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Décisions | Assistance juridique

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AC/3570/2023

DAAJ/52/2024 du 29.05.2024 sur AJC/727/2024 ( AJC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/3570/2023 DAAJ/52/2024

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DÉCISION DU MERCREDI 29 MAI 2024

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

Madame A______, p.a. B______ [syndicat],

 

contre la décision du 5 février 2024 de la vice-présidence du Tribunal civil.

 

 

 

 


EN FAIT

A.           a. A______ (ci-après : la recourante), née à C______ (Colombie) le ______ 1973, de nationalité colombienne, et D______, né à E______ [ZH] le ______ 1960, originaire de F______ [TI], se sont mariés à Genève le ______ 2003.

L'enfant G______, née le ______ 2004, aujourd'hui majeure, est issue de cette union.

b. Par sentence du 4 septembre 2014, le Second Tribunal de Famille de C______ a, notamment, prononcé le divorce entre les époux D______/A______ et a déclaré "dissoute" la société matrimoniale et en état de liquidation totale, laquelle devait être "dissoute" d'un commun accord devant notaire ou de manière contentieuse par la continuation de cette procédure.

c. La recourante s'est remariée avec H______, le ______ 2015 en Barbade. Ils sont en instance de divorce (sic, cf. ch. 2 ci-dessous). Une fille, I______, encore mineure, est issue de leur union.

Selon leur certificat de mariage, la recourante est "Lawyer" (avocate).

B. Le 25 octobre 2023, la recourante, domiciliée aux Etats-Unis, a formé devant le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) une action en complément du jugement de divorce du 4 septembre 2014, sollicitant, notamment, l'exequatur de la sentence et la liquidation du régime matrimonial, à hauteur d'une valeur litigieuse minimale de 80'000 fr. (C/1______/2023). Elle s'est prévalue de la compétence des tribunaux tessinois, lieu d'origine de son ex-époux.

Le 12 décembre 2023, le Tribunal a requis le paiement d'une avance de frais de 3'500 fr.

Le 20 décembre 2023, la recourante a constitué Me J______, avocat, pour la représenter et l'assister dans la liquidation du régime matrimonial.

C.           Le 29 décembre 2023, la recourante a sollicité l'assistance judiciaire à l'appui de la procédure pendante devant le Tribunal. Elle a indiqué, sur la formule (pénale) de l'Assistance juridique, disposer d'une somme de 1'700 USD sur un compte bancaire, a articulé un loyer (arrondi à 1'600 USD) et des "frais de nourriture" (400 USD). Elle a proposé la nomination du conseil sus évoqué pour sa représentation devant le Tribunal.

Par courrier du 5 janvier 2024, adressé à la recourante et à son conseil, le greffe de l'assistance juridique (ci-après : GAJ) a demandé des renseignements à la recourante, dont ses moyens de subsistance, en particulier, ainsi que la justification d'un for à Genève.

Dans le délai imparti, par courrier 12 janvier 2024, la recourante a exposé, entre autres, qu'elle était "femme au foyer sans aucun revenu", que son mari était vendeur de voitures d'occasion sans revenu fixe, qu'il payait toutes les dépenses de la maison et de la famille, nonobstant leur séparation en cours, et qu'elle dépendait exclusivement de lui.

Il ressort des pièces produites en anglais que la recourante perçoit une rente mensuelle de 1'565 USD, ainsi que d'autres montants modestes (fees), qui n'ont pas été explicités.

La recourante a fourni l'adresse complète de son ex-époux à K______ (France).

D.           Par décision du 5 février 2024, notifiée le 8 février 2024, la vice-présidence du Tribunal civil a rejeté la requête d'assistance juridique.

Selon cette décision, la recourante n'avait que partiellement répondu aux renseignements demandés, quand bien même elle était assistée par un avocat, de sorte que les éléments fournis ne permettaient ni de se prononcer sur les mérites de sa cause, ni de déterminer sa situation financière. Représentée par un avocat, le GAJ n'avait pas l'obligation d'interpeller la recourante une seconde fois, afin qu'elle complète sa requête lacunaire. Elle échouait ainsi dans le fardeau de la preuve.

E.            a. Recours est formé contre cette décision, par acte expédié le 13 février 2024 à la Présidence de la Cour de justice.

La recourante, en personne, conclut implicitement à l'annulation de la décision du 5 février 2024 et sollicite l'octroi de l'assistance juridique afin d'être représentée par Me J______. Elle autorise le service de l'assistance juridique à "percevoir immédiatement le remboursement après le jugement et condamnation [de son ex-époux à lui verser] la somme due". A défaut, "il s'agirait d'un véritable déni de justice imposé par votre tribunal".

b. La vice-présidence du Tribunal civil a renoncé à formuler des observations.

EN DROIT

1.             1.1 La décision entreprise est sujette à recours auprès de la présidence de la Cour de justice en tant qu'elle refuse l'assistance juridique (art. 121 CPC et art. 21 al. 3 LaCC), compétence expressément déléguée à la vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC et 11 RAJ).

1.2 En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.

1.3 Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).


 

2. La recourante conteste le caractère lacunaire de sa requête d'assistance judiciaire pour les raisons suivantes :

- elle ne peut pas produire le contrat de travail de son époux, ni ses fiches de salaires, ni son compte bancaire sans son autorisation, ni lui demander de signer une attestation indiquant le montant mensuel qu'il lui "donne pour sa survie";

- elle ne parvient pas à convaincre qu'elle est "femme au foyer sans revenu";

- elle ne peut pas prouver qu'elle est en train de divorcer de son époux car aucune juridiction n'a été saisie à ce jour et souhaite retourner dans son pays d'origine avec sa fille mineure;

- son époux ne veut rien savoir de son (premier) divorce et de la liquidation des biens conjugaux;

- elle vit dans un village à 53 km de la ville la plus proche et ne possède pas de voiture, de sorte qu'elle n'a pas les moyens de s'échapper;

- la seule façon de vérifier ses dires est de demander au Consulat suisse de la ville de L______ (USA) de vérifier sa situation.

2.1. 2.1.1 En vertu de l'art. 117 CPC, une personne a droit à l'assistance judiciaire si elle ne dispose pas de ressources suffisantes (let. a) et si sa cause ne paraît pas dépourvue de toute chance de succès (let. b).

L'octroi de l'assistance juridique est notamment subordonné à la condition que le requérant soit dans l'indigence (art. 29 al. 3 Cst. et 117 let. a CPC).

La condition de l'indigence est réalisée si la personne concernée ne peut assumer les frais du procès sans entamer les moyens nécessaires à son entretien et à celui de sa famille (ATF 144 III 531 consid. 4.1; 141 III 369 consid. 4.1). Il faut pour cela examiner la situation financière de la partie requérante dans son ensemble (charges, revenus et fortune) au moment de la requête (ATF 135 I 221 consid. 5.1). La part des ressources excédant ce qui est nécessaire à la couverture des besoins personnels doit être comparée, dans chaque cas, aux frais prévisibles de la procédure pour laquelle l'assistance judiciaire est demandée. Le soutien de la collectivité publique n'est en principe pas dû, au regard de l'art. 29 al. 3 Cst., lorsque cette part disponible permet d'amortir les frais judiciaires et d'avocat en une année au plus, pour les procès relativement simples, et en deux ans pour les autres (ATF 141 III 369 consid. 4.1; 135 I 221 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_483/2022 du 7 septembre 2022 consid. 5.1).

Il incombe au requérant d'indiquer de manière complète et d'établir autant que faire se peut ses revenus, sa situation de fortune et ses charges (art. 119 al. 2 CPC et 7 al. 2 RAJ; ATF 135 I 221 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 2C_585/2015 du 30 novembre 2015 consid. 5).

Les ressources effectives des personnes qui ont à l'égard du requérant une obligation d'entretien doivent être prises en compte (ATF 119 Ia 11 consid. 3a), le devoir de l'Etat d'accorder l'assistance judiciaire à un plaideur impécunieux dans une cause non dénuée de chances de succès étant subsidiaire à l'obligation d'entretien qui résulte du droit de la famille (ATF 138 III 672 consid. 4.2.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_404/2022 du 17 octobre 2022 consid. 4.3.3 e les références citées).

2.1.2 Applicable à la procédure portant sur l'octroi ou le refus de l'assistance judiciaire, la maxime inquisitoire est limitée par le devoir de collaborer des parties. Ce devoir de collaborer ressort en particulier de l'art. 119 al. 2 CPC qui prévoit que le requérant doit justifier de sa situation de fortune et de ses revenus et exposer l'affaire et les moyens de preuve qu'il entend invoquer. Il doit ressortir clairement des écritures de la partie requérante qu'elle entend solliciter le bénéfice de l'assistance judiciaire et il lui appartient de motiver sa requête s'agissant des conditions d'octroi de l'art. 117 CPC et d'apporter, à cet effet, tous les moyens de preuve nécessaires et utiles (arrêt du Tribunal fédéral 4A_461/2022 du 15 décembre 2022 consid. 4.1.3 et les références citées).

2.1.3 Selon l'art. 56 CP, le tribunal interpelle les parties lorsque leurs actes ou déclarations sont peu clairs, contradictoires, imprécis ou manifestement incomplets et leur donne l'occasion de les clarifier et de les compléter.

Le plaideur assisté d'un avocat ou lui-même expérimenté voit son obligation de collaborer accrue, dans la mesure où il a connaissance des conditions nécessaires à l'octroi de l'assistance judiciaire et des obligations de motivation qui lui incombent pour démontrer que celles-ci sont remplies, et que le juge n'a, de ce fait, pas l'obligation de lui octroyer un délai supplémentaire pour compléter sa requête d'assistance judiciaire lacunaire ou imprécise (arrêt du Tribunal fédéral 5A_771/2023 du 20 mars 2023 consid. 4.3 et les références citées).

2.1.4 Il y a formalisme excessif, constitutif d'un déni de justice formel prohibé par l'art. 29 al. 1 Cst., lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi et complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (ATF 145 I 201 consid. 4.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_524/2023 du 14 décembre consid. 3.3.2).

Le fait de ne pas accorder un délai supplémentaire à la partie assistée pour compléter sa demande n'est pas constitutif de formalisme excessif (arrêt du Tribunal fédéral 5A_524/2023 du 14 décembre consid. 3.3.2 et la référence citée).

2.2 En l'espèce, il ressort des pièces produites par la recourante que celle-ci est avocate et qu'elle n'a pas déclaré de revenu sur le formulaire de l'Assistance juridique. Dans sa réponse au GAJ du 12 janvier 2024, elle a précisé être "femme au foyer sans aucun revenu", que son époux assumait l'entier des charges de la famille, malgré leur séparation, et qu'elle dépendait exclusivement de lui.

Pourtant, il ressort desdites pièces qu'elle perçoit une rente mensuelle de 1'565 USD, ainsi que d'autres montants, qu'elle n'a pas explicités.

Or, pour pouvoir statuer sur la condition de son indigence, la recourante devait, en application des art. 117 let. a, 119 al. 2 CPC et 7 al. 2 RAJ, justifier des revenus et charges mensuelles de son groupe familial, ce qu'elle n'a pas fait, affirmant que la production des pièces y relatives lui était impossible et estimant à tort qu'il incombait au GAJ de prendre des renseignements à ce sujet auprès du Consulat suisse de L______. C'est, dès lors, avec raison que l'Autorité de première instance a considéré que sa requête d'assistance judiciaire était lacunaire.

La recourante ne conteste pas avoir été assistée par son conseil en première instance, dans le cadre de sa requête d'assistance judiciaire. Par conséquent, en application de l'art. 56 CPC et de la jurisprudence y relative, la recourante avait une obligation accrue de collaborer avec le GAJ, puisque son conseil connaissait les conditions nécessaires à l'octroi de l'assistance judiciaire, les documents à produire, ainsi que son obligation de motivation y relative.

Par conséquent, après l'interpellation du GAJ par courrier du 5 janvier 2024, et la réponse lacunaire de la recourante du 12 janvier 2024, ledit greffe n'avait pas l'obligation de la solliciter à nouveau afin qu'elle fournisse les renseignements déjà requis.

Enfin, selon la jurisprudence, le refus du GAJ de ne pas avoir accordé un délai supplémentaire à la recourante, assistée de son conseil en première instance, n'est pas constitutif de formalisme excessif ou d'un déni de justice.

Infondé, le recours sera, dès lors, rejeté.

3. Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC). Il n'y a pas lieu à l'octroi de dépens.

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :


A la forme
:

Déclare recevable le recours formé le 13 février 2024 par A______ contre la décision rendue le 5 février 2024 par la vice-présidence du Tribunal civil dans la cause AC/3570/2023.

Au fond :

Le rejette.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours, ni alloué de dépens.

Notifie une copie de la présente décision à A______ (art. 327 al. 5 CPC et 8 al. 3 RAJ).

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la décision attaquée. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.