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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/485/2017

ATA/1281/2018 du 27.11.2018 sur JTAPI/1030/2017 ( ICC ) , REJETE

Recours TF déposé le 17.01.2019, rendu le 28.01.2019, REJETE, 2C_59/2019
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/485/2017-ICC ATA/1281/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 novembre 2018

4ème section

 

dans la cause

 

Madame et Monsieur A______

représentés par Monsieur Jean-Marc Wasem, mandataire

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 2 octobre 2017 (JTAPI/1030/2017)


EN FAIT

1. En 2007, Monsieur A______ était actionnaire unique et administrateur disposant de la signature individuelle de la société B______ LTD (ci-après : la société), dont la raison sociale et le but ont été modifiés le 29 juillet 2008 en « C______ SA ».

Le but statutaire de la société est actuellement : « fournir, via le département juridique de la société, en Suisse et à l'étranger, par l'intermédiaire d'avocats dûment habilités à pratiquer le barreau en Suisse et enregistrés à cet effet en Suisse, ainsi que par leurs auxiliaires, les prestations caractéristiques des activités de l'avocat, en particulier les conseils juridiques, la négociation et la préparation de contrats et transactions, l'assistance et la représentation de parties en justice, dans les domaines du droit civil, du droit pénal, du droit administratif, du droit commercial et du droit immobilier ; réaliser, via le département services de la société, tous mandats régulièrement accomplis par les avocats mais non typiques de l'activité d'avocats, en particulier de conseils et d'intermédiation en matière financière et immobilière ».

2. Par bordereau du 11 décembre 2012, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a taxé Madame et Monsieur A______ (ci-après : les époux A______) pour l’année 2007 en arrêtant à CHF 5'346'200.- le montant de la participation détenue par M. A______ dans la société. L’ICC se chiffrait à CHF 95'812.20.

3. Statuant sur réclamation le 9 mars 2015, l’AFC-GE a ramené le montant de la participation et celui de l’ICC à, respectivement, CHF 2'028'700.- et à CHF 48'794.80.

4. Par acte du 6 avril 2015, les époux A______ ont interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision sur réclamation précitée, concluant à son annulation et à ce qu’il soit constaté que la valeur des actions était nulle, ainsi qu’à la notification d’un nouveau bordereau.

Il était notamment rappelé dans l'acte de recours que les autorités fiscales suisses avaient adopté la circulaire n° 28 de la Conférence suisse des impôts intitulée « instructions concernant l’estimation des titres non cotés en vue de l’impôt sur la fortune » (ci-après : la circulaire n° 28) afin d'uniformiser l'estimation des titres non cotés, et invoqué que l'AFC-GE n'avait pas tenu compte de diverses recommandations de la circulaire n° 28.

5. Par jugement du 21 mars 2016, le TAPI a admis partiellement le recours et a renvoyé le dossier à l'AFC-GE pour nouvelle taxation dans le sens des considérants.

L’AFC-GE devait évaluer la participation en appliquant la circulaire n° 28, dans sa version du 21 août 2006.

Si, comme le souhaitaient les époux A______, l'évaluation des titres de la société était effectuée en tenant compte une fois de la valeur de rendement et une fois de la valeur de substance, sur la base des comptes clos en 2007 le résultat obtenu serait de CHF 5'338'424.- et s'avérerait ainsi supérieur à la valeur de CHF 2'028'700.- déterminée sur la base des comptes clos en 2006.

Ce jugement n'a pas fait l’objet d’un recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), et est entré en force.

6. Le 19 août 2016, l’AFC-GE a établi un bordereau de taxation rectificatif faisant suite au jugement du TAPI du 21 mars 2016. L’ICC se chiffrait à CHF 103'132.50. À teneur de l’avis de taxation, la valeur de la participation avait été fixée à CHF 7'464'400.-.

Ce bordereau n'a pas fait l'objet d'une réclamation.

7. Par acte du 10 février 2017, les contribuables ont sollicité du TAPI la révision de son jugement du 21 mars 2016, relevant qu'ils avaient pris connaissance du résultat de leur taxation en ICC de la période fiscale 2007 le 23 novembre 2016, lorsque le service de taxation des indépendants leur avait notifié par courriel le bordereau de taxation du 19 août 2016. En application du jugement précité, ce bordereau rectificatif fixait la valeur de la participation et de l’ICC à respectivement CHF 7'464'400.- et CHF 103'132.50.

Malgré l’admission de leur recours, il en était résulté un doublement de l’impôt dû. Or, ils n’avaient pas été informés que le jugement conduirait à une reformatio in pejus de leur taxation. Ils n’avaient pas non plus été en mesure de faire valoir leurs arguments à ce sujet, ni de retirer leur recours devant le TAPI, ni de recourir devant la chambre administrative. En conséquence, la taxation datée du 19 août 2016 devait être annulée.

8. Par jugement du 2 octobre 2017, le TAPI a déclaré irrecevable la demande de révision déposée par les époux A______.

Contrairement à ce que soutenait l'AFC-GE, le bordereau rectificatif du 19 août 2016 ne constituait pas une simple mesure d'exécution, non sujette à recours, du jugement du TAPI du 21 mars 2016. En effet, il contenait des éléments nouveaux par rapport à ce jugement, à savoir le montant de la participation calculé par application de la circulaire n° 28 et l'ICC nouvellement déterminé. Une telle décision était dès lors susceptible de recours, dont l'objet était limité à l'évaluation des titres de la société.

Les époux A______ n'avaient pas contesté leur taxation rectificative du 19 août 2016 par la voie du recours ordinaire, si bien que celle de la révision leur était fermée.

9. Par acte posté le 2 novembre 2017, les époux A______ ont interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement précité, concluant à son annulation et à l'octroi d'une indemnité de procédure.

Le jugement du TAPI du 21 mars 2016 ne faisait aucune mention d'une reformatio in pejus. Eux-mêmes n'avaient pas reçu directement le bordereau du 19 août 2016, mais en avaient eu connaissance après un rappel de paiement, le 23 novembre 2016.

Leur demande en révision avait pour motif la découverte de la violation par le TAPI du principe d'annonce obligatoire de la reformatio in pejus. Dans la mesure où le jugement du TAPI ne laissait pas apparaître une aggravation de la taxation, ils n'avaient pas été en mesure soit de faire valoir leurs arguments et d'apporter d'autres moyens de preuve, soit de retirer leur recours, soit de recourir.

Il n'était pas vrai qu'ils n'avaient pu ignorer les conséquences du jugement du 21 mars 2016 sur leur taxation. Le contribuable était certes avocat, mais pas fiscaliste, et leur mandataire n'était pas expert fiscal. Il ne pouvait donc leur être reproché de n'avoir pu anticiper les effets négatifs du jugement sur leur taxation. La voie de la révision était donc ouverte.

Quant à la possibilité de contester le bordereau rectificatif, l'AFC-GE n'avait fait qu'appliquer strictement le jugement du TAPI, le bordereau rectificatif ne contenant aucun élément nouveau et constituant une simple mesure d'exécution. La circulaire n° 28 définissait une méthode de valorisation mathématique des titres et participations qui, basée sur les résultats et les bilans de l'entreprise, ne laissait aucune place à l'appréciation ni à l'interprétation. Il ne pouvait dès lors leur être reproché de ne pas avoir contesté leur taxation définitive.

10. Le 7 novembre 2017, le TAPI a communiqué son dossier sans formuler d'observations.

11. Le 17 janvier 2018, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

À la lecture du jugement du TAPI du 21 mars 2016, il était possible de déceler la reformatio in pejus. Le TAPI avait ainsi parfaitement exposé les faits, et avait notamment indiqué que l'AFC-GE avait appliqué une ancienne pratique d'estimation qui ressortait de l'édition 1982 des instructions, dès lors que les fonds propres de la société étaient nuls et afin que le contribuable ne voie pas sa situation péjorée. Le TAPI avait relevé que la solution adoptée par l'AFC-GE l'avait été parce que les fonds propres de la société étaient nuls et pour ne pas péjorer la situation du contribuable.

En outre, bien qu'ils n'aient pas été représentés par un avocat fiscaliste, les époux A______ l'avaient été par une fiduciaire, et donc un mandataire professionnellement qualifié.

12. Le 25 janvier 2018, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 23 février 2018 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

13. Aucune des parties ne s'est manifestée depuis lors.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 - et 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Les recourants demandent la révision du jugement du TAPI du 21 mars 2016.

3. Selon les art. 147 al. 1 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) et 55 al. 1 LPFisc, une décision ou un prononcé entré en force peut être révisé en faveur du contribuable, à sa demande ou d’office, lorsque des faits importants ou des preuves concluantes sont découverts (let. a), lorsque l’autorité qui a statué n’a pas tenu compte de faits importants ou de preuves concluantes qu’elle connaissait ou devait connaître, ou qu’elle a violé de quelque autre manière l’une des règles essentielles de la procédure (let. b) ou lorsqu’un crime ou un délit a influé sur la décision ou le prononcé (let. c).

La demande de révision doit être déposée dans les nonante jours qui suivent la découverte du motif de révision, mais au plus tard dans les dix ans qui suivent la notification de la décision ou du prononcé (art. 56 LPFisc).

La révision d’une décision ou d’un prononcé est de la compétence de l’autorité qui a rendu cette décision ou ce prononcé (art. 57 al. 1 LPFisc). S’il existe un motif de révision, l’autorité annule la décision ou le prononcé antérieur et statue à nouveau (art. 57 al. 2 LPFisc).

4. a. Par ailleurs, la révision est exclue lorsque le requérant a invoqué des motifs qu’il aurait déjà pu faire valoir au cours de la procédure ordinaire s’il avait fait preuve de toute la diligence qui pouvait raisonnablement être exigée de lui (art. 147 al. 2 LIFD et 55 al. 2 LPFisc).

La jurisprudence se montre stricte dans l'obligation de diligence imposée au requérant (arrêt du Tribunal fédéral 2C_917/2015 du 29 octobre 2015 consid. 2.1 ; 2C_754/2015 du 14 septembre 2015 consid. 2.3 ; 2C_581/2011 du 27 mars 2012 consid. 3.1).

b. Constituent des faits nouveaux susceptibles d’entraîner une révision d’une décision selon les dispositions légales précitées, des faits qui n’étaient pas connus mais existaient déjà au moment de la décision, plus précisément à la date à laquelle ils pouvaient encore être allégués en procédure, mais dont l'auteur de la demande a été empêché, sans sa faute, de faire état dans la procédure précédente. Les faits nouveaux ne peuvent entraîner la révision que s'ils sont importants, c'est-à-dire de nature à influer sur l'issue de la contestation, à savoir s'ils ont pour effet qu'à la lumière de l'état de fait modifié, l'appréciation juridique doit intervenir différemment que dans le cas de la précédente décision (ATA/923/2018 du 11 septembre 2018 consid. 3b ; ATA/207/2015 du 24 février 2015).

5. La nullité absolue d'une décision peut être invoquée en tout temps et doit être constatée d'office. Elle ne frappe que les décisions affectées des vices les plus graves, manifestes ou du moins facilement reconnaissables et pour autant que sa constatation ne mette pas sérieusement en danger la sécurité du droit. Hormis les cas expressément prévus par la loi, il ne faut admettre la nullité qu'à titre exceptionnel, lorsque les circonstances sont telles que le système d'annulabilité n'offre manifestement pas la protection nécessaire (ATF 138 II 501 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_474/2017 du 13 décembre 2017 consid. 3.2). Entrent avant tout en considération comme motifs de nullité l'incompétence fonctionnelle et matérielle de l'autorité appelée à statuer, ainsi que de graves vices de procédure (ATF 138 II 501 consid. 3.1 ; 138 III 49 consid. 4.4.3 ; 137 I 273 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_111/2016 du 8 décembre 2016 consid. 5).

6. En l'espèce, il en va de deux choses l'une : soit, comme le soutient l'AFC-GE, et dans une large mesure les recourants eux-mêmes, la reformatio in pejus ressortait matériellement du jugement du TAPI, et l'application de la circulaire n° 28 dans sa dernière version, telle qu'ordonnée par celui-ci, conduisait inexorablement à un résultat défavorable aux recourants ; soit, comme l'a jugé le TAPI, son jugement de renvoi n'emportait pas encore une telle conséquence, et c'est le calcul opéré par l'AFC-GE dans le bordereau rectificatif qui a péjoré la situation des recourants.

Or point n'est besoin de trancher laquelle de ces deux hypothèses est exacte, dès lors qu'il n'y en a pas d'autre et que dans les deux cas, la procédure ordinaire – de recours dans le premier cas et de réclamation dans le second – aurait permis aux recourants de faire valoir leurs arguments, notamment procéduraux.

À cet égard, même en admettant que c'est le TAPI qui a procédé à une reformatio in pejus sans l'annoncer préalablement, la faute procédurale commise n'apparaît pas, dans le contexte de la présente espèce, comme suffisamment grave pour justifier un constat de nullité, puisque d'une part la voie du recours et l'annulabilité du jugement considéré offraient la protection nécessaire, et que d'autre part le jugement du TAPI correspondait pour l'essentiel aux conclusions des recourants devant lui, ceux-ci ayant précisément revendiqué dans leurs écritures l'application de la circulaire n° 28.

On relèvera par ailleurs, à titre superfétatoire, que les recourants ne peuvent invoquer leur mauvaise compréhension des décisions rendues, d'une part car il appartient à tout administré qui ne comprend pas la portée d'une décision de justice de se la faire expliquer au besoin par un tiers qualifié, et d'autre part car ils étaient précisément défendus par-devant le TAPI par un mandataire professionnellement qualifié en matière fiscale, le recourant étant au surplus avocat d'affaires.

Il découle de ce qui précède que le jugement attaqué est conforme au droit, et que le recours, mal fondé, sera rejeté.

7. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge des recourants, qui succombent (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 2 novembre 2017 par Madame et Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 2 octobre 2017 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Madame et Monsieur A______ un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur Jean-Marc Wasem, mandataire des recourants, à l'administration fiscale cantonale, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, Mme Junod, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :