Aller au contenu principal

Décisions | Chambre civile

1 resultats
C/11283/2022

ACJC/1254/2025 du 16.09.2025 sur JTPI/16257/2024 ( OO )

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/11283/2022 ACJC/1254/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 16 SEPTEMBRE 2025

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, Pays-Bas, appelant d'un jugement rendu par la 10ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 18 décembre 2024 et requérant sur mesures superprovisionnelles et provisionnelles, représenté par
Me Laura Melusine BAUDENBACHER, avocate, Baudenbacher Law AG, Bahnhofplatz 1, 8001 Zürich

et

1) Monsieur B______, domicilié ______, Italie,

2) Monsieur C______, domicilié ______, Brésil,

3) Monsieur D______, domicilié ______, Italie,


 

 

4) Monsieur E______, domicilié ______, Italie,

5) Monsieur F______, domicilié p.a. G______, ______ [TI],

intimés et cités, tous représentés par Me Alexandre J. SCHWAB, avocat, Schwab Flaherty & Ass., rue De-Candolle 7, 1205 Genève,

6) H______ SA, sise ______ [GE], intimée et citée, représentée par Me Pierre GABUS, avocat, Gabus Avocats, boulevard des Tranchées 46, 1206 Genève.



EN FAIT

A.           a. A______ est un ressortissant néerlandais domicilié aux Pays-Bas.

b. H______ SA est une société inscrite au registre du commerce genevois depuis le ______ 1946.

c. Le tableau intitulé "Madonne et l'agneau (Madonna del I______/Madonna con bambino e agnello)", dimensions : 68x67, non daté, tableau (huile sur bois) attribué à l'artiste italien J______ (ci-après : "le tableau") est entreposé dans les locaux de H______ SA, auprès des K______ SA, ce qui n'est pas contesté par les parties.

L'attribution de la propriété du "tableau" est en revanche litigieuse.

d. Par ordonnance OTPI/216/2022 du 6 avril 2022, rendue sur mesures provisionnelles et d'entente entre les parties, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), saisi d'une requête de mesures provisionnelles formée par A______ et dirigée contre H______ SA, a notamment donné acte à celle-ci de son engagement à s'abstenir de remettre à tout tiers "le tableau", actuellement déposé dans les entrepôts de H______ SA auprès des K______ SA, l'y condamnant en tant que de besoin (ch. 2), dit que l'ordonnance déploierait ses effets jusqu'à droit jugé ou accord entre les parties (ch. 3) et imparti à A______ un délai de 60 jours dès la notification de l'ordonnance pour faire valoir son droit en justice.

e. Par acte du 7 juin 2022, A______ a formé une "action en revendication et action mobilière" à l'encontre de B______, C______, F______, L______, D______ et H______ SA, concluant notamment à ce que soit constatée sa propriété sur "le tableau" et à ce qu'il soit ordonné aux précités de le lui restituer dans un délai de dix jours dès l'entrée en force du jugement.

f. Par jugement JTPI/16257/2024 du 18 décembre 2024, le Tribunal, statuant par voie de procédure ordinaire et sur litige restreint, a notamment débouté A______ des fins de son action en tant qu'elle était dirigée contre feu L______ (ch. 11 du dispositif), F______ (ch. 13) et H______ SA (ch. 15), déclaré pour le surplus l'action entièrement irrecevable (ch. 16), statué sur les frais et dépens (ch. 17 à 22) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 23).

B.            a. Par acte expédié à la Cour de justice (ci-après : la Cour) le 3 février 2025, A______ (ci-après : le requérant) a formé "recours" contre ce jugement, concluant, notamment, à ce qu'il soit ordonné à H______ SA de modifier en sa faveur le registre de propriété de son inventaire concernant "le tableau" et de lui en transférer la garde.

b. Par acte du 21 mars 2025, A______ a formé devant la Cour une requête de mesures superprovisionnelles, concluant, avec suite de frais, à ce que la Cour se prononce avant d'entendre H______ SA, interdise à cette dernière de remettre à un tiers "le tableau" et prescrive que les mesures ordonnées auront effet jusqu'à l'arrêt définitif.

Il a notamment allégué que H______ SA avait modifié le registre de propriété concernant le tableau précité et lui en refusait l'accès. Il existait un risque que celui-ci soit remis à des personnes n'ayant aucun droit de propriété sur cette œuvre. Les cités auraient commencé à commercialiser le tableau de sorte qu'il existait un risque qu'il soit vendu à tout moment.

c. Par arrêt ACJC/427/2025 du 25 mars 2025, la Cour, statuant sur mesures superprovisionnelles, a rejeté la requête formée par A______ le 21 mars 2025 dans la cause C/11283/2022 et dit qu'il serait statué sur les frais de la décision avec la décision sur mesures provisionnelles.

Statuant préparatoirement, elle a imparti à B______, C______, D______, E______, F______ et H______ SA (ci-après : les cités) un délai de dix jours dès notification de l'arrêt pour répondre par écrit à la requête de mesures provisionnelles.

A l'appui de ses considérants sur mesures superprovisionnelles, la Cour a retenu que A______ soutenait qu'il existait un risque réel et imminent que le tableau soit vendu à tout moment "suite à l'enregistrement illégal du changement de propriété" de celui-ci. Il n'indiquait cependant pas dans sa requête quand le changement de nom du propriétaire aurait été effectué, ce changement n'étant vraisemblablement pas intervenu depuis que le Tribunal avait rendu son jugement, mais il y avait plusieurs années. Si le requérant indiquait avoir été "récemment" contacté par un acheteur potentiel qui avait appris l'existence du tableau par les parties citées, lesquelles l'auraient mis en vente, il ne fournissait toutefois aucun élément permettant d'étayer son affirmation et de la rendre vraisemblable. Il ne rendait ainsi pas vraisemblable que le tableau serait sur le point d'être vendu. Par ailleurs, le requérant avait déjà déposé en 2022 une requête de mesures provisionnelles tendant à ce qu'il soit fait interdiction à H______ SA de remettre à tout tiers le tableau litigieux, à la suite de quoi le Tribunal avait, par ordonnance du 6 avril 2022, donné acte à H______ SA de son engagement à s'abstenir de remettre le tableau à tout tiers, l'y condamnant en tant que de besoin, et dit que dite ordonnance déploierait ses effets jusqu'à droit jugé ou accord entre les parties. En l'absence d'urgence particulière faisant obstacle à ce que les parties citées puissent être entendues avant qu'il ne soit statué à titre provisionnel, les mesures superprovisionnelles requises devaient être rejetées.

d. Dans sa réponse du 7 avril 2025, H______ SA a conclu au rejet de la requête de mesures provisionnelles, dans la mesure de sa recevabilité, et à la condamnation de A______ en tous les frais et dépens.

e. Dans leur réponse du 10 avril 2025, B______, C______, D______, E______ et F______ ont conclu, à la forme, à l'irrecevabilité de la requête de mesures provisionnelles et, au fond, à son rejet, avec suite de frais et dépens.

f. H______ SA s'est encore déterminée le 17 avril 2025, indiquant "appuyer les déterminations et conclusions" formulées par les autres cités et persistant dans ses conclusions pour le surplus.

g. A______ s'est encore déterminé le 13 mai 2025, indiquant n'avoir aucune observation supplémentaire à former "dans le cadre de la procédure de mesures superprovisionnelles".

h. Le 19 mai 2025, B______, C______, D______, E______ et F______ se sont encore déterminés, indiquant "appuyer les déterminations et conclusions prises par H______ SA" sur mesures provisionnelles.

i. Par avis du greffe de la Cour du 22 mai 2025, les parties ont été avisées de ce que la cause était gardée à juger sur mesures provisionnelles.

EN DROIT

1.             L'appelant sollicite le prononcé de mesures provisionnelles devant la Cour.

1.1 Aux termes de l'art. 261 CPC, le tribunal ordonne les mesures provisionnelles nécessaires, lorsque le requérant rend vraisemblable qu'une prétention dont il est titulaire est l'objet d'une atteinte ou risque de l'être (let. a) et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (let. b). Il peut ordonner toute mesure provisionnelle propre à prévenir ou faire cesser le préjudice, notamment l'interdiction et l'ordre de cessation d'un état de fait illicite (art. 262 let. a et b CPC).

L'autorité judiciaire qui se prononce sur des mesures provisionnelles peut se limiter à la simple vraisemblance des faits après une administration limitée des preuves, en se fondant sur les moyens de preuve immédiatement disponibles (ATF 139 III 86 consid. 4.2; 131 III 473 consid. 2.3).

Les conditions au prononcé de mesures provisionnelles sont : l'existence d'une prétention relevant du droit civil, une menace d'un danger imminent contre cette prétention, qui causerait un préjudice difficilement réparable, l'urgence et la proportionnalité (Sprecher, Basler Kommentar - ZPO, 2024, n. 10 ad art. 261 CPC).

1.2 Le juge n'entre en matière que sur les requêtes pour lesquelles les requérants ont un intérêt digne de protection (art. 59 al. 1 et al. 2 let. a CPC), soit lorsque les intéressés peuvent obtenir un avantage, factuel ou juridique, du résultat de la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 5A_190/2019 consid. 2.1).

Cet intérêt doit exister au moment du prononcé du jugement. L'absence d'un intérêt digne de protection doit être relevée d'office (ATF 140 III 159 consid. 4.2.4). L'intérêt doit être personnel et actuel (arrêt du Tribunal fédéral 5A_190/2019 consid. 2.1). Il doit en outre être pratique (arrêt du Tribunal fédéral 5A_2/2019 consid. 3.2). Il n'est donné que si l'admission des conclusions du demandeur peut être d'utilité concrète au demandeur et lui évite un dommage économique ou idéal. En revanche, la procédure judiciaire n'est pas à disposition pour répondre à des questions juridiques abstraites (ATF 122 III 279, consid. 3a, JdT 1998 I 605; 138 III 354, consid. 1.2.2, JdT 2013 II 351).

Par intérêt digne de protection, on vise un intérêt juridique, voire un intérêt de fait, à certaines conditions. L'intérêt juridique dépend du droit affirmé. Si celui-ci protège la partie qui l'invoque, un intérêt juridique existe en principe. L'intérêt juridique fait défaut, alors même que la partie invoque un droit dont elle est titulaire, si ce droit affirmé n'a pas besoin de protection en ceci qu'il n'est pas contesté ou parce qu'il n'y a pas (ou plus) d'atteinte ou de risque d'atteinte. Un tel intérêt fait ainsi défaut lorsque la prétention du demandeur a été entre-temps satisfaite ou si l'on ne peut y donner suite (BOHNET, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2019, n° 89a et 92 ad art. 59 CPC).

Lorsqu'une demande en justice ne répond pas à un intérêt digne de protection de son auteur, cette demande est irrecevable en vertu de l'art. 59 al. 2 let. a CPC (arrêt du Tribunal fédéral 4A_226/2016 consid. 5).

Le tribunal examine d'office si les conditions de recevabilité sont remplies (art. 60 CPC; BOHNET, op. cit., n. 92 ad art. 59 et les références citées).

1.3 Aux termes de l'art. 268 al. 2 CPC, les mesures provisionnelles deviennent caduques dès l'entrée en vigueur de la décision au fond.

En vertu de l'art. 315 al. 1 CPC, la procédure d'appel suspend la force de chose jugée et le caractère exécutoire de la décision dans la mesure des conclusions prises en appel.

La suspension du caractère exécutoire a ainsi pour effet d'empêcher que les mesures provisionnelles ne deviennent caduques par la communication, sous forme de dispositif ou en expédition complète, de la décision au fond (BOVEY/FAVROD-COUNE, Petit commentaire du Code de procédure civile, 2020, n. 9 ad. art. 268 CPC).

1.4 En l'espèce, la requête de mesures provisionnelles formée par le requérant le 21 mars 2025 tend à ce qu'il soit fait interdiction à la citée dépositaire du tableau litigieux de remettre celui-ci à des tiers, étant précisé que l'effet de cette mesure devrait durer jusqu'à l'arrêt définitif.

Or, par ordonnance de mesures provisionnelles du 6 avril 2022 rendue dans la même cause, le Tribunal a précisément donné acte à la citée dépositaire du tableau de son engagement à s'abstenir de remettre à tout tiers le tableau actuellement déposé auprès d'elle et l'y a condamnée en tant que de besoin, étant précisé que ladite ordonnance déploierait ses effets jusqu'à droit jugé ou accord entre les parties.

Bien que qualifié de "recours", l'acte formé par le requérant à l'encontre du jugement JTPI/16257/2024 du 18 décembre 2024 constitue un appel, lequel a suspendu la force de chose jugée de celui-ci (art. 315 CPC).

L'ordonnance du Tribunal du 6 avril 2022 a ainsi continué de déployer ses effets, soit notamment l'interdiction faite à la citée de disposer du tableau litigieux en faveur de tiers.

Par conséquent, le requérant ne peut pas se prévaloir d'un intérêt digne de protection à obtenir le prononcé des mesures provisionnelles requises, celles-ci ayant déjà été ordonnées et étant toujours en vigueur, étant précisé que le requérant n'allègue ni ne rend vraisemblable le contraire.

Ce qui précède suffit à sceller l'issue du litige, sans qu'il soit nécessaire de procéder à l'examen des autres conditions de recevabilité de la requête de mesures provisionnelles.

La Cour prononcera par conséquent l'irrecevabilité de la requête de mesures provisionnelles, faute d'intérêt à agir du requérant.

2.             Il sera statué sur les frais et dépens liés à la présente décision dans l'arrêt à rendre sur le fond (art. 104 al. 3 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


Statuant sur mesures provisionnelles :

Déclare irrecevable la requête de mesures provisionnelles formée par A______ le 21 mars 2025 dans la cause C/11283/2022.

Dit qu'il sera statué sur les frais liés à la présente décision dans l'arrêt rendu sur le fond.

Siégeant :

Madame Stéphanie MUSY, présidente; Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, Madame Pauline ERARD, juges; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile, les moyens étant limités selon l'art. 98 LTF.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.