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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1192/2004

ATA/749/2004 du 28.09.2004 ( VG ) , REJETE

Descripteurs : FONCTIONNAIRE; ENQUETE ADMINISTRATIVE; SUSPENSION; PROPORTIONNALITE
Normes : LC21-SPAM 35; LC21-SPAM 37; LC21-SPAM 39
Résumé : Les différents faits reprochés au recourant - lequel occupe une fonction hiérarchique supérieure - apparaissent prima facie assez importants pour admettre que globalement ils sont de nature à compromettre la confiance dont doit jouir ce dernier pour exercer ses fonctions. La suspension temporaire du recourant , dans le cadre d'une instruction approfondie de la situation, est dès lors fondée et parfaitement proportionnée.
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1192/2004-VG ATA/749/2004

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 28 septembre 2004

dans la cause

 

Monsieur R. B.
représenté par Me Jean-Franklin Woodtli, avocat

contre

CONSEIL ADMINISTRATIF DE LA VILLE DE GENEVE
représenté par Me Lorella Bertani, avocate


 


1. Monsieur R. B., né en 1956, ingénieur-forestier EPFZ de formation, a été engagé en 1987 par la ville de Genève en qualité de directeur du service des espaces verts et de l’environnement (SEVE).

2. Le 26 novembre 2001, le conseil administratif de la ville de Genève (ci-après : le conseil administratif) a ouvert une enquête administrative à l’encontre de M. B.. Il était reproché à ce dernier un manque de rigueur dans l’exercice de ses fonctions ainsi que certains manquements dans la gestion des ressources humaines.

Par décision du 3 juillet 2002, le conseil administratif a infligé une sanction disciplinaire à M. B. sous forme d’« un blâme sévère, assorti d’un sérieux avertissement », en application de l’article 34 alinéa 1 lettre b du statut du personnel de l’administration municipale. Si à l’avenir l’attitude et la conduite de M. B. devaient donner lieu à de nouvelles plaintes, notamment dans l’accomplissement de ses missions de chef de service, le conseil administratif pourrait être appelé à prendre des mesures beaucoup plus graves.

Dite décision est entrée en force.

3. Par décision du 24 mai 2004, le conseil administratif a informé M. B. qu’une enquête administrative complémentaire était ouverte à son encontre, et cela en application de l’article 37 du statut du personnel de l’administration municipale.

Cette décision emportait la suspension temporaire de l’activité de M. B. jusqu’au prononcé de la sanction, avec suspension de traitement, et était déclarée exécutoire nonobstant recours.

Dite décision indiquait la voie et le délai de recours au Tribunal administratif dans un délai de dix jours dès réception.

4. M. B. a saisi le Tribunal administratif d’un recours contre la décision précitée par acte du 7 juin 2004.

Préalablement, il a conclu à la restitution de l’effet suspensif et, sur le fond, à l’annulation de la décision entreprise. La décision querellée reposait non seulement sur des faits contestés, mais sur aucun fait précis. Dans cette mesure, elle souffrait d’un défaut manifeste de motivation. De plus, elle ne respectait pas le principe de proportionnalité. Il a demandé à être entendu en audience de comparution personnelle.

5. Dans sa séance du 30 juin 2004, le conseil administratif a levé la mesure de suspension du salaire de M. B.. Cette mesure a eu comme conséquence le versement du solde des salaires des mois de mai et juin 2004 d’une part, et le rétablissement des droits salariaux de M. B. pour l’avenir et jusqu’à nouvelle décision du conseil administratif sur ce sujet d’autre part.

6. Par courrier du 13 juillet 2004, M. B. a informé le Tribunal administratif qu’il renonçait à sa demande de restitution d’effet suspensif.

7. Dans sa réponse sur le fond du 5 août 2004, la ville de Genève s’est opposée au recours dans la mesure où il était recevable.

M. B. avait été informé verbalement le 19 mai 2004 de sa suspension et de l’ouverture d’une enquête. Il n’avait pas requis de confirmation écrite. Celle-ci lui avait été envoyée spontanément le 24 mai 2004. Le délai pour agir commençait donc à courir dès la notification orale et venait à échéance le 29 mai 2004. Dès lors, le recours déposé le 7 juin 2004 était tardif.

Sur le fond, le recourant n’avait encore fait l’objet d’aucune sanction dans le cadre de l’actuelle enquête en cours. La suspension d’activité, seule en cause dans le cadre du litige, répondait indéniablement à des besoins de protection de l’ordre public. Référence était faite à la jurisprudence du Tribunal administratif en la matière. La suspension d’activité ne causait aucun dommage irréparable à M. B.. L’intérêt public à mener une enquête sereine et sans interférence primait l’intérêt privé de M. B. à fournir du travail en échange de son salaire. La mesure qui subsistait à l’encontre de ce dernier respectait le principe de proportionnalité.

8. Il résulte des pièces du dossier que M. B. a été entendu dans le cadre de l’enquête administrative les 9 et 23 juin 2004.

1. Fonctionnaire de la ville de Genève, le recourant est soumis au statut du personnel de l’administration municipale du 3 juin 1986 (LC 21 151) (ci-après : le statut).

2. a. Interjeté devant la juridiction compétente, le recours est à cet égard recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 39 du statut).

b. L’autorité intimée invoque la tardiveté du recours. Il convient donc d’examiner cet argument avant d’aborder le fond du litige.

Il résulte des pièces du dossier et notamment de la décision attaquée que le 19 mai 2004, le conseil administratif a pris la décision de suspendre l’activité et le traitement du recourant. Ce dernier a été informé le jour même oralement par sa hiérarchie. Par décision formelle du 24 mai 2004, le conseil administratif a confirmé au recourant la sanction prise à son encontre. Dite décision indiquait la voie et le délai de recours au Tribunal administratif, en application des articles 39 et 40 du statut.

Il n’est pas contesté que le recourant a reçu la décision précitée le 26 mai 2004. Dès lors, le délai de recours venait à échéance le samedi 5 juin 2004, il a donc été reporté au lundi 7 juin 2004, en application de l’article 17 alinéa 3 loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

Le recourant a respecté le délai qui lui a été notifié en saisissant le Tribunal administratif le 7 juin 2004. C’est à tort que l’autorité intimée reproche au recourant de ne pas avoir agi dans le délai de dix jours dès la communication verbale de la décision prise à son encontre. D’une part, l’autorité intimée n’établit pas que le recourant aurait eu à cette occasion connaissance de l’indication des voies et délais de recours. D’autre part, le conseil administratif a lui-même précisé dans la décision formelle du 24 mai 2004 le délai de recours de dix jours. On ne saurait donc reprocher au recourant de s’en être tenu à cette décision pour faire valoir ses droits.

3. Le litige ne porte plus que sur la suspension temporaire d’activité du recourant, la suspension de traitement ayant été levée le 30 juin 2004 et le recourant rétabli dans l’intégralité de ses droits salariaux.

4. Le recourant demande a être entendu par le Tribunal administratif.

Le droit constitutionnel d'être entendu garanti à l’article 29 alinéa 2 de la Constitution fédérale du 18 avril 1999, en vigueur depuis le 1er janvier 2000 (RS 101), comprend notamment le droit de consulter le dossier (ATF 125 I 257 consid. 3b p. 260), de participer à l'administration des preuves et de se déterminer, avant le prononcé de la décision, sur les faits pertinents (ATF 124 I 49 consid. 3a p. 51). Cela n'implique pas une audition personnelle de l'intéressé, celui-ci devant simplement disposer d'une occasion de se déterminer sur les éléments propres à influer sur l'issue de la cause.

Le Tribunal administratif renoncera à cette mesure d’instruction, le dossier étant suffisamment complet et étayé pour permettre au tribunal de rendre sa décision.

5. L’article 35 du statut a pour objet l’interdiction temporaire de travailler. Selon l’alinéa 3, le conseil administratif peut confirmer la suspension temporaire de l’activité et ordonner simultanément celle du traitement du fonctionnaire en faute, jusqu’au prononcé de la sanction, conformément aux articles 33 et suivants du statut.

La procédure pour les sanctions disciplinaires autres que l’avertissement, le blâme et la mise à pied jusqu’à deux jours avec suppression de traitement, est prévue à l’article 37 du statut. Ainsi, lorsqu’il s’avère qu’un fonctionnaire est passible d’une des sanctions dont le prononcé relève de la compétence du conseil administratif, celui-ci ouvre une enquête administrative qu’il confie au secrétaire général ou à un fonctionnaire désigné par lui, assisté par le chef de l’office du personnel ou son remplaçant (al. 1). L’ouverture de l’enquête est notifiée par écrit à l’intéressé avec indication des motifs (al. 2). Celui-ci est également informé qu’il peut se faire assister par un conseil de son choix lors de ces auditions dans le cadre de la procédure d’enquête (al. 3).

6. Selon la jurisprudence du Tribunal administratif, la suspension provisoire pour enquête a un caractère temporaire et ne préjuge nullement de la décision finale. Dans cette mesure, la suspension apparaît comme une sorte de mesure provisionnelle, prise dans l’attente d’une décision finale relative à une sanction ou à un licenciement (ATA/261/2002 du 14 mai 2002 et les références citées). Ces principes jurisprudentiels développés dans le cadre du fonctionnariat de l’Etat de Genève s’appliquent mutatis mutandis aux fonctionnaires de la ville de Genève.

7. Le chapitre III du statut a pour objet les devoirs et obligations des fonctionnaires. Dans les devoirs généraux, l’on trouve notamment le respect des intérêts de la ville de Genève (art. 12), l’attitude générale que doivent observer les fonctionnaires dans les relations avec leurs supérieurs, leurs collègues et leurs subordonnés (art. 13), l’exécution du travail (art. 14), les devoirs des supérieurs (art. 15), les dons et autres avantages (art. 25).

8. En l’espèce, le recourant occupe une fonction hiérarchique supérieure, à savoir celle de chef d’un service, qui lui confère des responsabilités plus importantes que celles de n’importe quel autre fonctionnaire.

Il lui est reproché un certain nombre de faits liés à l’exécution de son travail, en particulier le non-respect de procédures en matière de marchés publics, des pressions exercées sur certains de ses collaborateurs, des prestations fournies à sa demande à des tiers externes à l’administration municipale et non facturées et enfin des travaux confiés par ses soins à des collaborateurs de la ville et effectués pour son profit personnel.

Il est évident que ces différents éléments doivent faire l’objet d’une instruction approfondie. Prima facie, ils apparaissent assez importants pour admettre que globalement ils sont de nature à compromettre la confiance dont doit jouir le recourant pour exercer ses fonctions.

9. Le conseil administratif a parfaitement respecté la procédure des articles 35 et 37 du statut, ce que le recourant ne remet d’ailleurs pas en cause.

La suspension de traitement prononcée initialement a déjà été levée et le recourant rétabli dans l’intégralité de ses droits salariaux. Il n’a donc pas subi de dommage de ce chef.

La suspension d’activité ordonnée respecte le principe de proportionnalité. Il semble en effet indispensable, au regard de l’intérêt public, de permettre à l’enquêteur d’effectuer la tâche qui lui a été confiée en toute quiétude et en toute indépendance. En revanche, pour le recourant le fait de ne pas pouvoir se rendre sur son lieu de travail pendant la durée de l’enquête ne peut être considéré comme une lésion importante de ses intérêts privés. Même si une telle décision nuit à sa réputation, cette dernière pourra être restaurée par le biais de l’issue de l’enquête diligentée à son encontre.

10. Au vu de ce qui précède, les conditions d’une suspension provisoire avec maintien du traitement sont réalisées et la décision attaquée ne peut être que confirmée.

11. Le recours sera donc rejeté.

Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge du recourant.

* * * * *

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 7 juin 2004 par Monsieur R. B. contre la décision du conseil administratif de la ville de Genève du 24 mai 2004;

au fond :

le rejette;

met à la charge du recourant un émolument de CHF 1’500.-;

communique le présent arrêt à Me Jean-Franklin Woodtli, avocat du recourant ainsi qu'à Me Lorella Bertani, avocate de conseil administratif de la ville de Genève.

Siégeants :

M. Schucani, président, M. Paychère, Mme Bovy, M. Thélin, juges, M. Grant, juge suppléant.

 

Au nom du Tribunal Administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

M. Tonossi

 

le juge présidant :

 

 

D. Schucani

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :