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Décisions | Chambre civile

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C/4633/2022

ACJC/1286/2025 du 23.09.2025 sur JTPI/14285/2024 ( OO ) , JUGE

Normes : CO.413; CO.23; CO.31
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/4633/2022 ACJC/1286/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 23 SEPTEMBRE 2025

 

Entre

Monsieur A______, domicilié c/o B______ Ltd, ______, Chypre, appelant d'un jugement rendu par la 26ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 15 novembre 2024, représenté par Me Luc-Alain BAUMBERGER, avocat, Schmidt & Associés, rue du Vieux-Collège 10, 1204 Genève,

et

C______ SARL, sise ______ [GE], intimée, représentée par Me Delphine ZARB, avocate, DGE Avocats, rue Bartholoni 6, case postale, 1211 Genève 4.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/14285/2024 du 15 novembre 2024, reçu par les parties le 18 novembre 2024, le Tribunal de première instance a débouté A______ de toutes ses conclusions prises à l'encontre de C______ SARL (ch. 1 du dispositif), mis à sa charge les frais judiciaires, arrêtés à 5'730 fr. et partiellement compensés avec les avances effectuées par les parties, condamné A______ à verser 130 fr. à sa partie adverse à ce titre, invité les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à C______ SARL 1'120 fr. au titre des frais judiciaires (ch. 2), arrêté à 11'780 fr. les dépens dus par A______ à C______ SARL et ordonné aux Services financiers du Pouvoir judiciaire la libération des sûretés à hauteur de ce montant (ch. 4), invité les Services précités à restituer à A______ le solde des sûretés en 287 fr. (ch. 5) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 6).

B. a. Le 23 décembre 2024, A______ a formé appel de ce jugement, concluant à ce que la Cour de justice l'annule, condamne C______ SARL à lui verser 53'850 fr. avec intérêts à 5% dès le 5 septembre 2021, prononce la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______, à concurrence de ce montant, dise que la poursuite ira sa voie et ordonne aux Services financiers du Pouvoir judiciaire de lui restituer les sûretés, avec suite de frais et dépens.

b. Par arrêt ACJC/450/2025 du 31 mars 2025, la Cour a imparti à A______ un délai pour verser des sûretés de 4'000 fr. en garantie des dépens d'appel.

Les sûretés ont été versées en temps utile.

c. C______ SARL a conclu à la confirmation du jugement querellé, avec suite de frais et dépens.

d. Les parties ont répliqué et dupliqué et se sont déterminées dans les délais impartis par la Cour, persistant dans leurs conclusions.

e. Elles ont été informées le 11 juillet 2025 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier.

a. C______ SARL a notamment pour but social le courtage immobilier. D______ en est l'un des associés gérants avec signature individuelle.

b. Le 26 octobre 2005, les époux A______ et E______ (ci-après également les vendeurs) - désormais divorcés - sont devenus copropriétaires de la parcelle n° 2______ sise chemin 3______ n° ______, [code postal] F______ [GE], sur laquelle est érigée une villa (ci-après: la villa).

c. Le 19 mars 2020, les précités ont conclu un contrat de courtage avec C______ SARL.

Aux termes de ce contrat, ils chargeaient cette dernière soit de leur indiquer, soit de leur amener un acquéreur pour la villa, soit de leur servir d'intermédiaire pour la négociation de la vente. Le prix de vente demandé s'élevait à 2'690'000 fr.

Conformément à l'article 5 de ce contrat, les vendeurs s'engageaient à payer à C______ SARL, dès la conclusion de la vente, une commission de 2% calculée sur le prix accepté (TVA et émolument en sus).

d. G______ et H______ (ci-après également les acheteurs), alors clients de C______ SARL, cherchaient à acquérir une propriété sur la commune de F______ à la même période.

e. Une première visite de la villa a eu lieu le 19 mars 2020, en présence de E______, G______ et D______. A______ se trouvait alors à Malte et n'a pas participé à l'entrevue.

f. Au lendemain de cette visite, G______ a adressé un courriel à C______ SARL pour obtenir des informations sur le système de chauffage de la villa, l'utilisation du jardin par le voisin et les installations électriques.

Le même jour, cette dernière a transmis le courriel précité à E______, sollicitant son retour sur l'ensemble des renseignements souhaités. A______, à qui son épouse avait communiqué ledit courriel, a répondu le jour même à C______ SARL et apporté des clarifications quant aux questions posées.

g. Une seconde visite de la villa a été organisée le 21 mars 2020, en présence de E______ et des acheteurs.

h. Une troisième visite du bien a eu lieu le 25 mars 2020, en présence des précités et de I______, architecte mandatée par ceux-ci.

i. Lors de son audition par le Tribunal, le témoin E______ a déclaré qu'elle ne se souvenait pas de ce qu'elle avait dit aux acheteurs lors de ces visites au sujet de la véranda. Elle avait sûrement dit qu'ils avaient fait changer la véranda car elle était très vieille et partiellement détruite. Elle avait également dit que la véranda était cadastrée, que c'était les vendeurs qui avaient fait construire "la grande construction à côté" et qu'ils avaient eu l'autorisation pour ce faire. Elle avait dit à C______ SARL que la véranda avait été rénovée.

j. Par courriel du 27 mars 2020, G______ a confirmé à cette dernière son intérêt pour la villa. Après entretien avec son architecte, il convenait de discuter du terme de la vente et du prix, vu l'ampleur des travaux de rénovation nécessaires et de la situation du studio aménagé au sous-sol qui était "actuellement illégale".

k. Le 30 mars 2020, C______ SARL a informé les vendeurs des craintes des futurs acquéreurs quant à la potentielle non-conformité du studio en sous-sol, requérant que les demandes d'autorisations déposées à l'époque concernant l'aménagement du studio lui soient transmises, ainsi que les décisions y relatives.

Le même jour, A______ lui a confirmé que le studio avait été construit au bénéfice d'une autorisation. Il a joint à son courriel une autorisation de construire APA 4______ du 22 décembre 2009, portant sur l'agrandissement du sous-sol, la construction d'un couvert à voitures et la suppression d'un mur de soutènement de la villa.

l. Par courriel du 30 mars 2020, C______ SARL a transmis ces documents à G______ et lui a confirmé que les propriétaires avaient construit le studio avec une autorisation.

m. Le 1er avril 2020, G______ et H______ ont formulé une offre d'achat à terme pour l'acquisition de la villa à hauteur de 2'500'000 fr.

Cette offre ayant été acceptée par les vendeurs, un acompte de 250'000 fr. a été versé par les acheteurs sur le compte de Me J______, notaire chargé d'instrumenter la vente.

n. Le 18 avril 2020, après avoir reçu du notaire le dossier de cadastration de la parcelle, G______ a questionné ce dernier sur la véranda jouxtant la villa. D'après l'extrait du cadastre des restrictions de droit public en sa possession, la véranda était bâtie en terrain inconstructible.

o. Le notaire a alors requis de la part de C______ SARL des informations à ce sujet.

Le 20 avril 2020, A______ a transmis à C______ SARL, par courriel intitulé "VERANDA", un fichier PDF intitulé "Image 1" ainsi que le dossier de cadastration de la véranda.

p. Par courriel du 20 avril 2020, C______ SARL s'est adressée à G______ en ces termes : " J'ai parlé avec le notaire qui nous lit en copie et qui m'a fait part de votre remarque en ce qui concerne la véranda, je vous rassure et vous confirme qu'elle a été construite en même temps que la maison par les anciens propriétaires et non les propriétaires actuels (photos ci-joint) et bien avant que la décision de modifier la zone par le Conseil d'état n'ait était adoptée (2008). Aujourd'hui la véranda fait partie intégrante de la villa; lorsqu'ils ont acheté la maison en 2005, les propriétaires actuels ont fait une rénovation de la véranda, de la villa, construit le studio à côté et le couvert à voiture, tout a été fait avec autorisation (le notaire pourra vous le confirmer) ils ont aussi demandé à un géomètre de modifier au registre foncier le cadastre de la parcelle, la véranda y est bien mentionnée (dossier ci-joint). Enfin, vous remarquerez également que le tracé de la zone inconstructible est très aléatoire et surtout adopté en 2008 […] ".

q. Le même jour, G______ l'a remercié, relevant qu'elle était rassurée par ces explications.

r. Par courriel du 20 avril 2020, C______ SARL a transféré à A______ son échange de courriels précité avec G______, précisant ce qui suit : "Merci encore pour les informations que vous m'avez communiquées ce matin cela m'a permis de rassurer les acheteurs, ils sont maintenant rassurés comme ils me l'ont indiqué dans leur email ci-joint. Je vous confirme également que j'ai remis ce matin votre procuration légalisée à Maître J______ il pourra ainsi valider l'acte cette semaine".

Ce à quoi, A______ a répondu le jour même : "Parfait merci!".

s. Le 23 avril 2020, G______ et H______ ont signé un contrat de vente à terme avec A______ et E______, par-devant Me J______.

Ce contrat prévoyait notamment que l'acompte de 250'000 fr. préalablement versé par les acheteurs serait libéré en faveur des vendeurs, selon leurs instructions communes, sous déduction de la commission de courtage, dans les dix jours suivant la signature du contrat.

t. Le 5 mai 2020, le notaire a versé 53'850 fr. à C______ SARL à titre de commission de courtage.

u. Par courrier du 6 août 2020, G______ et H______ ont fait savoir aux vendeurs que leur architecte I______ avait découvert que la véranda avait été transformée et agrandie entre 2012 et 2015, sans qu'une autorisation de construire ait été obtenue au préalable. Or, dans le cadre des échanges précontractuels, C______ SARL leur avait faussement affirmé que cette construction avait été autorisée par le département compétent. Ils n'auraient pas conclu le contrat s'ils avaient eu connaissance de ce défaut, en raison du risque qu'ils courraient de devoir démolir la partie de la maison concernée. Ils invalidaient dès lors le contrat de vente pour erreur essentielle, voire dol, et réclamaient le remboursement de l'acompte de 250'000 fr., de la provision versée au notaire en 92'000 fr. et de leurs dépenses en 60'000 fr.

v. Il ressort de l'audition du témoin I______, architecte, que la véranda, telle qu'elle était lors de sa visite de la villa, n'a effectivement pas été construite sur la base d'une autorisation valable.

w. Le 18 juin 2021, G______ et H______, d'une part, et A______ et E______, d'autre part, ont signé un document intitulé "convention pour solde de tout compte et de toute prétention".

Le préambule de cet accord mentionne que les acheteurs ont avisé les vendeurs qu'ils invalidaient le contrat de vente du 23 avril 2020 pour dol et erreur essentielle et que ces derniers ont contesté l'invalidation de la vente. Les acheteurs avaient fait séquestrer la part de copropriété de A______ sur la villa litigieuse et avaient déposé une demande en conciliation à l'encontre des vendeurs. A______ avait pour sa part formé une opposition au séquestre. Ces procédures étaient pendantes.

Par gain de paix et afin d'éviter des frais, les parties avaient décidé de conclure une transaction par laquelle A______ et E______ s'engageaient à verser 254'500 fr. à G______ et H______ et à prendre en charge les émoluments du notaire pour l'établissement de l'acte de vente à terme du 23 avril 2020. Chacune des parties s'engageait à retirer les procédures engagées.

x. Le 22 juin 2021, A______ et E______ ont vendu leur villa pour la somme de 2'600'000 fr. à des tiers, sans le concours de C______ SARL.

y. En date du 26 août 2021, A______ et E______ ont mis C______ SARL en demeure de leur rembourser 53'850 fr. correspondant à la commission de courtage perçue.

z. Par acte du 17 décembre 2021, E______ a cédé gratuitement à A______ tous ses droits envers C______ SARL.

aa. Le même jour, A______ a requis une poursuite à l'encontre de cette dernière portant sur les montants suivants : 53'850 fr. avec intérêts à 5% dès le 5 septembre 2021 à titre de remboursement de la commission de courtage; 41'694 fr. 25 avec intérêts à 5% l'an dès le 17 décembre 2021 à titre d'" honoraires de Me K______"; 6'900 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 17 décembre 2021 à titre d'" honoraires de Me L______ "; 11'208 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 17 décembre 2021 à titre d'" honoraires de Me J______"; 13'800.20 avec intérêts à 5% l'an dès le 17 décembre 2021 à titre de "frais déplacement M. A______ pour sa défense contre les acheteurs".

Le 5 janvier 2022, C______ SARL a formé opposition au commandement de payer, poursuite n° 1______, qui lui a été notifié le même jour.

bb. Par acte du 29 août 2022, accompagné de l'autorisation de procéder du 1er juin 2022, après échec de la tentative de conciliation requise le 8 mars 2022, A______ a notamment conclu à ce que le Tribunal condamne C______ SARL à lui verser 53'850 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 5 septembre 2021 et 46'619 fr. 95 avec intérêts à 5% l'an dès le 17 décembre 2021 et prononce de la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer précité à concurrence de 99'999 fr. 95.

Il a notamment fait valoir que le contrat de vente à terme avait été annulé par G______ et H______ le 6 août 2020. Il avait été contraint d'accepter cette annulation pour éviter des procédures judiciaires. La vente ayant été annulée, la courtière n'avait pas droit à une commission. Elle était dès lors tenue de rétrocéder le montant perçu indûment.

cc. Dans sa réponse du 8 novembre 2022, C______ SARL a préalablement formé une demande de sûretés en garantie des dépens. Principalement, elle a conclu au déboutement de sa partie adverse de toutes ses conclusions.

Sur le fond, elle a fait valoir qu'un contrat de vente de la villa litigieuse a été conclu entre les ex-époux A______/E______ et les acheteurs le 23 avril 2020. Les acheteurs et les vendeurs avaient convenu de ne pas exécuter ce contrat. Cet état de fait ne lui était pas imputable, de sorte que sa commission était due. A cela s'ajoutait qu'elle n'avait fait que transmettre aux acheteurs les informations fournies par les vendeurs.

dd. Par ordonnance OTPI/216/2023 du 29 mars 2023, le Tribunal a condamné A______ à fournir des sûretés d'un montant de 12'067 fr., que celui-ci a versées le 6 avril 2023.

ee. Lors de l'audience du Tribunal du 20 juin 2024, les parties ont persisté dans leurs conclusions et la cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel, formé dans les délais et forme légaux, contre une décision finale rendue dans une affaire patrimoniale avec une valeur litigieuse supérieure à 10'000 fr. est recevable (art. 308 et 311 CPC).

1.2 L'appel peut être formé pour violation du droit ou constatation inexacte des faits (art. 310 CPC).

2. Le Tribunal a retenu que l'activité de l'intimée avait abouti à la conclusion du contrat de vente de la villa litigieuse, de sorte qu'elle avait droit au paiement de la commission de courtage convenue. Le fait que les acheteurs et vendeurs aient par la suite renoncé d'un commun accord à exécuter ce contrat n'affectait pas le droit de l'intimée à toucher sa commission. Cette dernière n'était pas responsable de cet état de fait car elle s'était limitée à transmettre aux acheteurs les informations fournies par les vendeurs concernant la véranda.

L'appelant fait valoir que, contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal, la jurisprudence prévoit que le courtier doit restituer sa commission en application des règles sur l'enrichissement illégitime si le contrat qu'il a contribué à conclure est annulé. Ni lui, ni son épouse, n'étaient responsables de l'invalidation de la vente. Ils avaient été contraints d'accepter l'invalidation requise par les acheteurs, pour éviter des procédures judiciaires.

2.1.1 Selon l'art. 413 al. 1 CO, le courtier a droit à son salaire dès que l’indication qu’il a donnée ou la négociation qu’il a conduite aboutit à la conclusion du contrat.

Le salaire peut, en principe, être exigé par le courtier dès la conclusion par le mandant du contrat principal que le courtier était chargé d’indiquer ou de négocier. Le droit au salaire du courtier est ainsi sujet à la seule condition que l’affaire soit conclue grâce à l’activité qu’il a déployée conformément aux termes du contrat de courtage. Il s’agit d’une condition potestative suspensive. En effet, le mandant est libre de conclure l’affaire ou de la refuser, et ce même si le courtier lui présente une affaire aux conditions convenues. La conclusion du contrat principal donne naissance à la prétention au salaire (Rayroux, Commentaire romand, 2021, n. 6-7 ad art. 413 CO).

Le courtier a droit à son salaire dès que l’indication ou la négociation qu’il a conduite a abouti à la conclusion d’un contrat principal valable quant à la forme et au fond. Si le contrat indiqué ou négocié est annulé, par exemple en raison d’un vice de consentement (art. 23ss CO) ou est affecté de nullité (art. 20 CO), et que le courtier a déjà perçu sa commission, il est tenu de la restituer puisque la cause qui a motivé le payement de la commission a cessé d’exister, respectivement n’a jamais existé au sens des art. 62 ss CO. La situation est différente en cas de non-exécution ou de mauvaise exécution du contrat principal (p.ex. en cas de résolution d’un contrat synallagmatique conformément à CO 107 II), ou lorsque le mandant et son cocontractant renoncent conventionnellement à exécuter le contrat. En effet, le courtier ne répond ni de la bonne exécution, ni de la bonne fin, du contrat négocié ou indiqué. Il n’a en particulier aucune obligation, notamment de fidélité, qui le lierait au mandant au-delà de la conclusion du contrat principal. (Rayroux, op. cit., n. 10, 13-14 ad art. 413 CO).

2.1.2 Le contrat n’oblige pas celle des parties qui, au moment de le conclure, était dans une erreur essentielle (art. 23 CO).

L’erreur est essentielle, notamment lorsque la prestation promise par celui des contractants qui se prévaut de son erreur est notablement plus étendue, ou lorsque la contre-prestation l’est notablement moins qu’il ne le voulait en réalité ou lorsque l’erreur porte sur des faits que la loyauté commerciale permettait à celui qui se prévaut de son erreur de considérer comme des éléments nécessaires du contrat (art. 24 al. 1 CO).

La partie induite à contracter par le dol de l’autre n’est pas obligée, même si son erreur n’est pas essentielle (art. 28 al. 1 CO).

Selon l'art. 31 al. CO, le contrat entaché d’erreur ou de dol, ou conclu sous l’empire d’une crainte fondée, est tenu pour ratifié lorsque la partie qu’il n’oblige point a laissé s’écouler une année sans déclarer à l’autre sa résolution de ne pas le maintenir, ou sans répéter ce qu’elle a payé.

Une simple déclaration soumise à réception, explicite ou concluante, suffit pour invalider le contrat. L’acte d’invalidation est irrévocable, comme tout exercice d’un droit formateur. Il est soumis à réception sans être susceptible d’acceptation. Les parties sont libérées de leurs obligations et le juge se contente de constater que le contrat est invalidé. Si l’autre partie conteste l’invalidation et voudrait maintenir le contrat, les parties, d’un commun accord, peuvent alors retirer l’invalidation exprimée. Cet accord signifie simplement que la partie frappée par le vice de la volonté ratifie le contrat, ce qui le rend définitivement valable. La déclaration d’invalidation ne peut pas être soumise à condition. L’effet de l’invalidation est fondé sur la loi et ne peut être modifié par les parties (Schmidlin/Campi, Commentaire romand, 2021, n. 12, 15,16 ad art. 31 CO).

L’invalidation du contrat n’annihile pas le contrat en tant qu’acte juridique mais lui enlève ses effets. Puisque les vices de la volonté affectent la conclusion du contrat, l’annulation de ses effets doit, en principe, remonter jusqu’à ce moment-là, ce qui est usuellement exprimé par les termes "invalidation du contrat avec effet ex tunc". Les actes de disposition deviennent caducs et la situation antérieure peut être reconstituée par le moyen de l’action en revendication et, pour les obligations et les prestations réelles non restituables, par la voie de l’enrichissement illégitime. L’invalidation enlève au transfert de la propriété sa cause et rétablit la propriété antérieure. L’invalidation ex tunc exige de restituer tout ce qu’on a reçu sans pouvoir invoquer l’exception de ne plus être enrichi de l'art. 64 CO (Schmidlin/Campi, op. cit., n. 21-26, ad art. 31 CO).

La partie qui fait valoir un vice de la volonté doit prouver que son invalidation respecte les délais légaux. La preuve de la ratification du contrat est à la charge de la partie adverse (Schmidlin/Campi, op. cit. n. 54 ad art. 31 CO).

2.2 En l'espèce, le contrat de vente immobilière du 23 avril 2020 a été invalidé pour erreur, voire dol, par les acheteurs par lettre du 6 août 2020. Cet acte d'invalidation était, conformément aux principes juridiques susmentionnés irrévocable et non soumis à acceptation.

Le contrat de vente a par conséquent été annulé avec effet ex tunc.

Contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal, le fait que les acheteurs et les vendeurs aient, après réception de la déclaration d'invalidation, conclu une convention réglant les modalités de restitution des prestations déjà effectuées en application du contrat invalidé, ne peut pas avoir eu pour conséquence de faire renaître le contrat invalidé.

La convention du 18 juin 2021 ne prévoit de plus pas que les parties seraient convenues de retirer l’invalidation et de maintenir le contrat d'un commun accord. Il en ressort au contraire sans ambiguïté que les parties se sont mises d'accord sur le fait que le contrat de vente était annulé et que les prestations effectuées par chacune des parties leur seraient restituées.

Le fait que la convention indique que l'appelant conteste l'invalidation de la vente n'est pas déterminant. En effet, l'acte d'invalidation n'est pas susceptible d'acceptation, de sorte que la position adoptée par l'appelant importe peu. Au demeurant, l'appelant a fini par se ranger pour l'essentiel aux arguments des acheteurs, puisqu'il a accepté de restituer l'acompte versé et de prendre en charge les émoluments du notaire.

Les acheteurs et vendeurs n'ont ainsi pas renoncé conventionnellement à l'exécution de la vente, contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal.

Il résulte de ce qui précède que, puisque l'acte de vente a été annulé, l'intimée est tenue, en application des art. 62ss CO, de restituer la commission qu'elle a touché, puisque la cause du paiement a cessé d'exister.

L'intimée fait valoir en vain que l'annulation du contrat est due à la faute de l'appelant. Même à supposer que tel soit le cas, elle n'explique pas en quoi cet élément fonderait pour elle un droit à conserver la commission qui lui a été versée sans cause valable.

Le jugement querellé sera par conséquent annulé et l'intimée condamnée à verser à l'appelant 53'850 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 5 septembre 2021, cette date n'étant pas contestée par l'intimée.

La mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer poursuite n° 1______ sera prononcée à concurrence du montant précité.

3. 3.1 Compte tenu de l'annulation de la décision querellée, il y a lieu de modifier la répartition des frais et dépens effectuée par le Tribunal (art. 318 al. 3 CPC).

Devant le Tribunal, l'appelant a conclu au paiement de 99'999 fr. 95 et il n'obtient finalement que 53'850 fr.

En application de l'art. 106 al. 2 CPC, il se justifie dès lors de mettre les frais judiciaires de première instance, arrêtés à 5'730 fr. (art. 5, 15, et 17 RTFMC) à la charge de chacune des parties par moitié, soit 2'865 fr. pour chacune.

Les frais judiciaires seront compensés avec les avances versées par les parties, en 5'600 fr. pour l'appelant et 1'250 fr. pour l'intimée, acquises à l'Etat de Genève (art. 111 aCPC).

L'intimée sera condamnée à verser 1'615 fr. à l'appelant au titre des frais judiciaires.

Le solde de l'avance en 1'120 fr. sera restitué à l'appelant

Compte tenu de l'issue du litige, chaque partie gardera à sa charge ses dépens de première instance.

Les sûretés en 12'067 fr. versées par l'appelant lui seront restituées.

3.2 Devant la Cour, l'appelant, qui a réduit ses prétentions, obtient le plein de ses conclusions. Les frais judiciaires d'appel, arrêtés à 4'500 fr. (art. 17 et 35 RTFMC), seront par conséquent mis la charge de l'intimée (art. 106 al. 1 CPC).

L'intimée sera par condamnée à verser ce montant à l'appelant et l'avance versée par celui-ci lui sera restituée.

Les dépens alloués à l'appelant seront fixés à 4'000 fr., débours et TVA inclus (art. 84 ss RTFMC) et les sûretés versées par celui-ci lui seront restituées.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ contre le jugement JTPI/14285/2024 rendu le 15 novembre 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/4633/2022.

Au fond :

Annule le jugement précité et, statuant à nouveau :

Condamne C______ SARL à verser à A______ 53'850 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 5 septembre 2021.

Prononce la mainlevée définitive de l'opposition formée par C______ SARL au commandement de payer, poursuite n° 1______, à concurrence du montant précité.

Met à la charge des parties à raison d'une moitié chacune les frais judiciaires de première instance, arrêtés à 5'730 fr., soit 2'865 fr. à charge de chaque partie.

Compense les frais judiciaires avec les avances versées par les parties, acquises à l'Etat de Genève.

Condamne C______ SARL à verser 1'615 fr. à A______ au titre des frais judiciaires.

Invite l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, à restituer à A______ le solde en 1'120 fr. de son avance de frais.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de première instance.

Ordonne en conséquence à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, de restituer à A______ les sûretés qu'il a versées en 12'067 fr.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Condamne C______ SARL à verser 4'500 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, au titre des frais judiciaires d'appel.

Invite les services précités à restituer à A______ son avance de frais en 4'500 fr.

Condamne C______ SARL à verser à A______ 4'000 fr. au titre des dépens d'appel.

Ordonne à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, de restituer à A______ les sûretés qu'il a versées en 4'000 fr.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, juges; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.