Décisions | Chambre civile
ACJC/1200/2025 du 08.09.2025 sur OTPI/517/2025 ( SDF )
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/27434/2023 ACJC/1200/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU LUNDI 8 SEPTEMBRE 2025 |
Entre
Madame A______, domiciliée ______ [GE], recourante conter une ordonnance rendue par la 22ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 8 août 2025, représentée par Me Saad LACHENAL, avocat, 1204 Legal, Conseil & Tax, rue du Général-Dufour 11, 1204 Genève,
et
Monsieur B______, domicilié ______ [GE], intimé, représenté par Me Andrea VON FLÜE, avocat, Könemann & von Flüe, rue de la Terrassière 9, 1207 Genève.
Attendu, EN FAIT, que par ordonnance non motivée OTPI/517/2025 rendue le
8 août 2025, le Tribunal de première instance a notamment instauré, dès la rentrée scolaire 2025-2026, une garde alternée sur les enfants C______, né le ______ 2011, et D______, née le ______ 2013, qui s’exercera d’entente entre les parents et, à défaut, du mercredi 18h45 au mercredi sortie de l’école, en alternance chez chacun des parents une semaine sur deux, tous les mercredis de la sortie de l’école à 18h45 chez A______ et durant la moitié des vacances scolaires (ch. 2 du dispositif), condamné B______ à verser en mains de A______, 1'550 fr. à titre de contribution d’entretien pour C______ et 1'650 fr. à titre de contribution d’entretien pour D______, par mois et d’avance, allocations familiales non comprises, en sus de la part des enfants à leur logement et de la moitié de l’entretien de base (OP) qu’il assumera en nature lorsqu'ils seront sous sa garde (ch. 5 et 6) et dit que A______ continuera à s’acquitter des factures relatives à C______ et D______ (assurance-maladie, frais médicaux, activités extra-scolaires, etc.) (ch. 8);
Que A______ a requis du Tribunal la motivation de cette ordonnance le
12 août 2025;
Que le 13 août 2025, A______ a requis devant la Cour de justice la suspension du caractère exécutoire des ch. 2, 5, 6 et 8 du dispositif de l'ordonnance OTPI/517/2025; qu'elle a soutenu que la décision du Tribunal modifiait une répartition qui perdurait depuis la séparation des époux en 2021, à moins d'une semaine de la rentrée scolaire; que cette décision était en contradiction avec le rapport du SEASP; que le principe de stabilité commandait de maintenir le système instauré; que par ailleurs le sort du montant des contributions d'entretien devait suivre celui des modalités de garde, A______ expliquant que les parties s'étaient précédemment entendues sur le paiement d'une contribution à l'entretien des enfants de 2'000 fr. par enfant; que selon elle, l'entretien convenable de C______ s'élève à 2'170 fr. et celui de D______ à 2'390 fr.;
Qu'invité à se déterminer sur la requête d'effet suspensif, B______ a conclu au rejet de cette requête; qu'il a allégué que la garde alternée avait été instaurée le
18 août 2025 et que les enfants étaient enchantés de ce nouveau mode de garde;
Considérant, EN DROIT, que selon l'art. 336 al. 3 CPC, une décision communiquée sans motivation écrite (art. 239 CPC) est exécutoire lorsqu’elle est entrée en force et que le tribunal n’a pas suspendu le caractère exécutoire;
Que si la partie concernée risque de subir un préjudice difficilement réparable, l’instance d’appel peut, sur demande exceptionnellement suspendre le caractère exécutoire de mesures provisionnelles (art. 315 al. 2 let. b CPC); que l’instance d’appel peut décider avant le dépôt de l’appel (art. 315 al. 5 CPC);
Que le préjudice difficilement réparable peut être de nature factuelle; il concerne tout préjudice, patrimonial ou immatériel, et peut même résulter du seul écoulement du temps pendant le procès; que le dommage est constitué, pour celui qui requiert les mesures provisionnelles, par le fait que, sans celles-ci, il serait lésé dans sa position juridique de fond et, pour celui qui recourt contre le prononcé de telles mesures, par les conséquences matérielles qu'elles engendrent; que saisie d'une demande d'effet suspensif, l'autorité cantonale d'appel doit ainsi procéder à une pesée des intérêts entre les deux préjudices difficilement réparables, celui du demandeur à l'action si la mesure n'était pas exécutée immédiatement et celui qu'entraînerait pour le défendeur l'exécution de cette mesure (ATF 138 III consid. 6.3 et les références; arrêts 5A_718/2022 du
23 novembre 2022 consid. 5.1; 5A_200/2022 du 28 septembre 2022 consid. 4.1;
arrêt 5A_978/2016 du 16 février 2017 consid. 4).
Que l'autorité d'appel doit faire preuve de retenue et ne suspendre le caractère exécutoire de la décision de première instance que dans des cas exceptionnels (cf. art. 315 al. 4
let. b CPC); qu'elle dispose cependant d'un large pouvoir d'appréciation lui permettant de tenir compte de l'ensemble des circonstances concrètes du cas d'espèce (ATF 138 III 565 consid. 4.3.1; 137 III 475 consid. 4.1 et les auteurs cités; arrêts 5A_474/2024 du
23 août 2024 consid. 5; 5A_206/2024 du 7 juin 2024 consid. 3.1.1);
Qu'en matière de garde, des changements trop fréquents peuvent être préjudiciables à l'intérêt de l'enfant; que par conséquent, lorsque la décision de mesures protectrices ou provisionnelles statue sur la garde ou modifie celle-ci de sorte que l'enfant devrait être séparé du parent qui prenait régulièrement soin de lui au moment de l'ouverture de la procédure ayant donné lieu à la décision attaquée, le bien de l'enfant commande, dans la règle, de maintenir les choses en l'état et de laisser celui-ci auprès de la personne qui lui sert actuellement de référence; que la requête d'effet suspensif du parent qui entend conserver la garde doit ainsi être admise, sauf si le maintien de la situation antérieure met en péril le bien de l'enfant ou encore si l'appel paraît sur ce point d'emblée irrecevable ou manifestement infondé (ATF 144 III 469 consid. 4.2.1; 138 III 565 consid. 4.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_206/2024 du 7 juin 2024 consid. 3.1.2);
Qu'en l'espèce, l'ordonnance litigieuse n'est pas motivée, de sorte qu'il n'est pas possible de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal a instauré une garde alternée; qu'en l'absence d'éléments permettant de rendre vraisemblable que le maintien de la solution qui existait antérieurement serait préjudiciable pour les enfants, aucun motif ne commande de déroger au principe général selon lequel il convient d'éviter des changements trop fréquents dans les modalités de garde des enfants; que l'intimé allègue que la garde alternée prévue a déjà été mise en place; que si tel est le cas, les parents restent libres de maintenir le système ainsi instauré s'ils s'entendent à cet égard, étant rappelé que leurs décisions doivent être exclusivement prises dans l'intérêt des enfants;
Qu'en ce qui concerne la contribution d'entretien, la mère soutient que le budget des enfants s'élève à 2'170 fr. pour C______ et 2'390 fr. pour D______, sans toutefois les détailler; qu'il ressort de ses écritures devant le Tribunal auxquelles elle renvoie que le budget des enfants comprend plusieurs activités de loisirs qui doivent être financées par l'éventuel excédent; qu'en l'absence d'une décision motivée, les raisons pour lesquelles les contributions d'entretien ont été fixées à 1'550 fr., respectivement 1'650 fr. ne sont pas connues, mais qu'il ne peut être considéré à ce stade, prima facie, que leur montant est nécessairement trop faible; qu'en l'absence de décision motivée, il ne peut être retenu que le Tribunal a réduit le montant qui avait été convenu en raison de l'instauration d'une garde alternée et que, par conséquent, l'octroi de l'effet suspensif sur cette dernière question doit entraîner l'effet suspensif sur celle des contributions d'entretien;
Qu'au vu de ce qui précède, la requête tendant à suspendre le caractère exécutoire du ch. 2 du dispositif de l'ordonnance attaquée sera admise; que la requête sera pour le surplus rejetée;
Qu'il sera statué sur les frais et dépens liés à la présente décision avec l'arrêt au fond (art. 104 al. 3 CPC);
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La Chambre civile :
Statuant sur requête de suspension du caractère exécutoire de l'ordonnance entreprise :
Admet la requête formée par A______ tendant à suspendre le caractère exécutoire du ch. 2 de l'ordonnance OTPI/517/2025 rendue le 8 août 2025 par le Tribunal de première instance dans la cause C/27434/2023.
La rejette pour le surplus.
Dit qu'il sera statué sur les frais liés à la présente décision dans l'arrêt au fond.
Siégeant :
Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Camille LESTEVEN, greffière.
Le président : Laurent RIEBEN |
| La greffière : Camille LESTEVEN |
Indication des voies de recours :
La présente décision, incidente et de nature provisionnelle (ATF 137 III 475 consid. 1 et 2), est susceptible d'un recours en matière civile (art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005; LTF - RS 173.110), les griefs pouvant être invoqués étant toutefois limités (art. 93/98 LTF), respectivement d'un recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 ss LTF). Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la décision attaquée.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.