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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/547/2007

ATA/15/2008 du 15.01.2008 ( DCTI ) , REJETE

Descripteurs : ; CONSTRUCTION ET INSTALLATION ; PERMIS DE CONSTRUIRE ; 5E ZONE ; ZONE À PROTÉGER
Normes : LPGRL.3 ; LCI.59 ; RALC.3.al3 ; LEaux.15.al6
Parties : RI REALIM / DEPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION, COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE DE CONSTRUCTIONS, SOCIETE D'ART PUBLIC
Résumé : Rejet d'un recours contre l'annulation par la CCRMC d'une autorisation de construire portant sur l'agrandissement d'une maison d'habitation en 5ème zone de construction. La parcelle concernée se trouve également dans le périmètre de protection institué par la LPGRL et figure dans la zone inconstructible prévue par la LEaux. D'une part, le projet d'agrandissement consistant en l'ajout d'un étage, la création de deux verrières, dont l'une avec mezzanine, ainsi que la construction d'une terrasse couverte/ouverte sur un hangar à bateau existant, excède le rapport de surface autorisé par la LPGRL et la LCI. D'autre part, il n'est pas conforme à un "agrandissement mesuré" tel que prévu par la LEaux, comme autorisable par dérogation à l'interdiction de construire sur les rives du lac.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/547/2007-DCTI ATA/15/2008

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 15 janvier 2008

 

dans la cause

 

RI REALIM S.A.
représentée par Me Jacques Gautier, avocat

contre

SOCIéTé D’ART PUBLIC
représentée par Me Alain Maunoir, avocat

et

COMMISSION DE RECOURS EN MATIèRE DE CONSTRUCTIONS

et

DéPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION


EN FAIT

1. La société RI Realim S.A. (ci-après : RI Realim) est propriétaire de la parcelle n° 301, feuille 14 de la commune de Pregny-Chambésy, située au bord du lac, à l’adresse 282bis, route de Lausanne.

Une habitation d’une surface de 87 m2 et un hangar à bateau de 72 m2 sont édifiés sur la parcelle. Deux débarcadères, formant un port, sont construits en prolongement du bien-fonds. Ces constructions ont été faites suite à une autorisation délivrée par le département des travaux publics - devenu depuis lors le département des constructions et des technologies de l’information (ci-après : DCTI) - le 24 mars 1965.

Selon le DCTI, ce bien-fonds, d’une surface de 1706 m2, est situé pour partie en 5ème zone de construction au sens de l’article 19 alinéa 3 de la loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30) et pour partie "hors zone".

Cette dernière partie correspond à une surface de terrain de 780 m2 gagnée sur le lac à la suite du dépôt de la terre provenant des travaux de terrassement de la bretelle de l’autoroute. En échange de ces surfaces gagnées sur le lac, l’ancien propriétaire de la parcelle avait cédé à l’Etat de Genève une surface de terrain de 590 m2. Cet accord avait fait l’objet d’une loi adoptée par le Grand Conseil le 13 décembre 1963. Dans ce cadre, l’Etat de Genève avait renoncé à une servitude d’interdiction de bâtir qui grevait la parcelle, moyennant le paiement d’une soulte de CHF 100'000.-.

2. La parcelle est entièrement située dans le périmètre de protection institué par la loi sur la protection générale des rives du lac du 4 décembre 1992 (LPGRL - L 4 10) mais ne fait pas partie des surfaces inconstructibles prévues par le plan n° 28122 annexé à la loi. En revanche, la partie de la parcelle sur laquelle est édifiée la maison est située dans la zone couverte par le plan annexé à la loi sur les eaux du 5 juillet 1961 (LEaux - L 2 05).

Au nord-est, la parcelle n° 301 est bordée par la plage du Vengeron (parcelle n° 1588), issue également des travaux de remblayage, propriété de l’Etat de Genève; au sud-sud-ouest elle jouxte une zone villas.

3. Par requête du 3 mai 2005, enregistrée sous DD 99'918-7 par le DCTI, RI Realim a sollicité la délivrance d’une autorisation de construire portant sur l’agrandissement et la réhabilitation de l’habitation. La surface future du rez-de-chaussée était de 171,5 m2 et celle de l’étage de 134 m2, plus une terrasse couverte/ouverte de 85 m2.

4. Lors de l’instruction de la requête, les préavis suivants ont été délivrés :

- le 28 juin 2005, la commune a rendu un préavis favorable ;

- le 30 juin 2005, le domaine de l’eau a rendu un préavis défavorable et a demandé un complément ; 

- le 5 juillet 2005, l'administration fédérale des douanes ont constaté que les travaux ne concernaient pas directement le marchepied, qui lui était réservé;

- le 18 juillet 2005, la direction du génie civil a rendu un préavis favorable sous diverses réserves, notamment de la renonciation par la requérante à toutes prétentions en dommages et intérêts liées aux nuisances sonores découlant de l’exploitation de l’autoroute située à environ 70 mètres ;

- le 20 juillet 2005, la commission des monuments, de la nature et des sites, soit pour elle la sous-commission nature et sites (ci-après : CMNS et SCNS) a rendu un préavis défavorable demandant une modification du projet. Le bâtiment avait été construit en 1964 par l’architecte Joseph Boschung et il avait une valeur de protection patrimoniale au sens de l’article 4 de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05). L’agrandissement prévu consistait en une véranda située dans la zone inconstructible des 30 mètres depuis la rive. En l’état, les dérogations prévues à l’article 15 LEaux n’étaient pas applicables. Eu égard à la LPGRL, le projet proposait une intervention architecturale conforme au but général de la loi. Elle s’en remettait au préavis de la sous-commission monuments et architecture (ci-après : SCMA) pour l'aspect "patrimoine architectural ;

- le 21 juillet 2005, le service des monuments et des sites a rendu un préavis au terme duquel il s’en remettait à la commission d’architecture pour l’analyse architecturale, en relevant notamment que le bâtiment existant avait reçu une valeur 6 (objet altérant le site) lors du recensement architectural de Pregny-Chambésy ;

- le 28 juillet 2005, le service cantonal de l’énergie a demandé un complément et rendu un préavis favorable ;

- le 13 septembre 2005, la commission d’architecture (ci-après : CA), après avoir demandé des compléments, a rendu un préavis négatif avec une demande de modification du projet n° 2 enregistré le 14 juin 2005 ; le 25 octobre 2005, elle a ajouté qu’il convenait de vérifier la conformité du projet aux lois en vigueur ;

- le 18 novembre 2005, la direction du patrimoine et des sites a rendu un préavis défavorable, compte tenu de la nécessité impérative de préserver les rives du lac dans leurs caractéristiques naturelles, en limitant toute construction au bord de l’eau; l’application des dérogations prévues à l’article 15 LEaux n’était pas pertinente ;

- le 11 janvier 2006, la direction du patrimoine et des sites a rendu un préavis favorable annulant son préavis du 18 novembre 2005 ; en raison des développements proposés par les mandataires, elle n’émettait plus d’objections notamment sous l’angle de la sauvegarde du patrimoine et s’en remettait à la CA et à l’appréciation du DCTI pour ce qui concernait la conformité du projet à la LEaux et au règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RALCI - L 5 05 01) ainsi qu’à la LPGRL de même que pour l’indice d’utilisation du sol (ci- après : IUS) et enfin à l’appréciation du domaine de l’eau pour ce qui concernait la LEaux ;

- le 21 février 2006, le domaine de l’eau a rendu un préavis favorable, acceptant une dérogation à l’article 15 alinéa 1 LEaux.

5. Le 23 mars 2006, le DCTI a délivré l’autorisation sollicitée. Le même jour, le service des forêts, de la protection de la nature et du paysage a autorisé l’abattage des arbres indiqués dans le plan aux conditions d’une replantation d’arbres de hautes tige pour un montant d’au moins CHF 20'000.-.

6. Le 27 avril 2006, la Société d’art public, section genevoise de Patrimoine suisse (ci-après : SAP) a recouru contre l’autorisation de construire auprès de la commission cantonale de recours en matière de constructions (ci-après : CCRC). Les préavis étaient défavorables et la législation en vigueur n’autorisait en principe aucun agrandissement ni aucune transformation du bâtiment existant. A supposé qu’une dérogation soit possible, le projet proposé n’en respectait pas les conditions.

7. Par décision du 10 janvier 2007, la CCRC a admis le recours.

La construction autorisée en 1965, l’avait été hors zone à bâtir. Le Grand Conseil était seul compétent pour autoriser l’occupation du domaine public. L’Etat de Genève avait renoncé à une servitude d’interdiction de bâtir qui grevait précisément le bas de la parcelle. En conséquence, la construction était non-conforme à l’affectation de la zone au sens de l’article 24c de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin l979 (LAT - RS 700).

Les conditions de la rénovation étaient fixées par les articles 24 alinéa 2 LAT et 42 de l’ordonnance sur l’aménagement du territoire du 28 juin 2000 (OAT - RS 700.1). La surface actuelle était de 87, respectivement 82 m2 selon l’extrait du registre foncier. La surface prévue était de 363 m2. L’agrandissement ne satisfaisait pas aux conditions prévues par l’article 42 OAT. Selon les plans produits, le hangar à bateau, sur lequel une terrasse couverte était prévue, la toiture et le sol étaient isolés.

Le DCTI considérait que l’ensemble de la parcelle devait être affecté à la 5ème zone en application de l’article 36 alinéa 3 LAT.

8. Le 15 février 2007, RI Realim a recouru auprès du Tribunal administratif en concluant à l’annulation de la décision de la CCRC, avec suite de frais et dépens.

a. Les faits retenus par la CCRC étaient inexacts. Les constructions existantes avaient une surface totale de 448 m2 : le corps principal était de 87 m2, dont 82 m2 cadastrés; le hangar à bateaux de 72 m2 et les installations portuaires de 289 m2. La surface brut de plancher (ci-après : SPB) à prendre en compte était de 87 m2.

L’autorisation portait sur une surface totale de 114,5 m2 : corps principal 1er étage de 99 m2; rez-verrière, 37,5 m2; jardin d’hiver, 47 m2 et mezzanine 1er étage, 30 m2. Ces trois dernières surfaces étaient hors périmètre d’isolation thermique. La SBP serait donc de 186 m2 (87 + 99). La surface totale après l’extension, y compris les surfaces hors périmètres d’isolation thermique, non chauffées, serait donc de 300,5 m2 (87 + 99 + 37,5 + 47 + 30). La dalle du hangar n’était pas isolée. Il s’agissait d’une terrasse extérieure couverte/ouverte et la structure du plancher visait uniquement à compenser la pente de la dalle existante sans y incorporer d’isolation thermique. Il était donc inexact d'alléguer que la surface totale était de 363 m2. Seule la SBP de 186 m2 devait être prise en compte pour le calcul de la densité.

b. La parcelle n° 301 n’était pas en zone inconstructible. La partie de la parcelle sur laquelle se trouvait le bâtiment, objet de l’autorisation, était en "hors zone" suivant le plan de zone de l’Etat de Genève. Cela s’expliquait probablement par le fait que le plan de zone n’avait pas été modifié lorsque cette partie de terrain avait été gagnée sur le lac. La législation genevoise ne prévoyait pas de hors zone. A fortiori, aucune loi ne disait que les "hors zones" étaient inconstructibles. La lacune de la loi devait être comblée en tenant compte de toutes les circonstances.

En levant la servitude de non bâtir contre paiement, le Grand Conseil n’avait pu simultanément affecter la parcelle à une zone inconstructible. La volonté du Grand Conseil était bien d’affecter la totalité de la nouvelle parcelle n° 301 à la 5ème zone constructible. D’ailleurs, le bâtiment existant avait été autorisé sur la partie de la parcelle située "hors zone".

Postérieurement à la loi de 1963, le Grand Conseil n’avait jamais modifié l’affectation de cette parcelle. Il s’agissait d’une erreur matérielle.

c. La parcelle ayant une surface de 1'705 m2, une SBP maximale de 340 m2 pouvait être construite (1'705 X 20%). La nouvelle surface étant de 186 m2 ou 300,5 m2, l’on tenait compte des volumes hors périmètres d’isolation thermique et l’autorisation de construire était conforme à la loi.

d. Selon la LPGRL, la parcelle était en zone constructible avec une densité maximale de 0.2. L’autorisation était également conforme à cette exigence.

e. L’article 36 alinéa 3 LAT venait conforter cette solution. Selon la jurisprudence, pour que cette parcelle soit considérée comme une zone de non bâtir, il faudrait que des raisons spéciales et importantes le justifient, ce qui n’était pas le cas.

f. Subsidiairement, s’il fallait considérer qu’une partie de la parcelle était en zone inconstructible, il y avait lieu d’appliquer la garantie de la situation acquise au sens de la LEaux et de la LAT. Pour calculer l’augmentation de surface autorisable, il fallait prendre en compte l’intégralité des constructions et installations existantes, soit 453 m2, dont les 30% correspondent à environ 136 m2. La nouvelle surface habitable de 99 m2 correspondait à la notion d’agrandissement mesuré.

9. Le 16 mars 2007, la SAP a répondu au recours en concluant à son rejet avec suite de frais et dépens.

Le terme "hors zone" signifiait hors zone à bâtir. L’échange parcellaire et la loi de décembre 1963 étaient antérieurs à l’entrée en vigueur de la LAT et de la LaLAT. Seul le plan annexé à la LaLAT faisait foi et pouvait se voir conférer la force obligatoire déduite du droit fédéral. Aucun des documents produits ne démontrait que l’Etat aurait promis que la parcelle n° 301 serait placée en zone constructible. Il avait uniquement été convenu que le propriétaire de la parcelle pourrait construire un petit pavillon d’été ainsi qu’un port privé. Le propriétaire de l’époque n’avait d’ailleurs pas réagi lorsque la LAT était entrée en vigueur et que le plan de zone avait été adopté.

Le plan de zone ne pouvait être revu à l’occasion de la contestation d’une autorisation de construire. Il appartenait à RI Realim d’engager une procédure en modification des limites de zones.

Le plan annexé à la LPGRL désignait certains secteurs comme inconstructibles mais cela ne signifiait pas que tous les autres terrains étaient nécessairement constructibles.

L’article 36 alinéa 3 LAT était inapplicable au cas d’espèce. Cette règle était une disposition de droit transitoire destinées à définir le statut de parcelles non encore soumises à un plan de zone conforme à la LAT.

Le calcul du potentiel d’agrandissement conforme à l’article 24c LAT ne pouvait être fait en tenant compte des surfaces des aménagements extérieurs, dont des installations portuaires.

En outre, plusieurs préavis, dont celui de la CMNS et de la CA étaient négatifs, ce dont le DCTI n’avait pas tenu compte.

10. Le 19 mars 2007, le DCTI a fait part de ses observations.

La parcelle n° 301 était en zone constructible. Elle n’était encore classée dans aucune zone. L’article 36 alinéa 3 LAT était applicable. Une partie de la parcelle était en 5ème zone comme les parcelles qui se trouvaient au sud-sud-ouest. Ces dernières supportaient toutes des constructions, sous réserve des parcelles nos 846, 847 et 1715, appartenant à la commune de Pregny-Chambésy et utilisées comme plage pour les deux premières citées. La parcelle n° 301 était ainsi comprise dans la zone déjà bâtie au sens étroit voulu par l’article 36 LAT. Aussi, toute la parcelle devait être considérée comme faisant partie de la 5ème zone de construction.

Cette conclusion était confirmée par les intentions des parties à l’échange parcellaire de 1963 et par un arrêt du Tribunal fédéral du 26 janvier 1996 relatif aux parcelles nos 2470 et 3057 du cadastre de Bellevue, situées au nord de la plage du Vengeron. Dans cet arrêt, il était relevé que la mise en zone inconstructible, au sens de la LPGRL, des dites parcelles n’était pas justifiée par un intérêt public pertinent, vu l’absence de valeur esthétique du site. Il était inconcevable que les parties aient souhaité échanger 590 m2 de terrain situé en zone constructible contre 780 m2 de terrain situé en zone inconstructible. A cela s’ajoutait que l’Etat de Genève avait renoncé à une servitude de non-bâtir grevant l’entier de la parcelle, ce qui ne pouvait se comprendre que dans le sens que la parcelle telle qu’elle résultait de l’échange était constructible dans son entier.

Le projet étant conforme à la LPGRL et à la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), étant précisé que les dérogations nécessaires à la LEaux avaient été accordées. Il ne se justifiait pas d’examiner le projet sous l’angle des articles 24 et suivants LAT et 42 OAT.

Pour toutes ces raisons, le recours devait être admis et l’autorisation de construire confirmée.

11. Sur demande du juge délégué à l’instruction de la cause, le DCTI a transmis les dossiers concernant : une autorisation de construire un port privé (DD 47'859) délivrée le 24 mars 1965, sur la parcelle n° 301, feuille 14, commune de Pregny-Chambésy; une demande de renseignement (DR 17'267) du 4 décembre 1997 pour la construction d’un port de plaisance avec club nautique et bâtiment de police et société, parking, sur les parcelles nos 3058, 3164, feuille 8, commune de Bellevue et 1566, feuille 13, commune de Pregny-Chambésy; une autorisation d’installation d’un local technique, d’un mât et antenne pour télécommunications mobiles, armoire électrique et agrandissement d’un local souterrain (APA 15611/2) du 17 juillet 2000, sur la parcelle n° 1566, feuille 13, commune de Pregny-Chambésy; une autorisation d’installation de huit barbecues (APA 3'305) le 22 février 1990, sur la parcelle n° 1566, feuille 13 commune de Pregny-Chambésy et la parcelle n° 3164, feuille 34, commune de Bellevue ; une autorisation de construire un dépôt pour l’école de planche à voile du Vengeron (APA 182) du 25 avril 1988, sur la parcelle n° 1373, feuille 13 commune de Pregny-Chambésy; une autorisation de construction d’une passerelle pour mise à l’eau de planches à voile (DD 83'803) du 25 juin 1988, parcelle n° 1373, feuille 13 commune de Pregny-Chambésy.

12. Le 14 août 2007, les parties ont été informées par le greffe du tribunal que la cause était gardée à juger.

13. Le 24 septembre 2007, RI Realim a fait parvenir au tribunal copie du plan directeur communal de la commune de Pregny-Chambésy adopté le 25 juillet 2007 par le Conseil d’Etat. Le plan indiquait que la totalité de la parcelle n° 301 était située en 5ème zone de construction avec une densité maximale de 0.2.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le litige porte en premier lieu sur l’affectation de la parcelle n° 301. La recourante estime qu’elle se situe en zone 5 et l’intimée, suivie par la CCRC, qu’elle se situe "hors zone", soit en zone inconstructible.

a. L’obligation d’adopter des plans d’affectation qui découle de la LAT, consiste à répartir le territoire au moins entre les trois zones primaires (zone à bâtir, zone agricole et zone à protéger).

A cet égard, il faut souligner que la mention HZON dont se prévalent l’intimée et la CCRC ne figure pas dans les zones définies par la LaLAT ni d’ailleurs par aucune autre loi. Elle apparait sur la carte interactive accessible sur le site du département du territoire. Cette mention couvre tout le lac et les cours d’eau, ainsi que des parties de parcelles issues du remblayage.

Or, il ne saurait subsister, sur le territoire genevois depuis l’adoption de la LAT, de parcelle classée hors des trois zones primaires (art. 1 al. 1er et 14 LAT) ni, depuis l’adoption de la LaLAT, hors des zones d’affectation du sol prévues.

b. Avant l’adjonction de la partie provenant des remblais déposés dans le lac, la parcelle n° 301 était en zone à bâtir 5A selon le plan annexé à la loi du 19 décembre 1952. Elle était grevée d’une servitude de non bâtir au profit de l’Etat de Genève.

Par la loi du 13 décembre 1963, un échange de parcelles a été autorisé et la parcelle n° 301 a acquis sa surface actuelle. L’Etat a renoncé à la servitude de non bâtir et un bâtiment a été construit en 1965.

Sur le plan des zones de construction de la commune de Pregny établi le 11 janvier 1982 (no 27519) la parcelle n° 301 figure en 5ème zone A.

Il n’y a eu depuis lors aucune modification de zone touchant la parcelle n° 301.

Ce n’est que sur la carte visible sur le site internet du département du territoire, que l’ancienne rive du lac, avant le dépôt des remblais, a été maintenue comme limite entre la zone 5 et le lac. Cette erreur touche non seulement la parcelle n° 301 mais aussi la parcelle n° 1586 (plage du Vengeron) et une partie de la parcelle n° 3164 feuille 8 de la commune de Bellevue (plage du Vengeron) ainsi qu’une partie de la parcelle adjacente n° 3057 feuille 8 de la commune de Bellevue en mains de propriétaires privés.

c. La LaLAT est entrée en vigueur le 1er août 1987. A teneur de son article 32 alinéa 1er, les plans de zones de construction au sens de l’article 10 aLCI, ayant force de loi au moment de l’entrée en vigueur de la LaLAT, constituaient des plans de zones annexés à celle-ci au sens de son article 12. L’alinéa 2 précisait encore qu’à la 5ème zone résidentielle (zone 5A) telle que définie sous l’empire de l’ancienne loi correspondait dorénavant les périmètres désignés sous le vocable de 5ème zone.

L’absence de mention de la zone d’affectation de la parcelle n° 301 sur le plan interactif n'est pas déterminant, ce dernier n'ayant pas force de loi. Bien plus, il convient de se référer à l’affectation en zone 5 prévue sur le plan de 1982 (n° 27519).

En effet, en l’absence de modification du plan selon la procédure prévue par la LAT et la LaLAT, rien ne permet d’envisager son affectation à une autre zone. A cela s’ajoute que les autorités ont toujours considéré cette parcelle comme appartenant à la zone 5, notamment en y autorisant la construction d’une villa. Finalement, l’autorité communale a également fait figurer la parcelle en 5ème zone dans son plan directeur, approuvé par le Conseil d’Etat.

3. Située en 5ème zone de construction, la parcelle est également incluse dans le périmètre de protection institué par la LPGRL et figure dans la zone inconstructible prévue par la LEaux.

Le projet de réhabilitation du bâtiment doit être examiné au regard des dispositions légales de la LPGRL et de la LEaux qui se superposent aux prescriptions réglant l’affectation de la zone ordinaire.

a. Le département peut autoriser la rénovation de constructions existantes, dûment autorisées, dans les zones inconstructibles ainsi que leur transformation partielle, leur reconstruction ou encore leur agrandissement mesuré (art. 15 al. 6 LEaux).

b. Aux termes de l’article 3 LPGRL, la surface des constructions exprimée en m2 de plancher ne doit pas excéder 20% de la surface des terrains situés en 5ème zone.

4. Le projet litigieux propose un agrandissement du bâtiment existant de 87 m2 par l’adjonction de deux verrières dont l’une comportant un étage (37,5 m2 au rez ; 30 m2 à l’étage et 47 m2 au rez) ainsi que la construction d’un étage (99 m2) et d’une terrasse couverte/ouverte de 85 m2 construite sur le toit du hangar à bateau existant.

La parcelle ayant une surface de 1706 m2, c'est une surface de plancher maximale de 341,20 m2 qui peut être autorisée au regard de la LPGRL.

a. Par surface de plancher prise en considération dans le calcul du rapport des surfaces, il faut entendre la SBP de la totalité de la construction hors sol.

b. Le département peut ne pas prendre en considération dans le calcul du rapport des surfaces, des serres, jardins d’hiver ou constructions analogues en matériaux légers et de dimensions modestes (art. 59 al. 2 et 7 LCI).

Cette dernière disposition laisse à la libre appréciation du département la faculté de prendre ou non en compte certaines surfaces. En pratique, lorsqu’il s’agit d’une maison d’habitation conforme à la zone, une véranda d’une surface inférieure à 20 m2 n’est en général pas prise ne compte dans le calcul du rapport de surfaces (ATA/792/2001 du 27 novembre 2001).

c. Les constructions de peu d’importance ne sont pas prises en considération pour le calcul du rapport des surfaces.

Sont réputées constructions de peu d’importance au sens de l’article 59 alinéa 7 LCI, à condition qu’elles ne servent ni à l’habitation, ni à l’exercice d’une activité commerciale, industrielle ou artisanale, celles dont la surface n’excède pas 50 m2.

Dans tous les cas, la surface totale des constructions de peu d’importance ne doit pas excéder 8% de la surface de la parcelle et au maximum 100 m2 (art. 3 al. 3 RALCI).

En l’espèce, s’agissant des constructions de peu d’importance, il existe déjà un hangar à bateau d’une surface de 72 m2 et une annexe de 28 m2, soit un total de 100 m2.

En conséquence, aucune construction supplémentaire qui répondrait à la qualification de "construction de peu d’importance", ne pourra être soustraite au rapport de surface, la limite de 100 m2 fixée dans le règlement étant déjà atteinte.

Or, en l’espèce, la terrasse couverte/ouverte prévue sur le hangar à bateau, d’une surface de 85 m2, qui ne répond d’ailleurs pas à la définition d’une construction de peu d’importance vu sa dimension, n’a pas été prise en compte dans le rapport de surface calculé par le département. Elle ne correspond pas non plus à la définition d’une "construction analogue" au sens de l’article 59 alinéa 2 LCI, selon la définition développée ci-dessus et ne saurait être autorisée à ce titre.

Le même raisonnement s'applique aux deux verrières, prévues hors isolation thermique.

Il découle de ce qui précède que les disposition légales concernant les rapports de surface ne sont pas respectées par le projet, puisque tant les deux verrières, dont l’une avec mezzanine, que la terrasse couverte doivent être prises en compte dans le calcul du rapport de surface, portant cette dernière à 385,5 m2 (87 + 99 + 85 + 37,5 + 47 + 30), soit plus que la surface autorisable.

5. Le projet qui n'est pas autorisable pour ce premier motif déjà, ne l'est pas non plus au regard de la LEaux.

Seul un agrandissement mesuré peut être autorisé par le département en dérogation à l'interdiction de construire sur la base de la garantie de la situation acquise (art. 15 al. 6 LEaux).

Comme vu précédemment, l'agrandissement projeté dépasse les limites légales fixées en matière de rapport de surfaces. Il ne saurait dès lors être qualifié de "mesuré", au sens de la dérogation figurant à l'article 15 alinéa 6 LEaux.

En conséquence, l'autorisation de construire est contraire à la loi et c'est à juste titre que la CCRC l'a annulée.

6. Mal fondé, le recours sera rejeté. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de CHF 1'500.- sera allouée à la SAP à la charge de la recourante (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 15 février 2007 par RI Realim S.A. contre la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 10 janvier 2007 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de la recourante un émolument de CHF 1'000.- ;

alloue une indemnité de CHF 1'500. - à la Société d’art public, à charge de la recourante;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jacques Gautier, avocat de la recourante, à Me Alain Maunoir, avocat de l’intimée ainsi qu’au département des constructions et des technologies de l’information et à la commission cantonale de recours en matière de constructions.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Paychère, Mme Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. a.i. :

 

 

P. Pensa

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :