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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/751/2000

ATA/62/2001 du 30.01.2001 ( FIN ) , REJETE

Descripteurs : IMPOT; IMPOT SUR LE REVENU; PERTE(ARGENT); FIN
Normes : LCP.21 litt.l; LCP.21 litt.m
Résumé : L'art.21 litt.l et m LCP, concernant la déduction des pertes comptabilisées de l'exercice commercial déterminant, dont une des conditions cumulatives est l'obligation de la tenue régulière d'une comptabilité au sens des art. 957 et ss CO, s'applique aussi aux professionnels de l'immobilier malgré le fait qu'ils ne soient pas astreints à tenir une comptabilité.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 30 janvier 2001

 

 

 

dans la cause

 

 

Monsieur B__________

représenté par Me Antoine Berthoud, avocat

 

 

 

contre

 

 

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE D'IMPOTS

 

et

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

 



EN FAIT

 

 

1. Monsieur B__________ a longtemps exercé une activité indépendante dans le domaine immobilier, à laquelle il a renoncé à la fin de l'année 1991 en raison de la crise sévissant dans ce secteur. Il a cependant conservé plusieurs biens immobiliers en nom ou en société immobilière, ne parvenant pas à liquider immédiatement son patrimoine immobilier. Dès le début de l'année 1992, il est devenu salarié de la société "B__________ ET CIE SA", dont l'activité consiste dans le courtage immobilier. Ses revenus ont dès lors été constitués par son salaire et le revenu de ses immeubles.

 

2. Après avoir aliéné deux biens immobiliers hors du canton en 1992 et 1993, le recourant a vendu, en 1994, un appartement sis au chemin de l'A__________, au prix de CHF 650'000.--, enregistrant une perte de CHF 335'000.-- et, en 1995, acheté et revendu trois mois plus tard 42 actions de la SI A_________ au prix de CHF 300'000.--, avec un bénéfice de CHF 40'251.50. Il n'a pu déduire la perte dans le cadre de son revenu imposable 1995, car ce dernier était nul, tandis qu'il a payé l'impôt sur le bénéfice immobilier à raison de CHF 20'125.50 sur le gain précité. Dans sa déclaration fiscale 1996, M. B__________ a imputé cet impôt sur son revenu en application de l'art. 33C LCP, ce que l'administration fiscale a refusé. Il lui a adressé une réclamation le 23 janvier 1997, au motif que, selon lui, le bien aliéné ressortissait à sa fortune commerciale et l'a complétée le 8 décembre 1997, en reprenant l'opération du chemin de l'A_________ pour demander la déduction de la perte en 1996 au sens de l'art. 21 lit. m LCP, et en réclamant le remboursement de l'impôt de CHF 20'125.50 sur le bénéfice immobilier. L'administration fiscale lui a notifié le 23 décembre 1997 un bordereau définitif et une décision, à teneur de laquelle elle n'a pas admis, en 1996, la perte sur la vente survenue en 1994, de l'appartement du chemin de l'A_________ , en raison du principe de l'étanchéité des exercices, fondée sur le caractère annuel et périodique de l'impôt, qui exige qu'un revenu ou une dépense soit attribué à l'exercice durant lequel est née l'obligation ou la prétention juridique. Elle a en revanche accepté d'imputer l'impôt spécial de CHF 20'125.50 et d'imposer le bénéfice immobilier de CHF 40'251.-- dans le cadre de l'impôt cantonal 1996 sur le revenu et la fortune. Sur la demande du recourant, l'administration lui a encore adressé, le 15 janvier 1998, un avis de situation, laissant apparaître une reprise sur les intérêts des dettes.

 

3. M. B__________ a formé, à la fois, le 26 janvier 1998, un recours contre la décision du 23 décembre 1997 devant la Commission cantonale de recours en matière d'impôts et une réclamation auprès de l'administration fiscale contre le bordereau définitif. Il a fait valoir que l'administration avait méconnu la teneur de l'art. 21 m LCP qui permet la déduction des pertes pendant les trois exercices suivants. Selon ses explications, sa fortune revêtait un caractère commercial, ce qui avait été admis par l'administration qui avait reconnu que la vente effectuée en 1995 était soumise à l'impôt ordinaire sur le revenu et non à l'impôt spécial sur les bénéfices et gains immobiliers. Quant aux intérêts des dettes, il a allégué que la totalité de ceux-ci étaient déductibles, en ce sens qu'ils étaient liés à des actifs de nature commerciale et soutenu, subsidiairement, que le calcul de l'administration était erroné. L'administration fiscale a répondu le 28 août 1998, exposant, au plan de la procédure, qu'elle avait rendu une décision en date du 23 décembre 1997 relative au refus de prendre en considération la perte de CHF 335'000.-- et, par ailleurs, notifié un bordereau définitif s'agissant de la déduction des intérêts des dettes, sujet à la voie de la réclamation. Sur le fond, elle a souligné que la seule question à trancher dans le cadre du recours consistait à savoir si la perte encourue en 1994 devait être prise en considération pour l'année de taxation 1996 et fait valoir que, selon l'art. 21 lettre m LCP, seule une perte commerciale et comptabilisée pouvait être reportée. Or, en l'espèce, il n'existait pas de comptabilité après 1991, hormis quatre tableaux chiffrés, un résumé des actifs détenus à leur valeur comptable et la liste des mouvements intervenus de 1992 à 1995, qui ne revêtaient pas ce caractère, tandis que M. B__________ n'avait pas déclaré de perte dans sa déclaration 1995 ce qu'il était tenu de faire, même si son revenu imposable était nul. A l'issue d'un échange de courriers des 2 octobre, 12 octobre, 5 novembre 1998, 20 octobre et 10 novembre 1999 relatifs à l'année fiscale 1997 - qui excédait l'objet du recours, qui portait sur l'année 1996 - l'administration a admis que la mention "pertes reportées absorbées", utilisée en 1998, l'avait été à mauvais escient, car il ne pouvait être accordé de pertes commerciales au vu de l'absence de comptes commerciaux dûment établis. A la demande du recourant, une audience de comparution personnelle a eu lieu le 17 avril 2000 devant la commission cantonale de recours, à l'occasion de laquelle M. B__________ a confirmé l'évolution de ses activités professionnelles depuis 1992.

 

4. La commission a statué, le 25 mai 2000, sur le recours, limité à la question de la déductibilité du report de pertes, laissant le soin à l'administration de se prononcer sur la déduction des intérêts de dettes qui n'avait pas encore fait l'objet d'un second examen par celle-ci. Elle a rappelé que l'art. 21 lettre l LCP permettait de déduire du revenu brut les pertes commerciales comptabilisées au cours de l'exercice commercial déterminant et que, de jurisprudence constante, l'application de cette disposition était subordonnée à la réalisation de deux conditions cumulatives, savoir l'exercice d'une activité en la forme commerciale et la tenue régulière d'une comptabilité au sens des articles 957 et suivants CO. Lorsque ces conditions sont remplies, le contribuable peut défalquer les pertes commerciales comptabilisées des trois exercices fiscaux précédant ledit exercice déterminant, pour la part qui n'a pas pu être déduite dans la taxation de l'impôt des années antérieures (art. 21 lit. m LCP). Conformément au texte de cette dernière disposition, un report de perte présupposait que les pertes commerciales comptabilisées au cours des trois exercices fiscaux précédant ledit exercice aient été admises en déduction et que les revenus du contribuable concerné n'aient pas été suffisants pour les absorber. En l'espèce, la déduction de la perte commerciale au sens de l'art. 21 lettre m LCP dans le cadre de l'exercice fiscal 1995 n'a pas été admise, pour la raison que le recourant n'en n'a pas fait état dans sa déclaration. En outre, le recourant n'a plus tenu de comptabilité au sens défini par la jurisprudence depuis l'exercice commercial 1991 excluant ainsi toute perte et a fortiori tout report de perte. La commission a rejeté le recours et relevé, en sus, que l'administration n'aurait pas dû accepter l'argumentation du recourant s'agissant du gain résultant de l'opération réalisée en 1995 avec la vente d'un appartement de la SI A__________, car il avait cessé toute activité indépendante au 31 décembre 1991.

 

5. M. B__________ a formé, le 30 juin 2000, un recours auprès du Tribunal administratif contre la décision de la commission. Il a d'abord exposé que, quand bien même il avait changé de statut à partir du 1er janvier 1992, son patrimoine immobilier n'avait pas fait l'objet, d'un point de vue fiscal, d'un transfert de sa fortune commerciale vers sa fortune privée, en sorte notamment que l'impôt sur les bénéfices d'aliénation au sens de l'article 88 ch. 2 LCP n'avait pas été prélevé. Le recourant a ensuite rejeté l'argument de la commission, selon lequel la perte n'a pas été admise dans la taxation 1995, ce qui excluait un report en 1996, arguant qu'en application du principe de l'étanchéité des exercices fiscaux, l'administration n'était pas liée par la taxation de l'exercice précédent. Il a également écarté l'autre argument qui visait l'absence d'une comptabilité commerciale, en déclarant que l'activité indépendante en matière immobilière n'exigeait pas de comptabilité formelle, conformément à la jurisprudence du Tribunal administratif genevois, celle du Tribunal Fédéral et également, celle du Tribunal administratif vaudois. Il a conclu qu'il disposait manifestement d'un patrimoine commercial, dont les gains sont soumis à l'impôt sur le revenu, tandis que les pertes suivent le même régime que les gains en capital.

 

L'administration fiscale cantonale a répondu aux thèmes développés par le recourant, soit son statut professionnel, la déclaration de la perte de 1994 et la déduction de ladite perte. Sur le premier point, elle a souligné que la vente bénéficiaire de 1995 devait être qualifiée de commerciale, mais que cela ne préjugeait pas de la nature des autres opérations. Quant au second, elle a rappelé que la perte 1994 n'avait pas été annoncée dans la déclaration 1995, ni son report dans la déclaration 1996, mais avait été mentionnée plusieurs années plus tard. S'agissant du troisième motif, elle a relevé que la jurisprudence citée par le recourant sur l'obligation ou non de la tenue d'une comptabilité par les professionnels de l'immobilier ne présentait aucune pertinence dans le cas d'espèce, car, en tout état, lesdits professionnels qui entendaient être mis au bénéfice de la déduction d'une perte commerciale ou de son report devaient la comptabiliser, en application du texte clair de l'article 21 litt. m LCP.

 

 

EN DROIT

 

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56 A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

2. La seule question posée dans la présente instance est celle de savoir si la perte issue de la vente en 1994 d'un appartement sis au chemin de l'A__________ est déductible de l'impôt 1996, étant précisé que le problème de la déduction des intérêts des dettes est du ressort de l'administration fiscale actuellement saisie d'une réclamation.

 

3. L'article 21 litt. l LCP autorise le contribuable à déduire de l'ensemble de ses revenus bruts les pertes commerciales comptabilisées de l'exercice commercial déterminant. Son application est subordonnée à la réalisation de deux conditions cumulatives, soit l'exercice de l'activité du contribuable en la forme commerciale (ATA du 25 novembre 1997 dans la cause M. ou SJ 1998 p. 421 N° 37) et la tenue régulière d'une comptabilité au sens des articels 957 et ss CO (ATA du 29 mai 1996 dans la cause P.). D'autre part, l'article 21 litt. m de la même loi admet le report des pertes commerciales comptabilisées des trois exercices commerciaux précédant ledit exercice déterminant, pour la part qui n'a pas pu être déduite dans la taxation de l'impôt d'années antérieures. Un tel report suppose que les pertes aient été comptabilisées et que les revenus du contribuable n'aient pas été suffisants pour les absorber (P.A. Loosli, L'entreprise en raison individuelle, Imposition du revenu et de la fortune en droit genevois et fédéral, p. 80 et ss). Le rappel de ces principes appelle l'examen de trois questions : la tenue d'une comptabilité, la déclaration des pertes dans l'exercice déterminant, et l'exercice d'une activité commerciale par le contribuable.

 

4. En l'espèce, le recourant a produit, en 1997, quatre situations pour les années 1992 à 1995 inventoriant ses biens immobiliers, et enregistrant les mouvements intervenus, ainsi que son bilan et son compte d'exploitation au 31 décembre 1991. Après cette date, qui correspond à la fin de son activité de courtier indépendant, il n'a plus dressé de document comptable au sens des articles 957 et ss CO. Il n'a pas non plus mentionné l'opération de 1994 et son résultat dans sa déclaration 1995. Force est dès lors faite de constater qu'il n'a pas procédé à la déduction des dépenses liées à son activité commerciale selon l'article 21 litt. a LCP, ni satisfait à a condition de la tenue d'une comptabilité, en particulier en 1994. M. B__________ oppose à cela qu'un professionnel de l'immobilier n'est pas astreint à tenir une comptabilité, mais il perd de vue que les dispositions contenues à l'article 21 litt. l et m LCP répondent à des conditions particulières et s'appliquent indépendamment de la question de savoir si le contribuable est ou non obligé de tenir une comptabilité en la forme commerciale. En tout état, s'il ne l'était pas, il devrait au moins faire ressortir les charges commerciales dans sa déclaration selon l'article 21 litt. a LCP.

 

5. M. B__________ n'a pas déclaré sa perte dans le cadre de l'exercice fiscal 1995, ni sous la forme de l'article 21 litt. a LCP, ni sous celle de l'article 21 litt. l LCP. Par là, l'administration ne l'a de toute évidence pas prise en considération. Le recourant n'en a pas non plus fait mention dans une réclamation ou un recours afférent à cet exercice, de sorte que la décision de taxation y relative est entrée en force. Pour bénéficier du report des pertes, le contribuable doit présenter à la fois une comptabilité et justifier des pertes intervenues, ce qui est au demeurant indispensable pour permettre à l'administration de déterminer la part qui n'a pu être déduite dans la taxation de l'impôt des années antérieures. Faute d'avoir procédé ainsi, sinon de façon incomplète et plusieurs années plus tard, M. B__________ ne peut prétendre au report de la perte intervenue en 1994 sur la taxation 1996.

 

6. La question de savoir si M. B__________ a agi dans le cadre d'une activité commerciale exercée dans le domaine immobilier peut être laissée ouverte.

 

7. Tous les griefs du recourant étant écartés, le présent recours sera rejeté. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'500.-- sera mis à la charge du recourant.

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 30 juin 2000 par M. B__________ contre la décision de la commission cantonale de recours en matière d'impôts du 25 mai 2000;

 

au fond :

 

le rejette;

 

met à la charge du recourant un émolument de CHF 1'500.-;

communique le présent arrêt à Me Antoine Berthoud, avocat du recourant, ainsi qu'à la commission cantonale de recours en matière d'impôts et à l'administration fiscale cantonale.

 


Siégeants : M. Schucani, président, Mmes Bonnefemme-Hurni, Bovy, MM. Paychère et Thélin, juges, M. Peyrot, juge suppléant.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. : le président :

 

C. Goette D. Schucani

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme M. Oranci