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Décisions | Chambre civile

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C/425/2024

ACJC/1253/2025 du 16.09.2025 sur JTPI/2571/2025 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/425/2024 ACJC/1253/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 16 SEPTEMBRE 2025

 

Entre

A______ SA, sise c/o Notaires B______ SA, ______ [FR], appelante d'un jugement rendu par la 28ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le
17 février 2025,

et

Monsieur C______, domicilié ______ [GE], intimé, représenté par Me Daniel TUNIK, avocat, route de Chêne 30, case postale 615, 1211 Genève 6,

Monsieur D______, domicilié ______ [VS], autre intimé, représenté par
Me Alain TRIPOD, avocat, rue François-Bellot 2, 1206 Genève.

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/2571/2025 du 17 février 2025, reçu le 19 février 2025 par les parties, le Tribunal de première instance (ci-après: le Tribunal) a déclaré irrecevable la demande reconventionnelle formée le 31 octobre 2024 par A______ SA à l'encontre de C______ et D______ (ch. 1 du dispositif) et condamné A______ SA à verser à l'Etat de Genève, soit pour lui aux Services financiers du Pouvoir judiciaire, la somme de 200 fr. à titre de frais judiciaires (ch. 2).

Le Tribunal a constaté que l'avance de frais requise de 80'000 fr. n'avait pas été versée par A______ SA dans le délai imparti à cet effet.

B. a. Par acte expédié le 3 mars 2025 au greffe de la Cour de justice (ci-après: la Cour), A______ SA a appelé de ce jugement, dont elle a sollicité l'annulation. Cela fait, elle a conclu, sous suite de frais judiciaires et dépens, à ce que la Cour lui impartisse un délai de grâce pour payer l'avance de frais de 80'000 fr. relative à sa demande reconventionnelle du 31 octobre 2024, constate que la demande est recevable à raison du paiement de l'avance, et renvoie la cause au Tribunal pour la suite de la procédure, subsidiairement renvoie la cause au Tribunal pour qu'il procède dans le sens des considérants.

Le 21 mars 2025, A______ SA a complété son appel et modifié ses conclusions, sollicitant désormais qu'il soit constaté que la demande reconventionnelle déposée le 31 octobre 2024 est recevable à raison du paiement de l'avance, la cause devant être renvoyée au Tribunal pour la suite de la procédure.

Elle a produit une pièce nouvelle, à savoir un document bancaire attestant du versement par elle-même, le 17 février 2025, de la somme de 80'000 fr. sur le compte de l'Etat de Genève.

b. Dans leur réponse du 21 mai 2025, C______ et D______ ont conclu au déboutement de A______ SA de toutes ses conclusions, sous suite de frais et dépens.

c. A______ SA n'a pas répliqué dans le délai imparti à cette fin.

d. La cause a été gardée à juger selon avis du greffe de la Cour du 3 juillet 2025.

C. Les éléments de fait pertinents suivants résultent de la procédure:

a. Le 15 avril 2024, C______ et D______ ont saisi le Tribunal d'une demande en paiement à l'encontre de A______ SA.

b. Le 31 octobre 2024, à la suite de deux prolongations de délai accordées par le Tribunal à A______ SA, la société précitée a déposé un mémoire de réponse et de demande reconventionnelle.

c. Par ordonnance du 8 novembre 2024, le Tribunal a imparti à A______ SA un délai au 8 décembre 2024 pour s'acquitter de l'avance de frais d'un montant de 80'000 fr. relative à la demande reconventionnelle.

d. Par courrier du 3 décembre 2024, A______ SA a sollicité une prolongation du délai susmentionné de 30 jours, exposant rencontrer des difficultés logistiques pour effectuer le paiement.

e. Par "n'empêche" du 5 décembre 2024, le Tribunal a accordé une prolongation dudit délai au 8 janvier 2025.

f. Par courrier du 6 janvier 2025, A______ SA a sollicité une seconde prolongation de délai de 30 jours pour effectuer le paiement de l'avance de frais, au motif que les difficultés logistiques déjà évoquées persistaient.

g. Par "n'empêche" du 7 janvier 2025, le Tribunal a accordé une "ultime prolongation [de] délai" au 7 février 2025.

h. A______ SA ne s'est pas acquittée dans le délai imparti du paiement de l'avance de frais relative à sa demande reconventionnelle.

EN DROIT

1. 1.1 Le jugement entrepris ayant été communiqué aux parties après le 1er janvier 2025, la présente procédure d'appel est régie par le nouveau droit de procédure (art. 405 al. 1 CPC).

1.2 Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable contre les décisions finales de première instance si la valeur litigieuse est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC). La décision d'irrecevabilité est une décision finale, dès lors qu'elle mettrait fin au procès si elle devenait définitive (Jeandin, Code de procédure civile commenté, 2019, n° 7 ad art. 308 CPC).

L'appel, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance d'appel dans les trente jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 130, 131, 142 al. 1 et 3 et 311 al. 1 CPC).

1.2.1 En l'espèce, la voie de l'appel est ouverte, dans la mesure où le jugement attaqué est une décision finale et que la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr., et ce en dépit de la mention erronée figurant au pied du jugement attaqué, qui n'a pas eu d'incidence. En effet, déposé selon la forme et le délai prescrits, l'appel formé par A______ SA est recevable. Son complément, introduit avant l'échéance du délai d'appel, est lui aussi recevable.

1.2.2 La réponse des intimés, déposée dans le délai et la forme prescrits par la loi (art. 312 al. 1 CPC), est également recevable.

1.3 S'agissant d'un appel, la Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen, dans les limites posées par les maximes des débats et de disposition (art. 55 al. 1, 58 al. 1 et 310 CPC).

2. L'appelante a produit une pièce nouvelle devant la Cour.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

2.2 En l'espèce, la pièce produite par l'appelante est postérieure au moment où la cause a été gardée à juger par le Tribunal, de sorte qu'elle est recevable, quoique dépourvue d'incidence sur l'issue du litige.

3. L'appelante soutient que le premier juge a violé l'art. 101 al. 3 CPC en ne lui octroyant pas un délai de grâce pour fournir l'avance de frais de 80'000 fr. relative à sa demande reconventionnelle du 31 octobre 2024, puis en déclarant cette demande irrecevable.

3.1 Le tribunal n’entre en matière que sur les demandes et les requêtes qui satisfont aux conditions de recevabilité de l’action, soit notamment si les avances et les sûretés en garantie des frais de procès ont été versées (art. 59 al. 2 let. f CPC).

Selon l'art. 101 CPC, le tribunal impartit un délai pour la fourniture des avances (al. 1). Si les avances ne sont pas fournies à l'échéance d'un délai supplémentaire, le tribunal n'entre pas en matière sur la demande (al. 3).

L'art. 101 al. 3 CPC implique la fixation d'office d'un délai de grâce pour s'acquitter des avances. Ce délai de grâce, qui pourra être bref, est prolongeable aux conditions de l'art. 144 al. 2 CPC. A teneur de cette disposition, les délais fixés judiciairement peuvent être prolongés pour des motifs suffisants, lorsque la demande en est faite avant leur expiration. Il appartient à la partie d'invoquer de façon motivée ces motifs (arrêt du Tribunal fédéral 4A_202/2022 du 7 juillet 2022 consid. 4.1).

Le refus d'une prolongation de délai doit être accompagné d'un bref délai pour accomplir l'acte soumis au délai, à moins que la demande de prolongation ne doive être considérée comme dilatoire ou que le requérant ne dût, de bonne foi, supposer dès le début qu'il ne bénéficierait d'aucune prolongation de délai. Lorsque le tribunal qualifie le délai supplémentaire prévu à l'art. 101 al. 3 CPC "d'ultime" ("letztmalig") ou "non prolongeable" ("nicht erstreckbar"), le destinataire doit supposer de bonne foi, jusqu'à une réponse contraire du tribunal, qu'il ne bénéficiera d'aucune prolongation de délai et que le délai fixé expirera définitivement à la date indiquée. Dans un tel cas, il ne saurait reprocher au Tribunal de ne pas avoir accompagné le refus de prolongation d'un bref délai supplémentaire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_202/2022 précité consid. 4.2).

3.2 En l'espèce, après une première prolongation de délai, le Tribunal a accordé à l'appelante, par "n'empêche" du 7 janvier 2025, une "ultime prolongation [de] délai" au 7 février 2025 pour fournir l'avance de frais de 80'000 fr. Au vu de cette formulation, et conformément à la jurisprudence susmentionnée, l'appelante, alors assistée d'un avocat, devait comprendre que l'échéance fixée au 7 février 2025 était définitive et qu'à défaut de paiement dans ce délai, la demande reconventionnelle serait déclarée irrecevable. L'ultime délai ("letztmalige Frist") octroyé par le Tribunal incorporait ainsi un éventuel délai de grâce au sens de l'art. 101 al. 3 CPC.

Il sera encore relevé, si besoin est, que le Tribunal a accordé deux prolongations de délai d'un mois chacune, les 5 décembre 2024 et 7 janvier 2025, si bien que l'appelante a bénéficié d'un délai total de trois mois pour s'acquitter du paiement de l'avance de frais.

Il ressort de ce qui précède que le Tribunal n'était pas tenu d'impartir à l'appelante un délai supplémentaire pour s'acquitter de l'avance de frais requise depuis le 8 novembre 2024. C'est à bon droit qu'il a déclaré la demande reconventionnelle irrecevable à défaut du paiement de ladite avance.

L'appel sera dès lors rejeté.

4. L'appelante, qui succombe, sera condamnée aux frais de la procédure d'appel (art. 106 al. 1 CPC).

Les frais judiciaires seront arrêtés à 1'200 fr. (art. 13, 17 et 35 RTFMC) et compensés avec l'avance versée par ses soins, acquise à l'Etat de Genève (art. 111 CPC).

Les dépens dus aux intimés seront fixés à 1'500 fr., compte tenu de l'activité déployée par leur conseils respectifs (art. 23 al. 1 LaCC; art. 84, 85, 87 et 90 RTFMC), débours et TVA inclus (art. 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ SA contre le jugement JTPI/2571/2025 du 17 février 2025 dans la cause C/425/2024.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'200 fr., les met à la charge de A______ SA et les compense avec l'avance de frais de même montant versée par celle-ci, qui demeure acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ SA à verser à C______ et D______, pris solidairement, 1'500 fr. au titre des dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Stéphanie MUSY, présidente; Monsieur Cédric-Laurent MICHEL et Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.