septembre 2019, l’AFC-GE a rejeté la réclamation et a maintenu la taxation contestée.

Une cessation d’activité commerciale entraînait un transfert du patrimoine commercial au patrimoine privé. Ce transfert était pris comme origine de la propriété en cas de vente du bien.

11) Par acte expédié le 9 octobre 2019, Mme A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision précitée en concluant à son annulation et à ce que le taux de l’IBGI soit fixé à 0 %.

Elle a notamment produit une copie du bail à loyer conclu avec M. B______, daté du 1er janvier 2004 et rédigé sur une formule-type contenant la mention « Asloca Romande - 2007 ». Le contrat commençait le 1er janvier 2004 pour une durée indéterminée.

12) Par jugement du 9 novembre 2020, le TAPI a rejeté le recours.

Mme A______ avait mis fin à son activité lucrative d'horticultrice indépendante au 31 décembre 2003 et en avait informé l’AFC-GE. La parcelle était à cette date passée dans sa fortune privée. Sa mise à bail n’y changeait rien dans la mesure où l’intéressée n’avait pas informé l’AFC-GE vouloir l’aliéner. Une telle intention ne ressortait pas du bail à loyer, lequel avait été conclu postérieurement à l’année 2007. La location de la parcelle n’était pas temporaire en vue de sa vente ultérieure. En revanche, le fermage avait été conclu pour une durée « indéterminée ». En outre, l’absence de taxation en 2004 n’avait aucune incidence sur le transfert de la parcelle dans la fortune privée de l’intéressée. Les conditions d'application du principe de la bonne foi n’étaient pas réunies.

Le transfert de la fortune commerciale à la fortune privée de Mme A______ représentant la dernière aliénation déterminante pour fixer la durée de la possession et ayant eu lieu quatorze ans avant la vente de la parcelle, le taux de 10 % appliqué par l'AFC-GE pour calculer le montant de l'IBGI n’était pas critiquable.

13) Par acte expédié le 14 décembre 2020, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité en concluant à son annulation et à la modification de la taxation contestée dans la mesure où il est retenu que l’origine de la propriété remonte au 28 janvier 1987 et le taux applicable à l’IBGI fixé à 0 %.

Elle n’avait pas abruptement cessé son activité commerciale. Durant la période 2002 à 2018, elle avait continué à exercer, de manière restreinte, certains travaux sur la parcelle et à rendre différents services. Elle préparait la vente de la parcelle depuis la conclusion du contrat de fermage. Les parties avaient signé une convention relative à l’achat en 2013. Les fermiers locataires cherchaient des capitaux pour acquérir la parcelle depuis de nombreuses années. La CFA avait en 2017 approuvé le projet de vente.

Le TAPI avait violé les dispositions relatives au transfert de la fortune commerciale à la fortune privée. L’affermage pouvait être assimilé à une réalisation uniquement si, selon toutes les prévisions, elle apparaissait comme irrévocable et si la reprise de l’exploitation par son propriétaire semblait exclue. Il ne devait pas représenter une mesure provisoire même dans l’attente de trouver un acheteur ou de remettre la parcelle à un héritier. En annonçant avoir arrêté son activité lucrative fin 2003, elle n’avait pas demandé le transfert de sa parcelle dans sa fortune privée. La période s’étalant de 2003 à 2018 avait pour but de mettre en œuvre le processus de cessation de son activité et de concrétiser en douceur le transfert de la parcelle. La commune intention des parties lors du fermage était de conclure un contrat de location provisoire jusqu’au moment où les locataires rassembleraient les ressources nécessaires pour acquérir l’immeuble. Ceux-ci versaient une somme annuelle de CHF 24'000.- en vue de l’achat éventuel de la parcelle. Cela n’était pas pour les parties une éventualité, mais une finalité de la location. L’affermage était uniquement une étape vers la réalisation de la vente.

Aucune imposition sur le prétendu transfert de la parcelle dans la fortune privée n’avait eu lieu en 2004 au titre de revenu d’une activité indépendante. De plus, aucun élément sur le plan fiscal ne laissait penser au transfert de l’immeuble de la fortune commerciale vers la fortune privée au moment de la conclusion du contrat de fermage. L’impôt pour les agriculteurs touchait uniquement des éléments qui avaient été amortis ou économisés par le passé et non la plus-value. Un agriculteur qui avait gardé ses terres pendant plus de vingt-cinq ans n’était touché ni par l’IBGI ni par l’impôt sur le revenu. En décidant de l’imposer sur la vente de son immeuble, le TAPI avait violé la volonté du législateur. De plus, la date de calcul du taux de l’IBGI commençait à courir en 1987 et non en 2004. Le taux d’imposition était de 0 % et non de 10 % dans la mesure où elle détenait la parcelle depuis trente-un ans.

Le TAPI avait également violé le principe de la bonne foi. Le silence de l’AFC-GE durant près de quatorze ans permettait de douter de sa bonne foi. Se basant sur l’inaction de l’autorité fiscale, elle avait estimé que sa parcelle faisait toujours partie de sa fortune commerciale. Le mutisme de l’AFC-GE au sujet de la « requalification » de la parcelle devait lui profiter. En outre, le jugement du TAPI était arbitraire. Sans la volonté de transfert explicitement exprimée par un agriculteur, sa fortune commerciale ne pouvait être intégrée dans sa fortune privée. De plus, le gain dégagé de la vente était exonéré, à l’exception des amortissements cumulés.

14) L’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

La disposition légale considérant l’affermage d’une exploitation commerciale comme un transfert dans la fortune privée à la demande du contribuable n’était pas applicable. Mme A______ l’avait informée dans sa déclaration fiscale 2004 avoir cessé son activité d’horticultrice indépendante au 31 décembre 2003 sans émettre de réserve quant à une aliénation différée de son entreprise ou d’une mise à bail de la parcelle limitée dans le temps. Elle n’avait pas contesté les taxations notifiées dès 2004 dans lesquelles elle n’était plus imposée sur une fortune commerciale, tous ses biens étant passés en fortune privée. Elle n’avait pas dans les périodes postérieures à la cession de son activité indépendante informé l’AFC-GE de son intention de reprendre celle-ci. Le transfert de ses actifs commerciaux était dès lors intervenu au moment de la cessation de son activité lucrative, au 31 décembre 2003.

L’affermage de sa parcelle en lien avec l’exploitation horticole avait un caractère durable. Dès 2004, l’exploitation agricole avait été reprise par des locataires pour une durée indéterminée. Une aide bénévole aux nouveaux exploitants ne démontrait pas la continuation de son activité indépendante. L’ensemble des éléments contenus dans le contrat de fermage démontraient la cessation de son activité indépendante au 31 décembre 2003. Le contrat démontrait également l’absence d’intention de l’intéressée à reprendre une activité indépendante sur cette parcelle. Dès 2004, également, les avis de taxation n’imposaient aucun actif commercial en fortune. L’intéressée ne pouvait pas prétendre à la fois à un transfert des biens commerciaux dans la fortune privée et au maintien de sa parcelle dans sa fortune commerciale. Le principe de la bonne foi n’avait dès lors pas été violé, celui de l’interdiction de l’arbitraire non plus. Le TAPI s’était fondé sur des principes jurisprudentiels applicables au moment de la cessation de l’activité de l’intéressée. Celle-ci avait en outre en 2004 bénéficié d’une taxation favorable, l’AFC-GE ayant omis d’imposer ses réserves latentes.

15) Dans sa réplique, Mme A______ a soutenu que la signature du bail après 2013 démontrait que la parcelle n’avait pas été transférée dans sa fortune privée en 2004. Le loyer avait été versé « en vue de l’achat éventuel ». Rien ne démontrait en outre l’existence des réserves latentes à taxer. L’autorité devait supporter les conséquences de ses actions et inactions. Elle pouvait de bonne foi soutenir l’absence d’un transfert de fortune dans la mesure où l’AFC-GE n’avait pas taxé le transfert de fortune en 2004. Le comportement de celle-ci s’étalant sur seize ans, elle avait cru à la régularité de sa situation et à l’absence d’un transfert de fortune. Si elle avait eu connaissance du transfert de sa parcelle dans sa fortune privée, elle aurait pu librement agencer la vente et ainsi réduire l’impôt dû en cas de remploi.

16) Ensuite de quoi, la cause a été gardée à juger le 11 mars 2021.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17).

2) La présente cause a trait à la perception de l’IBGI suite à la vente d’une parcelle de la recourante, le 5 décembre 2018, et à la question de savoir si cet immeuble est passé dans sa fortune privée depuis la cessation de son activité d’horticultrice indépendante, le 31 décembre 2003.

3) a. L’impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus du contribuable, qu’ils soient uniques ou périodiques provenant de l’activité lucrative indépendante (art. 7 al. 1 de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 - LHID - RS 642.14), parmi lesquels figurent, aux termes de l’art. 8 al. 1 LHID, tous les bénéfices en capital provenant de l’aliénation, de la réalisation ou de la réévaluation comptable ou du transfert dans la fortune privée d’éléments de la fortune commerciale. À teneur de l’art. 8 al. 2 LHID, la fortune commerciale comprend tous les éléments de la fortune qui servent, entièrement ou de manière prépondérante, à l’exercice de l’activité lucrative indépendante. La notion de fortune commerciale, définie dans le contexte de l'impôt sur le revenu à l'art. 8 al. 2 LHID en droit harmonisé, est la même que celle qui prévaut dans le domaine de l'impôt sur les gains immobiliers (arrêts du Tribunal fédéral 2C_501/2020 du 15 mars 2021 consid. 6.1.1 ; 2C_156/2015 du 5 avril 2016 consid. 2.2.3).

b. En vertu de l’art. 12 al. 1 LHID, l’impôt sur les gains immobiliers a pour objet les gains réalisés lors de l’aliénation de tout ou partie d’un immeuble faisant partie de la fortune privée du contribuable à condition que le produit de l’aliénation soit supérieur aux dépenses d’investissement (prix d’acquisition ou autre valeur s’y substituant, impenses). Les cantons peuvent percevoir l’impôt sur les gains immobiliers également sur les gains réalisés lors de l’aliénation d’immeubles faisant partie de la fortune commerciale du contribuable, à condition que ces gains ne soient pas soumis à l’impôt sur le revenu ou sur le bénéfice ou que l’impôt sur les gains immobiliers soit déduit de l’impôt sur le revenu ou sur le bénéfice (art. 12 al. 4 LHID).

c. En droit genevois, le système d’imposition des gains immobiliers comporte des particularités.

D’une part, les gains immobiliers issus de l’aliénation d’immeubles détenus à titre professionnel sont soumis à l’imposition ordinaire du revenu de l’activité indépendante (art. 19 al. 1 de la loi sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 - LIPP - D 3 08) ou des bénéfices d’une personne morale (art. 12 al. 1 let. a ou j de la loi sur l’imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 - LIPM - D 3 15).

D’autre part, l’art. 80 al. 1 de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre 1887 (LCP - D 3 05) instaure un impôt spécial, soit l’IBGI, lequel a pour objet le bénéfice net provenant de l’aliénation d’immeubles ou de parts d’immeubles sis dans le canton, ainsi que certains gains que ces immeubles procurent sans aliénation (art. 80 al. 1 LCP). L’impôt est dû par l’aliénateur ou le bénéficiaire du gain (art. 80 al. 3 LCP). Le transfert d’un immeuble ou d’une part d’immeuble de la fortune privée dans la fortune commerciale ou l’inverse est considéré comme une aliénation (art. 80 al. 5 LCP). Le mode de détermination du gain immobilier est détaillé à l’art. 82 LCP, notamment la façon dont les valeurs d’acquisition et d’aliénation doivent être déterminées. Le taux de l’impôt figure à l’art. 84 LCP. Ce dernier est dégressif en fonction de la durée de possession et est de 10 % lorsqu’il a été détenu pendant dix ans au moins (art. 84 al. 1 let. f LCP) et de 0 % lorsqu’il l’a été pendant vingt-cinq ans et plus (art. 84 al. 1 let. g LCP). Par ailleurs, toute aliénation ou prestation doit être déclarée au département des finances, soit pour lui à l’AFC-GE (art. 4 al. 1 LPFisc), par l’aliénateur ou le bénéficiaire du gain sur un formulaire établi par celui-ci en y joignant les pièces justificatives (art. 86 LCP).

4) Toute aliénation d’immeubles est imposable. Est notamment assimilée à une aliénation le transfert de tout ou partie d’un immeuble de la fortune privée à la fortune commerciale du contribuable (art. 12 al. 2 let. b LHID ; art. 80 al. 5 LCP précité qui prévoit aussi l’opération inverse, soit le transfert de la fortune commerciale à la fortune privée). Le moment déterminant pour le passage de la fortune commerciale dans la fortune privée est celui où le contribuable manifeste de manière claire et précise, expressément ou par actes concluants, aux autorités fiscales sa volonté de transférer l'élément en cause dans sa fortune privée (arrêts du Tribunal fédéral 2C_851/2015 du 3 juin 2016 consid. 4.2 ; 2C_728/2015 du 1er avril 2016 consid. 4.2).

5) a. L'affection d'un bien à la fortune commerciale suppose, d'une part, l'existence d'une activité lucrative indépendante et, d'autre part, le fait que le bien en question serve à cette activité (ATF 134 V 250 consid. 4.2).

b. Constitue une activité lucrative indépendante toute activité entreprise par une personne à ses propres risques, avec la mise en œuvre de travail et de capital, dans une organisation librement choisie dans le but d'obtenir un gain (ATF 125 II 113 consid. 5b ; 122 II 446 consid. 3c). Une telle activité peut être exercée à titre principal ou accessoire, de manière durable ou temporaire. Pour déterminer si l'on se trouve en présence d'une activité lucrative indépendante, il convient de se fonder sur l'ensemble des circonstances du cas ; les différents critères ne doivent pas être examinés de manière isolée, et peuvent être réalisés avec une intensité variable (ATF 125 II 113 consid. 5b ; 122 II 446 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_501/2020 précité consid. 7.1.1). Valent comme indices d'une activité lucrative indépendante dépassant la simple administration de la fortune privée le caractère systématique et/ou planifié des opérations, la fréquence élevée des transactions, la courte durée de possession des biens, la relation étroite entre l'activité indépendante (accessoire) supposée et la formation et/ou la profession (principale) du contribuable, l'utilisation de connaissances spécialisées, l'engagement de fonds étrangers d'une certaine importance pour financer les opérations, le réinvestissement du bénéfice réalisé ou encore la constitution d'une société de personnes (arrêt du Tribunal fédéral 2C_501/2020 précité consid. 7.1.1).

c. Lorsqu'un contribuable cesse son activité lucrative indépendante et en informe les autorités fiscales, le bénéfice en capital réalisé lors du passage d'éléments de sa fortune commerciale dans sa fortune privée doit en principe être imposé, à condition que ledit contribuable n'ait pas expressément indiqué son intention d'aliéner ultérieurement ces éléments dans le cadre de la liquidation de son entreprise (aliénation différée) ou de donner celle-ci provisoirement à bail, notamment jusqu'à sa vente à un tiers ou jusqu'à son transfert à ses héritiers (ATF 126 II 473 consid. 3b ; 125 II 113 consid. 6c/aa ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_729/2015 du 1er avril 2016 consid. 4.2).

d. L'affermage ne peut être assimilé à une réalisation que s'il apparaît, selon toutes prévisions, comme irrévocable et si la reprise de l'exploitation par son propriétaire semble exclue. Il ne doit donc pas représenter une mesure purement provisoire, même pas lorsqu'une telle mesure est prévue uniquement jusqu'à ce qu'un acheteur soit trouvé pour l'affaire ou que la remise à un héritier puisse être opérée. L'imposition d'un gain de liquidation à l'occasion du transfert d'éléments commerciaux dans la fortune privée ne doit avoir lieu que s'il est établi de manière indiscutable qu'il y a effectivement liquidation, car une telle imposition peut conduire à une charge fiscale lourde pour le propriétaire sur le plan économique, en particulier dans les cas d'affermage de l'exploitation. En conséquence, les autorités fiscales font preuve de retenue dans leur appréciation, sans que cela doive toutefois tourner au désavantage du fisc si le contribuable affirme plus tard que la réalisation du gain serait déjà intervenue précédemment et n'aurait pas été imposée à temps. Il n'est pas davantage exclu qu'en cours de contrat, l'affermage prenne le caractère d'une mesure définitive et qu'il soit ainsi nécessaire d'établir un décompte final à ce moment-là (ATF 126 II 473 consid. 3d ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_729/2015 précité consid. 4.2).

6) Ancré à l'art. 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi confère à un citoyen, à certaines conditions, le droit d'exiger des autorités qu'elles se conforment aux promesses ou assurances précises qu'elles lui ont faites et ne trompent pas la confiance qu'il ou elle a légitimement placée dans ces promesses et assurances. Pour qu'un administré puisse se prévaloir de la protection de la bonne foi, il faut notamment que l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à son égard et que l'administré se soit fondé sur ses assurances ou le comportement de l'autorité pour prendre des dispositions auxquelles il ne peut renoncer sans subir de préjudice (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2 ; 131 II 627 consid. 6.1). La protection de la bonne foi peut, exceptionnellement, découler d'une abstention de l'autorité. Toutefois, un engagement implicite de l'autorité n'est pas facilement admis et doit résulter de circonstances concluantes (arrêts du Tribunal fédéral 2C_501/2020 précité consid. 8.2 ; 2C_771/2010 du 22 mars 2011 consid. 5.2 et 5.3 et les références).

7) En l’espèce, la recourante fait grief au TAPI d’avoir violé les dispositions relatives au transfert de sa fortune commerciale à sa fortune privée, confirmé l’imposition de sa parcelle, procédé à une constatation inexacte des faits et violé le principe de la bonne foi ainsi que celui de l’interdiction de l’arbitraire. Elle conteste la durée de possession de sa parcelle de quatorze ans retenue par le TAPI et le taux de 10 % appliqué à l’IBGI.

a. En se prévalant d’une durée de possession de la parcelle de trente-un ans, la recourante allègue que l’immeuble a fait partie de sa fortune privée depuis 1987, de sorte que l’exercice de son activité d’horticultrice indépendante n’a eu aucun effet sur cette qualification et que, par conséquent, aucun montant au titre de l’IBGI n’est dû à la suite de la vente de 2018.

Il ressort du dossier que, depuis l’acquisition de la parcelle en 1987, la recourante a exercé une activité commerciale sur son exploitation agricole jusqu’au 31 décembre 2003. L’activité bénévole qu’elle soutient avoir exercée, dès 2004 auprès des locataires fermiers de la parcelle, ne relève pas d’une activité commerciale telle que définie par la jurisprudence précitée. Jusqu’à la cessation de son activité horticole, la parcelle de la recourante appartenait à sa fortune commerciale dans la mesure où elle servait à l’exercice de celle-ci. Elle était taxée à ce titre jusqu’au 31 décembre 2003. Par ailleurs, le contrat de fermage formalisé en 2013, initialement conclu pour une durée indéterminée selon la formule-type « Asloca Romande - 2007 » produite devant le TAPI, et de manière contradictoire, jusqu’au 30 juin 2015 d’après la convention du 30 avril 2013, alors que le loyer était déjà versé depuis le 1er janvier 2004, constitue un indice que la parcelle concernée est passée dans la fortune privée de la recourante au moment de la cessation de son activité indépendante. Savoir si l’affermage était conclu pour une durée indéterminée ou non n’est pas pertinent pour le transfert de la parcelle de la fortune commerciale à la fortune privée, celle-ci s’étant déjà opérée au 31 décembre 2003. De plus, la recourante a, dès les déclarations fiscales 2004 à 2017, fait figurer sous la remarque « immeubles locatifs ou loués » la parcelle concernée et les loyers capitalisés dans sa fortune privée.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que le cadre général dans lequel s’est inscrite l’acquisition de la parcelle en 1987, celle-ci relevait de la fortune commerciale de la recourante, et non de sa fortune privée. C’est au moment où elle a cessé son activité d’horticultrice indépendante au 31 décembre 2003 que le transfert dans sa fortune privée s’est opéré, sans qu’il y ait besoin d’une manifestation de volonté de sa part. Par ailleurs, l’art. 18a al. 2 de loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) qu’elle invoque n’est entré en vigueur que le 1er janvier 2011, de sorte qu’elle ne peut pas s’en prévaloir.

En considérant que la parcelle de la recourante est passée dans sa fortune privée au moment où elle a cessé d’exercer son activité d’horticultrice indépendante, le 31 décembre 2003, l’AFC-GE et ensuite le TAPI n’ont violé ni la loi ni le principe de l’interdiction de l’arbitraire.

b. La recourante se prévaut de l’absence de taxation intervenue depuis la cessation de son activité commerciale, soutenant que l’autorité intimée, bien qu’au courant de l’ensemble des éléments du dossier, aurait renoncé à son droit de taxer.

Les conditions d’application du principe de la bonne foi, restrictives en droit fiscal, ne sont pas réunies en l’espèce, dès lors qu’il ne ressort pas du dossier que l’AFC-GE aurait explicitement signalé à la recourante qu’elle considérait la parcelle en cause comme faisant partie de sa fortune commerciale après le 31 décembre 2003 ni donné à celle-ci des assurances avant la vente de l’immeuble en 2018.

Dans ces circonstances, la recourante ne peut pas se fonder sur l'absence de taxation au moment de la cessation de son activité et du transfert de son bien immobilier de sa fortune commerciale à sa fortune privée pour en déduire un droit sous l'angle de la protection de la bonne foi.

Il résulte de ce qui précède que le bénéfice immobilier réalisé par la recourante sur la vente de la parcelle en 2018, dont le montant a été établi sur la base d’une correcte application des dispositions légales topiques, constitue un revenu soumis à l’IBGI, que l’autorité intimée était en droit de taxer à ce titre. Le taux de 10 % appliqué est également conforme au droit, la possession de la parcelle de la recourante à prendre en considération étant de quatorze ans, de la cessation de son activité indépendante à la vente.

Le jugement du TAPI qui confirme la décision sur réclamation de l’autorité intimée est dès lors conforme au droit.

Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours.

8) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 décembre 2020 par Madame A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 9 novembre 2020 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de Madame A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Louise Bonadio, avocate de la recourante, à l'administration fiscale cantonale ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, Mmes Rapp et Tombesi, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :