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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/821/2001

ATA/195/2002 du 23.04.2002 ( ASSU ) , ADMIS

Descripteurs : ASSURANCE SOCIALE; AM; COTISATION; ASSURANCE COMPLEMENTAIRE; NULLITE; ASSU/LCA
Normes : LAMAL.12 al.2; LAMAL.37 al.2
Résumé : En matière d'assurances complémentaires, l'assureur-maladie, dépourvu de toute qualité d'organe administratif, ne saurait statuer par voie de décision (Revue suisse d'assurances 1995 p.209 et ss, p. 213). A Genève, cette tâche est confiée au juge administratif en sa qualité de Tribunal cantonal des assurances. Ainsi, pour percevoir des cotisations, l'assurance doit procéder par voie d'action devant le tribunal pour incompétence matérielle de l'autorité qui a pris la décision a pour conséquence la nullité de celle-ci (ATF 114 V 319 consid. 4b).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 23 avril 2002

 

 

 

dans la cause

 

 

Monsieur P. A.

 

 

 

 

contre

 

 

 

 

X ASSURANCE

 



EN FAIT

 

 

 

1. Courant novembre 1999, Monsieur P. A. s'est renseigné auprès de Monsieur J. N., représentant de la caisse-maladie X, sur les tarifs pratiqués par cette assurance.

 

2. Intéressé, en sa qualité d'employé de ..., à un tarif préférentiel applicable aux membres des...., M. A. a convenu avec ce représentant de la conclusion d'une police d'assurance sur la base de ces tarifs.

Ainsi, le 7 décembre 1999, M. A. a signé une déclaration d'adhésion portant sur une assurance de base, une assurance combinée d'hospitalisation en division demi-privée ainsi qu'une assurance complémentaire de soins. Le représentant l'a assuré de la conformité des tarifs mentionnés dans la déclaration au tarif préférentiel.

 

3. Par certificat d'assurance 2000 établi le 22 décembre 1999, l'assurance a communiqué à M. A. le montant de ses primes pour l'année 2000.

 

4. Par téléfax du 27 décembre 1999 adressé à l'assurance, M. A. a contesté les montants des primes de l'assurance combinée d'hospitalisation et des soins complémentaires, soit CHF 66.- et CHF 22,80, car ils étaient plus élevés que ceux mentionnés dans le tarif préférentiel et ceux avancés par l'assurance. À cet égard, il soutenait s'être vu proposer des prix de CHF 57,30 et CHF 21,80.

 

5. Divers courriers ont suivi entre les parties tout au long du mois de janvier 2000, sans qu'elles ne parviennent à un accord.

 

La X a soutenu que les primes mentionnées dans le certificat d'assurance 2000 étaient conformes au tarif préférentiel. Elle a toutefois admis que son représentant avait indiqué par erreur des tarifs relatifs à une tranche d'âge autre que celle de M. A..

 

M. A. a, pour sa part, maintenu sa position, en s'acquittant d'un montant de CHF 60.- pour l'assurance combinée d'hospitalisation, au lieu des CHF 66.- indiqués dans la police d'assurance.

 

6. Le 6 septembre 2000, la X assurance a fait notifier à M. A. un commandement de payer (N° ...) relatif aux primes d'assurance impayées pour la période de janvier à juin 2000. Ce dernier a immédiatement fait opposition.

7. Cette poursuite est restée sans suite pour M. A., le solde de primes ayant été réglé le 27 septembre 2000 par M. N., représentant de l'assurance.

 

8. En date du 9 mars 2001, la X assurance a fait notifier à M. A. un nouveau commandement de payer (N° ...) portant sur les montants suivants:

 

- CHF 36.- avec intérêts à 5% dès le 13 février 2001, à titre de primes LAMal et LCA impayées pour la période de juillet à décembre 2000;

- CHF 60.- pour frais de sommation;

- CHF 30.- pour frais d'ouverture du dossier.

 

Il a fait opposition le jour même.

 

Il sied toutefois de relever, à ce stade, que c'est par erreur que la X assurance a indiqué les primes LAMal dans le commandement de payer, le litige portant uniquement sur les primes LCA.

 

9. Par décision au sens de l'article 80 LAMal du 23 mai 2001, la X assurance a levé l'opposition au second commandement de payer (N° ...).

 

10. Par téléfax du 20 juin 2001, M. A. a formé opposition à la décision du 23 mai 2001, au motif que les prétentions invoquées par l'assurance étaient infondées. Il relevait de surcroît que la X assurance n'était pas habilitée à lever cette opposition.

 

11. Par décision sur opposition au sens de l'art. 85 LAMal, l'assurance a, le 3 juillet 2001, rejeté l'opposition au commandement de payer de M. A. et confirmé sa décision du 23 mai 2001 levant l'opposition. Elle a toutefois renoncé aux frais de dossier, soit un montant de CHF 30.-.

 

12. Le 8 août 2001, M. A. a recouru devant le Tribunal administratif contre la décision de la X assurance du 3 juillet 2001, reçue le 9 juillet 2001, cette dernière ayant une nouvelle fois refusé de reconsidérer sa position.

 

Il a conclu principalement à ce que la décision litigieuse soit annulée; à ce que la X assurance soit déclarée incompétente pour prendre cette décision; à ce qu'elle soit condamnée à lui verser une indemnité pour les frais occasionnés par la procédure. Enfin, à ce qu'elle soit condamnée à payer une amende pour plaideur téméraire.

 

L'argumentation développée par le demandeur sera reprise ci-après dans la mesure utile.

 

13. Invitée à formuler ses observations, la X assurance a, le 19 septembre 2001, reconnu avoir procédé à tort par voie de décision, s'agissant d'un litige de droit privé. Dans ces circonstances, elle a proposé une annulation du contrat, avec restitution des prestations ou son maintien avec une teneur identique, moyennant le paiement des primes. Enfin, elle s'est dite prête à annuler les décisions des 23 mai et 3 juillet 2001 à la réception du jugement.

14. En date du 31 octobre 2001, l'affaire a été gardée à juger.

 

 

EN DROIT

 

 

1. Le Tribunal admninistratif fonctionne en qualité de Tribunal cantonal des assurances et connaît comme juridiction cantonale unique des litiges ayant trait à l'assurance-maladie de base et aux assurances complémentaires au sens de l'article 12 alinéa 2 de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10; art. 37 al. 2 de la loi cantonale d'application de la LAMal du 29 mai 1997 - LaLAMal - J 3 05; art. 56C let. a LOJ). La loi fédérale sur la surveillance des assurances du 23 juin 1978 (LSA - RS 961.01) ne contient pas de règles particulières concernant les délais que doivent observer les assurés qui entendent contester une décision prise en matière d'assurances complémentaires, la notion de décision n'ayant de surcroît pas le même sens que dans le domaine de l'assurance maladie obligatoire, de sorte que la demande est également recevable de ce point de vue (art. 47 al. 2 LSA; ATA V. du 9 février 1999, D. du 3 novembre 1998, S. du 10 février 1998 et M. du 11 novembre 1997). À teneur de l'article 46 alinéa premier LCA, les créances découlant du contrat d'assurance se prescrivent par deux ans. Le juge établit d'office les faits et apprécie librement les preuves (art. 47 al. 2 in fine LSA).

 

En l'espèce, la période litigieuse commence le 1er juillet 2000, de sorte que les prétentions du demandeur ne sont pas prescrites.

 

2. a. La loi fédérale sur l'assurance-maladie régit l'assurance-maladie sociale, soit l'assurance obligatoire des soins et une assurance facultative d'indemnités journalières (art. 1 al. 1 LAMal).

 

Il est toutefois autorisé aux caisses-maladies de pratiquer, en plus de l'assurance-maladie sociale, des assurances complémentaires (art. 12 al. 2 LAMal). Ces dernières ressortissent exclusivement au droit privé et sont régies par la loi sur le contrat d'assurance (art. 12 al. 3 LCA; Revue suisse d'assurances 1995, p. 192).

 

b. En matière d'assurances complémentaires, l'assureur-maladie, dépourvu de toute qualité d'organe administratif, ne saurait statuer par voie de décision (Revue suisse d'assurances 1995 p. 209 et ss, p. 213; P.-R. Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, 1999, ad art. 79, p. 1207). En effet, cette compétence est dévolue au juge, à qui il appartient de statuer sur les contestations de droit privé qui s'élèvent entre une institution d'assurance et un assuré (art. 47 alinéa 1 LSA). À Genève, cette tâche est confiée au juge administratif en sa qualité de Tribunal cantonal des assurances.

 

Ainsi, pour percevoir les cotisations, l'assurance doit procéder par voie d'action devant ce Tribunal.

 

Dans le cas d'espèce, la X assurance n'était pas habilitée à lever l'opposition au commandement de payer formée par le demandeur, ni à confirmer une telle décision, le litige portant sur des primes de l'assurance complémentaire. C'est à tort qu'elle a usé des prérogatives fixées aux articles 80 et ss LAMal, celles-ci étant réservées au litiges en matière d'assurance-maladie obligatoire.

3. En matière d'incompétence matérielle de l'autorité qui a pris la décision viciée, la sanction est la nullité si l'autorité compétente appartient à un autre organe que celle qui a pris la décision. C'est le cas notamment lorsqu'une autorité administrative tranche par une décision un litige dont la connaissance relève d'un tribunal (ATF 114 V 319 consid. 4b).

 

a. L'autorité a la compétence de constater d'office la nullité; elle n'a pas à attendre que l'administré soulève le grief.

 

b. La constation de la nullité d'une décision a un effet rétroactif, en ce sens que l'acte est censé ne jamais avoir existé (P. Moor, Droit administratif, Volume II, 2002, n°2.3.1.2). L'administré qui refuse de s'y plier ne commet aucune violation du droit (B. Knapp, Précis de droit administratif, 1991, p. 259).

 

En l'espèce, le demandeur requière l'annulation de la décision du 3 juillet 2001 par laquelle l'assurance a confirmé une précédente décision du 23 mai 2001 levant l'opposition au commandement de payer qu'il avait formée.

 

4. Compétent pour constater d'office la nullité d'une décision, le Tribunal de céans constatera non seulement la nullité de la décision du 3 juillet 2001 mais également celle du 23 mai 2001, pour incompétence de la X assurance de rendre des décisions en matière d'assurances complémentaires.

 

5. La demande sera ainsi admise. Vu l'issue et la nature de celle-ci, aucun émolument ne sera mis à la charge du demandeur (art. 47 alinéa 3 LSA). Il ne sera alloué aucune indemnité au recourant, celui-ci s'étant défendu en personne. Il n'y a pas lieu de condamner la défenderesse à une amende pour téméraire plaideur.

 

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable la demande déposée le 8 août 2001 par Monsieur P. A. contre la X assurance;

 

au fond :

 

l'admet;

 

dit que les décisions des 23 mai et 3 juillet 2001 sont nulles;

 

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité;

 

dit que, s'agissant de la loi fédérale sur le contrat d'assurance du 2 avril 1908 (RS 221.229.1) et dans les limites des articles 43 ss et 68 ss de la loi fédérale sur l'organisation judiciaire du 16 décembre 1943 (RS 173.110), le présent arrêt peut faire l'objet d'un recours au Tribunal fédéral dans les trente jours dès sa notification. Le mémoire de recours sera adressé en trois exemplaires au Tribunal administratif, 3, rue des Chaudronniers, 1204 Genève; le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyen de preuve doivent être joints à l'envoi;

 

communique le présent arrêt à Monsieur P. A. ainsi qu'à la X assurance et à l'Office fédéral des assurances privées.


 


Siégeants : M. Paychère, président, MM. Thélin et Schucani, Mme Bonnefemme-Hurni, juges, M. Mascotto, juge suppléant.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj.: le vice-président :

 

M. Tonossi F. Paychère

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

M. Oranci