Décisions | Chambre civile
ACJC/1084/2025 du 29.07.2025 sur ORTPI/242/2025 ( OO ) , MODIFIE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/19232/2023 ACJC/1084/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU LUNDI 14 JUILLET 2025 |
Entre
Madame A______, domiciliée ______ [GE], recourante contre une ordonnance rendue par la 5ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 20 février 2025, représentée par Me Pierluca DEGNI, avocat, Degni & Vecchio, rue du Général-Dufour 12, case postale 220, 1211 Genève 8,
et
1) CONFEDERATION SUISSE, représentée par l'Etat de Genève, soit pour lui l'Administration Fiscale cantonale,
2) ETAT DE GENEVE, soit pour lui l'Administration Fiscale Cantonale, Direction des affaires juridiques, rue du Stand 26, case postale 3937, 1211 Genève 3, intimés, tous deux représentés par Me Shahram DINI, avocat, Dini Lardi Avocats, place du Port 1, 1204 Genève.
A. Par ordonnance ORTPI/242/2025 rendue le 20 février 2025, notifiée aux parties le lendemain, le Tribunal de première instance (ci-après, le Tribunal) a invité l'ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE (ci-après, AFC) à adresser copie de la déclaration fiscale 2009 de A______ à son conseil dans les plus brefs délais (chiffre 1 du dispositif), ordonné à A______ de la produire le 14 mars 2025 (ch. 2), maintenu pour le surplus les termes de l'ordonnance de preuve ORTPI/1026/2024 du 28 août 2024 (ch. 3) et cité les parties aux débats principaux (ch. 4).
B. a. Par acte expédié le 3 mars 2025 au greffe de la Cour de justice (ci-après, la Cour), A______ a formé recours contre cette ordonnance et sollicité préalablement la restitution de l'effet suspensif au recours. Principalement, elle a conclu à ce que la Cour annule les ch. 1 et 2 de l'ordonnance querellée, puis rejette la demande de modification de l'ordonnance ORTPI/1026/2024 et enjoigne l'AFC et la Confédération Suisse (ci-après, la Confédération) à solliciter la levée de leur secret fiscal auprès de l'autorité compétente, sous suite de frais judiciaires et dépens.
b. L'AFC et la Confédération ne s'étant pas opposées à la requête de restitution de l'effet suspensif, la Cour l'a admise et a renvoyé la question des frais au présent arrêt.
c. L'AFC et la Confédération ont conclu à l'irrecevabilité du recours et, subsidiairement, à son rejet, sous suite de frais judiciaires et dépens.
d. Les parties ont répliqué, respectivement dupliqué, et persisté dans leurs conclusions.
e. Par avis du 20 mai 2025, la Cour a informé les parties de ce que la cause était gardée à juger.
C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :
a. Le 11 septembre 2023, l'AFC et la Confédération ont déposé deux actions en contestation de la revendication à l'encontre de A______ par-devant le Tribunal (séquestres n° 1______ et n° 2______). Ces actions reposent sur le complexe de faits suivants :
B______, marchand d'art notoirement connu et compagnon de A______ à tout le moins jusqu'en 2008, était visé par une enquête fiscale liée à des soupçons de soustraction d'impôts. Par deux ordonnances de séquestre, dirigées contre le prénommé à l'initiative de l'AFC et de la Confédération, des objets mobiliers de grande valeur avaient été mis sous mains de justice afin de garantir les créances fiscales liées à l'enquête susmentionnée.
A______ a revendiqué une partie des biens, soit ceux se trouvant pour l'essentiel dans la maison qu'elle occupait à C______ (GE). Cette revendication est contestée dans la mesure où l'AFC et la Confédération soutiennent que le couple formé par B______ et A______ aurait en réalité continué d'exister et existerait encore, si bien que les objets se trouvant chez celle-ci appartiendraient à celui-là.
Selon l'AFC et la Confédération, le dépôt des déclarations fiscales de A______ à la procédure s'imposerait, dès lors que ces documents permettraient d'attester de ses revenus, de sa fortune et des éventuelles donations dont elle aurait bénéficié. Il pourrait ainsi être déterminé si elle était en mesure d'acquérir les biens en question, respectivement si elle en était propriétaire.
Les deux procédures ont été jointes sous le numéro C/19232/2023.
b. Dans sa réponse, A______ a conclu au rejet de la requête et à l'admission de sa revendication. Elle s'est aussi opposée à la production de ses déclarations fiscales pour les années 2009 à 2022.
Elle a produit ses bordereaux d'impôts pour les années 2014 et 2015, mais s'est opposée à la production d'autres documents soumis au secret fiscal.
c. A la suite de l'audience de débats d'instruction, de débats principaux et de première plaidoiries, le Tribunal a rendu une ordonnance de preuve (n° ORTPI/1026/2024 du 28 août 2024) par laquelle il a notamment considéré que les déclarations fiscales de 2009 à 2022 de A______ pouvaient librement être produites par l'AFC et la Confédération, pour autant que celles-ci sollicitent la levée des secrets auxquels elles pourraient être soumises avant production de ces pièces. La seule déclaration qui paraissait pertinente était celle de 2009, puisque A______ affirmait avoir reçu les objets litigieux en 2008. Le premier juge a ainsi, entre autres, invité l'AFC à produire les déclarations fiscales de 2009 à 2022, après avoir obtenu la levée du secret fiscal/de fonction, et ordonné à A______ de produire sa déclaration fiscale pour l'année 2009.
d. Le 8 octobre 2024, l'AFC et la Confédération ont écrit au Tribunal pour requérir la modification de l'ordonnance de preuve susévoquée : malgré leur sollicitation, le Conseil d'Etat avait refusé de lever le secret fiscal, sans l'accord des intéressés, soit B______ et A______. Elles ont alors renoncé à la production des déclarations fiscales, mise à part celle de l'année 2009.
e. A______ a répondu qu'un entretien était fixé avec la Division Affaires Pénales et Enquêtes (DAPE) de l'Administration fédérale des contributions, qui avait saisi nombre de ses documents, afin qu'elle obtienne, notamment, sa déclaration fiscale pour l'année 2009, puis la produise, cas échéant.
f. L'AFC et la Confédération ont alors considéré qu'il suffisait à A______ de requérir, par simple demande auprès de l'AFC, copie de sa déclaration fiscale pour pouvoir ensuite la produire.
g. Par courrier du 6 décembre 2024, A______, ayant reçu les documents de la DAPE, a exposé que sa déclaration fiscale pour l'année 2009 ne s'y trouvait pas et qu'elle n'en avait pas conservé copie, étant précisé que le délai de conservation des documents fiscaux sur la plateforme en ligne de l'AFC était de dix ans.
h. L'AFC et la Confédération ont alors considéré que soit l'intéressée demandait la levée du secret fiscal, soit elle demandait à l'AFC que copie de la déclaration fiscale pour l'année fiscale 2009 lui soit remise et qu'elle la produise ensuite.
D. a. Dans l'ordonnance querellée, le Tribunal a considéré que, s'agissant de la production, par A______, de sa déclaration fiscale pour l'année 2009, il fallait inviter l'AFC à en délivrer copie au conseil de la prénommée, charge à celle-ci de la produire ensuite.
b. Par courrier du 28 février 2025, l'AFC a fait parvenir à A______ la déclaration fiscale en question.
c. A l'appui de son recours, sous l'angle du préjudice difficilement réparable, A______ invoque que l'ordonnance querellée aboutirait à contourner les règles du droit fiscal suisse, le dévoilement de sa déclaration fiscale soumise au secret fiscal atteindrait sa sphère privée. Cette pièce serait en outre dépourvue de pertinence. En plus, elle serait menacée d'une amende si elle n'obtempérait pas. Sur le fond, il n'existerait aucun fait nouveau justifiant de modifier l'ordonnance de preuve initiale. L'ordonnance consacrait en outre une violation du secret fiscal et offrirait une protection à une conduite abusive de l'AFC et de la Confédération.
1. La recevabilité du recours est contestée par les intimées.
1.1 Le recours est recevable contre les décisions et ordonnances d'instruction de première instance, dans les cas prévus par la loi (art. 319 let. b ch. 1 CPC) ou lorsqu'elles peuvent causer un préjudice difficilement réparable (art. 319 let. b ch. 2 CPC).
Par définition, les décisions visées à l'art. 319 let. b CPC ne sont ni finales, ni partielles, ni incidentes, ni provisionnelles. Il s'agit de décisions d'ordre procédural par lesquelles le tribunal détermine le déroulement formel et l'organisation matérielle de l'instance (Jeandin, Commentaire Romand - CPC, 2ème éd. 2019, n. 11 ad art. 319 CPC).
Les ordonnances d'instruction se rapportent à la préparation et à la conduite des débats. Elles statuent en particulier sur l'opportunité et les modalités de l'administration des preuves, ne déploient ni autorité ni force de chose jugée (Jeandin, op. cit., n. 14 ad art. 319 CPC).
1.2 En l'espèce, il n'est à raison pas contesté que l'ordonnance entreprise est une ordonnance d'instruction, relevant notamment de l'administration des preuves, au sens de l'art. 319 let. b CPC.
1.3 Cette ordonnance peut faire l'objet d'un recours dans les dix jours à compter de sa notification (art. 321 al. 1 et 2 CPC), délai qui a été respecté in casu.
1.4 Il reste à déterminer si la décision querellée est susceptible de causer à la recourante un préjudice difficilement réparable au sens de l'art. 319 let. b ch. 2 CPC et si celle-ci dispose d'un intérêt digne de protection à recourir, ce qui est contesté par les intimées.
1.4.1 La notion de "préjudice difficilement réparable" est plus large que celle de "préjudice irréparable" consacré par l'art. 93 al. 1 let. a LTF (ATF 138 III 378 consid. 6.3; 137 III 380 consid. 2, in SJ 2012 I 77).
Constitue un "préjudice difficilement réparable" toute incidence dommageable, y compris financière ou temporelle, qui ne peut être que difficilement réparée dans le cours ultérieur de la procédure. L'instance supérieure devra se montrer exigeante, voire restrictive, avant d'admettre la réalisation de cette condition, sous peine d'ouvrir le recours à toute décision ou ordonnance d'instruction, ce que le législateur a clairement exclu. Il s'agit de se prémunir contre le risque d'un prolongement sans fin du procès (ATF 138 III 378 consid. 6.3; 137 III 380 consid. 2; Colombini, Code de procédure civile, condensé de la jurisprudence fédérale et vaudoise, 2018, n. 4.1.3 ad art. 319 CPC; Jeandin, op. cit., n. 22 ad art. 319 CPC et les références citées).
La décision refusant ou admettant des moyens de preuve offerts par les parties ne cause en principe pas de préjudice irréparable puisqu'il est normalement possible, en recourant contre la décision finale, d'obtenir l'administration de la preuve refusée à tort ou d'obtenir que la preuve administrée à tort soit écartée du dossier (ATF 141 III 80 consid. 1.2 et les arrêts cités). La règle comporte toutefois des exceptions. Il en va ainsi, notamment, lorsque la sauvegarde de secrets est en jeu; par exemple, la divulgation forcée de secrets d'affaires est propre à léser irrémédiablement les intérêts juridiques de la partie concernée, en tant qu'elle implique une atteinte définitive à sa sphère privée (arrêts du Tribunal fédéral 4A_240/2024 du 17 mai 2024 consid. 4.3; 5A_1058/2019 du 4 mai 2020 consid. 1; 4A_108/2017 du 30 mai 2017 consid. 1.2). La condition du préjudice irréparable est notamment réalisée si est invoquée une atteinte à un secret protégé (ATF 150 I 191 consid. 2.2).
Une décision relative à l'administration des preuves est également susceptible de causer un tel dommage lorsqu'elle est assortie de la menace des sanctions prévues par l'art. 292 CP. En effet, le risque d'ouverture d'une procédure pénale pour insoumission à une décision de l'autorité suffit pour admettre un dommage irréparable de nature juridique (arrêts du Tribunal fédéral 5A_745/2014 du 16 mars 2025 consid. 1.2.3; 5D_166/2011 du 13 décembre 2011 consid. 2.4.1; 5P.444/2004 du 2 mai 2005 consid. 1.1).
1.4.2 Le secret fiscal est, notamment, prévu à l'art. 110 LIFD et à l'art. 11 de la loi genevoise de procédure fiscale (LPFisc).
L'art. 110 LIFD est libellé comme suit : "Les personnes chargées de l'application de la présente loi ou qui y collaborent doivent garder le secret sur les faits dont elles ont connaissance dans l'exercice de leur fonction ainsi que sur les délibérations des autorités et refuser aux tiers la consultation des dossiers fiscaux." L'art. 11 al. 1 LPFisc prévoit : "Les personnes chargées de l'application de la législation fiscale ou qui y collaborent doivent garder le secret sur les faits dont elles ont connaissance dans l'exercice de leur fonction ainsi que sur les délibérations des autorités et refuser aux tiers la consultation des dossiers fiscaux et des rôles ou registres fiscaux."
Les personnes détentrices du secret sont donc les membres des autorités fiscales, ainsi que les autorités de recours, de droit pénal fiscal et les autorités de remise (Locher, Kommentar zum Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer, Teil III, 2015, n. 18 ad art. 110 LIFD).
1.4.3 A teneur de l'art. 2 al. 2 CC, l'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé par la loi. Cette règle permet au juge de corriger les effets de la loi dans certains cas où l'exercice d'un droit allégué créerait une injustice manifeste. Le juge apprécie la question au regard des circonstances concrètes. Les cas typiques en sont l'absence d'intérêt à l'exercice d'un droit, l'utilisation d'une institution juridique de façon contraire à son but, la disproportion manifeste des intérêts en présence, l'exercice d'un droit sans ménagement ou l'attitude contradictoire
(ATF 143 III 279 consid. 3.1; 135 III 162 consid. 3.3.1 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_239/2024 du 19 mars 2025 consid. 4.4).
Il y a notamment abus de droit lorsqu'une institution juridique est utilisée à des fins étrangères au but même de la disposition légale qui la consacre, c'est-à-dire quand elle est invoquée pour servir des intérêts qu'elle ne veut précisément pas protéger (ATF 138 III 401 consid. 2.4.1; 137 III 625 consid. 4.3; 135 III 162 consid. 3.3.1). L'exercice d'un droit peut également être abusif s'il contredit un comportement antérieur, qui avait suscité des attentes légitimes chez l'autre partie (venire contra factum proprium; ATF 143 III 666 consid. 4.2 ; 130 III 113 consid. 4.2, JdT 2004 I 296 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_439/2023 du 9 septembre 2024 consid. 7.1).
L'abus de droit doit être admis restrictivement, comme l'exprime l'adjectif "manifeste" utilisé dans le texte légal (ATF 143 III 279 consid. 3.1; 135 III 162 consid. 3.3.1 et les arrêts cités). Il incombe à la partie qui se prévaut d'un abus de droit d'établir les circonstances particulières qui autorisent à retenir cette exception (ATF 134 III 52 consid. 2.1 in fine et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_393/2024 du 15 mai 2025 consid. 4.1.4).
1.4.4 En l'espèce, la recourante invoque le fait que la violation du secret fiscal que consacre l'ordonnance entreprise serait de nature à lui causer un dommage difficilement réparable, dans la mesure où une fois sa déclaration fiscale dévoilée, même une décision finale ne pourrait plus corriger le préjudice subi et où elle se verrait, cas échéant, menacée de la peine prévue à l'art. 292 CP.
Les intimées contestent cette approche en soutenant que la recourante était forclose à recourir contre cette ordonnance, dès lors qu'elle n'avait pas recouru contre la précédente ordonnance de preuve (ORTPI/1026/2024), que sa position serait abusive et que l'ordonnance entreprise ne mentionne pas l'art. 292 CP.
Il est constant que les intimées n'ont pas obtenu la levée du secret fiscal. Il ressort en outre de la première ordonnance de preuve (ORTPI/1026/2024) qu'il avait déjà été ordonné à cette époque à la recourante de produire sa déclaration fiscale pour l'année 2009.
Il n'en demeure pas moins que les circonstances ayant conduit au prononcé de l'ordonnance querellée sont différentes, puisque l'une des intimées a été désormais invitée à remettre à la recourante copie de la déclaration fiscale susmentionnée. Cela fait suite au refus de l'autorité compétente de lever le secret fiscal et à un allégué de la recourante, qui affirme ne plus avoir la déclaration litigieuse en sa possession.
Cela étant, il faut distinguer l'ordre donné par le premier juge à la recourante de produire sa déclaration fiscale et l'invitation faite à l'une des intimées d'expédier dite déclaration à la recourante.
Sur le premier point, cet ordre a été donné à la recourante dans l'ordonnance de 2024, si bien que le recours aurait dû être déposé à l'époque déjà, rien ne permettant de justifier que la recourante ait attendu près de six mois avant de se manifester. Son attitude apparaît d'autant plus abusive qu'elle n'a jamais prétendu invoquer un secret fiscal, mais a, au contraire, mentionné à plusieurs reprises qu'elle produirait le document une fois celui-ci en sa possession. Son revirement est donc contradictoire et indéfendable. En tout état, le fait pour une partie de se prévaloir d'une violation du secret fiscal qu'elle pourrait elle-même commettre, en remettant un document au juge, est dénué de fondement, puisque la partie en question n'est pas une autorité fiscale et n'est donc pas détentrice du secret. Ainsi, le recours n'apparaît pas recevable sous cet angle, car tardif et faute de préjudice difficilement réparable. De toute manière, il devrait être rejeté au vu de ce qui suit (cf. consid. 2. ci-après).
Sur le second point, s'agissant de l'intérêt à recourir, la situation de fait s'étant modifiée et le juge ayant complété son ordonnance de preuve initiale, les intimées ne peuvent être suivies en ce qu'elles soutiennent que la recourante aurait dû recourir contre cette ordonnance initiale, sous cet angle-ci, puisque cette "invitation" n'y figurait pas. En effet, à la suite de cette ordonnance, la situation factuelle et juridique s'est modifiée, ce qui ouvre la voie au recours sur ce point.
Il s'ensuit qu'un risque de préjudice difficilement réparable peut être reconnu à la recourante, en lien avec l'invitation communiquée à l'autorité fiscale de remettre une déclaration fiscale.
En dernier lieu, comme le soulignent les intimées, la recourante se réfère à tort à l'art. 292 CP, qui n'a jamais été évoqué par le premier juge. Cet élément n'est donc pas pertinent.
1.4.5 Ainsi, le recours est partiellement recevable.
1.5 Le recours est recevable pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).
L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par le recourant (Hohl/De Poret/Bortolaso/Aguet, Procédure civile, Tome II, 2ème éd. 2010, n. 2307).
2. La recourante invoque une violation de l'art. 154 CPC, un "contournement" du secret fiscal et un abus de droit manifeste.
2.1
2.1.1 La répartition du rôle procédural n'a pas d'influence sur celle du fardeau de la preuve dans la procédure en revendication (arrêt du Tribunal fédéral 5A_113/2018 consid. 8.2.2). Il appartient au tiers revendiquant, qu'il soit demandeur (art. 107 LP) ou défendeur (art. 108 LP), d'établir son droit et au créancier d'apporter les faits propres à le mettre en doute. Le débiteur ou le créancier doivent pour leur part soulever des objections contre le droit du tiers et alléguer et prouver les faits fondant celles-ci. La preuve doit être complète et peut être apportée par tous les moyens admissibles (ATF 117 II 124 consid. 2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_207/2023 du 10 juillet 2024 consid. 5.2.2 ; 5A_113/2018 du 12 septembre 2018 consid. 8.2.2 non publié in ATF 144 III 541).
Les règles générales en matière de preuve, notamment l'art. 8 CC, s'appliquent (ATF 116 III 82 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_113/2018 consid. 8.2.2 et les références citées).
2.1.2 A teneur de l'art. 154 CPC, les ordonnances de preuve sont rendues avant l'administration des preuves. Elles désignent en particulier les moyens de preuve admis et déterminent pour chaque fait à quelle partie incombe la preuve ou la contre-preuve. Elles peuvent être modifiées ou complétées en tout temps.
L'ordonnance de preuve peut être complétée, modifiée ou annulée jusqu'à la décision finale. Le tribunal peut le faire d'office (Hasenböhler / Yanez, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung (ZPO), 4ème éd. 2025, n. 30 ad art. 154 CPC ; Brönimann, ZPO Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, 3ème éd. 2023, n. 5 ad art. 154 CPC ; Schmid, Berner Kommentar - ZPO, 2012, n. 5 ad art. 154 CPC).
2.1.3 Selon l'art. 156 CPC, le tribunal ordonne les mesures propres à éviter que l'administration des preuves ne porte atteinte à des intérêts dignes de protection des parties ou de tiers, notamment à des secrets d'affaires.
Si la loi ne mentionne expressément que les secrets d'affaires, la jurisprudence reconnaît une portée plus large à la disposition, incluant en particulier les droits de la personnalité (ATF 148 III 84 consid. 3.2.1 et [non publié] 3.4.1). Il ne s'agit pas d'une faculté, mais d'une obligation du tribunal. La partie ou le tiers qui requiert une mesure de protection est tenu de rendre vraisemblable une atteinte effective à ses intérêts dignes de protection, et ne peut se contenter d'une allégation théorique. Les mesures de protection peuvent notamment consister en une limitation de l'accès au dossier, un caviardage des documents ou une obligation de garder le secret éventuellement assortie d'une menace de sanction selon l'art. 292 CP (ATF 148 III 84 consid. 3.2). Ces mesures doivent être proportionnées et le juge doit tenir compte de l'ensemble des circonstances concrètes (ATF 148 III 84 consid. 3.2.3). Le tribunal dispose dans ce cadre d'un large pouvoir d'appréciation afin de tenir compte d'une part des intérêts compromis par l'administration de la preuve et, d'autre part, du droit d'être entendu, et notamment du droit à la preuve des parties à la procédure (ATF 150 I 191 consid. 2.2).
2.1.4 A teneur de l'art. 160 al. 1 let. b CPC, les parties et les tiers sont tenus de collaborer à l'administration des preuves. Ils ont en particulier l'obligation de produire les titres requis, à l'exception des documents concernant des contacts entre une partie ou un tiers et un avocat autorisé à les représenter à titre professionnel ou un conseil en brevets au sens de l'art. 2 de la loi du 20 mars 2009 sur les conseils en brevets.
Selon l'art. 164 CPC, si une partie refuse de collaborer sans motif valable, le tribunal en tient compte lors de l'appréciation des preuves.
2.2 En l'espèce, le grief de la recourante tendant à reprocher au Tribunal d'avoir sua sponte modifié son ordonnance de preuve initiale est sans substance : le juge reste libre de modifier d'office et en tout temps les ordonnances de preuve précédemment rendues.
2.3 Comme il a déjà été relevé ci-dessus, les intimées n'ont pas obtenu la levée du secret fiscal afin de produire elles-mêmes la déclaration litigieuse. Le Tribunal a quant à lui considéré que la recourante devait produire cette déclaration, au vu de la répartition du fardeau de la preuve de la revendication.
Or, la recourante a ultérieurement annoncé qu'elle ne possédait plus cette déclaration. Il est pourtant aisé d'en demander copie à l'autorité fiscale compétente comme celle-ci l'a d'ailleurs suggéré.
Sur cette base, le Tribunal a alors décidé d'"inviter" l'autorité intimée à spontanément remettre à la recourante le document litigieux, afin que celle-ci puisse ensuite respecter l'ordonnance prononcée à son encontre l'enjoignant de produire ce document.
Cette manière de procéder est discutable et ne paraît pas conforme au droit.
Une partie est censée collaborer à la manifestation de la vérité, plus particulièrement si le Tribunal l'invite à le faire en produisant, comme c'est le cas ici, un titre déterminé, qu'elle peut en principe aisément obtenir. Si la partie ne respecte pas cette obligation, le CPC ne prévoit pas qu'elle puisse y être contrainte : la sanction réside dans l'appréciation des preuves. La partie qui s'abstient volontairement de produire un titre en pensant se mettre dans une position favorable, soit procédurale, soit matérielle, se place dans la situation où elle risque de voir les preuves appréciées en sa défaveur, le juge tenant compte ainsi de son refus illégitime de collaborer. Il n'est donc pas prévu, en principe, par le CPC de forcer par tous les moyens une partie qui s'y refuse à collaborer.
Plus particulièrement, le CPC ne prévoit d'exception à l'obligation de collaborer des parties, plus précisément dans le cadre de la production de titres, que pour les rapports entre avocat et client, ainsi que dans le domaine des brevets. Il s'ensuit que l'ordre donné à la recourante de produire une déclaration fiscale est conforme au droit, puisque le secret fiscal ne s'oppose pas à ce qu'elle produise un document fiscal la concernant elle-même.
Comme il a été vu ci-dessus, il appartiendra à la recourante d'assumer les conséquences de ses choix.
Il s'ensuit que la solution initiale retenue par le premier juge, à savoir d'ordonner uniquement à la recourante de produire sa déclaration fiscale, était conforme au droit et suffisante à atteindre le but fixé.
2.4 Au vu de cette issue, il n'est pas nécessaire d'examiner davantage si l'ordonnance entreprise consacre un abus de droit commis par les intimées.
3. Par conséquent, le recours sera admis et le chiffre 1 du dispositif de l'ordonnance annulé.
Le chiffre 2 le sera de même et sera reformulé. Il sera octroyé, compte tenu du délai de recours et de l'effet suspensif qui y a été attaché, un délai à la recourante pour produire sa déclaration fiscale pour l'année 2009 au 31 août 2025.
4. 4.1 Les frais judiciaires du recours sont fixés à 1'200 fr. (art. 41 RTFMC).
Les frais judiciaires sont mis, en principe, à la charge de la partie qui succombe (art. 106 al. 1 1ère phr. CPC). Lorsqu'aucune des parties n'obtient entièrement gain de cause, les frais sont répartis selon le sort de la cause (art. 106 al. 2 CPC) Les frais judiciaires seront donc mis à la charge des parties chacune par moitié, dès lors qu'aucune d'elles n'obtient entièrement gain de cause.
A teneur de l'art. 111 al. 1 CPC, les frais judiciaires sont compensés avec les avances fournies par les parties dans les cas où la partie qui a effectué une avance supporte la charge des frais. Dans les autres cas, l'avance est restituée. Le montant qui n'est pas couvert par les avances est versé par la partie qui supporte la charge des frais.
Ainsi, les frais judiciaires du recours en 600 fr. à la charge de la recourante seront compensés avec l'avance qu'elle a versée. Le solde lui sera restitué.
Il n'y a pas lieu de condamner l'Etat de Genève à verser des frais judiciaires.
4.2 Chacune des parties supportera ses propres dépens (art. 106 al. 2 CPC précité).
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La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable l'appel interjeté par A______ le 3 mars 2025 contre l'ordonnance ORTPI/242/2025 rendu le 20 février 2025 par le Tribunal de première instance dans la cause C/19232/2023.
Au fond :
Annule les chiffres 1 et 2 du dispositif de l'ordonnance entreprise.
Ordonne à A______ de produire au Tribunal de première instance sa déclaration fiscale complète pour l'année 2009 d'ici au 31 août 2025.
Confirme pour le surplus l'ordonnance entreprise.
Sur les frais :
Arrête les frais judiciaires du recours à 1'200 fr. et les met à la charge de A______ à raison d'une moitié, et de la Confédération suisse et de l'Etat de Genève, soit pour lui l'Administration fiscale cantonale, pris solidairement, à raison de l'autre moitié.
Dit que les frais judiciaires à la charge de A______ seront compensés à due concurrence, soit 600 fr., avec l'avance qu'elle a versée.
Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à A______ le solde de son avance de frais en 600 fr.
Dit qu'il n'est pas alloué des dépens de recours.
Siégeant :
Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD, Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.
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Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.