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Décisions | Assistance juridique

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AC/908/2025

DAAJ/100/2025 du 18.08.2025 sur AJC/1983/2025 ( AJC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/908/2025 DAAJ/100/2025

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DÉCISION DU LUNDI 18 AOÛT 2025

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

Madame A______, domiciliée ______, représentée par Me B______, avocate,

 

contre la décision du 24 avril 2025 de la vice-présidence du Tribunal civil.

 


EN FAIT

A.           a. Le ______ juillet 2020, A______ (ci-après : la recourante) a donné naissance, hors mariage, à un fils, C______. L'acte de naissance initial ne comporte pas le nom du père de l'enfant.

b. Par acte déposé au greffe du Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) le 15 avril 2021, la recourante, agissant tant pour elle-même qu’en tant que représentante légale de son fils, a déposé une demande en constatation de la paternité sur l’enfant et en paiement d’une contribution d’entretien à l'encontre de D______.

c. D______ a formellement reconnu l’enfant C______ en juin 2021.

d. Dans le cadre de la procédure devant le Tribunal, D______ a notamment pris des conclusions « reconventionnelles » en attribution de l’autorité parentale conjointe sur l’enfant, tout en laissant la garde exclusive de l’enfant à la mère et en se voyant réserver un droit de visite usuel sur celui-ci.

e. Le 5 mai 2022, la recourante a déposé une plainte pénale à l'encontre de D______, lui reprochant d'avoir proféré des menaces de mort le 3 avril 2022 en déclarant qu'il tuerait l'enfant en le jetant dans une rivière avant de se suicider.

f. Dans son rapport d’évaluation sociale du 24 mai 2022, le Service d'évaluation et d'accompagnement de la séparation parentale (ci-après : SEASP) a préavisé le maintien des droits parentaux (autorité parentale et garde) à la mère, mesure avec laquelle le père s'était déclaré d’accord, la fixation d’un droit de visite au père d’une heure à quinzaine en présence d'une thérapeute et l’instauration d’une curatelle d’organisation et de surveillance des relations personnelles.

g. Lors de l’audience du 22 septembre 2022, la recourante s'est opposée à la reprise des relations personnelles entre C______ et son père car, selon elle, l’unique visite qui s’était déroulée s’était mal passée, le père ayant tenu des propos menaçants, manifestement sous l’empire de l’alcool ; elle estimait qu’il représentait un danger pour C______, même accompagné d’une thérapeute. Il était en outre toujours dans le déni quant à son alcoolisme.

D______ a contesté toute menace, ainsi que le fait d’être alcoolique. Il voulait voir son fils, même en présence d’une thérapeute dans un premier temps. Il a conclu à l’autorité parentale conjointe, à l’octroi de la garde exclusive de fait sur l’enfant à la mère et à un droit de visite tel que préavisé par le SEASP, c’est-à-dire au sein de E______ [centre de consultations familiales].

h. Par jugement du 12 décembre 2022, le Tribunal a notamment maintenu l'autorité parentale et la garde exclusives de C______ en faveur sa mère et réservé à son père un droit de visite d'une heure à quinzaine qui s'exercerait au sein de E______ en présence de la thérapeute.

Le Tribunal a considéré qu'il y avait lieu de prévoir un droit de visite sur l'enfant. Il ne partageait pas le point de vue de la mère qui, sous prétexte d'une réaction inadéquate du père, avait pris l'initiative d'interrompre la démarche de reprise de contact initiée via E______ et entendait désormais priver celui-ci de tout contact avec son fils. La mère semblait oublier qu'un droit aux relations personnelles était aussi institué dans l'intérêt de l'enfant, que la suspension de tout droit aux relations personnelles était une ultima ratio et ne devait survenir qu'en dernière extrémité, quels que soient les griefs de la mère envers le père. Le Tribunal a ensuite retenu qu'il n'y avait aucun risque concret pour l'enfant d'exercer le droit de visite préconisé par le SEASP au sein de E______, ce d'autant plus qu'une curatelle de surveillance et d'organisation des relations personnelles était instaurée, à charge pour le curateur de saisir au fur et à mesure le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : le Tribunal de protection) de proposition d'évolution du droit de visite.

i. Les parties n'ont pas fait appel de ce jugement.

j. Par ordonnance pénale du 26 juillet 2023 et par jugement du Tribunal de police du 16 décembre 2024, D______ a été reconnu coupable de menaces, les autorités ayant retenu que, le 3 avril 2022, il avait proféré des menaces de mort à l'encontre de son fils, menaçant de le tuer en le jetant dans une rivière avant de se suicider.

k. Par courrier du 20 décembre 2024, la curatrice de surveillance et d'organisation de relations personnelles de l'enfant, intervenante au SPMi, a informé le Tribunal de protection que D______ n'avait pas pu revoir son fils depuis l'été au motif que la mère n'en avait pas envie. La recourante avait rappelé les menaces de mort que le père avait proférées à l'encontre de son fils, précisant ne plus vouloir avoir à faire à lui. La curatrice a dès lors préconisé la tenue d'une audience afin d'entendre les parties.

B. a. Par requête du 3 avril 2025, la recourante a sollicité le bénéfice de l'assistance juridique pour la procédure devant se dérouler devant le Tribunal de protection.

A l'appui de sa requête, elle a expliqué avoir besoin de l'assistance d'un avocat dans la mesure où le SPMi faisait pression pour que le droit de visite du père soit mis en œuvre, sans apprécier en amont sa dangerosité. Elle s'était déjà opposée à tout droit de visite par-devant le Tribunal de première instance en mentionnant les menaces de mort que D______ avait proférées à l'encontre de C______, mais le juge n'avait pas pris au sérieux ses allégations. Toutefois, D______ avait été condamné par les autorités pénales pour ces menaces. Malgré tout, le SPMi persistait à vouloir rétablir les relations personnelles entre C______ et son père et avait refusé de transmettre le jugement pénal condamnant le père au Tribunal de protection. Elle a fait valoir que la procédure était particulièrement difficile pour elle parce qu'elle avait été victime de graves violences contre sa propre intégrité physique de la part de cet homme, lequel avait été condamné, par ordonnance pénale du 19 décembre 2020, pour lésions corporelles simples survenues en décembre 2018 à son égard.

A teneur des documents annexés à la requête, D______ a été reconnu coupable, par ordonnance pénale du 19 décembre 2020, de lésions corporelles, pour avoir donné à la recourante trois coups de poing, lui causant une déviation du nez.

b. Par décision AJC/1983/2025 du 24 avril 2025, reçue par la recourante le 3 mai 2025, la vice-présidence du Tribunal civil a admis cette dernière au bénéfice de l'assistance juridique avec effet au 3 avril 2025, limitant cet octroi à la prise en charge des éventuels frais judiciaires mis à sa charge, jusqu'à première décision au fond. Il a, pour le surplus, rejeté la requête en ce qui concernait la rémunération d'un conseil juridique.

La recourante n'avait pas besoin de l'assistance d'un avocat pour indiquer au Tribunal de protection qu'elle refusait que le père exerce son droit de visite tant que sa dangerosité n'était pas appréciée et pour transmettre à cette autorité l'ordonnance pénale ainsi que le jugement du Tribunal de police.

C. a. Recours est formé contre cette décision, par acte expédié le 13 mai 2025 à la présidence de la Cour de justice. La recourante, représentée par un conseil, conclut à l'annulation de la décision querellée en tant qu'elle rejette la requête de nomination d'office d'un conseil juridique et limite l'octroi à la prise en charge des éventuels frais de justice mis à sa charge, à ce que son conseil soit nommé avec effet au 3 avril 2025, les frais de la procédure devant être mis à la charge de l'Etat et une indemnité de 1'081 fr. pour l'activité de son conseil dans la procédure de recours devant lui être versée.

Elle a préalablement conclu à ce que l'assistance juridique lui soit octroyée pour la présente procédure de recours.

Elle fait valoir que l'enjeu de la procédure est de protéger son fils de cinq ans contre une personne potentiellement dangereuse qui prétend entretenir des relations personnelles avec lui. Comme elle avait elle-même été victime de graves violences physiques et psychiques de la part de cet homme, il lui était particulièrement difficile d'affronter, seule, une procédure contre celui qui a été son bourreau, pour défendre son fils. La contraindre à un tel exercice, sans qu'elle ne puisse être assistée par un conseil, reviendrait à lui imposer une nouvelle victimisation. Compte tenu de ces atteintes, la recourante plaide qu'elle est en droit de bénéficier des protections prévues par la Convention d'Istanbul, laquelle impose que lui soit fournie une assistance juridique gratuite.

b. La vice-présidence du Tribunal civil a renoncé à formuler des observations.

EN DROIT

1.             1.1. Les décisions de la vice-présidence du Tribunal civil en matière d'assistance judiciaire, rendues en procédure sommaire (art. 119 al. 3 CPC), peuvent faire l'objet d'un recours auprès de la présidence de la Cour de justice (art. 121 CPC et 21 al. 3 LaCC), compétence expressément déléguée à la vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC)

1.2. En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.

1.3. Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).

2. La recourante sollicite préalablement l'octroi de l'assistance juridique pour le présent recours.

2.1 Selon l'art. 119 al. 5 CPC, l'assistance judiciaire doit faire l'objet d'une nouvelle requête pour la procédure de recours. L'art. 3 al. 1 2ème phrase RAJ précise également que toute procédure ou démarche connexe doit faire l'objet d'une nouvelle requête.

2.2 En l'espèce, l'autorité de seconde instance ne peut pas accorder l'assistance juridique à la recourante, parce qu'en application des art. 119 al. 5 CPC, 3 al. 1 2ème phrase RAJ et de la jurisprudence y relative, il incombait au recourant de solliciter auprès du greffe de l'assistance juridique un nouvel octroi de celle-ci pour le recours, ce qu'elle n'a pas fait.

3. La recourante reproche au premier juge d'avoir considéré que l'assistance d'un avocat ne lui était pas nécessaire pour la procédure devant le Tribunal de protection.

3.1. Reprenant l'art. 29 al. 3 Cst., l'art. 117 CPC prévoit que toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès.

Il se justifie en principe de désigner un avocat d'office à l'indigent lorsque sa situation juridique est susceptible d'être affectée de manière particulièrement grave. Lorsque, sans être d'une portée aussi capitale, la procédure en question met sérieusement en cause les intérêts de l'intéressé, il faut en sus que l'affaire présente des difficultés de fait ou de droit que le requérant ou son représentant légal ne peuvent surmonter seuls (ATF 130 I 180 consid. 2.2 et les arrêts cités). Le point décisif est toujours de savoir si la désignation d'un avocat d'office est objectivement nécessaire dans le cas d'espèce. A cet égard, il faut tenir compte des circonstances concrètes de l'affaire, de la complexité des questions de fait et de droit, des particularités que présentent les règles de procédure applicables, des connaissances juridiques du requérant ou de son représentant, de la personnalité du requérant, du fait que la partie adverse est assistée d'un avocat, et de la portée qu'a pour le requérant la décision à prendre, avec une certaine réserve lorsque sont en cause principalement ses intérêts financiers (ATF 128 I 225 consid. 2.5.2; 123 I 145 consid. 2b/cc; 122 I 49 consid. 2c/bb; ATF 122 I 275 consid. 3a et les arrêts cités). Lorsque la procédure porte sur l'exercice du droit de visite, il est rare que l'état de fait soit à tel point complexe que l'assistance d'un conseil juridique se justifie (Wuffli/Fuhrer, Handbuch unentgeltliche Rechtspflege im Zivilprozess, 2019, p. 167, n. 481 ainsi que p. 174, note de bas de page 725, avec les arrêts cités).

Selon la jurisprudence, l'assistance d'un avocat n'est en général pas nécessaire si la procédure est régie par la maxime d'office. Il est cependant des cas où l'assistance par un avocat peut s'avérer indispensable en dépit de la maxime d'office, en particulier à cause de la complexité de l'affaire ou des questions à résoudre, des connaissances juridiques insuffisantes du requérant ou encore de l'importance des intérêts en jeu (ATF 122 III 392 et les références citées, cf. également ATF 125 V 32 consid. 4b et les arrêts cités).

3.2. En l'espèce, la procédure pendante devant le Tribunal de protection, qui est régie par la maxime d'office, ne semble pas poser de difficultés telles que l'assistance d'un avocat soit nécessaire. En effet, le Tribunal de protection pourra procéder à toutes les mesures probatoires utiles pour établir les faits pertinents et la recourante pourra porter à sa connaissance tous les faits qui lui semblent pertinents, notamment la dangerosité du père et ses condamnations pénales, voir réclamer la mise en œuvre d'expertises. En outre, la question juridique à résoudre est limitée à l'étendue de l'exercice du droit de visite du père, étant relevé qu'il n'appartiendra pas au SPMi, qui selon la recourante "fait pression" pour que le droit de visite du père soit mis en œuvre, de trancher de la question mais au Tribunal de protection. Le litige ne pose ainsi vraisemblablement aucune difficulté de fait ou de droit.

En outre, si la recourante a été victime de violences de la part de D______ – du temps de la vie commune – et que l'on peut comprendre que celle-ci soit réticente à se trouver en sa présence, les tensions qui pourraient survenir lors de l'audience seront atténuées par la maxime inquisitoire illimitée et le devoir d'interpellation accru du Tribunal de protection lié à cette dernière (art. 56 CPC). La recourante a également la possibilité de se faire accompagner à l'audience par une personne de confiance comme soutien moral (art. 68 al. 1 CPC; ATF 140 III 555 consid. 2.3 commenté par Bastons Bulletti in CPC Online, Newsletter du 7 janvier 2015), cette position n'ayant pas à être spécifiquement tenue par un avocat.

La recourante soulève également une violation de la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, ratifiée le 14 décembre 2017 (Convention d'Istanbul; RS 0.311.35). Selon le Tribunal fédéral, les dispositions de cette convention créent des obligations à l'égard des États parties et non pas des droits subjectifs, en sorte que la recourante ne peut s'y référer directement (arrêts du Tribunal fédéral 5A_127/2025 du 27 mars 2025 consid. 8.1 ; 1B_259/2021 du 19 août 2021 consid. 2.3 ; 6B_1015/2019 du 4 décembre 2019 consid. 5.5.7 ; Kälin/Künzli, Universeller Menschenrechtsschutz, 4e éd., 2019, no 11.67).

Le recours sera dès lors rejeté.

4. Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 13 mai 2025 par A______ contre la décision rendue le 24 avril 2025 par la vice-présidence du Tribunal civil dans la cause AC/908/2025.

Au fond :

Le rejette.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours, ni alloué de dépens.

Notifie une copie de la présente décision à A______ en l'Etude de Me B______ (art. 327 al. 5 CPC et 8 al. 3 RAJ).

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Victoria PALLUD, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision incidente peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.