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Décisions | Chambre civile

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C/9099/2023

ACJC/847/2025 du 19.06.2025 sur JTPI/7421/2024 ( OS ) , MODIFIE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/9099/2023 ACJC/847/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 19 JUIN 2025

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [GE], appelant d'un jugement rendu par la 5ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 14 juin 2024,

et

Les mineurs B______ et C______, représentés par leur mère, D______, domiciliés ______ [GE], intimés, représentés par Me Butrint AJREDINI, avocat, SAINT-JEAN AVOCATS, rue de Saint-Jean 15, case postale 23, 1211 Genève 13.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/7421/2024 du 14 juin 2024, le Tribunal de première instance (ci-après: le Tribunal), statuant par voie de procédure simplifiée, a débouté A______ des fins de sa demande [en suppression de la contribution d'entretien] (ch. 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 1'410 fr., compensés avec l'avance de 1'200 fr. fournie par A______, mis à la charge de celui-ci, l'a condamné à payer à l’Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, la somme de 210 fr. (ch. 2 et 3), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 4) et débouté les parties de toutes autres conclusions.

B.

a. Par acte expédié à la Cour le 14 août 2024, A______ (ci-après: l'appelant) a formé appel de ce jugement, qu'il a reçu le 24 juin 2024. Il a demandé à la Cour de "réexaminer et annuler la décision du jugement (1.), reconnaître la modification de [sa] situation financière (2), prendre en compte [son] état de santé et les résultats des analyses du laboratoire E______ (3), considérer l'attente du verdict final de l'assurance-invalidité (4), inclure les charges fixes et taxes liées à [ses] activités F______ [plateforme de location de logements] dans le calcul de la pension alimentaire (5), exclure les remboursements G______ pour les dégâts occasionnés par les clients F______ du calcul de la pension alimentaire (6) et [lui] permettre de prouver les faits invoqués (7)."

Il a produit des pièces non soumises au Tribunal.

b. Par réponse du 28 octobre 2024, les mineurs B______ et C______ (ci-après: les intimés), représentés par leur mère D______, ont conclu au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris, sous suite de frais judiciaires et dépens.

c. A______ a répliqué le 29 novembre 2024, concluant au rejet "des prétentions de la défenderesse en fait et en droit", à la révision du montant de la pension alimentaire, et à la condamnation de D______ aux frais judiciaires et dépens des deux instances.

Il a produit de nouvelles pièces.

d. Les intimés n'ayant pas fait usage de leur droit à la duplique, les parties ont été informées par courrier du greffe de la Cour du 4 février 2025 de ce que la cause était gardée à juger.

e. Le 1er mars 2025, l'appelant a fait parvenir de nouvelles pièces à la Cour, relatives à son état de santé.

C. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier soumis à la Cour.

a. A______, né le ______ 1972 à Genève, de nationalité suisse, est le père de H______, né le ______ 1989 d’une précédente relation.

b. Il est actuellement marié à I______; J______, née le ______ 2006, est issue de cette union.

Par jugement du 19 novembre 2012, le Tribunal a notamment autorisé A______ et I______ à vivre séparés, attribué à la mère la garde sur J______ et condamné A______ à verser 2'300 fr. par mois à titre de contribution à l'entretien de la famille.

Les époux sont en procédure de divorce, laquelle est actuellement suspendue.

c. A______ est enfin le père de B______, né le ______ 2015, et C______, née le ______ 2019, issus de sa relation hors mariage nouée avec D______, née le ______ 1983 en Ukraine.

A______ et D______ se sont séparés une première fois en automne 2018, avant de se séparer définitivement en juin 2020.

d. Le 23 juillet 2019, les mineurs B______ et C______, représentés par leur mère, ont déposé une action alimentaire (procédure C/1______/2019).

Dans le cadre de cette procédure, la garde des enfants a été attribuée à la mère par jugement JTPI/12733/2020 du 12 octobre 2020 et A______ a été définitivement condamné à participer financièrement à leur entretien mensuel par arrêt de la Cour ACJC/769/2021 du 28 mai 2021, à hauteur, notamment, pour B______, de 875 fr. (y compris une contribution de prise en charge) du 1er septembre 2023 au 30 novembre 2025, de 1'025 fr. du 1er décembre 2025 au 31 août 2031 (idem) et de 550 fr. (frais effectifs) du 1er septembre 2031 jusqu'au 30 novembre 2033, voire au-delà en cas de formation professionnelle ou d'études sérieuses et régulières.

Il a été condamné à verser une contribution pour C______ à hauteur de, notamment, 775 fr. (y compris une contribution de prise en charge) du 1er septembre 2023 au 31 décembre 2028, 1'025 fr. (idem) du 1er janvier 2029 au 31 août 2031 et 550 fr. (frais effectifs) du 1er septembre 2031 au 31 décembre 2036, voire au-delà en cas de formation professionnelle ou d'études sérieuses et régulières.

La Cour a retenu que A______ avait perçu, en moyenne, des indemnités de chômage, respectivement des indemnités-maladie, de 3'800 fr. en 2019, 4'900 fr. en 2020 et 4'750 fr. en 2021, auxquels s’ajoutaient des revenus locatifs de la villa qu’il possédait à K______ (France), issus des plateformes F______ et L______, de 1'300 fr. par mois en moyenne. Sur ce dernier point, la Cour a retenu que ces revenus locatifs étaient variables d'année en année, tout comme le taux de change; elle a procédé à une moyenne sur deux années et arrêté le montant en équité (1'525 fr. 40 + 1'073 fr. 40 = 2'598 fr. 80 / 2 = 1'299 fr. 40).

Les charges de A______ ont été arrêtées à 3'588 fr., comprenant 1'200 fr. de montant de base OP, 743 fr. de loyer, 500 fr. de prime d'assurance maladie, 145 fr. de frais de transport, 450 fr. de frais divers relatifs à la maison à K______ et 550 fr. d'intérêts hypothécaires. Les impôts ont été écartés comme non rendus vraisemblables.

La Cour ne s'est pas prononcée sur l'imputation d'un revenu hypothétique, au motif que celui-ci serait, en tout état, quasiment équivalent aux montants des indemnités prises en compte.

En revanche, elle a imputé un revenu hypothétique progressif à la mère des mineurs, sans emploi et au bénéfice de l'aide sociale, dès le 1er septembre 2023, date d'entrée à l'école de C______.

e. A______ a déposé, le 28 avril 2023 en conciliation, puis introduit le 14 septembre 2023 devant le Tribunal, une action en suppression de la contribution d’entretien contre ses enfants B______ et C______, alléguant des revenus inférieurs à ceux retenus par la Cour depuis 2021, liés à une détérioration de son état de santé.

f. Dans leur réponse du 5 février 2024, B______ et C______ se sont opposés à la demande de modification de la contribution d’entretien, mettant en doute la péjoration de la situation financière de leur père.

g. Les parties ont déposé des pièces devant le Tribunal, à l'invitation de celui-ci et spontanément. Elles ont été entendues le 13 mai 2024 et ont plaidé, persistant dans leurs conclusions. La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.

D. La situation financière des parties s'établit comme suit (les montants sont arrondis):

a. Devant le Tribunal, A______ a allégué avoir exploité depuis 2002 la société M______, dissoute le ______ 2019 par suite de faillite, laquelle avait été suspendue par jugement du Tribunal du ______ 2019 faute d'actifs. Il a une formation de décorateur d'intérieur qu'il ne peut exercer car il est allergique au plâtre. Il a obtenu un diplôme de cafetier, allègue avoir toujours travaillé dans la restauration et espérait pouvoir ouvrir un établissement en qualité de gérant, projet mis à mal à cause de ses problèmes de santé.

b. Dans la décision entreprise, le Tribunal a retenu, s'agissant des points pertinents en appel, qu'en 2023, A______ avait perçu au total 31'688 fr. du chômage et de la SUVA, soit en moyenne 2'640 fr. par mois et qu'il alléguait avoir gagné en moyenne 1'370 fr. nets par mois de la location de sa maison de K______ par F______, soit des revenus totaux de quelques 4'000 fr. par mois, inférieurs à ceux retenus par la Cour dans son arrêt du 28 mai 2021. Cependant, il n’avait donné aucune explication quant à la fréquence de location de sa maison de K______, destinée à ce seul but. Or, au vu de la multiplicité actuelle des sites dédiés, ses seules allégations quant à la mise en location sur un seul site étaient insuffisantes; en outre, il lui appartenait, au vu de ses obligations familiales, de tout mettre en œuvre pour louer sa maison de manière plus régulière.

La baisse de revenus de A______ était liée à la décision de la SUVA de cesser toute indemnisation en décembre 2023, selon décision du 12 décembre 2023, confirmée par décision du 20 mars 2024 et par la non-reconnaissance, à ce jour, d’une éventuelle invalidité par l’Assurance Invalidité (AI). Le précité avait dès lors une capacité de gain lui permettant de percevoir des revenus identiques à ceux retenus par la Cour en 2021. Si une invalidité entière devait lui être reconnue, il bénéficierait alors de rentes AI, notamment pour ses enfants, qui se substitueraient à son obligation d’entretien (art. 285a al. 3 CC). Partant, sa situation financière ne s'était pas péjorée de manière durable.

c. Dans le cadre de son appel, A______ fait état de sa situation financière depuis le 1er février 2024, sans remettre en cause de manière motivée celle retenue par le Tribunal pour les années précédentes, sous réserve des montants perçus pour la location de sa maison à K______ (voir infra).

Du 1er février au 30 avril 2024, il a perçu des prestations mensuelles de l'Hospice général de 3'550 fr. à titre d'avance. Il expose avoir "quitté l'Hospice général" depuis le 1er mai 2024, "en prévision de percevoir des indemnités de chômage" pour la période de juin à septembre 2024, précisant "ne plus percevoir de salaire fixe" depuis le 1er mai 2024.

Le 17 avril 2024, il a donné ordre de paiement à l'Office de l'assurance-invalidité de verser à l'Hospice général, en remboursement des avances perçues, les indemnités journalières qui devaient lui être versées avec effet rétroactif dans la mesure où elles couvriraient la même période.

Par décision du 4 juin 2024, l'Hospice général a réclamé à A______ le remboursement des prestations susmentionnées, au motif qu'il ne remplissait plus les conditions d'octroi de l'aide financière.

Le 19 juillet 2024, l'Office cantonal de l'emploi (ci-après: l'OCE) a déclaré que A______ était apte au placement pour un emploi à 100% dès le 1er juin 2024. Il ressort de cette décision que A______ avait été en incapacité de travail totale de manière quasi continue de septembre 2021 à juin 2024. Il s'était inscrit auprès de l'Office le 13 mai 2024, et, bien qu'en incapacité de travail totale (suite à un accident), avait déclaré être disposé à travailler à 100%, si son état de santé le lui permettait et s'il trouvait un emploi qui respectait ses limitations de santé. L'AI avait rejeté sa demande de prise en charge du 12 janvier 2022, décision contre laquelle il allait faire opposition.

Le 29 juillet 2024, A______, se fondant sur la décision précitée de l'OCE, a sollicité des prestations de chômage.

Entretemps, le 12 juillet 2024, il a été engagé par N______ SA, du 19 août 2024 au 31 août 2025, en qualité de chauffeur accompagnant durant les périodes scolaires, à raison de 35%, du 1er septembre 2024 au 30 juin 2025, pour un salaire mensuel de 1'495 fr., vacances comprises. Hors périodes scolaires, sa rémunération est de 26 fr. 34 de l'heure, pour un travail sur appel.

Il a touché de son employeur 1'203 fr. nets en septembre 2024 et 945 fr. nets en octobre 2024.

d. Selon un rapport de E______ du 22 juillet 2024, A______ souffre d'un "risque augmenté de spondylarthropathie (20x)". Il est suivi par le Dr O______ depuis le 12 juillet 2024, lequel a établi un certificat médical le 6 septembre 2024, confirmant l'existence très probable d'une spondylarthrite axiale, un traitement étant en cours.

Le Dr P______ a certifié, les 22 octobre et 28 novembre 2024, que A______ était en incapacité de travail à 80% depuis le 1er octobre 2024, avec une reprise probable à 100% dès le 1er décembre 2024.

e. Concernant ses revenus locatifs, l'appelant se plaint de ce que le Tribunal n'a pas pris en compte les charges fixes liées à ses activités F______, lesquelles devaient être déduites des montants perçus à ce titre. Il a produit une liasse de pièces, non numérotées, dont ressortirait un chiffre d'affaires de 14'290 EUR en 2023 et 11'545 EUR en 2024, pour la location de sa maison de K______, charges déduites, selon mentions manuscrites de sa main sur des décomptes de la plateforme de location.

f. Selon les pièces produites en appel, les contributions pour les enfants sont payées par le SCARPA depuis novembre 2021. En 2022, A______ n'a versé au SCARPA qu'une partie des montants dus. Les contributions de 2023 ont été acquittées en 2024, par des versements, en mains du SCARPA, de 1'900 fr. en avril, 850 fr. en mai et juillet, 800 fr. en août et 1'700 fr. en septembre. Il s'est en revanche acquitté de la totalité des contributions dues en 2024, toujours en mains du SCARPA, soit 1'650 fr. par mois, grâce à l'aide de tiers, pour éviter la saisie de son bien immobilier, selon ses allégations.

 

EN DROIT

1. 1.1 Le jugement entrepris ayant été communiqué aux parties avant le 1er janvier 2025, la présente procédure d'appel demeure régie par l'ancien droit de procédure (art. 404 al. 1 et 405 al. 1 CPC), sous réserve des dispositions d'application immédiate énumérées à l'art. 407f CPC.

1.2 Le jugement querellé est une décision finale de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC), rendue dans une affaire patrimoniale, dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions était supérieure à 10'000 fr. (art. 92 al. 2 et 308 al. 2 CPC). La voie de l'appel est ainsi ouverte.

1.3 Les intimés soutiennent que l'appel est irrecevable, l'appelant ne mentionnant pas les passages du jugement qu'il critique, se limitant à renvoyer aux moyens soulevés en première instance, et faisant état de manière générale des revenus tirés de la location de son bien immobilier et de ses ennuis de santé.

1.3.1 L'appel, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance d'appel dans les 30 jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 311 al. 1 CPC).

Il peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et/ou constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC).

Pour satisfaire à l'obligation de motivation résultant de l'art. 311 al. 1 CPC, l'appelant doit démontrer le caractère erroné de la motivation de la décision attaquée et son argumentation doit être suffisamment explicite pour que l'instance d'appel puisse la comprendre, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision qu'il attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1). Même si l'instance d'appel applique le droit d'office (art. 57 CPC), le procès se présente différemment en seconde instance, vu la décision déjà rendue. L'appelant doit donc tenter de démontrer que sa thèse l'emporte sur celle de la décision attaquée. Il ne saurait se borner à simplement reprendre des allégués de fait ou des arguments de droit présentés en première instance, mais il doit s'efforcer d'établir que, sur les faits constatés ou sur les conclusions juridiques qui en ont été tirées, la décision attaquée est entachée d'erreurs. Il ne peut le faire qu'en reprenant la démarche du premier juge et en mettant le doigt sur les failles de son raisonnement. A défaut, son recours est irrecevable. Ainsi, lorsque la motivation de l'appel est identique aux moyens qui avaient déjà été présentés en première instance, avant la reddition de la décision attaquée, ou si elle ne contient que des critiques toutes générales de la décision attaquée ou encore si elle ne fait que renvoyer aux moyens soulevés en première instance, elle ne satisfait pas aux exigences de l'art. 311 al. 1 CPC et l'instance d'appel ne peut entrer en matière (arrêt du Tribunal fédéral 4A_463/2023 du 24 avril 2024 consid. 4.1 et les références citées).

Ni la maxime inquisitoire illimitée ni la maxime d'office ne libèrent les parties de l'obligation de motiver formellement les actes adressés à l'instance d'appel (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_236/2016; 5A_239/2016 du 15 janvier 2018 consid. 3.2.3 et 3.3.3).

1.3.2 En l'espèce, l'appelant conclut à la suppression des contributions d'entretien dues aux intimés, au motif que, contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal, sa situation financière se serait péjorée de manière durable. Interprété avec indulgence, s'agissant d'un justiciable qui comparaît en personne, l'appel sera déclaré recevable.

Il en va de même des autres écritures des parties, déposées dans le délai légal ou ceux impartis par la Cour, à l'exclusion du courrier du 1er mars 2025, déposé après que la cause ait été gardée à juger.

2. L'appelant a produit des pièces non soumises au Tribunal.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b).

Dans les causes de droit matrimonial concernant les enfants mineurs, où les maximes d'office et inquisitoire illimitée s'appliquent, tous les novas sont admis, même si les conditions de l'art. 317 al. 1 CPC ne sont pas réunies
(ATF 144 III 349 consid. 4.2.1).

2.2 Les pièces nouvelles produites par l'appelant à l'appui de ses écritures recevables, utiles pour fixer la contribution d'entretien des intimés, sont recevables, ainsi que les allégués de fait s'y rapportant. Il en a été tenu compte dans l'état de faits ci-dessus.

3. L'appelant fait grief au premier juge d'avoir considéré que sa situation financière ne s'était pas péjorée de manière durable depuis l'arrêt de la Cour du 28 mai 2021. Il critique les montants retenus au titre de ses revenus, uniquement pour l'année 2024, ainsi que les revenus locatifs imputés.

3.1 En matière de contribution due pour l'entretien d'un enfant, l'art. 286 al. 2 CC, applicable par renvoi de l'art. 134 al. 2 CC, prévoit que si la situation change notablement, le juge modifie ou supprime la contribution d'entretien à la demande du père, de la mère ou de l'enfant. Cette modification ou suppression suppose que des faits nouveaux importants et durables surviennent, qui commandent une réglementation différente.

Le fait revêt un caractère nouveau lorsqu'il n'a pas été pris en considération pour fixer la contribution d'entretien dans le jugement de divorce. Ce qui est déterminant, ce n'est pas la prévisibilité des circonstances nouvelles, mais exclusivement le fait que la contribution d'entretien ait été fixée sans tenir compte de ces circonstances futures (ATF 141 III 376 consid. 3.3.1; 138 III 289 consid. 11.1.1; 131 III 189 consid. 2.7.4 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 5A_230/2019 du 31 janvier 2020 consid. 6.1).

Le caractère notable de la modification se détermine concrètement, en fonction de chaque cas particulier. Des comparaisons en pourcentages des revenus peuvent représenter un indice utile, mais ne dispensent pas le juge d'une analyse concrète du cas d'espèce. Ainsi, la modification d'un revenu de 10 à 15% peut se révéler suffisante lorsque la capacité économique des parties est restreinte, tandis qu'une modification de revenu de 15 à 20% est nécessaire lorsque la situation économique des parties est bonne (arrêts du Tribunal fédéral 5A_93/2011 du 13 septembre 2011 consid. 6.1; 5C.197/2003 du 30 avril 2004 consid. 3, spéc. 3.3; Pichonnaz, Commentaire romand CC I, 2010, n. 33 ad art. 129 CC).

La procédure de modification n'a pas pour but de corriger le premier jugement, mais de l'adapter aux circonstances nouvelles (ATF 137 III 604 consid. 4.1.1 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 5A_230/2019 du 31 janvier 2020 consid. 6.1). Afin d'établir si on est en présence d'une situation qui s'est modifiée de manière durable et importante une comparaison doit être effectuée entre les constatations de fait et le pronostic effectués dans le jugement de divorce, d'une part, et les circonstances existant à la date du dépôt de la demande de modification du jugement de divorce, d'autre part. Un état de fait futur incertain et hypothétique ne constitue pas une cause de modification. Des éléments concrets relatifs à une modification prochaine des circonstances peuvent par contre être pris en considération, afin d'éviter autant que possible une nouvelle procédure ultérieure en modification (ATF 120 II 285 consid. 4b; arrêts du Tribunal fédéral 5A_230/2019 du 31 janvier 2020 consid. 7; 5A_487/2010 du 3 mars 2011 consid. 2.1.1, 2.2 et 2.3).

Les changements notables sont notamment une maladie de longue durée ou une invalidité, la perte d'un emploi du débirentier ou du parent gardien, un changement important de la situation économique du débiteur ou une modification de la situation familiale, telle que la naissance d'autres enfants (arrêts du Tribunal fédéral 5A_700/2019 du 3 février 2021, consid. 2.1 et 5A_35/2018 du 31 mai 2018, consid. 3.1; Perrin, Commentaire Romand CC I, n. 8 ad art. 286 CC).

La survenance d'un fait nouveau - important et durable - n'entraîne toutefois pas automatiquement une modification de la contribution d'entretien. Ce n'est que si la charge d'entretien devient déséquilibrée entre les parents, au vu des circonstances prises en compte dans le jugement précédent, en particulier si cette charge devient excessivement lourde pour le parent débirentier qui aurait une condition modeste, qu'une modification de la contribution d'entretien peut entrer en considération. Le juge ne peut donc pas se limiter à constater une augmentation ou une diminution des revenus des parties pour admettre la demande; il doit procéder à une pesée des intérêts respectifs de l'enfant et de chacun des parents pour juger de la nécessité d'une telle modification ou suppression dans le cas concret (ATF 137 III 604, consid. 4.1.1; ATF 134 III 337, consid. 2.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_230/2019 du 31 janvier 2020, consid. 6.1). Une modification ne se justifie en outre que lorsque la différence entre le montant de la contribution d'entretien nouvellement calculée et celle initialement fixée est d'une ampleur suffisante (arrêts du Tribunal fédéral 5A_230/2019 du 31 janvier 2020, consid. 6.1 et 5A_760/2016 du 5 septembre 2017, consid. 5.1 et les réf. citées).

Tant le débiteur d'entretien que le créancier peuvent se voir imputer un revenu hypothétique. Il s'agit d'inciter la personne à réaliser le revenu qu'elle est en mesure de se procurer et qu'on peut raisonnablement exiger d'elle afin de remplir ses obligations (ATF 143 III 233, consid. 3.2; ATF 137 III 102, consid. 4.2.2.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_191/2021 du 22 février 2022, consid. 5.1.2 et 5A_600/2019 du 9 décembre 2020, consid. 5.1.1).

Lorsque le juge entend tenir compte d'un revenu hypothétique, il doit examiner successivement deux conditions. Il doit d'abord déterminer si l'on peut raisonnablement exiger d'une personne qu'elle exerce une activité lucrative ou augmente celle-ci, eu égard, notamment, à sa formation, à son âge et à son état de santé. Le juge doit ensuite établir si la personne a la possibilité effective d'exercer l'activité ainsi déterminée et quel revenu elle peut en obtenir, compte tenu des circonstances subjectives susmentionnées, ainsi que du marché du travail (ATF 143 III 233 consid. 3.2; 137 III 102 consid. 4.2.2.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_1026/2021 du 27 janvier 2022 consid. 4.1; 5A_1046/2018 du 3 mai 2019 consid. 4.3).

Dans tous les cas, le minimum vital du débirentier doit être préservé
(ATF 141 III 401 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_455/2019 du 23 juin 2020 consid. 5.4.2).

3.2 En l'espèce, il est acquis que l'appelant souffre de problèmes de santé depuis de nombreuses années, lesquels ont entraîné des incapacités de travail durables depuis 2019. En effet, dans l'arrêt dont la modification est sollicitée, la Cour avait pris en compte, au titre des revenus de l'appelant, les indemnités chômage et maladies perçues par celui-ci depuis 2019. Dans la décision entreprise, le Tribunal a de même pris en compte à ce titre non pas le revenu d'un emploi salarié mais essentiellement des prestations d'assurance et indemnités chômage, retenant par ailleurs que celles-ci étaient inférieures à ce qu'elles étaient en 2021.

Ainsi, depuis le prononcé de l'arrêt dont la modification est requise, la situation de l'appelant s'est significativement péjorée. Les prestations sociales qu'il a touchées ont diminué de plus de 45%, passant de 4'750 fr. en 2021 (arrêt de la Cour du 28 mai 2021) à 2'640 fr. en 2023 (jugement querellé). Il y donc lieu d'entrer en matière sur la demande de modification de la contribution.

En 2024, bien que la situation financière de l'appelant soit confuse, pour ne pas dire opaque, l'OCE a décidé que celui-ci était en mesure de travailler à 100%; de plus, l'AI a rejeté sa demande de rente, le recours contre cette décision étant toutefois encore pendant. L'appelant travaille à temps très partiel depuis septembre 2024, pour un revenu d'environ 1'100 fr. par mois et a de nouveau été en incapacité de travail en novembre et décembre 2024. Il ne ressort pas du dossier que l'appelant aurait touché d'autres prestations en sus de son salaire. Ses problèmes de santé persistent, sans que l'on sache s'ils s'aggravent, comme allégué.

L'appelant n'a fourni aucune explication sur les raisons pour lesquelles il ne travaille qu'à 35%, en qualité de chauffeur (activité apparemment compatible avec son état de santé). Pour un emploi à plein temps, en cette même qualité, son revenu mensuel serait de l'ordre de 3'200 fr., montant qu'il convient de lui imputer à titre de revenu hypothétique. Au vu des décisions précitées de l'OCE et de l'AI, il doit être considéré que l'appelant peut travailler à temps plein, pour autant que l'activité soit compatible avec ses problèmes de santé.

S'agissant des revenus tirés de la location de la maison dont il est propriétaire à K______, la Cour les avait estimés, dans son arrêt de mai 2021, à 1'300 fr. par mois en moyenne. En appel, l'appelant allègue, pièces à l'appui, un revenu locatif de cet ordre (14'290 EUR en 2023 et 11'545 EUR en 2024). Le Tribunal avait quant à lui retenu un revenu locatif hypothétique supérieur à l'appelant, qu'il n'a pas chiffré, mais censé compenser la baisse des revenus constatée.

S'il est vrai, comme l'a retenu le Tribunal, qu'il existe de nombreux sites de location, celui-ci ne pouvait, pour ce seul motif, imputer à l'appelant un revenu locatif hypothétique, faute d'autres éléments concrets. Ainsi, c'est le montant de 1'300 fr. par mois qui doit être retenu, cas échéant à titre de revenu locatif hypothétique. Il peut en effet être exigé de l'appelant qu'il loue sa maison pour qu'elle lui rapporte un revenu de l'ordre de celui réalisé de 2019 à 2021.

Ce montant, ajouté au revenu hypothétique de 3'200 fr., permet d'arrêter les revenus de l'appelant à 4'500 fr. Après déduction de ses charges non contestées de 3'600 fr. (montant arrondi), son disponible est de 900 fr. La totalité de ce montant doit être affectée à l'entretien des intimés, dont les coûts effectifs, supérieurs à 450 fr. chacun, ne sont pas contestés. Ainsi, l'appelant sera condamné à verser à chacun des intimés, par mois et d'avance, allocations familiales non comprises, la somme de 450 fr.

Dans la mesure où, dans son appel, l'appelant n'a formulé des griefs qu'en relation avec sa situation financière depuis janvier 2024, sans remettre en cause de façon motivée les contributions fixées pour la période antérieure à cette date, le dies a quo sera fixé dès le 1er janvier 2024.

3. 3.1 Lorsqu'elle statue à nouveau, l'instance d'appel se prononce sur les frais de première instance, y compris les dépens (art. 318 al. 3 CPC).

En l'occurrence, les frais judiciaires de première instance ont été fixés à 1'410 fr. et mis à la charge de l'appelant.

Le montant n'est pas contesté dans sa quotité et est conforme aux règles applicables. Il sera donc confirmé. Au vue de l'issue du litige, et vu la nature familiale de celui-ci, ces frais seront répartis à raison de la moitié à charge de chacune des parties. Ils seront compensés partiellement avec l'avance de 1'200 fr., fournie par l'appelant. La part des intimés, pris conjointement, en 705 fr., sera provisoirement laissée à la charge de l'Etat, ceux-ci plaidant au bénéfice de l'assistance juridique. Le solde de l'avance fournie par l'appelant lui sera restitué.

Il ne sera pas alloué de dépens de première instance, par identité de motifs.

3.2 Les frais de la procédure d’appel seront fixés à 1’000 fr. (art. 32 et 35 RTFMC). Ils seront répartis par moitié entre les parties, compte tenu de la nature et de l'issue du litige. Ils seront compensés partiellement avec l'avance opérée. La part incombant aux intimés sera cependant laissée provisoirement à la charge de l'Etat, ceux-ci plaidant au bénéfice de l'assistance juridique. Le solde de l'avance fournie par l'appelant lui sera restitué (art. 111 et 122 al. 1 let. c CPC).

Pour les mêmes motifs, il n'y a pas lieu à l'allocation de dépens d'appel.

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ le 14 août 2024 contre le jugement JTPI/7421/2024 rendu le 14 juin 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/9099/2023.

Au fond :

Annule ce jugement.

Cela fait, statuant à nouveau :

Modifie le dispositif de l'arrêt de la Cour ACJC/769/2021 du 28 mai 2021 en ce qu'il condamne A______ à verser en mains de D______, par mois et d'avance, allocations familiales ou d'études en sus, à titre de contribution d'entretien en faveur de l'enfant B______, les montants de 875 fr. du 1er septembre 2023 au 30 novembre 2025, de 1'025 fr. du 1er décembre 2025 au 31 août 2031, et de 550 fr. du 1er septembre 2031 jusqu'au 30 novembre 2033, voire au-delà en cas de formation professionnelle ou d'études sérieuses et régulières.

Cela fait, statuant à nouveau sur ce point :

Condamne A______ à verser en mains de D______, par mois et d'avance, allocations familiales ou d'études en sus, à titre de contribution d'entretien en faveur de l'enfant B______, les montants suivants :

- 875 fr. du 1er septembre 2023 au 31 décembre 2023;

- 450 fr. du 1er janvier 2024 au 30 novembre 2033, voire au-delà en cas de formation professionnelle ou d'études sérieuses et régulières.

Modifie le dispositif de l'arrêt de la Cour ACJC/769/2021 du 28 mai 2021 en ce qu'il condamne A______ à verser en mains de D______, par mois et d'avance, allocations familiales ou d'études en sus, à titre de contribution d'entretien en faveur de l'enfant C______, les montants de 775 fr. du 1er septembre 2023 au 31 décembre 2028, de 1'025 fr. du 1er janvier 2029 au 31 août 2031 et de 550 fr. du 1er septembre 2031 jusqu'au 31 décembre 2036, voire au-delà en cas de formation professionnelle ou d'études sérieuses et régulières

Cela fait, statuant à nouveau sur ce point :

Condamne A______ à verser en mains de D______, par mois et d'avance, allocations familiales ou d'études en sus, à titre de contribution d'entretien en faveur de l'enfant C______, les montants suivants :

- 775 fr. du 1er septembre 2023 au 31 décembre 2023;

- 450 fr. du 1er janvier 2024 au 31 décembre 2036, voire au-delà en cas de formation professionnelle ou d'études sérieuses et régulières.

Confirme cet arrêt pour le surplus.

Arrête les frais judiciaires à 1'410 fr. et les compense, à concurrence de 705 fr., avec l'avance fournie de 1'200 fr. par A______.

Les met à la charge de A______, d'une part, et de B______ et C______, pris conjointement, d'autre part, à raison d'une moitié chacun.

Dit que la part des frais mise à la charge de B______ et C______ est provisoirement supportée par l'Etat de Genève.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à A______ le solde de son avance de 495 fr.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais d'appel :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'000 fr., et les compense à hauteur de 500 fr. avec l'avance fournie par A______.

Les met à la charge de A______, d'une part, et de B______ et C______, pris conjointement, d'autre part, à raison d'une moitié chacun.

Dit que la part des frais mise à la charge de B______ et C______ est provisoirement supportée par l'Etat de Genève.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à A______ le solde de son avance de 500 fr.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD, Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.