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Décisions | Assistance juridique

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AC/735/2024

DAAJ/72/2024 du 01.07.2024 sur AJC/2103/2024 ( AJC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/735/2024 DAAJ/72/2024

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DÉCISION DU LUNDI 1er JUILLET 2024

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

Madame A______, domiciliée ______, représentée par Me B______, avocat,

 

contre la décision du 26 avril 2024 de la vice-présidence du Tribunal civil.

 


EN FAIT

A.           a. A______ (ci-après : la recourante) était titulaire d'un bail portant sur un appartement de 4,5 pièces situé au premier étage de l'immeuble sis chemin 1______ no. ______ à C______ [GE], dont le loyer avait été fixé à 1'600 fr. par mois, charges comprises.

Le contrat de bail, conclu pour une durée initiale d'un an du 15 mars 2003 au 14 mars 2004, était ensuite renouvelable d'année en année.

b. Le contrat de bail a été résilié le 11 octobre 2023, avec effet au 14 mars 2024. La bailleresse a indiqué que sa famille s'agrandissait et qu'elle désirait récupérer l'appartement pour les besoins de ses petits-enfants.

c. Par acte expédié le 12 mars 2024 à la Commission de conciliation en matière de baux et loyers (CCBL), la recourante, agissant par l'intermédiaire de l'ASLOCA, a conclu à ce que la nullité de la résiliation de son bail soit constatée et à ce que son loyer soit fixé à 1'400 fr. par mois, charges comprises, à compter du 15 mars 2003, la bailleresse devant lui restituer le trop-perçu de loyer. Elle a fait valoir qu'aucun avis de fixation du loyer initial ne lui avait été remis, de sorte que ledit loyer était nul. En outre, la résiliation était nulle car sa bailleresse, âgée de 94 ans, n'avait plus sa capacité de discernement. Cette dernière avait signé, d'une signature extrêmement hésitante, l'avis de résiliation du loyer et le courrier de résiliation préparés par son petit-fils sans en comprendre la portée.

B. Le 12 mars 2024, la recourante a sollicité l'assistance juridique pour l'action en constatation de la nullité du congé et en fixation du loyer, ainsi que pour se défendre dans le cadre d'une éventuelle procédure en évacuation qui serait dirigée à son encontre.

C. Par décision du 26 avril 2024, reçue par la recourante le 29 du même mois, la vice-présidence du Tribunal civil a mis la recourante au bénéfice de l'assistance juridique pour la phase de conciliation pour son action en constatation de la nullité du loyer, la fixation judiciaire du loyer et le remboursement du trop-perçu. En revanche, elle a rejeté sa requête s'agissant de l'action en constatation de la nullité du congé dès lors qu'il n'avait pas été rendu vraisemblable que la bailleresse était incapable de discernement lors de la résiliation. Le fait que la signature de cette dernière soit tremblante et son âge n'étaient pas a priori suffisants pour retenir qu'elle était incapable de discernement en l'absence d'une maladie mentale ou d'une faiblesse d'esprit. Enfin, sa requête était prématurée s'agissant de sa défense dans une procédure en évacuation.

D a. Recours est formé contre cette décision, par acte expédié le 29 avril 2024 à la Présidence de la Cour de justice. La recourante conclut à l'annulation de la décision du 26 avril 2024 en tant qu'elle rejette sa demande d'assistance juridique pour la procédure en constatation de la nullité du congé et sollicite d'être mise au bénéfice de l'assistance juridique pour cette procédure.

b. La vice-présidence du Tribunal civil a renoncé à formuler des observations.

EN DROIT

1.             1.1. La décision entreprise est sujette à recours auprès de la présidence de la Cour de justice en tant qu'elle refuse l'assistance juridique (art. 121 CPC et art. 21 al. 3 LaCC), compétence expressément déléguée à la vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC et 11 RAJ).

1.2. En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.

1.3. Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).

2.             La recourante reproche au Tribunal d'avoir considéré que ses chances de succès étaient faibles s'agissant de l'action en nullité du congé.

2.1.
2.1.1.
Reprenant l'art. 29 al. 3 Cst., l'art. 117 CPC prévoit que toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès.

Un procès est dépourvu de chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre, et qu'elles ne peuvent donc être considérées comme sérieuses, de sorte qu'une personne raisonnable et de condition aisée renoncerait à s'y engager en raison des frais qu'elle s'exposerait à devoir supporter; en revanche, une demande ne doit pas être considérée comme dépourvue de toute chance de succès lorsque les perspectives de gain et les risques d'échec s'équilibrent à peu près ou lorsque les premières sont seulement un peu plus faibles que les seconds. Ce qui est déterminant est de savoir si une partie, qui disposerait des ressources financières nécessaires, se lancerait ou non dans le procès après une analyse raisonnable. Une partie ne doit pas pouvoir mener un procès qu'elle ne conduirait pas à ses frais, uniquement parce qu'il ne lui coûte rien (ATF 142 III 138 consid. 5.1; ATF 128 I 225 consid. 2.5.3).

La situation doit être appréciée à la date du dépôt de la requête et sur la base d'un examen sommaire (ATF 142 III 138 consid. 5.1; 133 III 614 consid. 5).

L'absence de chances de succès peut résulter des faits ou du droit. L'assistance sera refusée s'il apparaît d'emblée que les faits pertinents allégués sont invraisemblables ou ne pourront pas être prouvés (arrêt du Tribunal fédéral 4A_614/2015 du 25 avril 2016 consid. 3.2).

2.1.2. Est capable de discernement toute personne qui n'est pas dépourvue de la faculté d'agir raisonnablement à cause de son jeune âge, ou qui n'en est pas privée par suite de maladie mentale, de faiblesse d'esprit, d'ivresse ou d'autres causes semblables (art. 16 CC).

Sous réserve des exceptions prévues par la loi, les actes de celui qui est incapable de discernement n'ont pas d'effet juridique (art. 18 CC). Ainsi, une résiliation de bail n'est valable que si l'expéditeur et le destinataire sont capables de discernement (Lachat, Le bail à loyer, Lausanne, 2019, p. 826, n. 1.8).

La capacité de discernement est la règle; elle est présumée d'après l'expérience générale de la vie, de sorte qu'il incombe à celui qui prétend qu'elle fait défaut de le prouver ATF 134 II 235 consid. 4.3.3; 124 III 5 consid. 1b et les références citées). Conformément à la relativité du discernement, il faut prouver l'absence de capacité de discernement dans un cas concret (Werro/Schmidlin, Commentaire Romand, 2010 CC I, n. 12-15 et 18 ad art. 16 CC). Celui qui invoque l'inefficacité d'un acte pour cause d'incapacité de discernement doit ainsi prouver l'un des états de faiblesse décrits à l'art. 16 CC et l'altération de la capacité d'agir raisonnablement qui en est la conséquence (ATF 124 III 5 consid. 1b; 117 II 231 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral 5A_951/2016 du 14 septembre 2017 consid. 3.1.2).

2.2. En l'espèce, la vice-présidence du Tribunal civil a examiné sommairement, conformément aux principes applicables en la matière, les chances de succès de la demande en nullité du congé formée par la recourante. Dans cette mesure, elle ne s'est pas substituée au juge du fond et n'a pas violé le droit en procédant de la sorte.

Si comme le plaide la recourante, il est dans l'expérience générale de la vie qu'une personne âgée de 94 ans puisse être affectée dans ses capacités cognitives, encore faut-il qu'elle puisse prouver que sa bailleresse était incapable de discernement au moment de la signature de la résiliation du bail. A cet égard, la recourante fait valoir qu'elle doit pouvoir apporter la preuve de l'incapacité de discernement de sa bailleresse, les indices présentés (âge, signature hésitante, préparation des documents par un tiers) étant suffisants à présumer une telle incapacité. La recourante indique qu'elle sollicitera, pour établir cette incapacité, l'audition de sa bailleresse par le Tribunal. Or, une telle audition, si elle devait aboutir au constat que cette personne est incapable de discernement au moment de son audition, ne permettrait encore pas de retenir qu'elle l'était plusieurs mois auparavant, lors de la signature de la résiliation.

Par conséquent, c'est à juste titre que le premier juge a considéré que la recourante avait peu de chance de prouver que sa bailleresse était incapable de discernement lors de la signature de la résiliation du contrat de bail.

Par conséquent, le recours sera rejeté.

3.             Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :


A la forme
:

Déclare recevable le recours formé le 29 avril 2024 par A______ contre la décision rendue le 26 avril 2024 par la vice-présidence du Tribunal civil dans la cause AC/735/2024.

Au fond :

Le rejette.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours, ni alloué de dépens.

Notifie une copie de la présente décision à A______ en l'Étude de Me B______ (art. 137 CPC).

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.