Décisions | Assistance juridique
DAAJ/36/2025 du 19.03.2025 sur AJC/42/2025 ( AJC ) , ADMIS
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE AC/3397/2024 DAAJ/36/2025 COUR DE JUSTICE Assistance judiciaire DÉCISION DU MERCREDI 19 MARS 2025 |
Statuant sur le recours déposé par :
Monsieur A______, domicilié ______ [VD],
contre la décision du 6 janvier 2025 de la vice-présidence du Tribunal civil.
A. a. Par décision du 3 août 2021, A______ (ci-après : le recourant) a été mis au bénéfice de l'assistance juridique pour une procédure de mesures protectrices de l'union conjugale à l'encontre de B______.
b. Le 30 décembre 2024, le recourant a sollicité l'assistance juridique pour une procédure de divorce sur requête unilatérale.
c. Dans le formulaire de demande d'aide étatique, il a notamment exposé qu'il exerçait une activité indépendante, que ses revenus mensuels s'élevaient à 1'600 fr. et que ses charges totalisaient 1'733 fr. 75 (1'150 fr. de loyer et 583 fr. 75 de prime d'assurance-maladie).
d. D'après son compte de résultat relatif à l'année 2024, le recourant a réalisé un bénéfice de 19'241 fr. 95.
En 2023, l'activité indépendante du recourant lui a procuré un bénéfice net de 18'000 fr. (cf. avis de taxation 2023).
e. A teneur de l'extrait de compte [bancaire] C______ produit, les montants suivants ont été crédités en faveur du recourant par la société D______ SA avec l'intitulé "défraiement": 550 fr., 2'500 fr. et 2'000 fr. en septembre 2024; 3'000 fr., 773 fr. 30 et 400 fr. 90 en octobre 2024; 3'000 fr. en novembre 2024.
B. Par décision du 6 janvier 2025, notifiée le 9 du même mois, la vice-présidence du Tribunal civil a rejeté la requête précitée. En substance, elle a retenu que le recourant ne remplissait pas la condition d'indigence, ses revenus dépassant de 1'272 fr. 25 le minimum vital élargi en vigueur à Genève. Le recourant, qui vivait avec son amie, disposait en effet de ressources mensuelles totales de 4'074 fr. (moyenne des sommes créditées sur son compte C______ sur trois mois). Les charges mensuelles admissibles du recourant s'élevaient à 2'801 fr. 75, comprenant 1'155 fr. 50 de loyer (moitié de 2'311 fr., vu la colocation), 583 fr. 75 de prime d'assurance-maladie, 850 fr. de montant de base OP (moitié du montant de base pour couple qui s'élève à 1'750 fr.), ainsi qu'une majoration de 25% de ce dernier montant.
C. a. Recours est formé contre cette décision, par acte expédié le 13 janvier 2025 à la présidence de la Cour de justice. Le recourant conclut à l'annulation de la décision entreprise et à l'octroi de l'assistance juridique pour la procédure de divorce envisagée.
Le recourant produit des pièces nouvelles.
b. La vice-présidence du Tribunal civil a renoncé à formuler des observations.
1. 1.1. En tant qu'elle refuse l'assistance juridique, la décision entreprise, rendue en procédure sommaire (art. 119 al. 3 CPC), est sujette à recours auprès de la présidence de la Cour de justice (art. 121 CPC, 21 al. 3 LaCC et 1 al. 3 RAJ), compétence expressément déléguée à la vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC et 11 RAJ).
1.2. En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.
1.3. Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).
2. Aux termes de l'art. 326 al. 1 CPC, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'un recours.
Par conséquent, les allégués de faits dont le recourant n'a pas fait état en première instance et les pièces nouvelles ne seront pas pris en considération.
3. 3.1. L'octroi de l'assistance juridique est notamment subordonné à la condition que le requérant soit dans l'indigence (art. 29 al. 3 Cst. et 117 let. a CPC).
Une personne est indigente lorsqu'elle ne peut assurer les frais liés à la défense de ses intérêts sans porter atteinte au minimum nécessaire à son entretien et à celui de sa famille (ATF 141 III 369 consid. 4.1 ; 128 I 225 consid. 2.5.1).
L'indigence s'apprécie en fonction de l'ensemble des ressources du recourant, dont ses revenus, sa fortune et ses charges, tous les éléments pertinents étant pris en considération (ATF 135 I 221 consid. 5.1 ; 120 Ia 179 consid. 3a). La situation économique existant au moment du dépôt de la requête est déterminante (ATF 135 I 221 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4D_19/2016 du 11 avril 2016 consid. 4.1).
Il incombe au requérant d'indiquer de manière complète et d'établir autant que faire se peut ses revenus, sa situation de fortune et ses charges (art. 119 al. 2 CPC et 7 al. 2 RAJ; ATF 135 I 221 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_585/2015 du 30 novembre 2015 consid. 5).
Le revenu d'un indépendant est constitué par son bénéfice net, à savoir la différence entre les produits et les charges. En cas de revenus fluctuants, pour obtenir un résultat fiable, il convient de tenir compte, en général, du bénéfice net moyen réalisé durant plusieurs années (dans la règle, les trois dernières; arrêt du Tribunal fédéral 5A_20/2020 du 28 août 2020 consid. 3.3).
Le minimum d'existence du droit des poursuites n'est pas déterminant à lui seul pour établir l'indigence au sens des règles sur l'assistance judiciaire. L'autorité compétente peut certes partir du minimum vital du droit des poursuites, mais elle doit tenir compte de manière suffisante des données individuelles du cas d'espèce (ATF 141 III 369 consid. 4.1 ; ATF 124 I 1 consid. 2a).
3.2. En l'espèce, pour retenir que l'activité indépendante du recourant lui procurait un revenu mensuel net de 4'074 fr., l'autorité de première instance s'est fondée uniquement sur les extraits de compte bancaire fournis. Or, les revenus d'un indépendant s'établissent en tenant compte des charges liées à l'exercice de l'activité, de sorte qu'il n'est pas correct de se fonder sur la seule moyenne des montants versés par un client durant trois mois. D'autre part, dans la mesure où les revenus d'un indépendant sont généralement fluctuants, il n'est pas suffisant de se baser uniquement sur une période de trois mois, qui n'est pas représentative des bénéfices réellement réalisés sur une année.
Dès lors que le recourant avait produit le bilan ainsi que le compte de résultat de l'année 2024 ainsi que la taxation fiscale 2023, il y avait lieu de se fonder sur le bénéfice réalisé durant ces deux années pour estimer ses revenus mensuels. Le bénéfice annuel net du recourant s'est élevé à 18'000 fr. en 2023 et à 19'241 fr. 95 en 2024. Son revenu mensuel net moyen peut ainsi être estimé à 1'550 fr. environ.
Ce qui précède suffit pour retenir que le recourant remplit la condition d'indigence, sur la base des éléments retenus par l'autorité de première instance en ce qui concerne les charges de l'intéressé (total de 2'801 fr. 75 par mois). Il n'est donc pas nécessaire d'examiner les autres griefs développés par le précité au sujet de l'établissement de son budget.
Dans la mesure où la cause pour laquelle l'aide étatique est requise est une procédure de divorce de première instance, la question des chances de succès ne se pose pas.
Les conditions posées par l'art. 117 CPC étant remplies, le recourant sera mis au bénéfice de l'assistance juridique pour la procédure de divorce qu'il entend initier, cet octroi prenant effet au 30 décembre 2024 (date du dépôt de la demande d'assistance juridique) et étant limité à la première instance et à 10 heures d'activité d'avocat.
L'autorité de première instance sera par ailleurs invitée à désigner un avocat pour la défense des intérêts du recourant.
4. Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :
A la forme :
Déclare recevable le recours formé par A______ contre la décision rendue le 6 janvier 2025 par la vice-présidence du Tribunal civil dans la cause AC/3397/2024.
Au fond :
Annule la décision entreprise et, cela fait:
Admet A______ au bénéfice de l'assistance juridique, avec effet au 30 décembre 2024, pour une procédure de divorce sur requête unilatérale à l'encontre de B______.
Limite cet octroi à la 1ère instance et à 10 heures d'activité d'avocat, audiences et forfait courriers/téléphones en sus.
Invite la vice-présidence du Tribunal civil à désigner un avocat pour la défense des intérêts de A______.
Déboute A______ de toutes autres conclusions.
Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours.
Notifie une copie de la présente décision à A______ (art. 327 al. 5 CPC et 8 al. 3 RAJ).
Siégeant :
Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Victoria PALAZZETTI, greffière.
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.