Aller au contenu principal

Décisions | Chambre civile

1 resultats
C/11262/2024

ACJC/1150/2025 du 28.08.2025 sur ORTPI/538/2025 ( SDF ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/11262/2024 ACJC/1150/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 28 AOÛT 2025

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, France, recourant contre une ordonnance rendue par la 11ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 5 mai 2025, représenté par Me Romain FELIX, avocat, Sulmoni & Félix, rue de Saint-Léger 2, 1205 Genève,

et

Madame B______, domiciliée ______, France, intimée, représentée par Me Thomas BARTH, avocat, BARTH Avocats, boulevard Helvétique 6, case postale, 1211 Genève 12.

 


EN FAIT

A. a. B______, née le ______ 1944, et A______, né le ______ 1947, se sont mariés le ______ 1970 à C______ (France), sans conclure de contrat de mariage.

b. A______ a effectué la majeure partie de son activité professionnelle en Suisse. Depuis sa retraite en 2009, il perçoit son deuxième pilier sous forme de rente. A teneur d'une attestation de la fondation de prévoyance du groupe D______, le capital représentait, le 31 décembre 2008, un montant total de 1'387'464 fr.

c. Par jugement du 26 avril 2021, le Tribunal judiciaire de E______ a, entre autres dispositions, prononcé le divorce des parties aux torts exclusifs de A______, dit qu'il n'y avait pas lieu à ordonner la liquidation du régime matrimonial des époux et les a invités à poursuivre la réalisation d'un partage à l'amiable, rappelé qu'à défaut d'accord amiable sur le partage, il appartiendra à la partie la plus diligente de faire application des articles 1359 et suivants du code de procédure civile, et condamné A______ à payer à B______ la somme de 400'000 euros à titre de prestation compensatoire.

Sur appel de A______, la Cour d'appel de F______ a, par arrêt du 29 août 2023, confirmé le jugement du 26 avril 2021 sur les points susmentionnés, sous réserve du montant de la prestation compensatoire, fixée à 280'000 euros.

d. Le 23 février 2024, faute d'accord amiable sur la liquidation du régime matrimonial, A______ a requis le juge français d'ordonner l'ouverture des opérations de liquidation du régime matrimonial des parties et de désigner un notaire à cet effet.

e. Le 17 mai 2024, B______ a introduit par-devant le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) une action en complément de divorce tendant au partage de la prévoyance professionnelle accumulée par A______ pendant la durée du mariage.

f. Dans sa réponse du 23 janvier 2025, A______ s'est opposé au partage de ses avoirs de prévoyance professionnelle et a sollicité la suspension de la procédure au motif que le régime matrimonial n'avait pas encore été liquidé en France.

g. B______ s'est opposée à la demande de suspension.

h. Par ordonnance ORTPI/329/2025 du 12 mars 2025, le Tribunal a ordonné la suspension de la procédure jusqu'à droit jugé dans la procédure française, soit au 4 avril 2025.

i. Par ordonnance du 4 avril 2025, le Tribunal judiciaire de E______ a rejeté la demande de sursis à statuer formée par B______ en attente du jugement suisse sur le partage des avoirs de prévoyance des ex-époux.

j. Par courrier du 11 avril 2025 adressé au Tribunal, A______ a persisté à solliciter la suspension de la procédure jusqu'à droit jugé dans la procédure pendante devant les tribunaux français concernant la liquidation du régime matrimonial.

k. Par courrier du 16 avril 2025, B______ a prié le Tribunal de fixer la suite de la procédure.

B. Par ordonnance ORTPI/538/2025 du 5 mai 2025, le Tribunal a rejeté la requête en suspension de la procédure formée par les parties défenderesses (sic), ordonné un second échange d'écritures et imparti un délai au 6 juin 2025 à la partie demanderesse pour se déterminer sur les allégués de la réponse de la partie défenderesse, le sort des frais étant réservé.

Le Tribunal a considéré en substance que la procédure de liquidation du régime matrimonial des parties porterait essentiellement sur des biens immobiliers, une assurance-vie et des avoirs bancaires. Or A______ avait déjà fait estimer les éléments de fortune de chacune des parties à l'issue de la liquidation de leur régime matrimonial. Il convenait dès lors de poursuivre, parallèlement aux juridictions françaises, l'instruction de la cause, conformément à l'exigence de célérité et compte tenu également du fait que l'on ignorait le stade de la procédure parallèle en liquidation du régime matrimonial.

C. a. Par acte expédié le 16 mai 2025 au greffe de la Cour de justice (ci-après : la Cour), A______ recourt contre cette ordonnance. Il conclut, sous suite de frais et dépens, à son annulation et, cela fait, à la suspension de la procédure C/11262/2024 en attente de droit jugé sur la procédure pendante devant les tribunaux français concernant la liquidation du régime matrimonial des parties. Préalablement, il sollicite l'octroi de l'effet suspensif.

b. Dans sa réponse du 6 juin 2025, B______ conclut, préalablement, au rejet de la requête d'effet suspensif et, principalement, au rejet du recours, sous suite de frais et dépens.

Elle produit des pièces nouvelles.

c. Par arrêt ACJC/766/2925 du 10 juin 2025, la Cour a rejeté la requête d'effet suspensif formée par A______ et dit qu'il serait statué sur les frais et dépens de cette décision avec la décision sur le fond.

d. A______ a transmis à la Cour des déterminations écrites les 20 juin et 17 juillet 2025, persistant dans ses conclusions.

e. B______ a transmis à la Cour des déterminations écrites les 10 et 18 juillet 2025, persistant dans ses conclusions.

f. Par avis du 21 juillet 2025, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 La présente procédure de recours est régie par le CPC dans sa version révisée, entrée en vigueur le 1er janvier 2025, dès lors que l'ordonnance attaquée a été communiquée aux parties après cette date (art. 405 al. 1 CPC).

1.2.1 Le recours est recevable contre les "autres décisions" et ordonnances d'instruction de première instance, dans les cas prévus par la loi (art. 319 let. b ch. 1 CPC) ainsi que lorsqu'elles peuvent causer un préjudice difficilement réparable (art. 319 let. b ch. 2 CPC).

Les décisions de suspension entrent dans la catégorie des ordonnances d'instruction (ATF 141 III 270 consid. 3.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_737/2024 du 16 janvier 2025 consid. 4.1).

La loi prévoit que l'ordonnance de suspension peut faire l'objet d'un recours (art. 126 al. 2 CPC).

A la différence d'une décision admettant la suspension, le refus de la suspension ne peut faire l'objet d'un recours que dans la mesure où il est susceptible de causer un préjudice difficilement réparable, en application de l'art. 319 let. b ch. 2 CPC (arrêts du Tribunal fédéral 5A_545/2017 du 13 avril 2018 consid. 3.2; 5D_182/2015 du 2 février 2016 consid. 1.3 et la doctrine citée).

1.2.2 En l'espèce, dirigé contre une décision refusant la suspension de la procédure, le recours, écrit et motivé, et déposé auprès de l'instance de recours dans un délai de dix jours à compter de la notification de la décision (321 al. 1 et 2 CPC), est recevable sous cet angle.

Reste à déterminer si l'ordonnance querellée est susceptible de causer un préjudice difficilement réparable au recourant.

2. 2.1 La notion de "préjudice difficilement réparable" est plus large que celle de "préjudice irréparable" consacrée par l'art. 93 al. 1 let. a LTF. Ainsi, elle ne vise pas seulement un inconvénient de nature juridique, mais toute incidence dommageable, y compris financière ou temporelle, pourvu qu'elle soit difficilement réparable. L'instance supérieure devra se montrer exigeante, voire restrictive, avant d'admettre la réalisation de cette condition, sous peine d'ouvrir le recours à toute décision ou ordonnance d'instruction, ce que le législateur a clairement exclu. Il s'agit de se prémunir contre le risque d'un prolongement sans fin du procès (ATF 138 III 378 consid. 6.3; 137 III 380 consid. 2; Colombini, Code de procédure civile, condensé de la jurisprudence fédérale et vaudoise, 2018, n° 4.1.3 ad art. 319 CPC; Jeandin, Commentaire romand, 2019, n° 22 ad art. 319 CPC).

Le préjudice sera ainsi considéré comme difficilement réparable s'il ne peut pas être supprimé ou seulement partiellement, même dans l'hypothèse d'une décision finale favorable au recourant (Reich, Schweizerische Zivilprozessordnung, n° 8 ad art. 319 CPC; Jeandin, op. cit., n° 22a ad art. 319 CPC).

En particulier, une décision de refus de suspension peut être remise en cause dans le cadre d'un appel ou un recours dirigé contre la décision finale (arrêts du Tribunal fédéral 5D_182/2015 du 2 février 2016 consid. 1.3; 5A_545/2017 du 13 avril 2018 consid. 3.2).

Le risque de ne pas obtenir gain de cause ne constitue pas un dommage difficile à réparer, mais un risque inhérent à toute procédure judiciaire. Un accroissement des frais ou une simple prolongation de la procédure ne représentent pas non plus un tel préjudice (Spühler, in Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, n. 7 ad art. 319 CPC; Hoffmann-Nowotny, ZPO-Rechtsmittel, Berufung und Beschwerde, n. 25 ad art. 319 CPC).

Il appartient au recourant d'alléguer et d'établir la possibilité que la décision incidente lui cause un préjudice difficilement réparable, à moins que cela ne fasse d'emblée aucun doute (par analogie : ATF 134 III 426 consid. 1.2 et 133 III 629 consid. 2.3.1; Haldy, op.cit., n. 9 ad art. 126 CPC).

2.2.1 En l'espèce, le recourant allègue que si le Tribunal devait procéder au partage de sa rente de prévoyance professionnelle sans attendre le résultat de la liquidation du régime matrimonial des parties, il aboutirait selon toute vraisemblance à une solution inéquitable et une rente inférieure lui serait alors versée. Une procédure de révision pour faits nouveaux ne permettrait pas, cas échéant, de corriger ce résultat, étant probable qu'à l'issue de celle-ci, le capital initial ne pourrait plus être totalement reconstitué, pour des motifs juridiques (absence de rétroactivité) ou pratiques (utilisation des sommes versées).

2.2.2 Le recourant méconnait cependant qu'il pourra contester l'ordonnance de refus de suspension dans le cadre de l'éventuelle remise en cause de la décision sur le fond et, cas échéant, obtenir la suspension à ce moment-là s'il l'estime toujours utile, étant précisé que le prolongement de la procédure ou l'accroissement des frais de celle-ci ne constitue pas un préjudice difficilement réparable.

Il s'ensuit que le refus de suspendre la procédure n'est pas de nature à causer au recourant un préjudice difficilement réparable.

Partant, son recours est irrecevable, la condition de l'art. 319 let. b ch. 2 CPC n'étant pas remplie.

3. Le recourant, qui succombe, sera condamné aux frais judiciaires du recours (art. 106 al. 1 CPC). Ceux-ci seront arrêtés à 1'200 fr., comprenant l’émolument de décision sur effet suspensif (art. 41 RTFMC), et entièrement compensés avec l'avance de frais du même montant fournie par le recourant, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Le recourant sera condamné à verser des dépens de recours à l'intimée (art. 106 al. 1 et 111 al. 2 CPC). Ceux-ci seront arrêtés à 2'000 fr., débours compris, compte tenu de la faible difficulté de la cause et du travail qu'elle a impliqué (art. 84, 85, 87 et 90 RTFMC, art. 23, 25 et 26 LaCC). Il ne sera pas tenu compte de la TVA dans la mesure où l'intimée est domiciliée à l'étranger (ATF 141 IV 344 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_623/2015 du 3 mars 2016).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Déclare irrecevable le recours interjeté le 16 mai 2025 par A______ contre l'ordonnance ORTPI/538/2025 rendue le 5 mai 2025 par le Tribunal de première instance dans la cause C/11262/2024.

Sur les frais:

Arrête les frais judiciaires de recours à 1'200 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance de frais versée, qui reste acquises à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser à B______ 2'000 fr. à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Madame Stéphanie MUSY, présidente; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.