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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/216/2002

ATA/126/2003 du 11.03.2003 ( CM ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : QUALITE POUR RECOURIR; PROCEDURE ADMINISTRATIVE; ASSOCIATION; INTERET ACTUEL; RECEVABILITE; DECISION; NOTION; OBJET DU RECOURS; COMMUNE; DROITS POLITIQUES; INITIATIVE; CM
Normes : LPA.60 litt.b
Résumé : Refus d'un conseil municipal de voter une résolution donnant suite à l'acceptation d'une initiative communale en votation populaire. Transmission par le conseil administratif, au Conseil d'Etat, de l'avant-projet de loi concrétisant l'objet de l'initiative. Absence d'intérêt actuel pour recourir étant donné que vu cette transmission, le refus de voter la résolution ne déploye concrètement aucun effet préjudiciable aux intérêts de l'association recourante. Question de sa qualité pour recourir laissée ouverte.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 11 mars 2003

 

 

 

dans la cause

 

 

ASSOCIATION ... D'URBANISME

 

 

 

 

contre

 

 

 

COMMUNE DE ...

représentée par Me Jean-Pierre Carera, avocat

 



EN FAIT

 

1. L'association ... d'urbanisme (ci-après : l'association) a déposé en mai 1998 auprès de la commune de ... (ci-après: la commune) une initiative intitulée "Pour la sauvegarde des quartiers verdoyants", demandant en substance que le conseil municipal de la commune sollicite du Grand Conseil le reclassement en 5ème zone à bâtir ordinaire de trois périmètres situés en 3ème zone de développement, soit le périmètre S. - E. celui dit du P. du C., et celui des S. - C.-B.

 

2. Déclarée recevable mais refusée en septembre 2000 par le conseil municipal de la commune, l'initiative s'est vu opposer un contre-projet.

 

3. Le 23 septembre 2001, le corps électoral de la commune a accepté l'initiative par 1'894 voix contre 1'556, a également accepté le contre-projet par 2'183 voix contre 1'187, mais, à la question subsidiaire de savoir quel texte devait l'emporter en cas d'acceptation des deux, l'initiative l'a emporté par 1'716 voix contre 1'684.

 

4. Suite à ce vote, le conseil administratif de la commune a préparé à l'attention du Grand Conseil un avant-projet de loi donnant fidèlement suite à l'invite de l'initiative.

 

5. Dans le cadre d'un échange de correspondance du mois de février 2002 à propos de cet avant-projet, le conseil administratif de la commune a reçu confirmation, de la part du département de l'intérieur, de l'agriculture de l'environnement et de l'énergie (ci-après : DIAE), du fait que même si les autorités ...s n'en approuvaient pas l'objet, elles étaient légalement tenues de préaviser l'avant-projet de loi.

 

6. Un projet de résolution, préparé par le conseil administratif, a en conséquence été soumis au conseil municipal dans sa séance du 28 février 2002. Dite résolution était libellée comme une décision de "transmettre aux autorités compétentes, afin qu'elles puissent engager la procédure d'abrogation de la zone de développement, un avant-projet de loi visant la modification des limites de zones" visée par l'initiative.

 

Lors de cette séance, le conseil municipal a refusé cette résolution par 10 voix contre 7 et 16 abstentions. Des débats qui ont précédé ce vote, il ressort en substance que la majorité considérait ne pas pouvoir se prononcer favorablement sur un objet auquel elle s'était opposée précédemment.

 

7. Par courrier du 5 mars 2002, le maire de la commune a fait parvenir au Conseil d'Etat la résolution soumise au conseil municipal ainsi que l'avant-projet de loi susmentionné. Il était précisé que la résolution avait été refusée.

 

8. Le 6 mars 2002, Messieurs F. B. et F. W. se présentant comme citoyens ... et signataires de l'initiative, ont recouru au nom de l'association auprès du Conseil d'Etat ainsi qu'auprès du Tribunal administratif contre le refus exprimé par le conseil municipal le 28 février 2002 d'adopter la résolution précitée, et ont conclu à ce qu'il soit ordonné au conseil municipal d'approuver cette résolution.

 

Ils ont fait valoir pour l'essentiel, bien que de manière relativement vague, une violation des règles légales en matière de droits politiques et d'aménagement du territoire, considérant que suite au vote populaire concernant l'initiative, le conseil municipal se devait de préaviser favorablement la transmission de l'avant-projet de loi au Conseil d'Etat.

 

9. Par courrier du 20 mars 2002, le Conseil d'Etat a informé l'association du fait que l'instruction du recours était suspendue jusqu'à droit jugé par le Tribunal administratif.

 

10. Le 10 avril 2002, l'association a complété son écriture précédente sur des points de faits dont il est tenu compte ci-dessus dans la mesure de leur pertinence.

 

11. A la requête du juge délégué, le Conseil d'Etat s'est déterminé sur le recours le 8 mai 2002.

 

L'acte litigieux concernait le rejet d'une résolution, et non pas une prise de position en matière de votations et d'élections. N'étaient donc pas en cause les droits politiques de l'association ou de ses membres. L'acte litigieux n'était pas non plus une décision, non seulement parce qu'il concernait un nombre de citoyens difficile à déterminer, mais également parce qu'une résolution avait un caractère avant tout consultatif. Cette dernière se distinguait clairement, sur le plan institutionnel, des délibérations prises par un conseil municipal.

 

Sur le fond, en revanche, la recourante avait partiellement raison. Le conseil municipal ne pouvait, en se fondant exclusivement sur des considérations touchant le principe même du déclassement, refuser de préaviser la transmission de l'avant-projet de loi et, de la sorte, prendre le risque d'entraver la volonté populaire. Cependant, il s'avérait à l'examen du dossier que seul le déclassement du périmètre dit du P. du C. en 5ème zone ordinaire était compatible avec le plan directeur cantonal. Dans la mesure où le recours devrait être déclaré recevable, l'acte litigieux ne devrait être annulé qu'en ce qui concernait ce périmètre.

 

12. La commune s'est exprimée à son tour le 13 mai 2002, concluant à l'irrecevabilité du recours.

 

L'association n'avait aucun intérêt actuel à obtenir l'annulation de l'acte litigieux, étant donné que ce dernier n'avait pas empêché le conseil administratif de transmettre au Conseil d'Etat l'avant-projet de loi, lequel traduisait en tous points la volonté des initiants et de la majorité de la population.

 

Quant au fond, la modification des limites de zones du territoire communal n'avait normalement pas pour origine une initiative communale, cas de figure que le législateur n'avait probablement pas envisagé. Cela étant, l'expression directe du corps électoral n'excluait pas une prise de position contraire du conseil municipal.

 

13. L'association a répliqué le 17 juin 2002 en soulignant que le vote négatif du conseil municipal créait un empêchement de transmettre l'avant-projet de loi au Conseil d'Etat et qu'il n'était légalement possible de lever cet obstacle qu'en annulant ce vote.

 

14. Le 8 juillet 2002, la commune a renoncé à dupliquer.

 

15. Le 28 août suivant, le Conseil d'Etat a informé le juge délégué que le département de l'aménagement, de l'équipement et du logement (ci-après: DAEL) avait mis à l'enquête publique un avant-projet de loi visant au reclassement en 5ème zone ordinaire du périmètre dit du P. du C., les deux autres périmètres visés par l'initiative municipale ne pouvant faire l'objet de la même mesure pour les raisons exposées ci-dessus.

 

 

 

 

EN DROIT

 

 

1. a. A qualité pour recourir, en procédure administrative, toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée (art. 60 let. b LPA).

 

Une association peut recourir soit pour la défense de ses propres intérêts, soit pour la défense des intérêts de ses membres, si ses statuts prévoient un tel but et si un grand nombre de ses membres ont eux-mêmes la qualité pour agir (ATF 121 II 39 consid. 2d/aa p. 46; 120 Ib 59 consid. 1a p. 61; 119 Ib 374 consid. 2a/aa p. 376).

 

Ces considérations présupposent notamment que l'association en cause possède la personnalité juridique (ATF 114 Ia 456; ATF 104 Ib 318; P. MOOR, Droit administratif, vol. II, 1991, p. 421; A. GRISEL, Traité de droit administratif, 1984, p. 904; B. KNAPP, Précis de droit administratif, 4ème éd., 1991, nos 1966 et 1985; la doctrine citée ne faisant, à juste titre, pas de différence, sur ce point, entre le recours de droit public et le recours de droit administratif) et qu'elle s'exprime valablement (ATA H. E. du 5 novembre 2002). Cette exigence vaut également en matière de recours pour violation des droits politiques (ATF 115 Ia 153; ATA Comité référendaire contre l'acquisition du domaine d'Ecogia du 2 mars 1993).

 

b. Bien que le recours ait en l'espèce été rédigé sur papier à en-tête de l'association ... d'urbanisme, il n'est pas clair si Messieurs B. et W. entendaient par la même occasion recourir en leur propre nom, étant donné qu'ils se sont également désignés comme citoyens de la commune de ... et comme signataires de l'initiative. Cette question, et celle de la qualité pour recourir de l'association, peuvent cependant rester indécises vu l'issue du recours.

2. a. L'intérêt à obtenir un jugement favorable doit être personnel, direct, voire immédiat et actuel (Mémorial des séances du Grand Conseil 1984 I 1604 ss; Mémorial 1985 III 4373 ss; ATA T.R. du 9 septembre 1987).

 

L'existence d'un intérêt actuel s'apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours; s'il s'éteint pendant la procédure, le recours n'est plus recevable (A. GRISEL, Traité de droit administratif, Neuchâtel 1984, p. 900; ATF 98 Ib pp. 53 et 57; ATA N. du 24 avril 2001; ATA Comité d'initiative du 6 mai 1997; B.G. du 15 janvier 1997). Il y aura irrecevabilité de ce chef, par exemple, si la décision a été exécutée et a sorti tous ses effets (ATF 120 Ia 165 consid. 1a).

 

La juridiction n'examine un recours en dépit de l'absence d'intérêt actuel et pratique que lorsque les questions soulevées pourraient se poser à nouveau en tout temps et dans des circonstances identiques ou analogues au juge (ATF 121 I 279 consid. 1 p. 282 et arrêts cités) ou qu'en raison de sa nature, le litige ne pourrait jamais être soumis à temps au Tribunal (ATF non publié R. du 25 juin 1997 consid. 2b p.4; ATF 111 Ib 56 consid. 2b p. 59; 107 Ib 391 consid. 1 p. 392; ATA V.G. du 2 septembre 1997).

 

b. En l'espèce, l'objet du recours était d'obtenir l'annulation de la délibération du conseil municipal du 28 février 2002, en ce qu'il refusait de voter la résolution par laquelle l'intimée transmettait l'avant-projet de loi matérialisant le voeux des auteurs de l'initiative "Pour la sauvegarde des quartiers verdoyants". De l'avis même de la recourante, exprimé dans sa réplique du 17 juin 2002, l'unique problème posé par ce vote était l'impossibilité de procéder à cette transmission.

 

Néanmoins, l'intimée a jugé possible de transmettre l'avant-projet de loi au Conseil d'Etat, qui lui a donné la suite qui convenait puisque le DAEL a mis à l'enquête publique le reclassement en 5ème zone du périmètre dit du P. du C.. Qu'à cette occasion le conseil administratif ait violé la loi sur l'administration des communes du 13 avril 1984 (LAC - B 6 05) ou la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LALAT - L 1 30), n'entraîne en soi aucune conséquence préjudiciable aux intérêts de la recourante, au contraire. La recourante ne peut pas se plaindre d'une conséquence juridique que le vote négatif du conseil municipal aurait dû avoir, mais n'a pas eu en l'espèce. Dans cette mesure, son intérêt actuel à obtenir l'annulation de l'acte attaqué fait défaut.

 

On pourrait au demeurant se demander si le vote litigieux devrait être considéré par le Conseil d'Etat comme un préavis négatif de l'intimée, et si dans ce cas l'influence que pourrait avoir ce préavis sur la demande des citoyens lancéens serait constitutive d'une violation de leurs droits politiques. Cependant, rien n'indique en l'espèce que le Conseil d'Etat a subi l'influence du vote du conseil municipal, et la recourante n'en donne elle-même aucun indice.

 

3. a. Par conséquent, le recours sera déclaré irrecevable.

 

b. Un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante (art. 57 LPA).

 

c. Aucune indemnité ne sera allouée à l'intimée, celle-ci étant une entité publique suffisamment importante pour disposer de son propre service juridique.

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif :

déclare irrecevable le recours interjeté le 6 mars 2002 par l'association ... d'urbanisme contre la délibération de la commune de ... du 28 février 2002;

 

met à la charge de l'association ... d'urbanisme un émolument de CHF 500.-;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité;

 

communique le présent arrêt à l'association ... d'urbanisme ainsi qu'à Me Jean-Pierre Carera, avocat de l'intimée et, pour information, au Conseil d'Etat.

 


Siégeants : M. Thélin, président, MM. Paychère, Schucani, Mmes Bonnefemme-Hurni, Bovy, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste : le président :

 

C. Del Gaudio-Siegrist Ph. Thélin

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

N. Mega