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Décisions | Chambre civile

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C/26549/2023

ACJC/1493/2025 du 23.10.2025 sur JTPI/9808/2025 ( SDF )

Recours TF déposé le 17.11.2025, 5A_1001/2025
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/26549/2023 ACJC/1493/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 23 OCTOBRE 2025

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant d'un jugement rendu par la 18ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 18 août 2025, représenté par Me Virginie JORDAN, avocate, JordanLex, Rue de la Rôtisserie 4,
Case postale, 1211 Genève 3,

et

Madame B______, domiciliée ______, intimée, représentée par Me Stéphane REY, avocat, Rue Michel-Chauvet 3, Case postale 477, 1211 Genève 12.

 


Attendu, EN FAIT, que par jugement JTPI/9808/2025 du 18 août 2025, le Tribunal de première instance, statuant sur mesures provisionnelles et sur mesures protectrices de l'union conjugale, a notamment autorisé les époux B______ et A______ à vivre séparés, maintenu l'autorité parentale conjointe sur les enfants C______, née le ______ 2008, D______, née le ______ 2012 et E______, née le ______ 2015, attribué à B______ la garde exclusive sur les enfants et réservé à A______ un droit de visite devant s’exercer au Point rencontre en mode "Accueil", dont la fréquence serait à définir selon le souhait des trois enfants, le cas échéant avec l'aide du curateur d'organisation et de surveillance des relations personnelles et instauré une curatelle de surveillance des relations personnelles;

Que, A______ a formé appel de ce jugement, concluant principalement à ce que la Cour de justice l'annule et, notamment, octroie aux parties la garde alternée sur leurs trois enfants;

Qu'il a requis à titre préalable l'octroi de l'effet suspensif à son recours, faisant valoir que, s'agissant du sort des enfants, il convenait de maintenir la situation qui prévalait avant le prononcé de la décision querellée;

Que B______ s'est opposée à l'octroi de l'effet suspensif;

Qu'il ressort du dossier que les parties se sont séparées en juin 2024 et ont pratiqué une garde alternée pour D______, âgée actuellement de 13 ans, et E______, âgée de 10 ans; la fille aînée des parties, âgée de 16 ans, ne souhaitait pour sa part pas voir son père, mais avait des contacts téléphoniques avec lui;

Que le père allègue que ces modalités conviennent aux enfants, ce qui est contesté par la mère;

Que le Tribunal a fixé les modalités de garde et de droit de visite susmentionnées en se fondant sur les conclusions concordantes d'un rapport d'expertise du groupe familial daté du 17 mars 2025 et du rapport du Service d'évaluation et d'accompagnement de la séparation parentale (SEASP) établi le 23 mai 2024;

Que, selon le rapport du SEASP, le père entretenait une relation inappropriée et excessivement proche avec sa fille cadette E______, ce qui affectait négativement la situation de toute la famille; le père n'acceptait pas de se remettre en question et se montrait peu à l'écoute des besoins de ses filles, alors que les capacités parentales de la mère étaient bonnes;

Que l'expert désigné par le Tribunal a constaté que la garde alternée ne convenait pas à D______ et E______ qui étaient tristes et présentaient des troubles psychologiques en lien avec la situation familiale; le père avait instauré une dynamique d'emprise et de manipulation de E______, laquelle était délétère pour son développement; il ne reconnaissait pas les besoins psychiques de ses filles et ne se remettait pas en question; C______, qui avait une personnalité bien construite qui lui avait permis de se dégager des problèmes de ses parents, avait clairement exprimé le souhait de ne plus voir son père et il convenait de suivre sa demande; la mère avait pour sa part de bonnes capacités parentales;

Que le Tribunal, qui a procédé à l'audition des enfants, a considéré que la situation de E______ était extrêmement alarmante, car elle subissait une forme grave d'aliénation parentale de la part de son père, qui pouvait être qualifiée de maltraitance psychologique sévère; D______ présentait des symptômes d'anxiété en réaction avec sa situation familiale; elle était épuisée et ne voulait plus aller chez son père; C______, pour sa part, avait clairement exprimé le souhait de ne plus voir son père; il ressortait du dossier que le père ne disposait pas des compétences nécessaires pour pouvoir exercer la garde, contrairement à la mère, de sorte qu'il convenait de suivre les recommandations de l'expert et du SEASP;

Que l'appelant fait notamment valoir dans son appel que l'expert n'était pas compétent et avait fait preuve de parti pris en sa défaveur, de sorte qu'il convenait d'ordonner une nouvelle expertise;

Considérant, EN DROIT, que l'appel n'a pas d'effet suspensif lorsqu'il a pour objet des décisions portant sur des mesures provisionnelles (art. 315 al. 2 let. b CPC);

Que l'exécution des mesures provisionnelles peut toutefois être exceptionnellement suspendue, sur demande, si la partie concernée risque de subir un préjudice difficilement réparable (art. 315 al. 4 let. b CPC);

Que le préjudice difficilement réparable peut être de nature factuelle; qu'il concerne tout préjudice, patrimonial ou immatériel, et peut même résulter du seul écoulement du temps pendant le procès; que le dommage est constitué, pour celui qui requiert les mesures provisionnelles, par le fait que, sans celles-ci, il serait lésé dans sa position juridique de fond et, pour celui qui recourt contre le prononcé de telles mesures, par les conséquences matérielles qu'elles engendrent (ATF 138 III 378 consid. 6.3 et les références);

Que saisie d'une demande d'effet suspensif, l'autorité de recours doit faire preuve de retenue et ne modifier la décision de première instance que dans des cas exceptionnels; qu'elle dispose cependant d'un large pouvoir d'appréciation permettant de tenir compte des circonstances concrètes du cas d'espèce (arrêt du Tribunal fédéral 5A_206/2024 du 7 juin 2024 consid. 3.1.1 et les arrêts cités);

Qu'en matière de garde, des changements trop fréquents peuvent être préjudiciables à l'intérêt de l'enfant; que, par conséquent, lorsque la décision de mesures provisionnelles statue sur la garde ou modifie celle-ci de sorte que l'enfant devrait être séparé du parent qui prenait régulièrement soin de lui au moment de l'ouverture de la procédure ayant donné lieu à la décision attaquée, le bien de l'enfant commande alors, dans la règle, de maintenir les choses en l'état et de laisser celui-ci auprès de la personne qui lui sert actuellement de référence; que la requête d'effet suspensif du parent qui entend conserver la garde doit ainsi être admise, sauf si le maintien de la situation antérieure met en péril le bien de l'enfant ou encore si l'appel paraît sur ce point d'emblée irrecevable ou manifestement infondé (ATF 144 III 469 consid. 4.2.1; 138 III 565 consid. 4.3.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_206/2024 précité consid. 3.1.2; 5A_223/2022 du 29 août 2022 consid. 3.1.1);

Qu'en l'espèce, il appert que le maintien de la situation antérieure mettrait en péril le bien des trois filles des parties;

Qu'en effet, il n'y a aucune raison de considérer, prima facie, que l'expertise, qui confirme les conclusions du SEASP, serait viciée;

Qu'il ressort de cette expertise que le maintien de la garde alternée, pour la durée de la procédure devant la Cour, n'est vraisemblablement pas dans l'intérêt de E______ qui présente des troubles anxio-dépressifs vraisemblablement dus à l'attitude de son père, qui a exercé sur elle une dynamique d'emprise et de manipulation assimilable à de la maltraitance;

Que ce maintien paraît à ce stade également contraire à l'intérêt de D______, qui ne va pas bien non plus, et qui a fait savoir au Tribunal que la garde alternée en vigueur jusque-là ne lui convenait pas;

Que, compte tenu de l'âge de D______ et de C______, il n'est pas envisageable de les contraindre à se plier, pour la durée de la procédure, à une garde alternée dont elles ont clairement affirmé qu'elle ne leur convenait pas;

Que cela est d'autant plus vrai que cette garde alternée n'a été mise en place que depuis juin 2024, et uniquement pour deux des trois enfants des parties, et qu'il semble, au stade de l'examen prima facie du dossier et sans préjudice de la décision à rendre sur le fond, que ce système n'a à aucun moment donné satisfaction à tous les membres de la famille;

Que la requête d'effet suspensif sera dès lors rejetée en tant qu'elle porte sur le transfert de la garde à l'intimée et sur la mise en place d'un droit de visite au Point rencontre entre le père et les enfants;

Que l'octroi de l'effet suspensif sera également refusé s'agissant des autres chiffres du dispositif du jugement querellé, aucun grief motivé n'ayant été formulé sur ces points;

Qu'il sera finalement observé qu'une éventuelle violation du droit d'être entendu de l'appelant devrait a priori pouvoir être réparée dans le cadre de la procédure d'appel, la Cour jouissant d'un pouvoir d'examen complet en fait et en droit;

Qu'il sera statué sur les frais et dépens liés à la présente décision avec l'arrêt au fond (art. 104 al. 3 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La présidente ad interim de la Chambre civile :


Statuant sur requête de suspension du caractère exécutoire du jugement entrepris :

Rejette la requête formée par A______ tendant à suspendre le caractère exécutoire du jugement JTPI/9808/2025 rendu le 18 août 2025 par le Tribunal de première instance dans la cause C/26549/2023.

Dit qu'il sera statué sur les frais liés à la présente décision dans l'arrêt au fond.

Siégeant :

Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, présidente ad interim; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

La présente décision, incidente et de nature provisionnelle (ATF 137 III 475 consid. 1 et 2), est susceptible d'un recours en matière civile (art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005; LTF - RS 173.110), les griefs pouvant être invoqués étant toutefois limités (art. 93/98 LTF), respectivement d'un recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 ss LTF). Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la décision attaquée.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.